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17/10/2017 | FRANCE | N°17BX00529

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre - formation à 3, 17 octobre 2017, 17BX00529


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme B...A...et la SARL Côte d'Opale ont demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 20 mai 2011 par lequel le maire de Saint-Georges d'Oléron a refusé de leur accorder un permis de construire une résidence de tourisme comportant cinquante unités d'habitation sur un terrain situé 301 rue de l'Océan Domino, sur les parcelles cadastrées EH n° 59 et 63.

Par un jugement n° 1101556 du 10 décembre 2013, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté cette demande.
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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme B...A...et la SARL Côte d'Opale ont demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 20 mai 2011 par lequel le maire de Saint-Georges d'Oléron a refusé de leur accorder un permis de construire une résidence de tourisme comportant cinquante unités d'habitation sur un terrain situé 301 rue de l'Océan Domino, sur les parcelles cadastrées EH n° 59 et 63.

Par un jugement n° 1101556 du 10 décembre 2013, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté cette demande.

Par un arrêt n° 14BX00486 du 13 octobre 2015, la cour administrative d'appel de Bordeaux, sur requête de M. et Mme B...A...et de la SARL Côte d'Opale, a confirmé le jugement du tribunal administratif.

Par une décision n° 395274 du 23 février 2017, le Conseil d'Etat statuant au contentieux, saisi d'un pourvoi présenté par M. et Mme B...A...et par la SARL Côte d'Opale, a annulé l'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 13 octobre 2015 et a renvoyé l'affaire à la cour.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires complémentaires, présentés le 13 février 2014, le 20 avril 2017 et le 12 juin 2017, M. et Mme A...et la SARL Côte d'Opale, représentés par Mes Huglo et Paul, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 10 décembre 2013 ;

2°) d'annuler l'arrêté de refus de permis de construire du 20 mai 2011 ;

3°) d'enjoindre au maire de la commune, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, à titre principal, de leur délivrer le permis de construire sollicité et, à titre subsidiaire, de procéder à une nouvelle instruction de leur demande dans le délai d'un mois ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Georges d'Oléron la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le jugement est irrégulier dès lors que la minute n'a pas été signée par le président de la formation de jugement et par le rapporteur, en méconnaissance de l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;

- l'arrêté de refus de permis de construire est entaché d'un vice de procédure dès lors qu'aucune autorité n'a été consultée préalablement à son adoption, notamment celles chargées des accès, des dessertes, de l'assainissement, du service d'incendie et de secours en méconnaissance de l'article R. 421-50 du code de l'urbanisme ;

- ce refus de permis de construire est fondé sur des dispositions d'urbanisme intervenues postérieurement à la date de la première décision de refus annulée par un jugement du tribunal administratif du 24 mars 2011 ; or, en application de l'article L. 600-2 du code de l'urbanisme, la demande aurait dû être examinée au regard des dispositions en vigueur au 30 janvier 2009, date du premier refus de permis qui a été annulé ; le tribunal administratif a commis une erreur de droit en jugeant que le pétitionnaire ne pouvait se prévaloir des dispositions de l'article L. 600-2 du code de l'urbanisme faute d'avoir confirmé sa demande dans le délai de six mois qu'elles prévoient ; cette confirmation de la demande de permis de construire est révélée par les conclusions à fin d'injonction de délivrance du permis que les requérants avaient présentées devant le tribunal administratif ; le Conseil d'Etat a ainsi récemment jugé que de telles conclusions à fin d'injonction équivalent à une confirmation de la demande de permis au sens de l'article L. 600-2 du code de l'urbanisme ; il en résulte que le refus de permis en litige est entaché d'erreur de droit dès lors qu'il est fondé sur le plan local d'urbanisme approuvé le 30 avril 2009 alors que la demande de permis aurait dû être examinée en fonction des dispositions d'urbanisme en vigueur au 30 janvier 2009 date du premier refus de permis ayant été annulé par le tribunal ;

- il en résulte que la demande de permis aurait dû être instruite en fonction du règlement national d'urbanisme en vigueur à la date du 30 janvier 2009 et que la commune a déclaré applicable sur son territoire par délibération du 28 janvier 2004 ; ce règlement ne s'oppose pas à la délivrance du permis sollicité dès lors que le terrain d'assiette du projet se situe en zone urbaine ; ce terrain est constitué de deux parcelles dont une supporte déjà quatre constructions ; ces parcelles disposent d'un propre transformateur électrique ; eu égard à sa localisation et à ses caractéristiques, ce terrain se situe dans les parties actuellement urbanisées de la commune au sens de l'article L. 111-1-2 du code de l'urbanisme ; et à supposer même qu'il se situe en dehors de ces parties, le projet doit bénéficier des exceptions à cette règle de la constructibilité limitée dès lors qu'il porte sur la réfection et l'extension de constructions existantes ; enfin, le projet ne favorise pas une urbanisation dispersée au sein des espaces naturels de la commune au sens de l'article R. 111-14 du code de l'urbanisme ;

- le refus de permis de construire en litige méconnaît les dispositions d'urbanisme redevenues applicables du fait de l'illégalité, soulevée par voie d'exception, du plan local d'urbanisme approuvé le 30 avril 2009 ;

- compte tenu des modifications apportées au plan local d'urbanisme après l'enquête publique, ce plan ne pouvait être approuvé sans avoir été au préalable soumis à une nouvelle enquête publique ; lesdites modifications en ont en effet modifié l'économie générale ;

- les parcelles cadastrées EH n° 59 et 63 étaient auparavant classées dans des zones qui ne faisaient pas obstacle à la réalisation du projet ; le changement de zonage a eu pour seul objet de les rendre inconstructibles ; le classement de la parcelle EH n° 63 en zone naturelle est entaché d'erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'elle comporte déjà quatre bâtiments répartis sur l'ensemble du terrain ainsi qu'un terrain multisports, qu'elle est desservie par une voie et les réseaux et qu'elle jouxte des parcelles construites ; le classement de la parcelle EH n° 59 en zone Uc est également entaché d'erreur manifeste d'appréciation ; il en va de même du classement de ces deux parcelles en espace boisé classé ; la parcelle EH n° 59 est en effet située en zone urbaine, desservie par une voie publique et les équipements, entourée de parcelles construites, et ne comporte aucun arbre ; la parcelle n° 63 est située dans un contexte urbain, au milieu de parcelles construites, et ne comporte pas de boisements particuliers ; dans le précédent plan d'occupation des sols, ces deux parcelles n'étaient pas classées en espace boisé classé ; compte tenu de leurs caractéristiques, elles devraient être classées en zone urbaine ou à urbaniser ;

- le refus de permis de construire est entaché de détournement de pouvoir ; il méconnaît le principe d'égalité devant les charges publiques ; une procédure de révision du plan local d'urbanisme a été engagée afin de transférer en zone constructible une parcelle située à moins de 200 mètres du terrain en litige et qui était, au préalable, également classée en zone Nt3.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 26 septembre 2014 et le 22 mai 2017, la commune de Saint-Georges d'Oléron, représentée par Me D...et Verger, conclut au rejet de la requête ainsi qu'à la mise à la charge des requérants de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la circonstance que l'ampliation du jugement reçue par les requérants n'est pas signée par le président de la formation de jugement est sans conséquence sur la régularité du jugement, les dispositions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative imposant simplement que la minute du jugement soit signée par le président, le rapporteur et le greffier d'audience ;

- le moyen tiré du vice de procédure n'est pas fondé dès lors qu'aucune disposition législative ou règlementaire n'impose qu'un refus de permis de construire soit précédé de la consultation des personnes mentionnées aux articles R. 423-50 du code de l'urbanisme ;

- il est vrai que le Conseil d'Etat a récemment jugé que lorsque le requérant demande au tribunal une injonction de délivrance du permis de construire ou de réexamen de la demande, celle-ci équivaut à une confirmation de ladite demande au sens de l'article L. 600-2 du code de l'urbanisme ; en application de cet article, le refus de permis de construire du 20 mai 2011 ne pouvait se fonder sur le plan local d'urbanisme approuvé le 20 avril 2009 mais sur le règlement national d'urbanisme applicable sur le territoire de la commune ; toutefois, les dispositions de ce règlement, à savoir les articles L. 111-1-2 et R. 111-14 du code de l'urbanisme s'opposent à la délivrance du permis sollicité et à ce qu'il soit fait droit aux conclusions à fin d'injonction ; en effet, le terrain d'assiette du projet se situe en dehors des parties actuellement urbanisées de la commune et le projet est de nature à favoriser une urbanisation dispersée au sein des espaces naturels de la commune ;

- les modifications apportées au plan local d'urbanisme du 30 avril 2009 après l'enquête publique n'en ont pas modifié l'économie générale ;

- s'agissant de l'erreur manifeste d'appréciation dont les requérants soutiennent qu'elle entache la délibération ayant approuvé le plan local d'urbanisme, les parcelles des requérants ne sont pas classées en zone inconstructible ; la parcelle n° 63 répond aux caractéristiques d'une zone naturelle ; elle était auparavant classée en zone NAe2, correspondant aux espaces réservés aux villages de vacances et colonies de vacances ; elle bénéficie d'une protection au titre des sites et monuments naturels inscrits ; elle s'insère dans un vaste ensemble naturel et boisé ; le classement en espace boisé des parcelles des requérants, qui sont situées à 500 mètres du rivage, dans un ensemble boisé, vise à permettre le maintien des boisements existants dont la présence est indispensable pour lutter contre le vent et l'érosion marine ;

- le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi ;

- dans la mesure où le classement des parcelles n° 59 et 63 n'est pas entaché d'erreur manifeste d'appréciation, il ne saurait porter atteinte au principe d'égalité entre les citoyens.

Par ordonnance du 23 mai 2017, la clôture d'instruction a été fixée au 13 juin 2017.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Frédéric Faïck,

- les conclusions de Mme Déborah De Paz, rapporteur public,

- et les observations de MeC..., représentant M. et Mme A...et la société Côte d'Opale.

Considérant ce qui suit :

1. Le 23 mai 2005, la société Côte d'Opale a déposé en mairie de Saint-Georges d'Oléron une demande de permis de construire une résidence de tourisme comprenant 50 logements sur les parcelles cadastrées section EH n° 59 et 63 appartenant à M. et MmeA.... Par un arrêté du 14 décembre 2006, le maire de Saint-Georges d'Oléron a sursis à statuer sur cette demande pour une durée de deux ans au motif qu'elle était de nature à compromettre le plan local d'urbanisme en cours de révision. Par une délibération du 4 décembre 2008, le conseil municipal de Saint-Georges d'Oléron a approuvé le nouveau plan local d'urbanisme communal. En se fondant sur les dispositions de ce document d'urbanisme, qui classait le terrain d'assiette du projet dans des zones ne permettant pas sa réalisation, le maire s'est opposé à la demande de permis par un arrêté du 30 janvier 2009. Toutefois, par une délibération adoptée le 30 avril 2009, le conseil municipal de la commune de Saint-Georges d'Oléron a retiré la délibération du 4 décembre 2008 et approuvé, après rectification, le plan local d'urbanisme. Entre temps, M. et Mme A...et la société Côte d'Opale avaient saisi le tribunal administratif de Poitiers d'une demande d'annulation du refus de permis de construire du 30 janvier 2009. Par jugement du 24 mars 2011, le tribunal a, d'une part, annulé ce refus au motif qu'il était privé de base légale à la suite du retrait de la délibération du 4 décembre 2008 et, d'autre part, enjoint au maire de Saint-Georges d'Oléron de réexaminer la demande de permis de construire. Celle-ci a été une nouvelle fois rejetée par un arrêté du 20 mai 2011 appliquant les dispositions du plan local d'urbanisme approuvé le 30 avril 2009, lesquelles faisaient obstacle à la réalisation du projet de construction. Les époux A...et la société Côte d'Opale relèvent appel du jugement rendu le 10 décembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 20 mai 2011.

Sur la légalité de l'arrêté du 20 mai 2011 portant refus de permis de construire :

2. Aux termes de l'article L. 600-2 du code de l'urbanisme : " Lorsqu'un refus opposé à une demande d'autorisation d'occuper ou d'utiliser le sol ou l'opposition à une déclaration de travaux régies par le présent code a fait l'objet d'une annulation juridictionnelle, la demande d'autorisation (...) confirmée par l'intéressé ne peut faire l'objet d'un nouveau refus (...) sur le fondement de dispositions d'urbanisme intervenues postérieurement à la date d'intervention de la décision annulée sous réserve que l'annulation soit devenue définitive et que la confirmation de la demande ou de la déclaration soit effectuée dans les six mois suivant la notification de l'annulation au pétitionnaire. ". Par ailleurs, aux termes de l'article L. 911-2 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé ".

3. Lorsqu'une juridiction, à la suite de l'annulation d'un refus opposé à une demande d'autorisation d'occuper ou d'utiliser le sol, fait droit à des conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint à l'administration de réexaminer cette demande, ces conclusions aux fins d'injonction du requérant doivent être regardées comme confirmant sa demande initiale. Par suite, la condition posée par l'article L. 600-2 du code de l'urbanisme imposant que la demande soit confirmée dans les six mois suivant la notification de l'annulation au pétitionnaire doit être regardée comme remplie lorsque la juridiction enjoint à l'autorité administrative de réexaminer la demande présentée par le requérant. Dans un tel cas, l'autorité administrative compétente doit, sous réserve que l'annulation soit devenue définitive et que le pétitionnaire ne dépose pas une demande d'autorisation portant sur un nouveau projet, réexaminer la demande initiale sur le fondement des dispositions d'urbanisme applicables à la date de la décision annulée, en application de l'article L. 600-2 du code de l'urbanisme.

4. A l'occasion de l'instance qu'ils ont engagée devant le tribunal administratif de Poitiers contre le refus de permis de construire du 30 janvier 2009, M. et Mme A...et la société Côte d'Opale avaient présenté des conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au maire de Saint-Georges d'Oléron de délivrer le permis de construire sollicité ou, à tout le moins, de prendre une décision après une nouvelle instruction. De telles conclusions à fin d'injonction équivalent à une confirmation de la demande de permis de construire au sens de l'article L. 600-2 précité du code de l'urbanisme. Par ailleurs, il est constant que le jugement du tribunal administratif de Poitiers du 24 mars 2011 ayant annulé le refus de permis de construire du 30 janvier 2009 est devenu définitif et que le pétitionnaire n'a pas déposé en mairie une demande de permis portant sur un nouveau projet. Il suit de là qu'en application de l'article L. 600-2 du code de l'urbanisme, il appartenait au maire de Saint-Georges d'Oléron, chargé de réexaminer la demande de permis à la suite de l'injonction prononcée par le tribunal, de se prononcer en fonction des dispositions d'urbanisme en vigueur au 30 janvier 2009, date du refus de permis de construire annulé. Ainsi, en fondant sa décision du 20 mai 2011 en litige sur les dispositions du plan local d'urbanisme communal approuvé le 30 avril 2009, lesquelles n'étaient pas encore entrées en vigueur à la date du précédent refus, le maire de Saint-Georges d'Oléron a commis une erreur de droit.

5. Il ressort des pièces du dossier qu'au 30 janvier 2009, la commune de Saint-Georges d'Oléron était soumise au règlement national d'urbanisme. Dans ses écritures devant la cour, la commune de Saint-Georges d'Oléron soutient que le terrain d'assiette du projet est situé en dehors des parties actuellement urbanisées de son territoire et que ledit projet est de nature à favoriser une urbanisation dispersée incompatible avec la vocation des espaces naturels environnants. Elle en déduit que les dispositions des articles L. 111-1-2 et R. 111-14 du code de l'urbanisme, lesquelles font partie du règlement national d'urbanisme, font obstacle à la délivrance du permis sollicité. Ce faisant, la commune de Saint-Georges d'Oléron doit être regardée comme demandant que ces dispositions soient substituées à celles qui ont initialement fondé le refus de permis en litige.

6. Lorsqu'il constate que la décision contestée devant lui aurait pu être prise, en vertu du même pouvoir d'appréciation, sur le fondement d'un autre texte que celui dont la méconnaissance est invoquée, le juge de l'excès de pouvoir peut substituer ce fondement à celui qui a servi de base légale à la décision attaquée, sous réserve que l'intéressé ait disposé des garanties dont est assortie l'application du texte sur le fondement duquel la décision aurait dû être prononcée.

7. Pour rejeter la demande de permis de construire dont il était saisi, le maire de Saint-Georges d'Oléron s'est fondé sur le règlement de la zone Nt3 du plan local d'urbanisme aux termes duquel : " Sont seules autorisées dans la zone Nt3 : - la réfection et l'extension des bâtiments existants (dans la limite de 5 % de la SHON existante des bâtiments) sans changement d'affectation ". Le maire a considéré que ces dispositions avaient été méconnues dès lors notamment que le projet de création d'un nouveau bâtiment " E3 " ne constituait ni une extension ni une réfection d'un bâtiment au sens du règlement et qu'il augmentait de plus de 5 % la SHON existante. Par ailleurs, le maire s'est aussi fondé sur la circonstance que la piscine prévue au projet est implantée à moins de trois mètres de la limite séparative, en méconnaissance de l'article Nt 3.7 du plan local d'urbanisme. Il a encore relevé que l'implantation des bâtiments " E1 " et " E2 " en limite séparative ne respectait pas la règle de l'article UC 7 du plan en vertu de laquelle les constructions doivent se situer à trois mètres au moins de ces limites. Ainsi qu'il a déjà été dit, de tels motifs sont entachés d'erreur de droit dès lors qu'ils procèdent du plan local d'urbanisme approuvé le 30 avril 2009 que le maire ne pouvait appliquer lors de l'instruction de la demande de permis faisant suite à l'injonction du tribunal.

8. Aux termes de l'article L. 111-1-2 du code de l'urbanisme, dans sa version en vigueur au 30 janvier 2009, date du premier refus de permis : " En l'absence de plan local d'urbanisme ou de carte communale opposable aux tiers, ou de tout document d'urbanisme en tenant lieu, seules sont autorisées, en dehors des parties actuellement urbanisées de la commune : 1° L'adaptation, le changement de destination, la réfection ou l'extension des constructions existantes (... )". Aux termes de l'article R. 111-14 du même code, dans sa version en vigueur au 30 janvier 2009 : " En dehors des parties urbanisées des communes, le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature, par sa localisation ou sa destination : a) A favoriser une urbanisation dispersée incompatible avec la vocation des espaces naturels environnants, en particulier lorsque ceux-ci sont peu équipés (...) ".

9. La règle d'inconstructibilité résultant de l'article L. 111-1-2 précité implique de la part de l'autorité administrative une appréciation sur le point de savoir si le terrain d'emprise du projet se trouve, ou non, dans une partie urbanisée de la commune en question, et s'il est régi par les exceptions prévues aux 1° à 4° dudit article. De même, l'article R. 111-14 précité laisse à l'autorité administrative une marge pour apprécier si le projet est de nature à favoriser une urbanisation dispersée incompatible avec la vocation des espaces naturels environnants.

10. Ces dispositions, issues du règlement national d'urbanisme, n'ont pas une portée équivalente à celles qui ont fondé le refus de permis en litige en application du plan local d'urbanisme adopté le 30 avril 2009. En effet, la règle de l'article Nt 3 du plan local d'urbanisme, qui a initialement fondé le refus en litige, doit conduire le maire à rejeter toute demande de permis du seul fait que le projet étende la SHON des bâtiments existants au-delà de la limite des 5 % prévue. De même, les dispositions des articles Nt 3.7 et UC 7 du plan s'opposent à tout projet de construction portant sur un bâtiment implanté à moins de trois mètres des limites séparatives parcellaires.

11. Ainsi, il ne peut être fait droit à la demande de substitution de base légale, le maire ne disposant pas du même pouvoir d'appréciation lorsqu'il fait application des articles L. 111-1-2 et R. 111-14 du code de l'urbanisme que lorsqu'il vérifie si le projet est conforme aux articles Nt 3, Nt 3.7 et UC 7 du plan local d'urbanisme.

12. Il résulte de ce qui précède que le refus de permis de construire du 20 mai 2011 est entaché d'erreur de droit au regard des dispositions de l'article L. 600-2 du code de l'urbanisme et que les requérants sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté leur demande l'annulation de cette décision. Dès lors, ce jugement doit être annulé, sans qu'il soit besoin d'examiner sa régularité, de même que le refus de permis du 20 mai 2011.

13. Pour l'application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, aucun autre moyen n'est, en l'état de l'instruction, de nature à fonder l'annulation du refus de permis de construire en litige.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

14. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. ". Aux termes de l'article L. 911-2 du même code : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé. ". Aux termes de l'article L. 911-3 dudit code : " Saisie de conclusions en ce sens, la juridiction peut assortir, dans la même décision, l'injonction prescrite en application des articles L. 911-1 et L. 911-2 d'une astreinte qu'elle prononce dans les conditions prévues au présent livre et dont elle fixe la date d'effet ".

15. Le motif d'annulation retenu au présent arrêt n'implique pas nécessairement qu'il soit enjoint au maire de Saint-Georges d'Oléron de délivrer à la société Côte d'Opale le permis qu'elle sollicite. En revanche, il y a lieu d'enjoindre au maire d'instruire à nouveau la demande de permis de construire et de prendre une nouvelle décision dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte d'un montant de 50 euros par jour de retard au-delà du délai de deux mois ainsi fixé.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

16. Il y a lieu de faire application de ces dispositions en mettant à la charge de la commune de Saint-Georges d'Oléron la somme de 3 000 euros au titre des frais exposés par les requérants et non compris dans les dépens. En revanche, ces mêmes dispositions font obstacle aux conclusions de la commune défenderesse dirigées contre les requérants qui sont pas, dans la présente instance, la partie perdante.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1101556 du tribunal administratif de Poitiers du 10 décembre 2013 et le refus de permis de construire du 20 mai 2011 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint à la commune de Saint-Georges d'Oléron de statuer à nouveau sur la demande de permis de construire présentée par la société Côte d'Opale dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, sous astreinte de 50 euros par jour de retard.

Article 3 : La commune de Saint-Georges d'Oléron versera à M. et Mme A...et à la société Côte d'Opale, pris ensemble, la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. et Mme A...et de la société Côte d'Opale est rejeté.

Article 5 : Les conclusions de la commune de Saint-Georges d'Oléron présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme B...A..., à la société Côte d'Opale et à la commune de Saint-Georges d'Oléron.

Délibéré après l'audience du 19 septembre 2017 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, président,

Mme Christine Mège, président-assesseur,

M. Frédéric Faïck, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 17 octobre 2017.

Le rapporteur,

Frédéric Faïck

Le président,

Elisabeth JayatLe greffier,

Evelyne Gay-Boissières

La République mande et ordonne au préfet de la Charente-Maritime en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

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N° 17BX00529


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