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15/12/2020 | FRANCE | N°19BX04402

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre, 15 décembre 2020, 19BX04402


Vu la procédure suivante :

Par une ordonnance n° 1901945 du 21 novembre 2019, le président du tribunal administratif de Limoges, en application des articles R. 351-3 et R. 311-5 du code de justice administrative, a transmis à la cour d'administrative d'appel de Bordeaux la requête, enregistrée au greffe du tribunal administratif de Limoges le 4 novembre 2019, de l'association Vent de raison pour la sauvegarde du bocage des communes de Coulonges-les-Hérolles et Thollet, représentée par Me Monamy, qui a présenté devant la cour deux mémoires complémentaires le 20 octobre 2020

et le 23 novembre 2020, demandant :

1°) l'annulation du permis de...

Vu la procédure suivante :

Par une ordonnance n° 1901945 du 21 novembre 2019, le président du tribunal administratif de Limoges, en application des articles R. 351-3 et R. 311-5 du code de justice administrative, a transmis à la cour d'administrative d'appel de Bordeaux la requête, enregistrée au greffe du tribunal administratif de Limoges le 4 novembre 2019, de l'association Vent de raison pour la sauvegarde du bocage des communes de Coulonges-les-Hérolles et Thollet, représentée par Me Monamy, qui a présenté devant la cour deux mémoires complémentaires le 20 octobre 2020 et le 23 novembre 2020, demandant :

1°) l'annulation du permis de construire délivré le 13 juin 2019 par le préfet de l'Indre à la société Parc éolien de Thollet et Coulonges pour l'édification d'un poste de transformation électrique sur le territoire de la commune de Belâbre et l'annulation de la décision du 30 septembre 2020 du préfet rejetant la demande de l'association tendant au retrait de ce permis ;

2°) la mise à la charge de l'Etat et de la société Parc éolien de Thollet et Coulonges d'une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient, en ce qui concerne la recevabilité de sa demande, que :

- l'objet social tel que ses statuts le définissent lui confère intérêt à agir à l'encontre du permis de construire en litige ;

Elle soutient, au fond, que :

- le permis de construire en litige est entaché d'incompétence car il n'est pas établi que son signataire bénéficiait d'une délégation à l'effet de prendre une telle décision ;

- il n'y a pas eu d'étude d'impact globale et actualisée portant sur le projet éolien dans son ensemble tenant ainsi compte du poste de livraison électrique ;

- le périmètre de l'enquête publique était trop restreint car il n'a pas inclus les communes traversées par les câbles électriques reliant le poste de livraison au parc éolien ; les mesures d'affichage de l'enquête publique ont été accomplies irrégulièrement car il n'a pas été procédé à la publication de l'avis d'enquête dans deux journaux du département ; l'affichage de l'avis d'enquête en mairie de Bélâbre aux abords du terrain n'est pas établi, de même que la mise en ligne de cet avis sur le site internet de la préfecture de l'Indre ; au cours de l'enquête publique, de nombreux dysfonctionnements du site internet de la préfecture n'ont pas permis au public de présenter leurs observations ;

- la réalisation du poste de livraison implique la disparition d'une surface équivalant au tiers de la superficie d'une zone humide existante ; il en résulte une méconnaissance de l'article R. 111-26 du code de l'environnement et de la disposition 8B1 du schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux (SDAGE) du bassin de Loire-Bretagne (2026/2021) ;

- le permis de construire porte atteinte à l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme en raison des atteintes aux paysages environnants que provoque le projet en litige.

Par des mémoires en intervention, présentés le 19 octobre 2020 et le 18 novembre 2020, la Fédération anti-éolienne de la Vienne, représentée par Me Boudy, demande à la cour d'annuler le jugement du tribunal administratif de Poitiers du 25 avril 2018 ainsi que l'arrêté préfectoral du 29 octobre 2019 fixant les prescriptions applicables à l'installation.

Elle soutient que :

- ses statuts lui confèrent un intérêt à intervenir au soutien des conclusions des appelants ;

- la demande de permis de construire ne comporte pas la justification du dépôt de la demande présentée au titre des installations classées pour la protection de l'environnement ;

- le dossier de demande d'autorisation d'exploiter était incomplet ; alors que le poste de livraison de Belâbre fait partie du parc éolien, la demande d'autorisation ne porte pas sur cet équipement connexe qui forme avec ce parc une unité fonctionnelle ;

- il n'a pas été établi d'étude d'impact sur la liaison souterraine jusqu'au poste de livraison/transformation ; le pétitionnaire ne pouvait solliciter le bénéfice d'une instruction séparée en application de l'article L. 122-1-1 III du code de l'environnement dès lors que le projet ne nécessite pas la délivrance de plusieurs autorisations d'exploiter et que les incidences environnementales ont pu être connues dès la première demande d'autorisation ;

- il appartenait à l'autorité compétente de surseoir à statuer sur la demande d'autorisation et l'arrêté de prescriptions en application des articles L. 153-11 et L. 424-1 du code de l'urbanisme dès lors que le débat sur les orientations du projet d'aménagement et de développement durables de la communauté de communes de Vienne et Gartempe avait eu lieu avant la délivrance de l'arrêté fixant les prescriptions applicables à l'installation ; le principe de l'indépendance des législations ne pouvait faire obstacle à ce sursis à statuer dès lors qu'il résulte de l'article L. 152-1 du code de l'environnement que les installations classées pour la protection de l'environnement doivent être conformes aux documents d'urbanisme en vigueur ; les orientations générales du projet d'aménagement et de développement durables condamnent l'implantation d'éoliennes en raison des impacts négatifs de ces exploitations sur les sites environnants ; de plus, le futur plan local d'urbanisme intercommunal doit décliner les orientations du document d'orientations et d'objectifs du schéma de cohérence territoriale (SCOT) Sud-Vienne qui donne priorité à l'extension et à la densification des parcs éoliens existants.

Par deux mémoires en défense enregistrés le 20 octobre 2020 et le 20 novembre 2020, la société Parc éolien de Thollet et Coulonges, représentée par Me Elfassi, conclut :

1°) au rejet de la requête ;

2°) subsidiairement, à l'application de l'article L. 600-5-1 du code de l'environnement pour permettre la régularisation du permis de construire ;

3°) à ce qu'il soit mis à la charge de l'association requérante le paiement d'une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'association ne justifie pas d'un intérêt suffisant à contester le permis de construire en litige tant au regard des intérêts qu'elle défend que de son champ d'action géographique ;

- au fond, tous les moyens doivent être écartés comme infondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 octobre 2020, le ministre de la transition écologique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- l'association ne justifie pas d'un intérêt suffisant à contester le permis de construire en litige tant au regard des intérêts qu'elle défend que de son champ d'action géographique ;

- au fond, tous les moyens doivent être écartés comme infondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de l'urbanisme ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Frédéric Faïck,

- les conclusions de Mme Sylvande Perdu, rapporteur public,

- et les observations de Me Monamy, représentant l'association Vent de raison pour la sauvegarde du bocage des communes de Coulonges-les-Hérolles et Thollet, et de Me Surteauville substituant Me Elfassy, représentant la société Parc éolien de Thollet et Coulonges.

Considérant ce qui suit :

1. Le 13 juin 2019, le préfet de l'Indre a délivré à la société Parc éolien de Thollet et Coulonges un permis de construire un poste de transformation électrique sur un terrain situé au lieu-dit " La Goubillière " dans la commune de Bélâbre. Cet équipement doit permettre le raccordement du parc éolien de Thollet et Coulonges à la ligne du réseau public de transport de l'électricité. L'association Vent de raison pour la sauvegarde du bocage des communes de Coulonges-les-Hérolles et Thollet a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler le permis de construire du 13 juin 2019 ainsi que la décision du 30 septembre 2019 par laquelle le préfet de l'Indre a rejeté son recours gracieux tendant au retrait de ce permis. Par une ordonnance du 21 novembre 2019, le président du tribunal administratif de Limoges a transmis la requête de l'association à la cour d'administrative d'appel de Bordeaux compétente en premier et dernier ressort pour connaître du litige en application des dispositions du 18° de l'article R. 311-5 du code de justice administrative.

Sur la fin de non-recevoir opposée à la requête de l'association Vent de raison pour la sauvegarde du bocage des communes de Coulonges-les-Hérolles et Thollet :

2. A l'article 2 de ses statuts, l'association requérante a défini son objet social ainsi : " Sauvegarder et préserver l'environnement et le patrimoine naturel, historique, culturel et touristique des communes de Coulonges, Thollet et communes environnantes. De contribuer à l'information du public au sujet de tous projets ou activités qui touchent au cadre de vie. De s'opposer par tous moyens à la création de parc d'éoliennes et à tous autres projets de quelque nature qu'ils soient, aboutissant à défigurer le paysage, porter atteinte au patrimoine, modifier les équilibres biologiques des communes de Coulonges les Hérolles, Thollet et communes environnantes. - Ester si nécessaire. ".

3. Il résulte de ces statuts, dans les termes dans lesquels ils sont rédigés, que l'association requérante a défini son champ d'action statutaire comme s'appliquant aux communes de Coulonges et de Thollet et aux communes environnantes. Ainsi défini, cet objet social est de nature à conférer à l'association un intérêt pour agir contre des projets se trouvant dans des communes autres que Coulonges ou de Thollet à la condition que les communes d'implantation soient situées dans les environs de ces dernières. L'intérêt à agir de l'association requérante est encore subordonné à la démonstration que le projet qu'elle conteste porte une atteinte suffisamment directe aux intérêts qu'elle défend.

4. Il ressort des pièces du dossier que la commune de Bélâbre dans laquelle doit se construire le poste de livraison n'est pas limitrophe des communes de Thollet et de Coulonges dont elle est séparée par une distance d'au moins 12 km. Alors que la commune de Bélâbre, située dans la vallée de l'Anglin, appartient à l'unité paysagère de la Petite-Brenne, Thollet et Coulonges s'inscrivent au sein des paysages des Terres-Froides dans la vallée de la Bezaine. D'un point de vue environnemental, ces communes n'appartiennent donc pas au même ensemble géographique et paysager. Au surplus, la commune de Bélâbre est située dans le département de l'Indre et est membre de la communauté de communes Marche Occitane-Val d'Anglin tandis que les communes de Thollet et Coulonges appartiennent au département de la Vienne et sont adhérentes à la communauté de communes Vienne et Gartempe. Dans ces conditions, le terrain d'assiette du projet, lequel consiste en un poste de livraison d'une surface de 280 m2 seulement, ne peut être regardé comme situé dans les environs des communes de Thollet et de Coulonges pour l'appréciation de l'intérêt pour agir au plan géographique de l'association requérante.

5. Ainsi, le projet en litige, alors même qu'il est au plan fonctionnel nécessaire au fonctionnement du parc éolien de Thollet et Coulonges, n'est pas de nature en lui-même à porter une atteinte suffisamment directe aux intérêts que l'association s'est donnée pour objet de défendre. Dès lors, la requête de l'association Vent de raison pour la sauvegarde du bocage des communes de Coulonges-les-Hérolles et Thollet est irrecevable et doit être rejetée.

Sur la recevabilité de l'intervention de la Fédération anti-éolienne de la Vienne :

6. Dès lors que la requête de l'association Vent de raison pour la sauvegarde du bocage des communes de Coulonges-les-Hérolles et Thollet est irrecevable, l'intervention à l'appui de cette requête présentée par la Fédération anti-éolienne de la Vienne est, compte tenu de son caractère accessoire, également irrecevable.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Il y a lieu de faire application de ces dispositions en mettant à la charge de l'association Vent de raison pour la sauvegarde du bocage des communes de Coulonges-les-Hérolles et Thollet la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la société Parc éolien de Thollet er Coulonges et non compris dans les dépens. En revanche, ces mêmes dispositions font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de l'association requérante tendant au versement d'une somme au titre de ces frais.

DECIDE :

Article 1er : L'intervention de la Fédération anti-éolienne de la Vienne n'est pas admise.

Article 2 : La requête n° 19BX04402 est rejetée.

Article 3 : L'association Vent de raison pour la sauvegarde du bocage des communes de Coulonges-les-Hérolles et Thollet versera à la société Parc éolien de Thollet et Coulonges la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'association Vent de raison pour la sauvegarde du bocage des communes de Coulonges-les-Hérolles et Thollet ", à la société Parc éolien de Thollet et Coulonges, au ministre de la transition écologique et à la Fédération anti-éolienne de la Vienne. Copie pour information en sera délivrée au préfet de la Vienne.

Délibéré après l'audience du 1er décembre 2020 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, président,

M. Frédéric Faïck, président-assesseur,

Mme Caroline Gaillard, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 décembre 2020.

Le président,

Elisabeth Jayat La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 19BX04402


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19BX04402
Date de la décision : 15/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Urbanisme et aménagement du territoire - Permis de construire.

Urbanisme et aménagement du territoire - Permis de construire - Légalité interne du permis de construire.


Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: M. Frédéric FAÏCK
Rapporteur public ?: Mme PERDU
Avocat(s) : MONAMY

Origine de la décision
Date de l'import : 16/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-12-15;19bx04402 ?
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