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21/06/2022 | FRANCE | N°22BX00130

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre, 21 juin 2022, 22BX00130


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 9 juillet 2021 par lequel le préfet de la Dordogne a refusé de renouveler son titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", lui a fait obligation de quitter le territoire, a fixé un délai de départ volontaire de trente jours et fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2103977 du 28 octobre 2021, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

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Par une requête, enregistrée le 13 janvier 2022, M. B..., représenté par Me Kaoula deman...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 9 juillet 2021 par lequel le préfet de la Dordogne a refusé de renouveler son titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", lui a fait obligation de quitter le territoire, a fixé un délai de départ volontaire de trente jours et fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2103977 du 28 octobre 2021, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 13 janvier 2022, M. B..., représenté par Me Kaoula demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 28 octobre 2021 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 9 juillet 2021 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Dordogne, de réexaminer sa demande de délivrance d'un titre de séjour dans un délai de 15 jours à compter de la notification de la décision à rendre, sous astreinte de 100 euros par jour retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

En ce qui concerne la régularité du jugement :

- le tribunal administratif n'a pas répondu au moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 313-11 alinéa 6° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le tribunal a jugé que l'arrêté portant refus de renouvellement de son titre de séjour n'était pas entaché d'une erreur manifeste d'appréciation alors que ce moyen n'était pas soulevé ;

En ce qui concerne l'arrêté du 9 juillet 2021 pris dans son ensemble :

- il n'est pas suffisamment motivé et le préfet n'a pas procédé à un examen de sa situation particulière ;

- il méconnaît le droit d'être entendu, résultant de l'article 41§2 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

En ce qui concerne le refus de renouvellement du titre de séjour :

- l'arrêté attaqué méconnait les dispositions de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et du 6° de l'article L. 313-11 du même code dès lors qu'il contribuait effectivement à l'entretien et à l'éducation de sa fille ;

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle méconnaît les dispositions du 6° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'il contribue effectivement à l'entretien et à l'éducation de sa fille ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît les stipulations des articles 3 et 8 de la convention internationale des droits de l'enfant.

Par un mémoire en défense, enregistré le 5 avril 2022, le préfet de la Dordogne conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 21 mars 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 10 mai 2022 à 12 heures.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 16 décembre 2021 du bureau de l'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Bordeaux.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. C... D... .

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant marocain né en 1984, déclare être entré en France le 1er mars 2010. Il est devenu père d'une enfant française, le 16 août 2018. Par un arrêté du 9 juillet 2021, le préfet de la Dordogne a refusé de renouveler son titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " qu'il avait obtenu sur le fondement du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et dont la validité expirait au 1er avril 2021, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. B... relève appel du jugement du 28 octobre 2021 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, le tribunal a répondu aux points 5 et 6 de son jugement au moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en vigueur à la date de l'adoption de l'arrêté attaquée. Par suite, et dès lors que ces dispositions s'étaient substituées à la date de l'arrêté attaqué à celles précédemment édictées à l'article L. 313-11 alinéa 6° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le tribunal n'a pas omis de répondre au moyen soulevé tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-11 alinéa 6° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

3. En second lieu, en admettant même que le tribunal se soit prononcé sur un moyen non soulevé par le requérant tiré de ce que l'arrêté portant refus de renouvellement de son titre de séjour est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation, cette circonstance n'est pas de nature à entacher d'irrégularité son jugement.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne l'arrêté dans son ensemble :

4. En premier lieu, M. B... reprend en appel, dans des termes identiques, sans apporter d'éléments de fait ou de droit nouveaux par rapport à l'argumentation développée en première instance et sans critiquer utilement la réponse qui lui a été apportée par le tribunal administratif, les moyens tirés du défaut de motivation de la décision en litige et de la méconnaissance du droit d'être entendu résultant de l'article 41§2 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs pertinents retenus par les premiers juges.

5. En second lieu, il en résulte que l'arrêté n'est pas entaché d'un défaut d'examen de la situation personnelle du requérant.

En ce qui concerne la décision portant refus de séjour :

6. Aux termes de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en vigueur à la date l'arrêté attaqué : " L'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant mineur résidant en France et qui établir contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil, depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. " Aux termes de l'article 371-2 du code civil : " Chacun des parents contribue à l'entretien et à l'éducation des enfants à proportion de ses ressources, de celles de l'autre parent, ainsi que des besoins de l'enfant. (...) ". Aux termes de l'article 373-2-2 du code civil : " I. - En cas de séparation entre les parents, ou entre ceux-ci et l'enfant, la contribution à son entretien et à son éducation prend la forme d'une pension alimentaire versée, selon le cas, par l'un des parents à l'autre, ou à la personne à laquelle l'enfant a été confié. Les modalités et les garanties de cette pension alimentaire sont fixées par : / 1° Une décision judiciaire ; / 2° Une convention homologuée par le juge ; / 3° Une convention de divorce ou de séparation de corps par consentement mutuel selon les modalités prévues à l'article 229-1 ; / 4° Un acte reçu en la forme authentique par un notaire ; / 5° Une convention à laquelle l'organisme débiteur des prestations familiales a donné force exécutoire en application de l'article L. 582-2 du code de la sécurité sociale. / Il peut être notamment prévu le versement de la pension alimentaire par virement bancaire ou par tout autre moyen de paiement ".

7. Il résulte de l'instruction que M. B..., est le père d'une enfant française, Lina, née le 16 août 2018 à Bordeaux, issue de sa relation avec une française, dont il est séparé depuis le 16 avril 2019. L'enfant est domicilié à Bergerac, chez sa mère et aucune décision de justice, ni même une convention, ne fixe la contribution du père à sa fille. Pour établir qu'il contribue à l'entretien et l'éducation de sa fille, M. B..., se prévaut d'attestations de la mère de l'enfant, de ses deux sœurs et d'un ami, selon lesquelles il entretient de bonnes relations avec sa fille en lui rendant visite régulièrement notamment les week-ends et durant les vacances et en accompagnant celle-ci lors de rendez-vous médicaux. L'une de ses sœurs atteste également qu'il réside chez elle à Bergerac. Le requérant fait aussi état d'un contrat de travail à durée déterminée saisonnier en date du 12 juillet 2021 signé avec une entreprise agricole. Il ressort toutefois des procès-verbaux de l'enquête de police des 14 et 15 janvier 2021, qu'à cette date, M. B..., ne résidait pas dans le département de la Dordogne, demeurait et travaillait à Libourne, ne versait aucune pension alimentaire pour sa fille, n'avait été hébergé par sa sœur que les premiers temps suivant sa séparation avec la mère de l'enfant et ne voyait plus son enfant depuis plusieurs mois. En outre, les attestations précitées n'établissent qu'une contribution très ponctuelle de M. B... à l'éducation de son enfant. Dans ces conditions, le préfet de la Dordogne a fait une exacte application des dispositions précitées en estimant que la condition qu'elles prévoient, à savoir une contribution effective à l'entretien et à l'éducation de l'enfant depuis au moins deux ans, n'était pas remplie et en rejetant, pour ce motif, la demande de titre de séjour présentée par l'intéressé.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français sans délai :

8. En premier lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en vigueur à la date de l'adoption de l'arrêté attaquée : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : (...) 5° L'étranger qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans ; ".

9. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 7 du présent arrêt, le moyen tiré de ce que la décision d'éloignement méconnaitrait les dispositions du 5° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

10. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule que : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

11. Il ressort des pièces du dossier qu'à la date de l'arrêté attaqué, M. B... était le père d'une jeune enfant française résidant chez sa mère, dont il n'établit pas qu'il contribue régulièrement à son entretien et son éducation. En outre, il ressort des pièces du dossier qu'il n'exerce que des emplois saisonniers qui ne caractérisent pas une situation professionnelle stable et qu'il a vécu jusqu'à l'âge de 25 ans au Maroc, où il ne conteste pas qu'y vivent encore plusieurs membres de sa famille. Il n'établit pas davantage vivre en France de façon continue depuis 2010, comme il le prétend. Dans ces conditions, l'arrêté attaqué ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit de M. B... au respect de sa vie privée et familiale, et ce dernier n'est donc pas fondé à soutenir que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ont été méconnues.

12. En quatrième lieu, les stipulations de l'article 8 de convention internationale sur les droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 selon lesquelles " Les États parties s'engagent à respecter le droit de l'enfant de préserver son identité, y compris sa nationalité, son nom et ses relations familiales, tels qu'ils sont reconnus par la loi, sans ingérence illégale. ", créent seulement des obligations entre États, sans ouvrir de droits aux intéressés, et ne sauraient être utilement invoquées par M. B... à l'encontre de l'arrêté contesté.

13. En dernier lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Elles sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation.

14. Si le requérant fait valoir que son éloignement aurait pour conséquence d'aggraver l'état de santé physique et physiologique de sa fille, il n'établit toutefois pas, comme il a été détaillé au point 7 du présent arrêt, l'intensité de ses liens avec son enfant et ne démontre pas davantage les conséquences qu'aurait leur séparation pour l'équilibre de l'enfant. Par suite, la décision contestée ne méconnaît pas les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

15. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fins d'injonction et celles tendant à ce que l'Etat soit condamné au versement d'une somme d'argent au titre des frais de justice ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Dordogne.

Délibéré après l'audience du 24 mai 2022 à laquelle siégeaient :

Mme Evelyne Balzamo, présidente,

M. Nicolas Normand, premier conseiller,

M. Michaël Kauffmann, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 juin 2022.

Le rapporteur,

Nicolas D... La présidente,

Evelyne Balzamo Le greffier,

Camille Péan La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 22BX00130


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22BX00130
Date de la décision : 21/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BALZAMO
Rapporteur ?: M. Nicolas NORMAND
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : KAOULA

Origine de la décision
Date de l'import : 28/06/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-06-21;22bx00130 ?
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