Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... C... épouse A... a demandé au tribunal administratif de Poitiers de prononcer la décharge de l'obligation de payer résultant des avis à tiers détenteur émis le 12 juin 2017 par le comptable public de la trésorerie de Formerie-Songeon auprès des caisses de retraite de Mme A..., portant sur des cotisations d'impôt sur le revenu des années 1988, 1989 et 1993.
Par un jugement n° 1702370 du 15 octobre 2019, le tribunal a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 9 et 11 décembre 2019, Mme A... représentée par Me Rodier demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 15 octobre 2019 ;
2°) de prononcer la décharge de l'obligation de payer qui a fait l'objet des avis à tiers détenteur émis le 12 juin 2017, portant sur des cotisations d'impôt sur le revenu des années 1988, 1989 et 1993 ;
3°) d'enjoindre à l'administration la restitution des sommes perçues en exécution de cet avis à tiers détenteur et notamment la somme de 91 141,14 euros, sous astreinte de 20 euros par jour de retard et d'ordonner si la cour l'estime utile, une nouvelle expertise comptable déterminant le trop-perçu à rembourser à Mme A... ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision de rejet de l'administration à son recours administratif préalable n'est pas suffisamment motivée ;
- elle n'est pas la redevable de l'impôt ;
- l'administration doit donner le résultat de la contestation de la taxation d'office pour l'impôt sur le revenu 1993 et les éléments d'assiette utiles ;
- l'action en recouvrement est prescrite en application des articles L. 274 et L. 275 du livre des procédures fiscales ; elle était prescrite avant la déclaration de créance faite au liquidateur en juin 2004 ; d'ailleurs, c'est M. A... qui était concerné par la procédure de recouvrement ; il n'est pas conforme à l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales de considérer que la déclaration de créance suspend les poursuites et le recouvrement à l'égard de Mme A... ;
- la somme ne peut lui être réclamée car elle est en lien avec la procédure de liquidation judiciaire de son époux ;
- la somme en litige a déjà, pour partie, été recouvrée ;
- le trésor public n'a fait aucune démarche pour être payé dans le cadre de la liquidation.
Par un courrier du 12 février 2020, la directrice régionale des finances Publiques d'Aquitaine et du département de la Gironde demande à la cour administrative d'appel de Bordeaux de décliner sa compétence.
Par un mémoire en défense, enregistré le 10 juin 2020, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 30 mars 2021, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 15 avril 2021 à 12 heures.
Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle par décision du 1er octobre 2021 du bureau de l'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Bordeaux.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts ;
- le livre des procédures fiscales ;
- le code de commerce ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Nicolas Normand,
- et les conclusions de Mme Cécile Cabanne, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. D... A... et Mme B... A... ont fait l'objet de rappels d'impôts sur le revenu au titre des années 1988, 1989 et 1993. Par un jugement du tribunal de commerce de Gournay en Bray du 1er février 1996, la société BTPM, au sein de laquelle M. A... avait été embauché en qualité de comptable, a été placée en liquidation judiciaire. Par un arrêt du 20 juillet 2000 infirmant un jugement du tribunal de commerce du 15 octobre 1998, la cour d'appel de Rouen a désigné M. A... gérant de fait de la société BTPM et a prononcé à son encontre une procédure de liquidation judiciaire et sa faillite personnelle pour une durée de 15 ans. Par arrêt du 1er avril 2004, la cour d'appel de Rouen a débouté Monsieur A... de sa demande de rétractation de l'arrêt précité du 20 juillet 2000. Par courrier du 25 juin 2004, le comptable de la trésorerie de Formerie a adressé sa déclaration de créances à Me Leblay, liquidateur de la société BTPM, concernant notamment les dettes personnelles de M. A... dont celles relatives aux cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu. Par un arrêt du 1er avril 2006, la cour d'appel de Rouen a rectifié l'omission matérielle affectant l'arrêt rendu le 20 juillet 2000, en ajoutant au dispositif de cet arrêt que la date de cessation des paiements était fixée à la date de cessation des paiements de la société BTPM et que l'affaire était renvoyée devant le tribunal de commerce de Neufchatel en Bray pour la désignation des organes de la procédure. Par un jugement du 6 avril 2006, cette juridiction a fixé la date de cessation des paiements au 14 décembre 1995 et a désigné Me Leblay en qualité de liquidateur judiciaire de M. A.... Les rôles de ces impositions émis au nom de M. ou Mme A... ont fait l'objet de deux avis à tiers détenteur le 12 juin 2017 auprès des caisses de retraite de Mme A..., pour valoir recouvrement de la somme de 112 361,81 euros. Par une opposition à poursuites en date du 21 juillet 2017, Mme A... a contesté ces avis à tiers détenteur. Par une décision du 28 août 2017, la direction départementale des finances publiques de l'Oise a rejeté l'opposition à poursuites de Mme A.... Cette dernière relève appel du jugement du tribunal administratif de Poitiers du 15 octobre 2019 qui a rejeté sa demande tendant à la décharge de l'obligation de payer des cotisations d'impôt sur les revenus des années 1988, 1989 et 1993 résultant de ces avis à tiers détenteur.
Sur la compétence de la cour :
2. Aux termes de l'article R. 322-1 du code de justice administrative : " La cour administrative d'appel territorialement compétente pour connaître d'un appel formé contre un jugement d'un tribunal administratif est celle dans le ressort de laquelle ce tribunal a son siège ". En application de ces dispositions, la cour administrative d'appel de Bordeaux est territorialement compétente pour connaître de l'appel formé contre le jugement du tribunal administratif de Poitiers dont le siège est situé dans le ressort de la cour. Contrairement à ce que soutient la directrice régionale des finances publiques de Nouvelle-Aquitaine et du département de la Gironde dans un courrier adressé à la cour le 12 février 2020, la cour administrative d'appel de Bordeaux ne doit donc pas décliner sa compétence.
Sur les conclusions en décharge de l'obligation de payer :
En ce qui concerne la motivation de la décision de rejet de la réclamation préalable :
3. Aux termes de l'article L. 281 dans sa rédaction applicable du livre des procédures fiscales : " Les contestations relatives au recouvrement des impôts, taxes, redevances et sommes quelconques dont la perception incombe aux comptables publics compétents mentionnés à l'article L. 252 doivent être adressées à l'administration dont dépend le comptable qui exerce les poursuites. Les contestations ne peuvent porter que : 1° Soit sur la régularité en la forme de l'acte ; 2° Soit sur l'existence de l'obligation de payer, sur le montant de la dette compte tenu des paiements effectués, sur l'exigibilité de la somme réclamée, ou sur tout autre motif ne remettant pas en cause l'assiette et le calcul de l'impôt. Les recours contre les décisions prises par l'administration sur ces contestations sont portés, dans le premier cas, devant le juge de l'exécution (1), dans le second cas, devant le juge de l'impôt tel qu'il est prévu à l'article L. 199. ". Aux termes de l'article R. 281-1 dans sa rédaction applicable du même livre : " Les contestations relatives au recouvrement prévues par l'article L. 281 peuvent être formulées par le redevable lui-même ou la personne solidaire. Elles font l'objet d'une demande qui doit être adressée, appuyée de toutes les justifications utiles, en premier lieu, au chef du service du département ou de la région dans lesquels est effectuée la poursuite. Le chef de service compétent est : a) Le directeur départemental des finances publiques ou le responsable du service à compétence nationale si le recouvrement incombe à un comptable de la direction générale des finances publiques. (...) ". Aux termes de l'article R. 281-3-1 dans sa rédaction applicable du livre des procédures fiscales précité : " La demande prévue à l'article R. 281-1 doit, sous peine d'irrecevabilité, être présentée [...] dans un délai de deux mois à partir de la notification : a) De l'acte de poursuite dont la régularité en la forme est contestée ; b) De tout acte de poursuite si le motif invoqué porte sur l'obligation de payer ou le montant de la dette ; c) Du premier acte de poursuite permettant d'invoquer tout autre motif. ".
4. Pour contester l'avis à tiers détenteur qui lui a été notifié, Mme A... soutient que la décision du directeur départemental des finances publiques n'était pas suffisamment motivée. Il résulte toutefois des dispositions précitées que la décision par laquelle l'administration rejette une contestation en matière de recouvrement, si elle doit mentionner les délais de recours impartis au redevable et lui indiquer, quand la contestation est fondée en tout ou partie sur l'un des motifs mentionnés au 2° de l'article L. 281 du livre des procédures fiscales, qu'il peut dans ces délais saisir le juge de l'impôt, elle n'est en revanche soumise à aucune obligation de motivation particulière s'agissant des raisons ayant conduit à ne pas y faire droit. En tout état de cause, les vices qui peuvent entacher la décision par laquelle le chef de service compétent rejette une réclamation relative au recouvrement d'impositions sont sans incidence sur les questions que le contribuable peut soumettre au juge de l'impôt dans le cadre défini à l'article L. 281, 2° du livre des procédures fiscales. Par suite, le moyen tiré d'une motivation insuffisante de la réponse du 21 août 2017 doit être écarté comme inopérant.
En ce qui concerne la détermination du redevable légal de l'impôt et la contestation de l'assiette de l'imposition :
5. Le moyen par lequel un contribuable à l'encontre duquel le comptable public a poursuivi le recouvrement d'impositions soutient qu'il n'est pas le redevable légal de ces impositions est relatif au contentieux de l'assiette. Il ne peut, en vertu des dispositions de l'article L. 281 du livre des procédures fiscales, être présenté à l'appui d'une demande de décharge de l'obligation de payer. Mme A... n'est donc pas fondée à soutenir qu'elle n'est pas la redevable de l'impôt.
6. Le résultat de la contestation de la taxation d'office pour l'impôt sur le revenu 1993 a trait à l'assiette de l'imposition. Mme A... n'est donc pas fondée à demander que l'administration lui donne le résultat de la contestation de cette taxation d'office et plus généralement la communication de tout élément relatif à l'assiette de l'impôt.
En ce qui concerne l'exigibilité de l'impôt :
7. Aux termes de l'article 1685 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à l'année d'imposition en litige et désormais codifié à l'article 1691 bis du code général des impôts : " 2. Chacun des époux est tenu solidairement au paiement de l'impôt sur le revenu (...). ".
8. Il résulte de l'instruction et notamment d'extraits des rôles d'imposition et du bordereau de situation produits par l'administration fiscale que les avis à tiers détenteur contestés portent sur des rappels d'impôts sur le revenu des années 1988, 1989 et 1993, mis en recouvrement par voie de rôles notifiés les 30 avril 1992, 15 juin 1992, 31 octobre 1996 et 15 décembre 1996. Contrairement à ce que soutient Mme A..., elle est solidairement tenue, en application des dispositions précitées, au paiement de ces suppléments d'impositions mis à la charge de son foyer fiscal, la circonstance que son époux ait été désigné par un arrêt du 20 juillet 2000 de la cour d'appel de Rouen, d'ailleurs postérieur aux dates de mises en recouvrement précitées, gérant de fait de la société BTPM et ait été placé en situation de liquidation judiciaire et de faillite personnelle pour une durée de 15 ans, n'ayant aucune influence sur l'obligation qui pèse sur Mme A... de payer ces impositions. Le comptable public n'avait donc pas à s'adresser au liquidateur de M. A... pour obtenir le règlement des dettes fiscales en cause et Mme A... n'est pas fondée à soutenir que ces impositions ne sont pas exigibles auprès d'elle.
En ce qui concerne la prescription de l'action en recouvrement :
9. D'une part, aux termes de l'article R. 281-5 du livre des procédures fiscales : " Le juge se prononce exclusivement au vu des justifications qui ont été présentées au chef de service. Les redevables qui l'ont saisi ne peuvent ni lui soumettre des pièces justificatives autres que celles qu'ils ont déjà produites à l'appui de leurs mémoires, ni invoquer des faits autres que ceux exposés dans ces mémoires ". La prescription de l'action en recouvrement doit, en application du c de l'article R. 281-3-1 du livre des procédures fiscales être invoquée à l'appui de la réclamation préalable adressée à l'administration compétente dans un délai de deux mois à partir de la notification du premier acte de poursuite permettant de s'en prévaloir. Lorsqu'une réclamation a été présentée à l'administration à l'encontre de ce premier acte de poursuite sans invoquer un tel motif, le contribuable, s'il conteste devant le juge le rejet de cette réclamation, peut néanmoins invoquer devant ce juge, eu égard au premier alinéa de l'article R. 281-5 du même livre, et jusqu'à la clôture de l'instruction, la prescription de l'action en recouvrement à la condition que celle-ci n'implique l'appréciation d'aucune autre pièce justificative ou circonstance de fait que celles qu'il a produites ou exposées dans sa réclamation. Le moyen soulevé par Mme A... tiré de la prescription de l'action en recouvrement du comptable public ne doit donc pas impliquer l'appréciation de pièces justificatives ou de circonstances de fait qu'il lui eût appartenu de produire ou d'exposer dans sa réclamation adressée au centre des finances publiques de Formerie le 21 juillet 2017.
10. D'autre part, aux termes de l'article L. 274 dans sa rédaction applicable du livre des procédures fiscales : " Les comptables du Trésor qui n'ont fait aucune poursuite contre un contribuable retardataire pendant quatre années consécutives, à partir du jour de la mise en recouvrement du rôle, perdent leur recours et sont déchus de tous droits et de toute action contre ce redevable. / Le délai de quatre ans mentionné au premier alinéa, par lequel se prescrit l'action en recouvrement, est interrompu par tous actes comportant reconnaissance de la part du contribuable et par tous actes interruptifs de la prescription. ". Aux termes de l'article L. 621-40 du code de commerce, dans sa version en vigueur à la date du jugement d'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire à l'encontre de M. A... : " I. Le jugement d'ouverture suspend ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance a son origine antérieurement audit jugement et tendant : / 1° à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent (...) / II. Il arrête ou interdit également toute voie d'exécution de la part de ces créanciers tant sur les meubles que sur les immeubles. / III. Les délais impartis à peine de déchéance ou de résolution des droits sont en conséquence suspendus. ". Enfin, aux termes de l'article 2244 du code civil, alors applicable " Une citation en justice (...), un commandement ou une saisie (...) interrompent la prescription (...) " et aux termes de l'article 2249 du même code dans sa rédaction alors applicable : " L'interpellation faite (...) à l'un des débiteurs solidaires (...) interrompt la prescription contre tous les autres. " aux termes de l'article 1206 du code civil alors en vigueur : " Les poursuites faites contre l'un des débiteurs solidaires interrompent la prescription à l'égard de tous. ". Il résulte de l'ensemble de ces dispositions qu'alors que le jugement d'ouverture de la procédure collective ne suspend la prescription qu'à l'égard de la personne visée par cette procédure, l'effet interruptif de prescription d'une déclaration de créance au passif d'une procédure collective ouverte à l'encontre de l'un des débiteurs solidaires, qui produit ses effets jusqu'à l'extinction de l'instance ainsi que le précise désormais l'article 2242 du code civil, s'étend pour sa part aux autres débiteurs solidaires, pour les impositions au paiement desquelles ils sont solidairement tenus. Il en va ainsi quel que soit leur régime matrimonial et même s'ils sont séparés de biens, pour les impositions des époux dont ils sont solidairement responsables. Ces règles légales ne contreviennent pas à l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors que ce protocole ne fait pas obstacle au droit de chaque Etat de mettre en œuvre les lois qu'il juge nécessaires pour assurer le paiement des impôts et qu'aucune discrimination entre contribuables ne naît de cette situation.
11. D'une part, il résulte de l'instruction que les avis à tiers détenteur contestés portent sur des rappels d'impôts sur le revenu des années 1988, 1989 et 1993, pour un montant total de 112 361,81 euros. Il résulte des extraits de rôles d'imposition et du bordereau de situation produits par l'administration que les impositions au titre des années 1988 et 1989 ont été mises en recouvrement par voie de rôles notifiés les 30 avril 1992 et 15 juin 1992, tandis que les impositions au titre de l'année 1993 l'ont été par voie de rôle du 31 octobre 1996 et 15 décembre 1996. Ces dates de mises en recouvrement sont reprises sur la notification d'avis à tiers détenteur du 12 juin 2017. Les impositions mises en recouvrement le 30 avril 1992 et le 15 juin 1992 ont fait l'objet d'un commandement de payer suivi d'une saisie-vente le 3 septembre 1992, ayant donné lieu à un versement de 10 051,15 francs enregistré le 3 septembre 1992, et de procédures de recouvrement, les 8 avril 1993 et 1er juillet 1993. A la suite de cette première phase de recouvrement clôturée par une saisie vente le 1er juillet 1993, des actes de recouvrement ont été enregistrés entre le 15 janvier 1996 et le 30 janvier 1997, ayant donné lieu selon les chiffres non contestés donnés par l'administration à un total de versements de 36 007,69 euros. Ainsi, dès lors que ces actes de poursuite sont interruptifs de prescription, au sens des dispositions précitées de l'article L. 274 du livre des procédures fiscales, le délai de prescription doit être regardé comme ayant recommencé à courir à compter du 30 janvier 1997, dernier acte de recouvrement enregistré sur l'avis de situation produit par l'administration, pour une nouvelle durée de 4 ans. Si, en revanche, des paiements ont été encaissés selon les déclarations de l'administration entre 1994 et 2002, suite à des saisies pratiquées à des dates inconnues auprès des ASSEDIC ou à des saisie-attributions sur des comptes bancaires ouverts sur les livres de La Poste, les sommes versées par ces tiers n'emportent pas, pour leur part, reconnaissance par le redevable d'une dette interruptive de prescription.
12. D'autre part, par un arrêt du 20 juillet 2000, la cour d'appel de Rouen a retenu que M. A... pouvait être regardé comme gérant de fait de la société BTPM et l'a placé en conséquence en liquidation judiciaire, en prononçant dans le même temps sa faillite personnelle. Ce jugement n'a suspendu la prescription de l'action en recouvrement qu'à l'égard de M. A.... Si le comptable public a ensuite déclaré sa créance fiscale au liquidateur de la société BTPM le 25 juin 2004, et que l'effet interruptif de prescription de cette déclaration de créance au passif de la procédure collective qui produit ses effets à l'encontre de M. A... jusqu'à l'extinction de l'instance s'est étendu à son épouse pour les impositions au paiement desquelles elle est solidairement tenue, cet acte interruptif est toutefois intervenu après la date du 30 janvier 2001 à compter de laquelle la prescription de l'action publique était acquise à Mme A.... Cette dernière avait rappelé dans son opposition à poursuite du 24 juillet 2017, la procédure de liquidation judiciaire en cours de sorte que l'appréciation de ce constat ne résulte pas de pièces justificatives ou de circonstances de fait qu'elle n'aurait pas exposées dans sa réclamation. Ainsi, à la date d'émission des avis à tiers détenteur contestés, la prescription de l'article L. 274 du livre des procédures fiscales était acquise.
13. Il résulte de ce qui précède que dès lors que les avis à tiers détenteurs adressés aux caisse de retraite de Mme A... font grief à celle-ci dans la limite de la quotité saisissable, celle-ci est fondée à bénéficier de la décharge totale de l'obligation de payer qui a fait l'objet des avis à tiers détenteur émis le 12 juin 2017, portant sur des cotisations d'impôt sur le revenu des années 1988, 1989 et 1993.
En ce qui concerne le montant des sommes réclamées à Mme A... :
14. Mme A... soutient que la somme qui lui est réclamée ne tient pas compte de versements que le trésor public aurait reçus, à la suite notamment de la vente d'un bien immobilier situé à Fontenay Torcy. Toutefois, il résulte de l'instruction que cette cession par adjudication de ce bien a été enregistrée dans le cadre de la procédure collective mais n'a, à ce jour, fait l'objet d'aucune répartition entre créanciers par les organes de la procédure. Dès lors, par ailleurs, que Mme A... se borne à procéder par voie d'affirmation sans apporter de justificatifs de paiements distincts des acomptes mentionnés dans l'état de situation établi préalablement à la notification de l'avis à tiers détenteur et alors même que la cour d'appel d'Amiens dans un arrêt du 27 avril 2000, confirmant un jugement retenant l'existence d'une fraude paulienne, a exprimé un doute sur l'imputation des sommes par le comptable et ordonné à ce titre une expertise, le moyen tiré d'une non prise en compte de certains paiements ne peut qu'être écarté.
15. Il résulte de tout ce qui précède et notamment des points 12 et 13 du présent arrêt, et sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise comptable, que Mme A... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à la décharge de l'obligation de payer dont résultent les avis à tiers détenteur émis le 12 juin 2017 par le comptable public de la trésorerie de Formerie-Songeon, portant sur des cotisations d'impôt sur les revenus des années 1988, 1989 et 1993. Par voie de conséquence, ses conclusions à fins d'injonction de restitution des sommes perçues en exécution de ces avis à tiers détenteur doivent être accueillies. En revanche, le surplus de ces conclusions à fin d'injonction tendant à la restitution de la somme totale de 91 141,14 euros, sous astreinte de 20 euros par jour de retard ne peut être accueilli.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
16. Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle par décision du 1er octobre 2021 du bureau de l'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Bordeaux. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à Mme A... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ce versement ne valant pas renonciation de Me Rodier à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
DECIDE :
Article 1er : Mme A... est déchargée de l'obligation de payer qui a fait l'objet des avis à tiers détenteur émis le 12 juin 2017, portant sur des cotisations d'impôt sur le revenu des années 1988, 1989 et 1993.
Article 2 : Les sommes perçues en exécution des avis à tiers détenteur émis le 12 juin 2017 seront remboursées à Mme A....
Article 3 : Le jugement n° 1702370 du 15 octobre 2019 du tribunal administratif de Poitiers est annulé.
Article 4 : Il est mis à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à Mme A... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions de Mme A... est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C... épouse A... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques des hauts de France et du département du Nord.
Délibéré après l'audience du 23 novembre 2021 à laquelle siégeaient :
Mme Evelyne Balzamo, présidente,
M. Dominique Ferrari, président-assesseur,
M. Nicolas Normand, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 décembre 2021.
Le rapporteur,
Nicolas Normand La présidente,
Evelyne BalzamoLe greffier,
Christophe Pelletier La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 19BX04803