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23/03/2021 | FRANCE | N°19BX00537

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre, 23 mars 2021, 19BX00537


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme D..., M. et Mme N... et M. et Mme G... ont demandé au tribunal administratif de Poitiers, par deux demandes enregistrées sous les n° 1800242 et 1800269, d'annuler le permis de construire délivré le 12 décembre 2017 par le maire de Saint-Georges d'Oléron à la société Côte d'Opale.

M. et Mme A... et la société Côte d'Opale ont demandé au tribunal administratif de Poitiers, par deux demandes enregistrées sous les n°1801008 et 1801276, d'annuler l'arrêté du 9 mars 2018 par lequel le

maire de Saint-Georges d'Oléron a retiré le permis de construire du 12 décembre 2017 et...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme D..., M. et Mme N... et M. et Mme G... ont demandé au tribunal administratif de Poitiers, par deux demandes enregistrées sous les n° 1800242 et 1800269, d'annuler le permis de construire délivré le 12 décembre 2017 par le maire de Saint-Georges d'Oléron à la société Côte d'Opale.

M. et Mme A... et la société Côte d'Opale ont demandé au tribunal administratif de Poitiers, par deux demandes enregistrées sous les n°1801008 et 1801276, d'annuler l'arrêté du 9 mars 2018 par lequel le maire de Saint-Georges d'Oléron a retiré le permis de construire du 12 décembre 2017 et d'annuler l'arrêté du 18 avril 2018 par lequel le maire a refusé de délivrer à la société Côte d'Opale un permis de construire.

Par un jugement n° 1800242, 1800269, 1801008 et 1801276 du 13 décembre 2018, le tribunal a rejeté la demande d'annulation de l'arrêté du 9 mars 2018 présentée par M. et Mme A... et la société Côte d'Opale, prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions de ces derniers dirigées contre l'arrêté du 18 avril 2018 et prononcé un non-lieu à statuer sur les demandes présentées par M. et Mme D..., M. et Mme N... et M. et Mme G... à l'encontre du permis de construire du 12 décembre 2017.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, présentés le 11 février 2019, 26 avril 2019 et 23 septembre 2020, M. et Mme E... A... et la société Côte d'Opale, représentés par Me B..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 13 décembre 2018 en tant qu'il a rejeté leur demande d'annulation du retrait de permis de construire du 9 mars 2018 et prononcé un non-lieu à statuer sur leur demande d'annulation du refus de permis du 18 avril 2018 ;

2°) d'annuler les décisions du maire de Saint-Georges d'Oléron du 9 mars 2018 et du 18 avril 2018 ;

3°) d'enjoindre au maire de Saint-Georges d'Oléron de délivrer à la société Côte d'Opale le permis de construire sollicité dans le délai de deux mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Georges d'Oléron la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent, en ce qui concerne la régularité du jugement attaqué, que :

- ce jugement n'est pas revêtu des signatures requises par l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;

- c'est à tort que les premiers juges ont prononcé un non-lieu à statuer sur la demande d'annulation du refus de permis de construire du 18 avril 2018 au motif qu'il se bornait à confirmer le retrait de permis ; la décision du 18 avril 2018 emporte aussi retrait du permis de construire tacite dont la société est devenue titulaire entre temps ; il appartenait donc au tribunal de se prononcer sur sa légalité.

Ils soutiennent, en ce qui concerne la recevabilité des écritures en défense des défendeurs, que :

- ces écritures sont irrecevables car elles sollicitent l'annulation du permis de construire du 12 décembre 2017 sans que les formalités de notification de ce recours prévues à l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme aient été respectées ;

- ces défendeurs n'ont pas produit leur titre de propriété comme l'impose l'article R. 600-4 du code de l'urbanisme ;

- les époux D... n'ont pas produit le jugement qu'ils contestent comme l'impose l'article R. 751-5 du code de justice administrative ;

- ces défendeurs ne justifient pas d'un intérêt pour contester le permis de construire du 12 décembre 2017.

Ils soutiennent, en ce qui concerne la légalité du retrait du 9 mars 2018, que :

- ce retrait est intervenu en méconnaissance du principe du contradictoire dès lors qu'ils n'ont pas disposé du temps nécessaire pour présenter leurs observations entre le moment où le maire les a invités à présenter de telles observations et l'intervention de la décision de retrait en litige ;

- le retrait est intervenu au motif que le permis avait été délivré sans l'avis conforme du préfet, lequel n'avait pas à être sollicité en application de l'article L. 422-6 du code de l'urbanisme dès lors que le plan local d'urbanisme communal n'a pas fait l'objet d'une annulation juridictionnelle, d'une abrogation ou d'une constatation d'illégalité ; le plan local d'urbanisme communal, approuvé par délibération du conseil municipal du 4 décembre 2008, a seulement été retiré par une nouvelle délibération du 30 avril 2009 ; en tout état de cause, l'avis conforme du préfet est seulement exigé pour les demandes de permis de construire postérieures à l'annulation du plan local d'urbanisme, ce qui n'est pas le cas de la demande présentée par la société ;

- le permis de construire délivré le 12 décembre 2017 n'était pas contraire à l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme en vertu duquel l'extension de l'urbanisation doit se réaliser en continuité avec les agglomérations et villages existants ; le terrain d'assiette du projet est situé dans une zone urbanisée dès lors qu'il est entouré de parcelles construites ; ce terrain est également proche du bourg de Domino ; la parcelle EH 63, qui constitue une partie du terrain d'assiette du projet, est déjà urbanisée ; le projet en litige procède à une extension d'une construction existante et ne peut être assimilé à une extension de l'urbanisation au sens de la loi littoral et proscrite par celle-ci ;

- le permis de construire n'était pas contraire à la règle de la constructibilité limitée de l'article L. 111-1-2 du code de l'urbanisme, laquelle comporte en outre des exceptions au profit des projets de réfection et d'extension des constructions existantes ; le projet porté par la société répond à ces conditions ;

- en application de la loi ELAN du 23 novembre 2018, le schéma de cohérence territoriale du Pays Marennes-Oléron, qui couvre le territoire de la commune de Saint-Georges d'Oléron, doit définir les zones urbanisées existantes ; le terrain d'assiette du projet est bien situé dans une telle zone.

Ils soutiennent, en ce qui concerne la légalité du refus de permis de construire du 18 avril 2018, que :

- le retrait décidé le 9 mars 2018 a replacé la société Côte d'Opale dans la situation qui était la sienne avant la délivrance du permis du 12 décembre 2017 ; cette société est devenue titulaire d'un permis de construire tacite le 17 janvier 2018, soit à l'issue du délai d'instruction de trois mois qui courait à compter de la notification de l'arrêt de la cour d'administrative d'appel de Bordeaux annulant le précédent refus de permis ; le refus de permis de construire du 18 avril 2018 équivalait à un retrait du permis de construire tacite sur la légalité duquel le tribunal aurait dû se prononcer ;

- ce retrait du permis de construire tacite est illégal au regard de l'article L. 424-5 du code de l'urbanisme dès lors que la société n'a pas été en mesure de présenter ses observations, que le délai de trois mois à l'intérieur duquel l'administration peut retirer cette décision était expiré et que le permis tacite en cause n'était pas illégal.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 29 mars 2019 et le 18 septembre 2020, M. et Mme N... et M. et Mme G..., représentés par Me O..., concluent :

1°) au rejet de la requête ;

2°) subsidiairement, à ce que la cour annule le permis de construire du 12 décembre 2017 ;

3°) et à ce qu'il soit mis à la charge des appelants la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que tous les moyens de la requête doivent être écartés comme infondés ; sinon, que le permis de construire du 12 décembre 2017 doit être annulé au vu des moyens soulevés à son encontre en première instance.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 9 avril 2019 et le 23 septembre 2020, M. et Mme D..., représentés par la SCP Pielberg, Kolenc, Le Breton, concluent :

1°) au rejet de la requête ;

2°) subsidiairement, à ce que la cour annule le permis de construire du 12 décembre 2017 ;

3°) et à ce qu'il soit mis à la charge des appelants la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que tous les moyens de la requête doivent être écartés comme infondés ; sinon que le permis de construire du 12 décembre 2017 doit être annulé au vu des moyens soulevés à son encontre en première instance.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 mai 2019, la commune de Saint-Georges d'Oléron, représentée par Me H..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge des appelants la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que tous les moyens de la requête doivent être écartés comme infondés.

Par ordonnance du 4 août 2020, la clôture d'instruction a été fixée au 23 septembre 2020 à 12h00.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. J... C...,

- les conclusions de Mme P..., rapporteure publique,

- et les observations de Me L..., représentant la SARL Côte d'Opale, et de Me Q..., représentant M. et Mme D....

Une note en délibéré a été présentée pour la société Côte d'Opale et M. et Mme A... le 24 février 2021.

Considérant ce qui suit :

1. Le 23 mai 2005, la société Côte d'Opale a déposé en mairie de Saint-Georges d'Oléron une demande de permis de construire une résidence de tourisme comprenant 50 logements sur les parcelles cadastrées section EH n° 59 et 63 appartenant à M. et Mme A.... Cette demande a été rejetée par un arrêté du maire de Saint-Georges d'Oléron du 20 mai 2011. Saisie par les époux A... et la société Côte d'Opale, la cour d'administrative d'appel de Bordeaux, par un arrêt du 17 octobre 2017, a annulé le refus de permis du 20 mai 2011 et prescrit au maire d'instruire à nouveau la demande de permis de construire. En exécution de cet arrêt, le maire de Saint-Georges d'Oléron a délivré le permis de construire par un arrêté du 12 décembre 2017 dont M. et Mme N... et M. et Mme G..., d'une part, et M. et Mme D..., d'autre part, ont demandé l'annulation au tribunal administratif de Poitiers par deux demandes enregistrées, respectivement, sous les n° 1800242 et 1800269. En cours d'instance devant le tribunal, le maire de Saint-Georges d'Oléron a retiré le permis du 12 décembre 2017 par une décision du 9 mars 2018, laquelle a été suivie d'un refus express de permis signé le 18 avril 2018. M. et Mme A... et la société Côte d'Opale ont saisi le tribunal administratif de Poitiers de deux demandes, enregistrées sous les n° 1801008 et 1801276, tendant à l'annulation de ces décisions de retrait et de refus.

2. Par un jugement rendu le 13 décembre 2018, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté la demande de M. et Mme A... et de la société Côte d'Opale dirigée contre le retrait du permis de construire décidé le 9 mars 2018 et prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions de ces derniers tendant à l'annulation du refus de permis du 18 avril 2018. Par ce même jugement, le tribunal a jugé qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur les conclusions des époux N..., G... et D... dirigées contre le permis de construire du 12 décembre 2017 en raison de son retrait.

3. M. et Mme A... et la société Côte d'Opale demandent à la cour d'annuler ce jugement du 13 décembre 2018 en tant qu'il prononce un non-lieu à statuer sur leur demande n° 1801276 et en tant qu'il rejette leur demande n°1801008. Les époux N..., G... et D... concluent au rejet de la requête et, subsidiairement, à l'annulation du permis de construire du 12 décembre 2017.

Sur la régularité du jugement attaqué :

4. En premier lieu, aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ".

5. Il ressort de la minute du jugement attaqué que celle-ci comporte les signatures du président de la formation de jugement, du rapporteur et du greffier d'audience, requises par l'article R. 741-7 du code de justice administrative. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit être écarté.

6. En second lieu, les appelants font valoir que le refus de permis du 18 avril 2018 a eu pour effet de retirer le permis de construire tacite né à leur profit le 17 janvier 2018, soit trois mois après l'arrêt de la cour annulant le refus du permis du 20 mai 2011. Ils en déduisent que les premiers juges ont analysé à tort le refus du 18 avril 2018 comme une simple confirmation du retrait de permis décidé le 9 mars 2018 pour en conclure qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur la demande d'annulation de cette décision de refus.

7. L'annulation par le juge de l'excès de pouvoir de la décision qui a refusé de délivrer un permis de construire impose à l'administration, qui demeure saisie de la demande, de procéder à une nouvelle instruction de celle-ci, sans que le pétitionnaire ne soit tenu de la confirmer. En revanche, un nouveau délai de nature à faire naître une autorisation tacite ne commence à courir qu'à dater du jour de la confirmation de sa demande par l'intéressé, laquelle, en application de l'article R. 424-1 du code de l'urbanisme, fait courir un délai de trois mois à l'expiration duquel le silence gardé par l'administration fait naître un permis de construire tacite. En l'espèce, il ne ressort pas des pièces du dossier que, postérieurement à l'annulation du refus de permis du 20 mai 2011 que la cour a prononcée dans son arrêt du 17 octobre 2017, la société Côte d'Opale a confirmé sa demande de permis auprès du maire de Saint-Georges d'Oléron. Par suite, la société n'est pas fondée à soutenir qu'elle est devenue titulaire d'un permis de construire tacite que la décision du 18 avril 2018 aurait eu pour effet de retirer et sur la légalité de laquelle le tribunal aurait dû se prononcer.

8. En revanche, la circonstance que dans son arrêté du 18 avril 2018 le maire se serait borné à confirmer le refus de permis dont l'existence devait être déduite de la décision de retrait du 9 mars 2018 ne pouvait, par elle-même, conduire les premiers juges à constater qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur cet arrêté du 18 avril 2018 dès lors que celui-ci, qui n'a été ni retiré ni abrogé, demeure dans l'ordonnancement juridique. Dans ces conditions, le jugement attaqué est entaché d'irrégularité en tant que, par son article 2, il a prononcé un non-lieu à statuer sur la demande de la société Côte d'Opale et les époux A... présentée dans la requête n°1801276.

9. Il y a lieu pour la cour d'annuler, dans la mesure précisée au point précédent, l'article 2 du jugement attaqué, de statuer par la voie de l'évocation sur les conclusions de première instance dirigées contre le refus de permis du 18 avril 2018 et par la voie de l'effet dévolutif sur les autres conclusions.

Sur la légalité de la décision du 9 mars 2018 portant retrait de permis de construire :

10. En premier lieu, en vertu des dispositions combinées des articles L. 122-1 et L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration, les décisions qui retirent un acte créateur de droits, tel qu'un permis de construire, ne peuvent intervenir qu'après que la personne intéressée a été mise à même, dans un délai suffisant, de présenter ses observations écrites et, le cas échéant, orales.

11. Par un courrier du 28 février 2018, le maire de Saint-Georges d'Oléron a informé la société Côte d'Opale qu'il envisageait de retirer le permis du 12 décembre 2017 en lui laissant un délai de huit jours, jusqu'au 9 mars 2018 inclus, pour présenter ses observations. A ce courrier était jointe la lettre d'observation que le sous-préfet de Rochefort a adressée au maire de Saint-Georges d'Oléron le 15 février 2018 contestant la légalité du permis au regard, notamment, des dispositions de l'article L. 111-1-2 du code de l'urbanisme recodifiées à l'article L. 111-3 et du I de l'article L. 146-4 du même code recodifié à l'article L. 121-8.

12. Il ressort des pièces du dossier que la lettre du 28 février 2018 a été réceptionnée par la société Côte d'Opale le 5 mars 2018 seulement et que le retrait de permis a été signé le 9 mars 2018 alors que l'intéressée avait la possibilité de présenter ses observations jusqu'au 9 mars inclus. Toutefois, comme l'ont relevé les premiers juges, la lettre du 28 février 2018 a été adressée ce même jour au conseil de la société Côte d'Opale par télécopie et par courriel, soit huit jours avant l'expiration du délai imparti à cette dernière pour présenter ses observations. Il ne ressort pas des pièces du dossier que ce délai de huit jours devrait être regardé comme trop bref compte tenu des motifs pour lesquels le maire a envisagé de retirer le permis de construire, alors surtout que le 7 mars 2018, le conseil de la société a présenté, pour le compte de sa cliente, ses observations détaillées sur ce projet de retrait. Il ne ressort pas non plus des pièces du dossier et n'est d'ailleurs pas allégué que la société aurait eu des observations à faire valoir autres que celles qu'elle avait exprimées par l'intermédiaire de son conseil le 7 mars 2018. Par suite, la société n'a pas été privée d'une garantie du seul fait que le maire a pris le retrait contesté sans attendre l'expiration du délai qu'il avait laissé à la société pour présenter ses observations. Le moyen tiré de la méconnaissance de la procédure contradictoire doit, dans ces circonstances, être écarté.

13. En deuxième lieu, le retrait du permis décidé le 9 mars 2018 est fondé sur la méconnaissance par le projet en litige des dispositions des articles L. 111-1-2 et L. 146-4 (I) du code de l'urbanisme et non sur la circonstance que le permis aurait dû faire l'objet d'un avis conforme du préfet en application de l'article L. 422-6 du même code. Par suite, les appelants ne peuvent utilement soutenir que l'absence d'avis conforme du préfet sur le permis ne pouvait constituer un motif de retrait de celui-ci dès lors que les conditions prévues à l'article L. 422-6 du code de l'urbanisme, pour qu'un tel avis soit requis, n'étaient pas réunies. Il n'importe pas à cet égard que le préfet ait soutenu, dans sa lettre d'observation du 15 février 2018, que son avis conforme aurait dû être sollicité dès lors que, comme il vient d'être dit, ce motif n'a pas été repris dans la décision de retrait en litige.

14. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 424-5 du code de l'urbanisme : " (...) le permis de construire ou d'aménager ou de démolir, tacite ou explicite, ne peuvent être retirés que s'ils sont illégaux et dans le délai de trois mois suivant la date de ces décisions (...) ".

15. Au point 4 de son arrêt n° 17BX00529 du 17 octobre 2017, devenu définitif, la cour a rappelé que les dispositions de l'article L. 600-2 du code de l'urbanisme imposent à l'autorité administrative, à laquelle le juge administratif a enjoint de réexaminer la demande de permis de construire après avoir annulé le refus opposé à la demande, de se prononcer en tenant compte des dispositions d'urbanisme applicables à la date de la décision annulée. La demande de permis de construire présentée le 23 mai 2005 par la société Côte d'Opale a fait l'objet d'un premier refus du 30 janvier 2009 que le tribunal administratif de Poitiers a annulé par un jugement, définitif, du 24 mars 2011 qui a aussi enjoint au maire de Saint-Georges d'Oléron d'examiner à nouveau la demande de permis de construire. En application de la règle découlant de l'article L. 600-2 du code de l'urbanisme, il appartenait au maire d'examiner la demande présentée par la société Côte d'Opale en fonction des règles en vigueur à la date du 30 janvier 2009, lesquelles n'ont d'ailleurs pas évolué de manière plus restrictive eu égard notamment aux dispositions résultant du plan local d'urbanisme approuvé le 30 avril 2009. Et en application de l'article L. 424-5 précité du code de l'urbanisme, la décision du 9 mars 2018 portant retrait du permis de construire du 12 décembre 2017 est légalement fondée si ce permis a méconnu les dispositions d'urbanisme en vigueur au 30 janvier 2009.

16. Au 30 janvier 2009, la commune de Saint-Georges d'Oléron était soumise au règlement national d'urbanisme et notamment aux dispositions de l'article L. 111-1-2 du code de l'urbanisme alors en vigueur aux termes desquelles : " En l'absence de plan local d'urbanisme ou de carte communale opposable aux tiers, ou de tout document d'urbanisme en tenant lieu, seules sont autorisées, en dehors des parties actuellement urbanisées de la commune : 1° (...) la réfection ou l'extension des constructions existantes (...) ". Il résulte de ces dispositions que les nouvelles constructions sont en principe interdites en dehors des parties actuellement urbanisées de la commune, c'est-à-dire des parties du territoire communal qui comportent déjà un nombre et une densité significatifs de constructions. Il en résulte qu'en dehors du cas où elles relèvent des exceptions expressément et limitativement prévues par l'article L. 111-1-2 du code de l'urbanisme, les constructions ne peuvent être autorisées dès lors que leur réalisation a pour effet d'étendre la partie actuellement urbanisée de la commune.

17. Il ressort des pièces du dossier que le terrain d'assiette du projet est constitué des parcelles cadastrées section EH 63 et EH 59 d'une superficie totale de 8 075 m2. Le projet de résidence touristique initialement autorisé par le permis du 12 décembre 2017 prévoit la construction de quatre bâtiments (E1 X 2, E2, E3) d'une surface hors oeuvre nette de 1 389,63 m2 sur la parcelle n°59 ainsi que la réfection des quatre bâtiments existants (A, B, C, D) sur la parcelle n°63. La résidence projetée doit comporter 50 logements pour une capacité d'accueil de 120 personnes.

18. Il ressort des pièces du dossier et notamment des plans et vues aériennes qui y sont produits qu'à l'ouest et au sud-ouest du terrain d'assiette du projet, dont la partie inférieure est constituée par la parcelle n°59, se trouvent une quinzaine de constructions le long du chemin du Rateau qui ne peuvent être regardées, compte tenu de leur disposition sur de grandes parcelles boisées, comme formant une partie actuellement urbanisée de la commune caractérisée par des constructions dont le nombre et la densité sont significatifs. De même, les parties du territoire communal situées au nord et à l'est de la partie supérieure du terrain d'assiette, constituée par la parcelle n°63, se présentent sous la forme d'étendues boisées où il n'existe pas non plus de constructions formant une partie actuellement urbanisée de la commune. Par ailleurs, à l'est du terrain d'assiette se trouve le bourg densément urbanisé du village de Domino mais il ressort des pièces du dossier que ce même terrain occupe par rapport au bourg un compartiment d'espace nettement différent dès lors qu'il en est séparé par une zone boisée, une voie de circulation et quelques constructions formant une zone d'urbanisation diffuse. Dans ces circonstances, le terrain d'assiette du projet de la société Côte d'Opale, qui s'étend sur une superficie de 8 075 m2, n'est pas situé dans les parties actuellement urbanisées de la commune de Saint-Georges d'Oléron et sa réalisation reviendrait à étendre celles déjà existantes.

19. De plus, et comme l'ont relevé à bon droit les premiers juges, le projet de résidence touristique prévoit la création de quatre bâtiments et ne peut, par conséquent, être regardé comme portant sur la réfection de constructions existantes du seul fait qu'il prévoit par ailleurs la rénovation des bâtiments présents sur la parcelle n°63. Par suite, ce projet n'est pas au nombre des exceptions à la règle de la constructibilité limitée en dehors des parties actuellement urbanisées énumérées à l'article L. 111-1-2 du code de l'urbanisme.

20. Dès lors, le permis de construire délivré le 12 décembre 2017 a méconnu les dispositions précitées de l'article L. 111-1-2 du code de l'urbanisme et c'est à bon droit que le maire a retiré pour ce motif cette autorisation par la décision en litige du 9 mars 2018.

21. Par ailleurs, en application du I de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme applicable aux communes littorales, ultérieurement recodifié à l'article L. 121-8, l'extension de l'urbanisation doit se réaliser en continuité avec les agglomérations et villages existants. Il résulte de ces dispositions que les constructions peuvent être autorisées dans les communes littorales en continuité avec les agglomérations et villages existants, c'est-à-dire avec les zones déjà urbanisées caractérisées par un nombre et une densité significative de constructions mais qu'en revanche, aucune construction ne peut être autorisée, même en continuité avec d'autres, dans les zones d'urbanisation diffuse éloignées de ces agglomérations et villages.

22. Le projet en litige, qui ne se résume pas à un simple agrandissement de constructions existantes, entraine une extension de l'urbanisation au sens du I précité de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme. Il est, par suite, soumis aux conditions posées par cet article. Il ressort des pièces du dossier que le terrain d'assiette du projet n'est pas situé en continuité avec une partie urbanisée du territoire communal caractérisée par la présence de constructions dont le nombre et la densité sont significatives. Par suite, le permis de construire délivré le 12 décembre 2017 a méconnu les dispositions précitées du I de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme qui interdisent l'extension de l'urbanisation dans les espaces non contigus aux villages et agglomérations existants et, dès lors, c'est à bon droit que le maire a retiré cette autorisation par la décision en litige du 9 mars 2018.

23. Dès lors que le terrain d'assiette du projet est situé en dehors des parties actuellement urbanisées au sens de l'article L. 111-1-2 du code de l'urbanisme et qu'il n'est pas en continuité avec une agglomération ou un village au sens du I de l'article L. 146-4 du même code, les requérants ne peuvent utilement se prévaloir, à l'appui de leur contestation du retrait en litige, de ce que ce même terrain a été identifié parmi les zones urbanisées ou urbanisables du territoire communal par le schéma de cohérence territoriale du Pays Marennes-Oléron adopté en décembre 2005. Enfin, le projet étant soumis aux règles en vigueur au 30 janvier 2009, les requérants ne peuvent utilement invoquer les dispositions de la loi n°2018-1021 du 23 novembre 2018 en vertu de laquelle les schémas de cohérence territoriale précisent les modalités d'application de la loi littoral.

24. Il résulte de ce qui précède que la décision du 9 mars 2018 portant retrait du permis de construire n'a pas méconnu les dispositions de l'article L. 424-5 du code de l'urbanisme en vertu desquelles, notamment, un permis de construire ne peut être retiré que s'il est illégal.

Sur la légalité de la décision du 18 avril 2018 portant refus de permis de construire :

25. En premier lieu, le refus de permis en litige a été signé par l'adjoint au maire chargé de l'urbanisme qui bénéficiait à cette fin d'une délégation de signature résultant d'un arrêté municipal du 15 avril 2014.

26. En deuxième lieu, le refus de permis, comme d'ailleurs l'arrêté du retrait du 9 mars 2018, n'est pas fondé sur ce que le projet nécessitait un avis conforme du préfet. Par suite, le moyen tiré de ce qu'un tel avis n'avait pas à être sollicité dans le cadre de l'instruction du permis de construire est inopérant.

27. En troisième lieu, il résulte de ce qui a été dit au point 5 que la société Côte d'Opale, qui n'a pas confirmé sa demande de permis de construire après l'annulation du refus qui lui a été opposé, ne peut soutenir qu'elle est devenue titulaire d'un permis de construire tacite. Par suite, la décision en litige du 18 avril 2018 n'emportant pas retrait d'une autorisation tacite antérieure, les appelants ne peuvent utilement soutenir, d'une part, qu'elle ne pouvait intervenir sans que le maire invite la société à présenter ses observations et, d'autre part, qu'elle a méconnu l'article L. 424-5 du code de l'urbanisme en vertu duquel l'autorité compétente ne peut retirer un permis de construire qu'en cas d'illégalité de celui-ci et dans les trois mois suivant sa délivrance.

28. En quatrième lieu, il résulte de ce qui a été dit aux points 14 à 20 que le projet de la société Côte d'Opale n'est pas conforme aux dispositions des articles L. 111-1-2 et L. 146-4 applicables. Par suite, le maire a fait une exacte application de ces dispositions en refusant le permis sollicité.

29. Il résulte de ce qui précède que les conclusions présentées en première instance par la société Côte d'Opale et M. et Mme A... à l'encontre du refus de permis de construire doivent être rejetées sans qu'il soit besoin d'examiner leur recevabilité.

30. Dès lors que les conclusions de M. et Mme A... et de la société Côte d'Opale dirigées contre le retrait de permis de construire du 9 mars 2018 et contre le refus de permis de construire du 18 avril 2018 sont rejetées par le présent arrêt, il n'y a pas lieu de se prononcer sur la recevabilité et le bien-fondé des conclusions présentées subsidiairement par les époux N..., G... et D... et dirigées contre le permis de construire du 12 décembre 2017.

31. Il résulte de tout ce qui précède que les appelants sont seulement fondés à demander l'annulation de l'article 2 du jugement attaqué en tant qu'il prononce un non-lieu à statuer sur la demande n°1801276 et que leurs conclusions de première instance dirigées contre le refus de permis du 18 avril 2018 ainsi que le surplus de leurs conclusions d'appel doivent être rejetés.

32. Par voie de conséquence, les conclusions des appelants à fin d'injonction et celles présentées par eux au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées. En revanche, il y a lieu de faire application de ces mêmes dispositions en mettant à la charge des appelants, pris ensemble, la somme de 1 500 euros au titre des frais non compris dans les dépens exposés par M. et Mme N... et M. et Mme G..., la somme de 1 500 euros au titre de ces frais exposés par M. et Mme D... et la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la commune de Saint-Georges d'Oléron.

DECIDE :

Article 1er : L'article 2 du jugement n° 1800242, 1800269, 1801008 et 1801276 du tribunal administratif de Poitiers du 13 décembre 2018 est annulé en tant qu'il prononce un non-lieu à statuer sur la demande n°1801276.

Article 2 : Les conclusions de première instance de la société Côte d'Opale et M. et Mme A... dirigées contre le refus de permis de construire du 18 avril 2018 et le surplus de leurs conclusions d'appel sont rejetées.

Article 3 : La société Côte d'Opale et M. et Mme A..., pris ensemble, verseront à M. et Mme N... et M. et Mme G..., d'une part, à M. et Mme D..., d'autre part, et à la commune de Saint-Georges d'Oléron, de troisième part, la somme de 1 500 euros chacun au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme E... A..., à la société Côte d'Opale, à M. et Mme N..., à M. et Mme G..., à M. et Mme D... et à la commune de Saint-Georges d'Oléron. Copie pour information en sera délivrée au préfet de la Charente-Maritime.

Délibéré après l'audience du 23 février 2021 à laquelle siégeaient :

Mme M... F..., présidente,

M. J... C..., président-assesseur,

Mme I... K..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 mars 2021.

La présidente,

Elisabeth F...

La République mande et ordonne au préfet de la Charente-Maritime en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

4

N° 19BX00537


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19BX00537
Date de la décision : 23/03/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Urbanisme et aménagement du territoire - Permis de construire - Nature de la décision - Octroi du permis - Permis tacite.

Urbanisme et aménagement du territoire - Permis de construire - Nature de la décision - Octroi du permis - Permis tacite - Retrait.

Urbanisme et aménagement du territoire - Permis de construire - Nature de la décision - Refus du permis.


Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: M. Frédéric FAÏCK
Rapporteur public ?: Mme PERDU
Avocat(s) : SCP PIELBERG KOLENC

Origine de la décision
Date de l'import : 30/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-03-23;19bx00537 ?
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