Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme K... J... épouse G... a demandé au tribunal administratif de
La Réunion d'annuler l'arrêté du 12 février 2020 par lequel le préfet de La Réunion lui a retiré son titre de séjour en qualité de conjointe d'un ressortissant français, a refusé de régulariser
sa situation, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours
et a fixé le pays de renvoi.
Par un jugement n° 2000235 du 29 juin 2020, le tribunal a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 29 juillet 2020 et un mémoire enregistré
le 15 janvier 2021, Mme J..., représentée par Me H..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de La Réunion du 12 février 2020 ;
3°) d'enjoindre au préfet de La Réunion de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, ou à titre subsidiaire de réexaminer sa situation ;
4°) de mettre les dépens à la charge de l'Etat.
Elle soutient que :
- le tribunal, qui a communiqué le mémoire en défense du préfet produit après la clôture de l'instruction l'avant-veille de l'audience, a méconnu le principe du contradictoire en écartant comme irrecevable son mémoire en réplique produit la veille de l'audience ;
En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :
- le 21 janvier 2020, alors qu'elle souhaitait déposer des justificatifs au guichet, les services de la préfecture ont refusé de les recevoir au motif que " le dossier de renouvellement en qualité de victime de violences conjugales " devait être présenté deux mois avant l'expiration de son titre de séjour ; c'est à tort que les premiers juges ont estimé que ce refus était sans influence sur l'appréciation de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration, alors qu'elle n'avait pu présenter ses observations sur un éventuel retrait de sa carte de séjour faute d'avoir reçu la lettre l'invitant à y procéder, dissimulée par son époux ;
- la décision, qui ne tient pas compte du compte-rendu de prise en charge du Réseau Violences Intra Familiales (VIF) du 29 octobre 2019, du certificat médical du 16 octobre 2019 et de la plainte qu'elle a déposée à l'encontre de son conjoint, est insuffisamment motivée en fait et entachée d'une contradiction de motifs ;
- dès lors qu'elle a justifié que la rupture de la vie commune était consécutive aux violences conjugales qu'elle avait subies, c'est à tort que le tribunal n'a pas fait droit au moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile au seul motif que les justificatifs produits étaient postérieurs à la date des faits ;
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
- elle est illégale du fait de l'illégalité de la décision de retrait du titre de séjour ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation et méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'elle est hébergée par sa soeur de nationalité française dont elle est très proche, qu'elle bénéficie d'un soutien et d'un accompagnement par le réseau VIF, que l'enquête relative à sa plainte pénale à l'encontre de son époux est en cours d'instruction et que l'audience relative à sa demande de divorce est fixée au 26 octobre 2020.
Par un mémoire en défense enregistré le 14 décembre 2020, le préfet de La Réunion conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens invoqués par Mme J... ne sont pas fondés.
Mme J... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 8 octobre 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme D... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme J..., de nationalité malgache, est entrée en France le 12 février 2018 sous couvert d'un visa de long séjour en qualité de conjointe d'un ressortissant français qu'elle avait épousé le 17 septembre 2016 à Madagascar, et s'est vu délivrer une carte de séjour pluriannuelle valable jusqu'au 19 décembre 2020. Le 10 juin 2019, son époux a déclaré aux services de police que leur communauté de vie avait cessé le 24 décembre 2018. Par un arrêté du 12 février 2020, le préfet de La Réunion a décidé de retirer son titre de séjour, a refusé de régulariser sa situation, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Mme J... relève appel du jugement du 29 juin 2020 par lequel le tribunal administratif de La Réunion a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.
2. Aux termes de l'article L. 313-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers
et du droit d'asile : " (...) Le renouvellement de la carte de séjour délivrée au titre du 4° de l'article L. 313-11 est subordonné au fait que la communauté de vie n'ait pas cessé, sauf si elle résulte du décès du conjoint français. Toutefois, lorsque l'étranger a subi des violences familiales ou conjugales et que la communauté de vie a été rompue, l'autorité administrative ne peut procéder au retrait du titre de séjour de l'étranger et en accorde le renouvellement. (...). " Aux termes de l'article L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Les décisions mentionnées à l'article L. 211-2 n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. Cette personne peut se faire assister par un conseil ou représenter par un mandataire de son choix. / (...) " Ces dispositions sont applicables, notamment, aux décisions qui retirent ou abrogent une décision créatrice de droits.
3. Il ressort des pièces du dossier que par un courrier du 28 juin 2019, le préfet de
La Réunion a informé Mme J... de son intention de retirer son titre de séjour au motif que la communauté de vie avec son époux avait cessé, et l'a invitée à présenter ses observations, ce qu'elle a fait par une lettre du 16 septembre 2019 reçue le 25 septembre suivant en invoquant des violences conjugales l'ayant contrainte à se " mettre à l'abri de [s]on mari ". Il n'est pas contesté que lorsque l'intéressée s'est présentée au guichet de la préfecture le 21 janvier 2020 pour déposer des pièces relatives aux violences invoquées, l'agent a refusé de les enregistrer au motif que " le dossier de renouvellement en qualité de victime de violences conjugales " devait
être déposé deux mois avant l'expiration du titre de séjour, qui était encore valable
jusqu'au 19 décembre 2020. Ce refus a privé Mme J... d'une garantie en l'empêchant
de présenter des observations utiles préalablement à la décision de retrait de son titre de séjour. Par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner la régularité du jugement ni de se prononcer sur les autres moyens de la requête, Mme J... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de La Réunion n'a pas fait droit au moyen tiré du vice de procédure entachant la décision de retrait du titre de séjour et, par voie de conséquence,
à demander l'annulation de l'arrêté du préfet de La Réunion du 12 février 2020.
4. Eu égard à la nature de l'illégalité entachant la décision de retrait du titre de séjour,
il y a seulement lieu d'enjoindre au préfet de La Réunion de réexaminer la situation
de Mme J... dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.
5. En l'absence de dépens, les conclusions tendant à ce qu'ils soient mis à la charge
de l'Etat sont dépourvues d'objet, et par suite irrecevables.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de La Réunion n° 2000235 du 29 juin 2020
et l'arrêté du préfet de La Réunion du 12 février 2020 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de La Réunion de réexaminer la situation de Mme J... dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme K... J... épouse G...
et au ministre de l'intérieur. Une copie en sera adressée au préfet de La Réunion.
Délibéré après l'audience du 9 février 2021 à laquelle siégeaient :
Mme I... F..., présidente,
Mme A... D..., présidente-assesseure,
Mme C... E..., conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 mars 2021.
La rapporteure,
Anne D...
La présidente,
Catherine F...La greffière,
Virginie Guillout
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 20BX02382