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30/04/2021 | FRANCE | N°19BX01139

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre, 30 avril 2021, 19BX01139


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Moto Guadeloupe a demandé au tribunal administratif de La Guadeloupe d'annuler la décision du directeur de la programmation des finances et de la comptabilité du grand port maritime de la Guadeloupe n° l7/403 du 7 août 2017, l'état exécutoire émis le même jour par l'ordonnateur du grand port maritime de la Guadeloupe, pour un montant de 57 506,61 euros, ainsi que les factures émises à son encontre et de prononcer la décharge des sommes mises à sa charge.

Par un jugement n° 17010

34 du 31 janvier 2019, le tribunal administratif de La Guadeloupe a rejeté sa demand...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Moto Guadeloupe a demandé au tribunal administratif de La Guadeloupe d'annuler la décision du directeur de la programmation des finances et de la comptabilité du grand port maritime de la Guadeloupe n° l7/403 du 7 août 2017, l'état exécutoire émis le même jour par l'ordonnateur du grand port maritime de la Guadeloupe, pour un montant de 57 506,61 euros, ainsi que les factures émises à son encontre et de prononcer la décharge des sommes mises à sa charge.

Par un jugement n° 1701034 du 31 janvier 2019, le tribunal administratif de La Guadeloupe a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 22 mars 2019 et 13 mars 2020, la société Moto Guadeloupe, représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de la Guadeloupe du 31 janvier 2019 ;

2°) d'annuler " la décision " du directeur de la programmation des finances et de la comptabilité du grand port maritime de la Guadeloupe n° 17/403 du 7 aout 2017 ;

3°) d'annuler l'état exécutoire émis par l'ordonnateur du grand port maritime de la Guadeloupe du 7 août 2017 pour un montant de 57 506,61 euros ;

4°) d'annuler les factures émises par le grand port maritime de la Guadeloupe à son encontre et prononcer la décharge des sommes mises à sa charge ;

5°) de mettre à la charge du grand port maritime de la Guadeloupe une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle n'a pas occupé le domaine public maritime visé dans l'état exécutoire du 7 août 2017 ; le contrat de location gérance qui ne concernait que le local commercial, était étranger à la convention d'autorisation d'occupation temporaire conclue par une autre société ; sur le domaine public était entreposé le seul stock de cette autre société, essentiellement des bateaux et matériels nautiques, qui n'a fait l'objet d'aucune reprise ; le seul fait qu'elle ait payé, par erreur, en lieu et place de cette autre société le loyer pour une partie de l'année 2014, ne permet pas d'établir sa qualité de débiteur du grand port maritime de la Guadeloupe ;

- l'état exécutoire est manifestement " arbitraire " ; il n'est pas démontré qu'elle occupait la surface de 3 351 m² et d'un appontement de 24 m² sur le domaine public ; les sommes réclamées ne sont pas justifiées.

Par deux mémoires enregistrés les 3 juin 2019 et 1er juillet 2020, le grand port maritime de la Guadeloupe, représenté la société Richer et associés droit public, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la société Moto Guadeloupe d'une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens présentés par la société Moto Guadeloupe ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général de la propriété des personnes publiques ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020, et notamment son article 5 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme G...,

- les conclusions de M. Romain Roussel, rapporteur public,

- et les observations de Me F..., représentant le grand port maritime de la Guadeloupe.

Considérant ce qui suit :

1. Par une convention du 28 novembre 2012, le grand port maritime de la Guadeloupe a autorisé la société West Indies Marine à occuper, sur le domaine public, un terrain de 3 351 m² et un appontement de 24 m² sur la zone de cabotage Nord à Jarry / Baie Mahault à compter du 1er octobre 2012 jusqu'au 30 septembre 2015. Le 1er avril 2014, la société West Indies Marine a conclu un contrat de location gérance avec la société Moto Guadeloupe. Par une ordonnance du 30 avril 2015, le juge près le tribunal mixte de commerce de Pointe-à-Pitre a autorisé la vente du fonds de commerce de la société West Indies Marine au profit de la société Moto Guadeloupe. Le 22 septembre 2016, le grand port maritime de la Guadeloupe a émis un état exécutoire à l'encontre de la société Moto Guadeloupe en vue du recouvrement des indemnités relatives à l'occupation du terrain en cause au titre des années 2015 et 2016 pour un montant de 57 506,61 euros. Par un jugement n° 1601155 du 29 juin 2017, le tribunal administratif de la Guadeloupe a annulé cet état exécutoire pour défaut de mention des bases et éléments de calcul des sommes réclamées. Le 7 août 2017, le grand port maritime de la Guadeloupe a émis un nouvel état exécutoire du même montant. La société Moto Guadeloupe doit être regardée comme relevant appel du jugement du 31 janvier 2019 par lequel le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ce titre exécutoire et à la décharge de la somme de 57 506,61 euros.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. Aux termes de l'article L. 2122-1 du code général de la propriété des personnes publiques : " Nul ne peut, sans disposer d'un titre l'y habilitant, occuper une dépendance du domaine public d'une personne publique mentionnée à l'article L. 1 ou l'utiliser dans des limites dépassant le droit d'usage qui appartient à tous (...) ". Aux termes de l'article L. 2125-1 du même code : " Toute occupation ou utilisation du domaine public d'une personne publique mentionnée à l'article L. 1 donne lieu au paiement d'une redevance (...) ". L'article L. 2125-3 du même code précise : " La redevance due pour l'occupation ou l'utilisation du domaine public tient compte des avantages de toute nature procurés au titulaire de l'autorisation ". Le gestionnaire du domaine public est fondé à réclamer à l'occupant qui utilise de manière irrégulière le domaine une indemnité compensant les revenus qu'il aurait pu percevoir d'un occupant régulier pendant cette période. À cette fin, il doit rechercher le montant des redevances qui auraient été appliquées si l'occupant avait été placé dans une situation régulière, soit par référence à un tarif existant, lequel doit tenir compte des avantages de toute nature procurés par l'occupation du domaine public, soit, à défaut de tarif applicable, par référence au revenu, tenant compte des mêmes avantages, qu'aurait pu produire l'occupation régulière de la partie concernée du domaine public.

3. D'une part, il résulte de l'instruction qu'à la suite de la conclusion du contrat de location gérance le 1er avril 2014 avec la société West Indies Marine, qui incluait, en son article 4, la jouissance et l'exécution de la convention d'occupation du domaine public, la société Moto Guadeloupe a adressé spontanément ses coordonnées bancaires au grand port maritime de la Guadeloupe par message du 14 mai 2014, afin de s'acquitter de la redevance d'occupation du terrain en cause ainsi que le confirme le courrier de l'administrateur judiciaire de la société West Indies Marine du 30 août 2014. En outre, en réponse à la mise en demeure de quitter le terrain situé sur le domaine public que lui a adressée le 14 décembre 2015 le grand port maritime de Guadeloupe, la société Moto Guadeloupe justifie son occupation par un courrier du 6 janvier 2016 en faisant valoir qu'elle " tient ses droits de la société West Indies Marine ", dans un premier temps du contrat de location gérance et dans un second temps de la cession de son fonds de commerce. Par ailleurs, l'occupation par cette société du terrain cadastré section AM n° 396c, sur la zone de cabotage Nord à Jarry ressort du procès-verbal de constat du 29 avril 2016 et est confirmée par les écrits de la société elle-même, tant dans la lettre du 6 janvier 2016 que dans le message du 26 janvier 2016. Enfin, il résulte des échanges de courriels de janvier, février et mars 2016 que la société Moto Guadeloupe s'est engagée à procéder au déménagement du même terrain. Par suite, et bien que l'ordonnance du tribunal mixte de commerce de Pointe-à-Pitre du 30 avril 2015 mentionne que la société Moto Guadeloupe n'a pas repris le stock de la société West Indies Marine, il résulte de l'instruction que c'est à bon droit que le tribunal administratif de la Guadeloupe a jugé que l'appelante avait occupé le terrain litigieux situé sur le domaine public.

4. D'autre part, il résulte des termes de la convention du 28 novembre 2012 conclue entre West Indies Marine et le grand port maritime de la Guadeloupe que l'autorisation d'occuper le terrain cadastré section AM n° 396c, sur la zone de cabotage Nord à Jarry était strictement personnelle et il est constant que le grand port maritime de la Guadeloupe n'a jamais donné son agrément à la société West Indies Marine pour sous-louer ledit terrain, ni autorisé la société Moto Guadeloupe à l'occuper. Ainsi, la société Moto Guadeloupe doit être regardée comme occupante sans titre d'une dépendance du domaine public du grand port maritime de la Guadeloupe au titre des années 2015 et 2016. Si la société conteste le montant du titre exécutoire litigieux, il résulte de l'instruction que le grand port maritime de la Guadeloupe a appliqué aux surfaces mentionnées dans la convention du 28 novembre 2012, soit 24 m² pour l'appontement flottant et 3 351 m² pour le domaine industriel et commercial, les tarifs publiés au titre des années 2015 et 2016. Par suite, en demandant à la société Moto Guadeloupe le montant des redevances qui auraient été appliquées si elle avait été placée dans une situation régulière, le grand port maritime de la Guadeloupe n'a pas fixé le montant du titre exécutoire de manière erronée.

5. Il résulte de ce qui précède que la société Moto Guadeloupe n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté sa demande tendant à l'annulation du titre exécutoire du 7 août 2017 et à la décharge de la somme de 57 506,61 euros.

Sur les frais liés au litige :

6. Les dispositions de l'article L. 761-1 font obstacle à ce que soit mis à la charge du grand port maritime de la Guadeloupe, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le paiement de la somme que demande la société Moto Guadeloupe au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Moto Guadeloupe le paiement au grand port maritime de la Guadeloupe d'une somme de 2 000 euros en application de ces mêmes dispositions.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société Moto Guadeloupe est rejetée.

Article 2 : La société Moto Guadeloupe versera au grand port maritime de la Guadeloupe une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Moto Guadeloupe et au grand port maritime de la Guadeloupe.

Délibéré après l'audience du 1er avril 2021 à laquelle siégeaient :

M. C... A..., president,

Mme G..., première conseillère,

Mme E... D..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 avril 2021.

Le président,

Didier A...

La République mande et ordonne au préfet de la Guadeloupe en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 19BX01139 5


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19BX01139
Date de la décision : 30/04/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

24-01-02-01-01-04 Domaine. Domaine public. Régime. Occupation. Utilisations privatives du domaine. Redevances.


Composition du Tribunal
Président : M. SALVI
Rapporteur ?: Mme Nathalie GAY-SABOURDY
Rapporteur public ?: M. ROUSSEL
Avocat(s) : SARDA

Origine de la décision
Date de l'import : 11/05/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-04-30;19bx01139 ?
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