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08/06/2021 | FRANCE | N°18BX02672;20BX03870

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre, 08 juin 2021, 18BX02672 et 20BX03870


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme F..., agissant en leur nom propre et en qualité de représentants légaux de leurs enfants mineurs D... et A..., ont demandé au tribunal administratif de Toulouse de condamner la commune de Saint-Vincent à leur verser la somme de 168 799,16 euros, dont 160 000 euros de provision, au titre de la réparation des préjudices qu'ils ont subis du fait de l'accident dont a été victime D... le 2 avril 2018 au foyer municipal Robert Bastié.

Par un jugement n° 1000465 du 11 mars 2014, le tribunal adm

inistratif de Toulouse a déclaré la commune de Saint-Vincent responsable du dom...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme F..., agissant en leur nom propre et en qualité de représentants légaux de leurs enfants mineurs D... et A..., ont demandé au tribunal administratif de Toulouse de condamner la commune de Saint-Vincent à leur verser la somme de 168 799,16 euros, dont 160 000 euros de provision, au titre de la réparation des préjudices qu'ils ont subis du fait de l'accident dont a été victime D... le 2 avril 2018 au foyer municipal Robert Bastié.

Par un jugement n° 1000465 du 11 mars 2014, le tribunal administratif de Toulouse a déclaré la commune de Saint-Vincent responsable du dommage causé au jeune D... à hauteur d'un cinquième, a condamné la commune à verser à M. et Mme F... une indemnité provisionnelle de 50 000 euros et a sursis à statuer sur le droit à réparation des requérants et de la caisse d'assurance maladie des industries électriques et gazières dans l'attente du dépôt du rapport de l'expertise médicale ordonnée le 3 octobre 2013 par le tribunal de grande instance de Toulouse.

Par un arrêt n° 14BX01298 du 26 mai 2016, la cour administrative d'appel de Bordeaux a, tout d'abord, déclaré la commune de Saint-Vincent responsable de l'intégralité des préjudices causés par l'accident dont a été victime le jeune D... F... le 2 avril 2008, sous la réserve que le paiement des indemnités qui seront déterminées par le tribunal administratif soit subordonné à la subrogation de la commune, par les époux F..., jusqu'à concurrence de ces sommes, aux droits qui résulteraient pour eux des condamnations qui auraient été ou qui seraient définitivement prononcées à leur profit par les juridictions de l'ordre judiciaire, ensuite, réformé le jugement n° 100465 du tribunal administratif de Toulouse en ce qu'il était contraire et, enfin, renvoyé l'affaire devant le tribunal.

Par une décision n° 401875 du 21 avril 2017, le Conseil d'Etat a refusé d'admettre le pourvoi formé par la commune de Saint-Vincent contre cet arrêt.

Par un jugement nos 1000465 et 1702119 du 3 mai 2018, le tribunal administratif de Toulouse a :

- condamné la commune de Saint-Vincent à verser à M. et Mme F... la somme de 60 210,86 euros en leur qualité de représentants légaux de leur fils D..., la somme de 5 000 euros en leur qualité de représentants légaux de leur fille A..., à M. F... la somme de 28 804,77 euros et à Mme F... la somme de 45 311,16 euros, sous réserve que la commune soit subrogée dans les droits des époux F... et de leurs enfants qui résulteraient des condamnations qui auraient été ou qui seraient définitivement prononcées à leur profit par les juridictions de l'ordre judiciaire et après déduction de la provision de 50 000 euros déjà accordée ;

- condamné la commune de Saint-Vincent à verser à la caisse d'assurance maladie des industries électriques et gazières la somme de 461 917,15 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 30 août 2017 ainsi que la somme de 1 066 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion ;

- décidé, avant dire droit, d'une expertise médicale afin d'évaluer les préjudices subis par le jeune D....

Par un jugement nos 1000465 et 1702119 du 1er octobre 2020, le tribunal administratif de Toulouse a condamné la commune de Saint-Vincent à verser à M. et Mme F..., en leur qualité de représentants légaux de leur fils D..., la somme de 51 330 euros en réparation du déficit fonctionnel temporaire qu'il a subi du 21 juillet 2014 au 31 mars 2019, des souffrances, préjudice d'agrément et préjudice esthétique qu'il a subis du 3 mai 2018 au 29 mars 2019 ainsi que de l'ensemble des frais liés au handicap incluant l'assistance à tierce personne jusqu'au 29 mars 2019, sous réserve que cette commune soit subrogée dans les droits des époux F... et de leurs enfants qui résulteraient des condamnations qui auraient été ou qui seraient définitivement prononcées à leur profit par les juridictions de l'ordre judiciaire.

Procédures devant la cour :

I. Par une requête, enregistrée le 4 juillet 2018 sous le n° 18BX02672, des mémoires, enregistrés le 12 août 2019 et le 30 novembre 2020, ainsi qu'un mémoire récapitulatif produit le 25 février 2021 à la demande de la cour sur le fondement de l'article R. 611-8-1 du code de justice administrative, M. et Mme F..., agissant en leur nom propre et en qualité de représentants de leurs enfants mineurs D... et A..., représentés par Me L..., demandent à la cour, dans le dernier état de leurs écritures :

1°) de réformer le jugement nos 1000465 et 1702119 du 3 mai 2018 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a limité les indemnités qu'il a condamné la commune de Saint-Vincent à leur verser en réparation du dommage qu'ils ont subi à la somme de 60 210,86 euros s'agissant du préjudice du jeune D... F..., à la somme de 5 000 euros s'agissant du préjudice de la jeune A... F..., à la somme de 28 804,77 euros s'agissant du préjudice de M. F... et à la somme de 45 311,16 euros s'agissant du préjudice de Mme F... ;

2°) à titre principal, de condamner la commune de Saint-Vincent à leur verser les sommes provisionnelles de 100 000 euros au titre du préjudice de D... F..., 20 000 euros au titre du préjudice économique de M. et Mme F... et 10 000 euros au titre du préjudice de A... F..., ces sommes devant être assorties des intérêts au taux légal " à compter de l'arrêt à intervenir ";

3°) à titre subsidiaire, de porter à 131 544,86 euros la somme que la commune a été condamnée à verser en réparation des préjudices de D... arrêtés au 3 mai 2018, de surseoir à statuer sur le préjudice d'" aide humaine " et, à défaut, de leur allouer la somme de 209 177,83 euros pour ce poste de préjudice arrêté au 21 juillet 2014 et de porter à 154 780,04 euros et 10 000 euros les sommes que la commune a été condamnée à verser à M. et Mme F... ainsi qu'à la jeune A... F... en réparation de leurs préjudices propres ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Vincent une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- il doit être fait application du " référentiel Mornet " pour l'indemnisation des préjudices et non du référentiel de l'ONIAM, qui ne permet pas une réparation intégrale du dommage ;

- faute de consolidation de l'état de santé de D..., il y a lieu de leur allouer des sommes provisionnelles en réparation de leurs préjudices ;

- l'indemnité allouée au titre de l'assistance par une tierce personne n'est pas subordonnée à la production de justificatifs de dépenses effectives et ne doit pas être réduite en cas d'assistance bénévole par un membre de la famille ;

- au vu des conclusions de l'expert, il leur sera accordé une provision complémentaire d'un montant de 100 000 euros pour la réparation du dommage subi par D... compte tenu de ses préjudices, qui peuvent être évalués à 275 000 euros au titre de son déficit fonctionnel permanent, lequel ne pourra pas être inférieur à 55 %, 40 333,75 euros au titre de son déficit fonctionnel temporaire total et partiel arrêté au 21 juillet 2014, 35 000 euros au titre de ses souffrances physiques et psychiques, 10 000 euros au titre de son préjudice esthétique temporaire, 10 000 euros au titre de son préjudice d'agrément et 190 507 euros au titre de son besoin en assistance par une tierce personne arrêté au mois de juillet 2014 ;

- c'est à tort que les premiers juges ont retenu qu'ils n'avaient pas justifié des différentes aides et de la prestation de compensation du handicap perçues pour refuser de leur allouer une somme au titre de l'assistance par une tierce personne, alors qu'ils ont par ailleurs déduit le montant de la prestation de compensation du handicap perçue du préjudice de pertes de gains professionnels de Mme K... F... ; il pourra être déduit de la somme de 206 610 euros à laquelle sera évalué le préjudice d'assistance par une tierce personne arrêté au 21 juillet 2014, les sommes de 38 754,17 euros et 16 102,88 correspondant aux montants perçus, jusqu'à cette date, au titre de la prestation de compensation du handicap et de l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé, déduction faite de la part de la prestation de compensation du handicap que le tribunal a déduite des pertes de gains professionnels de la mère de l'enfant à hauteur de 22 651,20 euros ;

- ils sont fondés à demander le versement d'une indemnité provisionnelle complémentaire de 20 000 euros au titre du préjudice économique de M. et Mme F... dès lors qu'ils ont dû ou doivent toujours exposer d'importants frais de séjour lors de l'hospitalisation de leur fils, des frais de santé, des frais de scolarité, de déplacement et d'équipement ainsi que divers frais en lien avec son accident ; la scolarisation de D... dans un établissement privé doit être regardée comme imputable à son accident, contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, dès lors que l'enseignement public n'offrait pas de solution suffisamment adaptée pour permettre à D... d'être scolarisé dans de bonnes conditions ; l'ensemble des dépenses exposées sont bien en lien avec l'accident dont D... a été victime et notamment les frais de séjour à la maison Ronald Macdonald du centre hospitalier universitaire de Toulouse pour le parent présent lors de l'hospitalisation de son enfant, les frais de déplacement de l'autre parent, l'achat d'un casque de rugby, d'un tricycle, les frais des séances d'ergothérapie, de psychomotricité, de psychologie clinicienne et d'ostéopathie, ainsi que les frais de couture ; les dépenses exposées depuis le 2 avril 2008 et arrêtées au 15 septembre 2017 s'élèvent à 40 000 euros, somme à laquelle s'ajoutent des dépenses de santé et des frais divers, arrêtés au 3 mai 2018, de 7 900 euros et 28 300 euros ; les frais de déplacement peuvent être évalués à la somme de 16 990 euros à laquelle doit s'ajouter le coût du stationnement au parking du centre hospitalier universitaire de l'ordre de 1,80 euros par stationnement ;

- ils sont fondés à demander que soit portée à la somme de 10 000 euros la provision accordée pour la réparation des préjudices de la jeune A... F... ; en l'absence de consolidation de l'état de santé de D..., le préjudice moral et d'affection subi par sa soeur ne saurait être évalué définitivement ; les premiers juges ont fait une insuffisante appréciation de ce poste de préjudice ;

- à supposer que la cour entende allouer non une provision mais une indemnisation définitive des préjudices jusqu'au 3 mai 2018, il devra leur être versé, pour la réparation des préjudices subis par D..., les sommes de 7 904,83 euros au titre des dépenses de santé, 28 306,28 euros au titre des frais divers, 209 177,83 euros au titre de l'assistance par une tierce personne, 40 333,75 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire et 55 000 euros au titre des souffrances endurées, du préjudice esthétique temporaire et du préjudice d'agrément ; le préjudice de M. et Mme F... s'élève à 17 805,97 euros s'agissant des frais de déplacement, 1 330 euros au titre des dépenses de santé, 3 804 euros pour les pertes de gains professionnels de M. F..., 71 839,30 euros pour les pertes de gains professionnels de Mme F..., 30 000 euros chacun pour le préjudice moral et d'accompagnement subi jusqu'à présent ; le préjudice moral de A..., arrêté à la date du 21 juillet 2014, sera évalué à la somme de 10 000 euros.

Par un mémoire, enregistré le 19 octobre 2018, la caisse d'assurance maladie des industries électriques et gazières, représentée par Me E..., conclut à la confirmation du jugement du tribunal administratif de Toulouse en ce qu'il a condamné la commune de Saint-Vincent à lui verser la somme provisionnelle de 461 917,15 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 30 août 2017 ainsi que l'indemnité forfaitaire de gestion pour un montant de 1 066 euros, à ce que la somme de 1 500 euros soit mise à la charge de la commune de Saint-Vincent au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et à ce que ses droits pour le futur soient réservés.

Elle soutient que le montant de ses débours imputables à l'accident du jeune D... s'élève provisoirement à 461 917,15 euros.

Par un mémoire en défense, enregistré le 31 octobre 2018, la commune de Saint-Vincent, représentée par Me J..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge solidaire de M. et Mme F... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que, dans l'attente de la consolidation de l'état de santé du jeune D..., le tribunal a fait une juste appréciation du montant qu'il y avait lieu de la condamner à verser à titre provisionnel pour la réparation des préjudices du jeune D..., de sa soeur et de ses parents.

II. Par une requête, enregistrée le 27 novembre 2020 sous le n° 20BX03870, et un mémoire, enregistré le 26 février 2021, M. et Mme F..., agissant en leur nom propre et en qualité de représentant de leurs enfants mineurs D... et A..., représentés par Me L..., demandent à la cour :

1°) de réformer le jugement du tribunal administratif de Toulouse du 1er octobre 2020 en tant qu'il a refusé de surseoir à statuer sur leur demande dans l'attente de la décision de la cour à intervenir dans la procédure n° 18BX02672 ;

2°) à titre principal, de surseoir à statuer jusqu'à l'intervention de cette décision ;

3°) à titre subsidiaire, de condamner la commune de Saint-Vincent à leur verser la somme de 559 969,07 euros en réparation des préjudices subis par D... du 1er octobre 2009 au 23 mars 2019, la somme provisionnelle de 114 839,72 euros sur la réparation du préjudice économique de Mme F..., la somme provisionnelle de 20 000 euros au titre du préjudice d'affection et des troubles dans les conditions d'existence de chacun des deux parents et la somme provisionnelle de 10 000 euros au titre du préjudice d'affection de la jeune A..., l'ensemble de ces sommes étant assorties des intérêts au taux légal " à compter de la décision à intervenir " ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Vincent une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- c'est à tort que le tribunal a refusé de surseoir à statuer dans l'attente de l'arrêt à intervenir de la cour administrative d'appel saisie d'une requête contre le jugement du tribunal du 3 mai 2018 ;

- les sommes allouées par le tribunal ne permettent pas la réparation intégrale de leur préjudice ; il doit être fait application du " référentiel Mornet " pour l'indemnisation des préjudices, et non du référentiel de l'ONIAM ;

- la somme de 51 330 euros allouée par le tribunal au titre du déficit fonctionnel temporaire subi par D... du 21 juillet 2014 au 31 mars 2019, des souffrances endurées, de son préjudice d'agrément ainsi que de son préjudice esthétique sur la période du 3 mai 2018 au 29 mars 2019, et de l'ensemble des frais liés au handicap, incluant l'assistance par une tierce personne, est insuffisante ;

- les préjudices de D... doivent être évalués aux sommes suivantes :

o 32 800 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire subi du 21 juillet 2014 au 29 mars 2019 ;

o 15 000 euros au titre des souffrances endurées, du préjudice d'agrément et du préjudice esthétique temporaire sur une période qui doit être fixée, contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, du 21 juillet 2014, date de la seconde expertise au 29 mars 2019, date de la troisième, soit 56 mois et non 11 mois ;

o 551 816 euros au titre de l'assistance par une tierce personne nécessaire du mois de mai 2008 au 29 mars 2009, poste dont le tribunal a fait une insuffisante évaluation ;

o 3 615,22 euros au titre des dépenses de santé ainsi qu'en a jugé le tribunal, somme à laquelle doit s'ajouter 1 379,03 euros exposés au titre des années 2018 et 2019 ;

o 2 470,94 euros au titre des frais divers conformément à ce qui a été retenu par le tribunal, somme à laquelle doit s'ajouter 238,32 euros exposés au titre des années 2018 et 2019 ;

o 17 630,13 euros, somme à actualiser, au titre des frais de déplacement de l'année de l'année 2008 au 29 mars 2019 ;

- la cour devra déduire de la somme qui leur sera allouée 57 133,09 euros correspondant au montant des prestations qu'ils ont perçues du 1er octobre 2009 au 23 mars 2019 au titre des frais divers résultant du handicap et des frais d'aide à la tierce personne ;

- le préjudice de perte de gains professionnels subi par Mme F... s'élève à 114 839,72 euros pour la période du 15 avril 2011 au 31 mai 2019 ;

- c'est à tort que le tribunal a estimé que M. et Mme F... ont déjà été entièrement indemnisés de leur préjudice moral et d'accompagnement alors que l'état de santé de D... n'est pas consolidé ; leurs préjudices, arrêtés à la date du 29 mars 2019, doivent être indemnisés par le versement de la somme de 10 000 euros à chacun d'eux ;

- de la même manière, le préjudice moral de A..., arrêté au 29 mars 2019, doit être indemnisé par le versement de la somme de 10 000 euros.

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 avril 2021, la commune de Saint-Vincent, représentée par Me J... conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de M. et Mme F... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que, dans l'attente de la consolidation de l'état de santé du jeune D..., le tribunal a fait une juste appréciation du montant qu'il y avait lieu de la condamner à verser à titre provisionnel pour la réparation des préjudices du jeune D..., de sa soeur et de ses parents.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C... G...,

- les conclusions de Mme M... B...,

- et les observations de Me L..., représentant M. et Mme F..., et de Me J..., représentant la commune de Saint Vincent.

Considérant ce qui suit :

1. Le jeune D... F..., alors âgé de quatre ans et demi, a été victime d'un accident le 2 avril 2008 dans les locaux du foyer rural " Robert Bastié " de la commune de Saint-Vincent (Haute-Garonne) alors qu'il assistait à un cours d'éveil musical organisé par l'association Music O Soleil. Le basculement sur l'enfant d'une porte coupe-feu, qui avait été dégondée et posée contre un mur dans les sanitaires, a été à l'origine notamment d'un traumatisme crânien grave avec coma d'emblée, score de Glasgow à 6, réactivité en hypertonie des deux côtés, mydriase gauche, hémorragie méningée, hématome sous dural aigu hémisphérique gauche, fracture du crâne et oedème cérébral diffus. M. et Mme F..., agissant en leur nom propre et en qualité de représentants légaux de leur fils mineur, ont demandé au tribunal de grande instance de Toulouse, le 14 mai 2009, la condamnation solidaire de l'association Music O Soleil, de son président et de trois de ses membres à la réparation de leur dommage. Par une ordonnance du 12 novembre 2009, le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Toulouse a condamné solidairement l'association Music O Soleil et son assureur à verser à M. et Mme F... une provision de 60 000 euros pour la réparation du préjudice de leur fils et de 15 000 euros pour la réparation de leur préjudice moral et d'accompagnement et, après le dépôt du rapport d'une première expertise médicale, a ordonné le 8 septembre 2011 le versement d'une provision complémentaire de 316 000 euros. Le juge de la mise en état a fait droit, par une ordonnance du 4 juillet 2012, à l'exception d'incompétence du juge judiciaire opposée par la commune et son assureur aux demandes formées à l'encontre de la commune de Saint-Vincent, personne morale de droit public, mais a rejeté celle-ci pour ce qui concerne les demandes dirigées contre son assureur, auquel le droit privé était applicable. Par une ordonnance du 3 octobre 2013, le juge de la mise en l'état a ordonné une nouvelle expertise médicale et sursis à statuer jusqu'à l'issue de la procédure diligentée par M. et Mme F... contre la commune de Saint-Vincent devant le tribunal administratif de Toulouse. Enfin, par une ordonnance du 8 janvier 2015, le juge de la mise en l'état du tribunal de grande instance de Toulouse a condamné solidairement l'association Music O Soleil et son assureur à verser à M. et Mme F... une provision de 25 000 euros pour l'indemnisation de leur préjudice économique.

2. Par une requête enregistrée le 2 février 2010 sous le n° 1000465, M. et Mme F... ont parallèlement recherché devant le tribunal administratif de Toulouse la responsabilité de la commune de Saint-Vincent pour défaut d'entretien de l'ouvrage dont elle est propriétaire. Le tribunal a déclaré la commune de Saint-Vincent responsable, par un jugement du 11 mars 2014, à concurrence d'un cinquième des conséquences dommageables de cet accident, a condamné la commune à verser à M. et Mme F... une somme provisionnelle de 50 000 euros pour l'indemnisation du jeune D... ainsi que de ses parents et a sursis à statuer sur les demandes indemnitaires dans l'attente du dépôt du rapport de l'expertise médicale ordonnée le 3 octobre 2013 par le tribunal de grande instance de Toulouse. Par un arrêt n° 14BX01298 du 26 mai 2016, la cour administrative d'appel de Bordeaux a déclaré la commune de Saint-Vincent responsable de l'intégralité des préjudices consécutifs à l'accident dont a été victime l'enfant, sous la réserve que le paiement des indemnités qui seront déterminées par le tribunal administratif soit subordonné à la subrogation de la commune, par les époux F..., jusqu'à concurrence de ces sommes, aux droits qui résulteraient pour eux des condamnations qui auraient été ou qui seraient définitivement prononcées à leur profit par les juridictions de l'ordre judiciaire, réformé le jugement en ce qu'il avait de contraire à cet arrêt et renvoyé l'affaire au tribunal administratif de Toulouse. Le pourvoi en cassation formé par la commune de Saint-Vincent contre cet arrêt n'a pas été admis par le Conseil d'Etat.

3. Par un jugement du 3 mai 2018, le tribunal administratif de Toulouse a condamné la commune de Saint-Vincent à verser à M. et Mme F... en leur qualité de représentants légaux de leur fils D... la somme de 60 210,86 euros, à M. et Mme F... en leur qualité de représentants légaux de leur fille A... la somme de 5 000 euros, à M. F... la somme de 28 804,77 euros et à Mme F... la somme de 45 311,16 euros, sous réserve que la commune soit subrogée dans les droits des époux F... et de leurs enfants qui résulteraient des condamnations qui auraient été ou qui seraient définitivement prononcées à leur profit par les juridictions de l'ordre judiciaire et après déduction de la provision de 50 000 euros qui leur avait été accordée. Le tribunal a également condamné la commune de Saint-Vincent à verser à la caisse d'assurance maladie des industries électriques et gazières la somme de 461 917,15 euros et ordonné une nouvelle expertise médicale. M. et Mme F..., agissant en leur nom propre et en qualité de représentants légaux de leurs enfants mineurs, relèvent appel de ce jugement, par la requête enregistrée au greffe de la cour sous le n° 18BX02672, en tant qu'il a rejeté le surplus de leurs conclusions.

4. Après le dépôt du rapport de l'expertise également décidée par ce jugement du 3 mai 2018 pour évaluer les préjudices postérieurs à l'expertise déposée en juillet 2014, le tribunal administratif de Toulouse a, par un jugement du 1er octobre 2020, condamné la commune de Saint-Vincent à verser à M. et Mme F..., en leur qualité de représentants légaux de leur fils D..., la somme complémentaire de 51 330 euros en réparation du déficit fonctionnel temporaire qu'il a subi du 21 juillet 2014 au 31 mars 2019, des souffrances, préjudice d'agrément et préjudice esthétique qu'il a subis du 3 mai 2018 au 29 mars 2019 ainsi que de l'ensemble des frais liés au handicap, incluant l'assistance d'une tierce personne jusqu'au 29 mars 2019, sous réserve que cette commune soit subrogée dans les droits des consorts F... qui résulteraient des condamnations qui auraient été ou qui seraient définitivement prononcées à leur profit par les juridictions de l'ordre judiciaire. M. et Mme F..., agissant en leur nom propre et en qualité de représentants légaux de leurs enfants mineurs, relèvent appel de ce jugement, par la requête enregistrée au greffe de la cour sous le n° 20BX03870, en tant qu'il a rejeté le surplus de leurs conclusions. Les requêtes successives de M. et Mme F... portent sur l'évaluation des différents préjudices subis par leur famille à la suite d'un même accident et doivent être jointes pour statuer par un seul arrêt.

Sur la régularité des jugements :

5. M. et Mme F... avaient demandé au tribunal administratif de Toulouse de condamner la commune de Saint-Vincent à les indemniser des dépenses de santé qu'ils ont exposées, pour eux-mêmes, à la suite de l'accident dont a été victime leur fils le 2 avril 2008. Le tribunal a omis de se prononcer sur ces conclusions. Il y a lieu, dès lors, d'annuler les jugements nos 1000465 et 1702119 du tribunal en tant qu'ils n'ont pas statué sur ces conclusions.

6. Il y a lieu de se prononcer immédiatement sur ces conclusions par voie d'évocation et de statuer par l'effet dévolutif de l'appel sur le surplus des conclusions des requêtes.

Sur le bien-fondé des jugements attaqués :

7. M. et Mme F... se bornent à demander, à titre principal, l'allocation d'une indemnité provisionnelle à valoir sur la réparation future de leurs préjudices. Il résulte de l'instruction que l'état de santé du jeune D..., âgé de 17 ans, n'est pas encore consolidé à la date du présent arrêt et que les requérants ont, pour l'essentiel, arrêté leur demande aux préjudices échus au 29 mars 2019, date de remise du dernier rapport d'expertise au tribunal. Dans ces conditions, il y a seulement lieu, dans la présente instance, de condamner la commune de Saint-Vincent à verser aux requérants une somme correspondant à la part de son obligation présentant un caractère non sérieusement contestable.

En ce qui concerne les droits de D... F... :

S'agissant des préjudices patrimoniaux :

Quant aux dépenses de santé :

8. M. et Mme F... justifient avoir conservé à leur charge, au titre des années 2008 à 2010, des dépenses de santé à hauteur de 480 euros en raison de consultations non remboursées d'ostéopathie ainsi que de suivi psychologique et neurologique. S'agissant des années 2011 et 2012, M. et Mme F... justifient avoir conservé à leur charge 252 euros au titre de la consultation d'un psychologue par leur fils. Ils justifient également avoir exposé 42,38 euros pour l'achat d'une attelle hélicoïdale pour le poignet droit de leur fils, dont la nécessité résulte du rapport d'expertise. Il résulte de l'instruction que les requérants ont conservé à leur charge, au cours des années 2013 et 2014, 735 euros pour l'intervention d'un ergothérapeute, 70 euros pour des consultations d'ostéopathie, 180 euros pour la réalisation d'un bilan psychomoteur et 65 euros pour une séance d'orthoplastie pour le pied droit de D.... Pour les années 2015 et 2016, M. et Mme F... ont été contraints d'exposer 570 euros pour des consultations chez le psychologue, 110 euros pour des consultations d'un ostéopathe, 260 euros pour la réalisation d'orthèses et 1 470 euros pour des séances d'ergothérapie. En 2017, sont également restés à leur charge 1 050 euros de séances d'ergothérapie, 150 euros de séances chez un psychologue ainsi que 31,44 euros de frais pharmaceutiques. Enfin, de l'année 2018 au 29 mars 2019, date de remise du dernier rapport d'expertise au tribunal, à laquelle il y a lieu de limiter l'évaluation de ce poste de préjudice dans la présente instance, il résulte de l'instruction que M. et Mme F... ont exposé 180 euros pour le suivi de leur fils par un psychologue, 654 euros de séances d'ergothérapie, 535 euros pour des consultations et un bilan neuropsychologique ainsi que 81,03 euros de soins de podologie et de frais pharmaceutiques. Le total des dépenses de santé exposées par les requérants s'élève, par suite, à la date du 29 mars 2019, à 6 915,85 euros.

Quant aux frais divers :

9. M. et Mme F... sollicitent l'indemnisation des frais de scolarité, et d'assistance de vie scolaire mutualisée avec d'autres parents, qu'ils ont exposés de 2013 à 2016 afin de permettre à leur fils de bénéficier d'un enseignement dans une école privée hors contrat appliquant la méthode Montessori. Toutefois, de telles dépenses ne sauraient être mises à la charge de la personne publique reconnue responsable de l'accident dont a été victime leur fils, faute pour les requérants de justifier de l'impossibilité à laquelle ils auraient été confrontés d'une prise en charge adaptée de leur enfant au sein de l'enseignement public, où il a d'ailleurs été accueilli à partir de 2016 au sein d'unités localisées pour l'inclusion scolaire (ULIS).

10. M. et Mme F... justifient avoir exposé, pour les années 2008 à 2010, 1 078,94 euros pour l'hébergement de l'un d'entre eux à proximité de leur enfant alors qu'il était en hospitalisation complète dans les suites immédiates de l'accident dont il a été victime, 49,85 euros pour l'achat d'un casque de protection et pour des prises de sang de dépistage nécessaires compte tenu du grand nombre de transfusions sanguines dont D... a dû bénéficier, 24,90 euros pour l'achat d'un réducteur de l'abattant des toilettes ainsi que 1 053,17 euros pour l'achat d'un tricycle orthopédique. Pour les années 2011, 2012 et 2013, les parents du jeune D... justifient avoir dû exposer 30 euros de frais de mercerie pour faciliter le boutonnage de ses vêtements par l'enfant, 9,84 euros pour l'installation d'un levier d'embrayage sur son tricycle, 13 euros pour l'achat d'un livre scolaire dédié à l'apprentissage des jeunes traumatisés crâniens, 54,92 euros pour l'achat de matériel spécialisé pour l'école recommandé par l'ergothérapeute, 466 euros pour l'achat d'une tablette permettant d'alléger la production de l'écrit en classe, nécessité soulignée par le rapport d'expertise, 202,63 euros pour l'achat d'un bureau individuel réglable ainsi que 666,25 euros pour l'achat d'un tricycle et d'accessoires adaptés au handicap de l'enfant. Il résulte de l'instruction que sont restés à la charge des requérants pour les années 2014 et 2015, 840 euros pour l'assistance d'un médecin conseil, 384 euros de frais de séjour pour une chambre parent-enfant lors d'une hospitalisation complète du 19 mars au 25 avril 2014, 15,96 euros de frais de photocopies pour adresser le dossier de l'enfant à l'expert, 45,68 euros de frais d'adaptation du tricycle, 336 euros pour l'adhésion à une méthode de renforcement du langage oral et écrit, 49,35 euros pour l'achat d'un micro casque et d'une carte son pour travailler sur le logiciel correspondant ainsi que 76,22 euros pour l'achat d'un releveur de pied faisant l'objet d'une prescription médicale et 38 euros pour la réalisation d'une semelle pour le pied droit. Pour les années 2016 et 2017, il est justifié de la réalité et de l'imputabilité à l'accident litigieux de 19 euros de facture de cordonnier, 12,49 euros pour l'achat de lacets autobloquants facilitant le laçage de ses chaussures par D... et de 151,73 euros pour l'achat d'un siège de bureau conseillé par l'ergothérapeute. M. et Mme F... justifient, en outre, avoir dû exposer 54 euros pour l'achat de vêtements extensibles compatibles avec le port de plâtres et 52,90 euros pour l'achat d'une planche de bain, 1 320 euros pour l'assistance d'un médecin conseil, 12,83 euros pour l'achat d'un épitact doigtier à l'épithélium, 53,30 euros pour l'achat d'une planche de découpe multifonctions et d'une loupe pleine page, 43,44 euros de frais de photocopies pour les besoins de l'expertise et 16,32 euros de frais de délivrance du dossier médical de D....

11. Il ne résulte pas de l'instruction, en revanche, que soient imputables à l'accident dont a été victime le jeune D..., dès lors que ses parents auraient, en toute hypothèse, été conduits à exposer des dépenses similaires, l'achat de pyjamas à bouton, la pose de stores dans la chambre de l'enfant, les frais de son inscription à la piscine, à un stage de cirque et à une association sportive de tennis de table, ainsi que les frais de transports en commun, que D... a commencé à prendre seul. Ne sont pas non plus directement imputables à l'accident les frais administratifs d'inscription et les dons à l'association des familles de traumatisés crâniens et la participation à un colloque. Par suite, les frais divers restés à la charge de M. et Mme F... doivent être évalués à la somme de 6 931,78 euros.

12. Il résulte de l'instruction que M. et Mme F... ont accompagné leur enfant à de nombreux rendez-vous médicaux dans le cadre de la prise en charge pluridisciplinaire qu'ils ont mise en place, et que l'un des parents a également exposé des frais de déplacement conséquents, dont la réalité résulte suffisamment de l'instruction, pour rendre visite à son fils dans les suites immédiates de l'accident tandis que l'autre parent séjournait à ses côtés à l'hôpital. M. et Mme F... doivent ainsi être regardés comme justifiant de déplacements de l'ordre de 28 400 km entre l'accident dont a été victime leur fils et le 29 mars 2019, date à laquelle il y a lieu de borner l'évaluation de ce poste de préjudice dans la présente instance. En tenant compte de ce que les requérants n'ont justifié conduire un véhicule de 6 CV que depuis l'année 2013 et du coût du stationnement de l'ordre de 1,80 euros à l'hôpital, il sera fait une juste appréciation de leurs frais de déplacement en les évaluant à hauteur de 15 000 euros.

Quant à l'assistance par une tierce personne :

13. Lorsque le juge administratif indemnise dans le chef de la victime d'un dommage corporel la nécessité de recourir à l'aide d'une tierce personne, il détermine le montant de l'indemnité réparant ce préjudice en fonction des besoins de la victime et des dépenses nécessaires pour y pourvoir. Il doit à cette fin se fonder sur un taux horaire permettant, dans les circonstances de l'espèce, le recours à l'aide professionnelle d'une tierce personne d'un niveau de qualification adéquat, sans être lié par les débours effectifs dont la victime peut justifier. Il n'appartient notamment pas au juge, pour déterminer cette indemnisation, de tenir compte de la circonstance que l'aide a été ou pourrait être apportée par un membre de la famille ou un proche de la victime.

14. Il résulte de l'instruction, et notamment des rapports d'expertises, sans qu'il y ait lieu de distinguer selon que l'aide nécessaire ait été qualifiée de " passive " ou d' " active " par l'expert, que le jeune D... a nécessité l'assistance d'une tierce personne du mois de mai au mois de septembre 2008 à raison de huit heures par jour, deux jours par semaine lorsqu'il revenait de l'hôpital au domicile de ses parents en fin de semaine. Du mois de septembre 2008 au mois de septembre 2013, l'assistance par tierce personne a été nécessaire chaque jour de la semaine à raison de six heures par jour et à compter du mois de septembre 2013 à raison de sept heures par jour. L'expert indique qu'à compter du mois de septembre 2013, le besoin d'assistance par une tierce personne s'est maintenu à 7 heures par jour chaque jour de la semaine et qu'il est passé à 6 heures par jour à compter du 21 juillet 2014. Il résulte de l'instruction qu'une telle évaluation, contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, se limite à quantifier l'assistance nécessaire du fait du handicap de l'enfant, laquelle est entièrement imputable à l'accident dont il a été victime. Dans ces conditions, il n'y a pas lieu de déduire le temps que des parents consacreraient normalement à un enfant dépourvu de handicap. Par ailleurs, il ne ressort d'aucun élément versé aux dossiers que l'aide nécessaire devrait être spécialisée. Il sera fait une juste appréciation du préjudice subi en l'évaluant, pour les besoins de la présente instance, sur la base d'un taux horaire moyen de rémunération, tenant compte des charges patronales et des majorations de rémunération pour travail du dimanche, fixé à 13 euros pour la période comprise entre l'année 2008 et le 29 mars 2019. Le préjudice résultant de la nécessité, pour D... F..., de recourir à l'aide d'une tierce personne doit, dans ces conditions, être évalué à la somme de 349 285 euros. Il y a lieu de soustraire la somme de 83 166,09 euros que les requérants ont perçue sur la période intéressée au titre de la prestation de compensation du handicap et de l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé. Dès lors, la provision due au titre de l'assistance par une tierce personne doit être fixée à 266 118,91 euros pour la période allant de l'accident jusqu'au 29 mars 2019.

S'agissant des préjudices extrapatrimoniaux :

Quant au déficit fonctionnel temporaire :

15. Il résulte de l'instruction que le déficit fonctionnel temporaire du jeune D... a été total du 2 avril au 20 juin 2008, du 2 au 8 juillet 2008, du 16 mars au 30 avril 2014 et du 28 au 30 novembre 2017, périodes durant lesquelles il été hospitalisé, qu'il a été de 75 % du 21 juin au 1er juillet 2008, du 9 juillet 2008 au 31 août 2009 ainsi que pendant six semaines après chacune des six injections de toxine botulique dans le membre inférieur qui l'ont contraint à se déplacer en fauteuil roulant, ces injections étant intervenues le 13 décembre 2010, le 9 mai 2011, le 8 novembre 2011, le 14 mai 2012, le 18 mars 2013 et le 16 septembre 2013. Le déficit fonctionnel temporaire de D... s'est également élevé à 75 % à l'occasion de deux hospitalisations du 1er au 31 mai 2014 puis du 1er décembre 2017 au 28 février 2018 et durant une période supplémentaire de 60 jours correspondant à des hospitalisations de jour. Il a enfin connu, sur la période résiduelle allant de son accident au 29 mars 2019, un déficit fonctionnel temporaire évalué par l'expert à 65 %. Ce poste de préjudice répare les troubles de toute nature dans les conditions d'existence du jeune D... sur la période concernée antérieure à la consolidation de son état de santé, notamment le préjudice d'agrément dont les requérants ne sont pas fondés à demander une réparation distincte. Dans ces conditions, il sera fait une juste appréciation du déficit fonctionnel temporaire dont a souffert D... de la date de son accident au 29 mars 2019 en lui allouant, sur la base de 500 euros mensuels pour un déficit fonctionnel temporaire total, une provision d'un montant de 38 925 euros.

Quant aux souffrances endurées :

16. Il résulte de l'instruction que le jeune D... a notamment dû subir plusieurs opérations, pour le traumatisme crânien d'abord, puis aussi à la cheville et au poignet droits, de très nombreuses séances de rééducation motrice et de kinésithérapie, d'ergothérapie, d'orthoptie pour tenter de compenser l'altération de son champ de vision affecté par une hémianopsie, le port d'attelles du membre inférieur droit de jour comme de nuit, une orthèse au membre supérieur droit, de multiples injections de toxine botulique dans le membre supérieur et le membre inférieur droits. Des crises d'épilepsie ont généré de nombreuses absences pendant une partie de sa scolarité, et des problèmes neurologiques et cognitifs ont affecté sa capacité de concentration et ses apprentissages. Le retard scolaire, la fatigabilité ont entraîné un sentiment de dévalorisation au regard de la scolarité spécifique qu'il devait suivre, une irritabilité et un retentissement affectif, social et familial. L'ensemble des souffrances tant physiques que psychiques endurées par le jeune D... en raison de son accident peuvent être évaluées, selon l'expert, à un degré de 5 sur 7 jusqu'en 2014 puis à un degré de 5,5 sur 7 jusqu'au 29 mars 2019. Il sera fait une juste appréciation de ce poste de préjudice en l'évaluant à hauteur de 20 000 euros.

Quant au préjudice esthétique temporaire :

17. Il résulte du rapport d'expertise que le préjudice esthétique temporaire du jeune D... peut être évalué à 5 sur 7 du mois d'avril au mois d'octobre 2008, période durant laquelle l'enfant se déplaçait en fauteuil roulant avec une disgrâce du membre supérieur et à 4 sur 7 jusqu'au 29 mars 2019 en raison de troubles de la marche ainsi que d'une déformation du poignet et des doigts de la main droite. Il sera fait une juste appréciation de ce préjudice en l'évaluant à hauteur de 10 000 euros.

Quant au déficit fonctionnel permanent :

18. Il résulte d'ores et déjà de l'instruction et notamment des rapports d'expertise au dossier que le jeune D..., dont l'état de santé n'est pas encore consolidé, restera atteint d'un déficit fonctionnel permanent qui ne pourra être inférieur à 55 %. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'accorder aux requérants la somme de 100 000 euros à titre de provision sur la réparation future de ce poste de préjudice.

19. Il résulte de ce qui a été exposé ci-dessus que les requérants sont fondés à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Toulouse a limité à 111 540,86 euros le montant qui devait leur être alloué à titre de provision sur la réparation des préjudices de D... et que cette somme doit être portée à 463 891,54 euros.

En ce qui concerne les droits de M. et Mme F... :

Quant à leurs conclusions d'appel :

S'agissant des dépenses de santé :

20. M. et Mme F... demandent la condamnation de la commune de Saint-Vincent à leur rembourser les frais qu'ils ont exposés pour des séances d'acupuncture, de sophrologie, de psychologie et d'ostéopathie. Les pièces qu'ils produisent ne permettent toutefois que d'établir la réalité et l'imputabilité de soins pour Mme F... à hauteur de 670 euros.

S'agissant du préjudice moral :

21. Les premiers juges n'ont pas fait une inexacte appréciation du préjudice moral et d'accompagnement de M. et Mme F..., qui se poursuivra tout au long de la vie de D..., en l'indemnisant à hauteur de 25 000 euros pour chacun d'eux.

Quant au surplus des sommes allouées par le tribunal :

22. S'agissant des pertes de revenus, contrairement à ce qui a été retenu par les premiers juges, M. et Mme F... ne sont pas fondés à solliciter la réparation d'un préjudice de perte de gains professionnels à raison de l'assistance qu'ils ont ou continuent d'apporter à leur fils, une telle indemnisation ne pouvant être cumulée, pour les parents interrompant ou modifiant les conditions d'exercice de leur activité pour s'occuper de leur enfant, avec l'indemnisation accordée au titre de l'assistance par tierce personne.

23. Il résulte de ce qui vient d'être dit, compte tenu de ce que la commune de Saint-Vincent n'a formé aucune conclusion à fin d'appel incident contre les jugements en cause et que le sort des appelants ne saurait être aggravé sur leur seul appel, que M. et Mme F... ne sont pas fondés à se plaindre que le tribunal leur a accordé des sommes de 28 804,77 euros et 45 311,16 euros au titre de la provision à valoir sur la réparation de leurs préjudices propres.

En ce qui concerne les droits de A... F... :

24. Le droit à la réparation d'un dommage, quelle que soit sa nature, s'ouvre à la date à laquelle se produit le fait qui en est directement la cause. Il résulte de l'instruction que la jeune A... F... est née postérieurement à l'accident dont a été victime son frère et à l'apparition de son handicap. Par suite, son préjudice moral ne présente pas un lien direct avec celui-ci.

25. Compte tenu de ce que la commune de Saint-Vincent n'a formé aucune conclusion à fin d'appel incident contre les jugements en cause et que le sort des appelants ne saurait être aggravé sur leur seul appel, M. et Mme F... ne sont pas fondés à se plaindre que les premiers juges n'ont alloué que la somme de 5 000 euros au titre de la provision à valoir sur la réparation du préjudice de leur fille A....

26. Il résulte de tout ce qui précède qu'il y a seulement lieu, dans les circonstances de l'espèce, de réformer les jugements attaqués en portant à 463 891,54 euros la somme qu'il y a lieu de condamner la commune de Saint-Vincent à titre de provision sur les préjudices de D..., sous réserve de l'ensemble des provisions qui leur ont déjà été versées et que cette commune soit subrogée dans les droits de M. et Mme F... qui résulteraient des condamnations qui auraient été ou qui seraient définitivement prononcées à leur profit par les juridictions judiciaires.

Sur les droits de la caisse d'assurance maladie des industries électriques et gazières :

27. Il n'appartient pas à la cour de " réserver les droits " de la caisse d'assurance maladie des industries électriques et gazières.

Sur les intérêts :

28. Même en l'absence de demande tendant à l'allocation d'intérêts, tout arrêt prononçant une condamnation à une indemnité fait courir les intérêts au taux légal au jour de son prononcé jusqu'à son exécution. Ainsi, les conclusions des requérants tendant à ce que la somme qui leur est due porte intérêts au taux légal à compter de l'arrêt à intervenir sont dépourvues de tout objet et doivent être rejetées.

Sur les frais exposés par les parties à l'occasion du litige :

29. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Saint-Vincent la somme que demande la caisse d'assurance maladie des industries électriques et gazières au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, alors que le jugement n'est pas critiqué en ce qu'il lui accorde le remboursement de ses débours.

30. Ces dispositions font obstacle à ce que la somme que la commune de Saint-Vincent demande au même titre soit mise à la charge des requérants, qui ne sont pas la partie perdante dans la présente instance. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Saint-Vincent la somme de 3 000 euros au titre des frais exposés par les requérants pour la présente instance, en ce compris les frais de photocopies pour adresser des pièces à leur avocate.

DÉCIDE :

Article 1er : Les jugements nos 1000465 et 1702119 du tribunal administratif de Toulouse du 3 mai 2018 et du 1er octobre 2020 sont annulés en tant qu'ils ont omis de se prononcer sur la demande de condamnation de la commune de Saint-Vincent à indemniser les dépenses de santé exposées par M. et Mme F... pour leur propre compte.

Article 2 : Les sommes que le tribunal administratif de Toulouse a condamné la commune de Saint-Vincent à verser aux requérants à titre de provision sur l'indemnisation des préjudices subis par D... F... sont portées à un total de 463 891,54 euros, sous réserve de la déduction de l'ensemble des provisions d'ores et déjà versées à M. et Mme F... et que cette commune soit subrogée dans les droits de ces derniers qui résulteraient des condamnations qui auraient été ou qui seraient définitivement prononcées à leur profit par les juridictions judiciaires.

Article 3 : Les jugements nos 1000465 et 1702119 du tribunal administratif de Toulouse du 3 mai 2018 et du 1er octobre 2020 sont réformés, pour les questions non traitées à l'article 1er, en ce qu'ils ont de contraire au présent arrêt.

Article 4 : La commune de Saint-Vincent versera à M. et Mme F... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. I... F... et Mme K... F..., à la commune de Saint-Vincent et à la caisse d'assurance maladie des industries électriques et gazières.

Délibéré après l'audience du 18 mai 2021 à laquelle siégeaient :

Mme Catherine Girault, présidente,

Mme Anne Meyer, présidente-assesseure,

Mme C... G..., conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 8 juin 2021.

La rapporteure,

Kolia G...

La présidente,

Catherine Girault

La greffière,

Virginie Guillout

La République mande et ordonne au préfet de la Haute-Garonne en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 18BX02672, 20BX03870


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 18BX02672;20BX03870
Date de la décision : 08/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-04 Responsabilité de la puissance publique. Réparation.


Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: Mme Kolia GALLIER
Rapporteur public ?: Mme BEUVE-DUPUY
Avocat(s) : SCP CANDELIER CARRIERE-PONSAN

Origine de la décision
Date de l'import : 15/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-06-08;18bx02672 ?
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