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26/05/2016 | FRANCE | N°14BX01298

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre (formation à trois), 26 mai 2016, 14BX01298


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...et Mme F...C..., agissant pour le compte de leur fils mineur B...C..., ont recherché devant le tribunal administratif de Toulouse la responsabilité de la commune de Saint-Vincent (Haute-Garonne) au titre des conséquences dommageables de l'accident dont a été victime B...le 2 avril 2008 dans les locaux du foyer rural communal "Robert Bastié" alors qu'il assistait à un cours d'éveil musical organisé par l'association Music O Soleil.

Par un jugement n° 1000465 du 11 mars 2014, le tribunal admi

nistratif de Toulouse a déclaré la commune de Saint-Vincent responsable à conc...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...et Mme F...C..., agissant pour le compte de leur fils mineur B...C..., ont recherché devant le tribunal administratif de Toulouse la responsabilité de la commune de Saint-Vincent (Haute-Garonne) au titre des conséquences dommageables de l'accident dont a été victime B...le 2 avril 2008 dans les locaux du foyer rural communal "Robert Bastié" alors qu'il assistait à un cours d'éveil musical organisé par l'association Music O Soleil.

Par un jugement n° 1000465 du 11 mars 2014, le tribunal administratif de Toulouse a déclaré la commune de Saint-Vincent responsable à concurrence d'un cinquième des conséquences dommageables de cet accident, a condamné la commune à verser à M. et Mme C...une indemnité provisionnelle de 50 000 euros et a réservé les droits et moyens des parties jusqu'à la fin de l'instance.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 28 avril 2014 et complétée le 5 février 2015, M. et MmeC..., en leur qualité de représentants légaux de leur fils mineur B...et de leur fille mineureA..., représentés par MeG..., demandent à la cour :

1°) de réformer le jugement n° 1000465 du 11 mars 2014 en tant qu'il a limité la responsabilité de la commune ;

2°) d'annuler la décision implicite de rejet résultant du silence gardé par la commune sur la demande préalable d'indemnisation adressée le 25 novembre 2009 ;

3°) de déclarer la commune responsable des conséquences dommageables de l'accident survenu à B...C...le 2 avril 2008 ;

4°) de condamner " solidairement " la commune à réparer l'entier préjudice supporté par la victime, ses parents et sa soeur ;

5°) dans l'attente des conclusions de l'expertise médicale, de leur allouer en leur nom personnel et en leur qualité de représentants légaux de leurs enfants mineurs, une indemnité provisionnelle complémentaire de 50 000 euros à valoir sur la réparation de leur entier préjudice, cette somme étant assortie des intérêts au taux légal ;

6°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Vincent la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique du 28 avril 2016 :

- le rapport de M. Jean-Claude Pauziès,

- les conclusions de M. Nicolas Normand, rapporteur public ;

- les observations de Me E...représentant la commune de Saint-Vincent;

Considérant ce qui suit :

1. Le 2 avril 2008, alors qu'il assistait à un cours d'éveil musical organisé par l'association " Music O Soleil " dans le foyer rural " Robert Bastié " de la commune de Saint-Vincent (Haute-Garonne), le jeune B...C..., alors âgé de quatre ans et demi, s'est rendu dans les toilettes du foyer, où une porte coupe-feu dégondée et posée contre le mur des sanitaires s'est abattue sur lui en le blessant grièvement à la tête. L'enfant a conservé de très graves séquelles de cet accident. La date de consolidation des lésions subies par la victime n'est à ce jour pas connue. M. et Mme C...ont saisi en 2009 le tribunal de grande instance de Toulouse, tant en leur qualité de représentants légaux de leur fils qu'en leur nom propre aux fins de voir reconnaître à titre principal la responsabilité de l'association, de certains de ses membres et de l'assureur de celle-ci dans la survenance de cet accident. Le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Toulouse a condamné solidairement l'association et son assureur, par ordonnance du 12 novembre 2009, à verser une provision de 60 000 euros pour le préjudice de la victime et 15 000 euros pour le préjudice de ses parents, puis, après le dépôt d'une première expertise médicale, a ordonné le 8 septembre 2011 le versement d'une provision complémentaire de 316 000 euros. Le juge judiciaire a fait droit le 4 juillet 2012 à l'exception d'incompétence soulevée par la commune mise en cause par les consorts C...et a invité les parties à mieux se pourvoir, et a enfin ordonné une nouvelle expertise médicale le 3 octobre 2013. M. et Mme C...ont parallèlement recherché devant le tribunal administratif de Toulouse, par une demande enregistrée le 2 février 2010, la responsabilité de la commune pour un défaut d'entretien de l'ouvrage dont elle est propriétaire. Par un jugement du 11 mars 2014, le tribunal administratif de Toulouse a déclaré la commune de Saint-Vincent responsable, à concurrence d'un cinquième des conséquences dommageables de cet accident, a condamné la commune à verser à M. et Mme C...une somme provisionnelle de 50 000 euros et a prononcé un sursis à statuer sur les demandes indemnitaires dans l'attente du dépôt du rapport de l'expertise médicale ordonnée le 3 octobre 2013 par le tribunal de grande instance de Toulouse. M. et Mme C...relèvent appel de ce jugement en tant que les premiers juges ont partiellement exonéré la commune de sa responsabilité au motif d'une imprudence grave et fautive de l'association. Par la voie de l'appel incident, la commune demande l'exonération totale de sa responsabilité dans la survenance des dommages, et la caisse d'assurance maladie des industries minières et gazières demande le remboursement des débours qu'elle a exposés en lien avec l'accident ainsi que le versement de l'indemnité forfaitaire de gestion en application de l'ordonnance n° 96-51 du 24 janvier 1996.

Sur la recevabilité de la demande :

2. Si M. et Mme C...ont assigné devant le tribunal de grande instance de Toulouse l'association " Music O Soleil " et ses membres, et si le juge de la mise en état de ce tribunal a, par ordonnances du 12 novembre 2009 et du 8 septembre 2011, condamné solidairement l'association " Music O Soleil " et son assureur à verser une provision d'un montant de 391 000 euros, l'existence de la procédure judiciaire ainsi engagée et des décisions de justice auxquelles elle a donné lieu ne fait pas obstacle à ce que les parents de la victime et la caisse de sécurité sociale mettent en cause devant la juridiction administrative la responsabilité de la collectivité publique propriétaire du local où s'est produit l'accident. Il appartient toutefois au juge administratif, lorsqu'il détermine le montant et la forme des indemnités allouées par lui, de prendre, au besoin d'office, les mesures nécessaires pour que sa décision n'ait pas pour effet de procurer à la victime d'un dommage, par les indemnités qu'elle a pu ou pourrait obtenir en raison des mêmes faits, une réparation supérieure au préjudice subi. Il lui incombe, en conséquence, de subordonner d'office le paiement de la somme que la commune de Saint-Vincent pourra être condamnée à verser aux victimes, à la subrogation de la commune dans les droits que les époux C...pourraient tenir du même accident contre l'association en exécution de décisions définitives des juridictions judiciaires. La fin de non recevoir opposée par la commune de Saint-Vincent ne peut donc qu'être écartée.

Sur la responsabilité :

3. La nature et l'étendue des réparations incombant à une collectivité publique du chef d'un dommage dont la responsabilité lui est imputée ne dépendent pas de l'évaluation du dommage faite par l'autorité judiciaire dans un litige si elle n'a pas été partie et n'aurait pu l'être, mais doivent être déterminées par le juge administratif compte tenu des règles afférentes à la responsabilité des personnes morales de droit public. Il appartient à la victime d'un dommage survenu à l'occasion de l'utilisation d'un ouvrage public d'apporter la preuve du lien de causalité entre l'ouvrage public dont elle était usager et le dommage dont elle se prévaut. La collectivité en charge de l'ouvrage public peut s'exonérer de sa responsabilité en rapportant la preuve de l'entretien normal de cet ouvrage, d'un cas de force majeure ou d'une faute de la victime.

4. Il résulte de l'instruction et il n'est pas contesté que la porte coupe-feu qui s'est abattue sur le jeune B...avait été dégondée plusieurs mois avant l'accident et posée contre le mur du local sanitaire du foyer rural. Cette porte, qui était de la même couleur que les portes des deux toilettes présentes dans ce local, dont le poids s'élevait à 43 kilogrammes d'après les constations réalisées dans le cadre d'une enquête préliminaire, présentait ainsi un caractère dangereux pour les usagers, plus particulièrement pour les jeunes enfants qui suivaient un cours hebdomadaire d'éveil musical dans ces locaux. La commune n'établit pas ne pas avoir eu le temps matériel nécessaire pour remédier à cette situation dangereuse, laquelle, ainsi que cela ressort des pièces du dossier, perdurait depuis plusieurs mois. Dès lors, la commune n'apporte pas la preuve qui lui incombe que ce local pouvait être utilisé par les usagers du foyer dans des conditions de sécurité satisfaisantes, ni par suite que l'ouvrage public avait fait l'objet d'un entretien normal.

5. Lorsque la responsabilité du maître d'un ouvrage public est engagée à l'égard de l'usager de l'ouvrage, le maître d'ouvrage ne peut, pour dégager sa responsabilité, utilement invoquer le fait d'un tiers. En admettant même, comme le fait valoir la commune, que l'association, à qui la salle communale avait été mise à disposition pour ses activités et dont deux de ses membres ont reconnu avoir procédé au déplacement de la porte coupe feu à l'origine de l'accident, ait négligé de prévenir la commune du danger que cette porte faisait courir aux usagers de la salle, cette circonstance est sans influence sur la responsabilité de la commune de Saint-Vincent envers la victime, et serait seulement de nature à permettre à cette collectivité d'exercer, si elle s'y croit fondée, une action récursoire contre l'association. Dans ces conditions, le tribunal ne pouvait retenir la faute de l'association pour exonérer partiellement la commune de Saint-Vincent de sa responsabilité. M. et Mme C...sont par suite fondés à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Toulouse a, par le jugement attaqué, limité la responsabilité de la commune.

6. Il résulte de qui précède qu'il y a lieu de réformer le jugement contesté et de renvoyer les conclusions indemnitaires des époux C...et de la caisse d'assurance maladie des industries minières et gazières devant le tribunal administratif de Toulouse.

Sur les frais irrépétibles :

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. et Mme C...qui ne sont pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la commune de Saint-Vincent demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu en revanche de mettre à la charge de la commune de Saint-Vincent une somme de 1 500 euros à verser à M. et Mme C...sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La commune de Saint-Vincent est déclarée responsable de l'intégralité des préjudices consécutifs à l'accident dont a été victime le jeune B...C...le 2 avril 2008, sous la réserve que le paiement des indemnités qui seront déterminées par le tribunal administratif soit subordonné à la subrogation de la commune, par les épouxC..., jusqu'à concurrence desdites sommes, aux droits qui résulteraient pour eux des condamnations qui auraient été ou qui seraient définitivement prononcées à leur profit par les juridictions de l'ordre judiciaire.

Article 2 : Le jugement n° 1000465 du tribunal administratif de Toulouse est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : L'affaire est renvoyée devant le tribunal administratif de Toulouse.

Article 4 : La commune de Saint-Vincent versera à M. et Mme C...une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5: Les conclusions de la commune de Saint-Vincent sont rejetées.

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No 14BX01298


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre (formation à trois)
Numéro d'arrêt : 14BX01298
Date de la décision : 26/05/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

67-03-03 Travaux publics. Différentes catégories de dommages. Dommages causés par l'existence ou le fonctionnement d'ouvrages publics.


Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: M. Jean-Claude PAUZIÈS
Rapporteur public ?: M. NORMAND
Avocat(s) : ROSON VALES

Origine de la décision
Date de l'import : 17/06/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2016-05-26;14bx01298 ?
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