Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme G... A... a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler les décisions du 30 octobre 2014 et du 1er juin 2016 par lesquelles le préfet de la Haute-Vienne a refusé de lui délivrer une carte de résident valable dix ans.
Par un jugement n°s 1500321, 1601599 du 28 août 2017, le tribunal administratif de Limoges a rejeté ses demandes.
Par un arrêt n° 18BX00059 du 29 mai 2018, la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté l'appel formé par Mme A... contre ce jugement.
Par une décision n° 426755 du 4 décembre 2019, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux a, saisi d'un pourvoi présenté par Mme A..., annulé l'arrêt n° 18BX00059 du 29 mai 2018 et a renvoyé l'affaire devant la cour administrative d'appel de Bordeaux.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 5 janvier 2018 et un mémoire enregistré le 15 mai 2020, Mme A..., représentée par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Limoges du 28 août 2017 ;
2°) d'annuler les décisions du préfet de la Haute-Vienne du 30 octobre 2014 et du 1er mai 2016 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Vienne, à titre principal, de lui délivrer une carte de résident valable dix ans et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jours de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 920 euros au titre de la première instance et 3 840 euros au titre de l'appel, à verser à son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
En ce qui concerne le jugement attaqué :
- les premiers juges ont effectué une substitution de motif voire de base légale alors que celle-ci n'était pas demandée par le préfet de la Haute-Vienne et qu'elle n'est pas d'ordre public ; en outre, elle n'a pas été communiquée ;
- ce jugement est entaché d'une méconnaissance du principe du contradictoire ; les premiers juges se sont fondés sur la décision d'aide juridictionnelle dans les motifs de la décision attaquée alors que celle-ci n'a pas été contradictoirement versée aux débats ; les premiers juges ont méconnu l'article 52 du décret du 12 décembre 1991 dès lors que les décisions d'aide juridictionnelle ne peuvent être produites ni discutées en justice à moins qu'elles ne soient intervenues à la suite d'agissements ayant donné lieu à des poursuites pénales, ce qui n'est pas le cas en l'espèce ;
- ce jugement est entaché d'une omission à statuer ; elle a expressément soulevé, dans sa requête de première instance, le moyen tiré de la violation du principe constitutionnel de non-discrimination et des dispositions combinées de l'article 8 et de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales que les premiers juges ont visé mais auquel ils n'ont pas répondu ;
En ce qui concerne la décision du 30 octobre 2014 :
- elle est entachée d'une erreur de droit dès lors que le préfet de la Haute-Vienne a fait une appréciation erronée des critères de l'article L. 314-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; elle remplit effectivement la condition de résidence ininterrompue de cinq années ;
- cette décision est entachée d'une erreur de droit dès lors que le préfet de la Haute-Vienne s'est cru lié par sa prétendue absence de résidence de cinq années sur le territoire français et n'a pas procédé à un examen attentif de sa situation ; les premiers juges auraient dû expliciter en quoi il ne ressortait pas de la décision que le préfet de la Haute-Vienne n'aurait pas procédé à un tel examen approfondi ;
- elle méconnaît le principe constitutionnel de non-discrimination ainsi que l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales combiné avec l'article 8 de cette convention dès lors qu'elle crée une discrimination quant au droit à la vie privée et familiale au regard de la fortune et de l'état de santé ;
- cette décision méconnaît le principe de non-discrimination du droit communautaire prévu par l'article 14 combiné avec l'article 8 de la CEDH dès lors que les personnes étrangères handicapées n'ont pas accès à la carte de résident alors que les autres conditions sont remplies ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et porte une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale ;
En ce qui concerne la décision du 1er juin 2016 :
- elle est entachée d'une erreur de fait dès lors que le préfet de la Haute-Vienne se fonde sur le motif unique tiré de ce qu'elle n'exerce aucune activité professionnelle ce qui est erroné au regard de sa démarche de création d'entreprise et à ses formations rémunérées ;
- cette décision est entachée d'une erreur de droit dès lors que le préfet de la Haute-Vienne s'est cru lié par sa prétendue absence d'activité professionnelle et n'a pas procédé à un examen attentif de sa situation ; les premiers juges auraient dû expliciter en quoi il ne ressortait pas que le préfet de la Haute-Vienne n'aurait pas procédé à un tel examen approfondi ;
- au regard de son projet avancé de création d'entreprise et compte tenu du handicap reconnu de l'intéressée et de son état de santé, cette décision est encore entachée d'erreur d'appréciation ;
- l'administration se fonde sur le défaut d'exercice d'une activité professionnelle qui est la conséquence directe de sa décision antérieure illégale du 30/10/2014 ;
- elle est entachée d'une erreur de droit dès lors que les dispositions de l'article L. 314-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'ont pas entendu exclure par principe les personnes n'exerçant pas une activité professionnelle ; en outre, il est normal que son activité professionnelle soit réduite dès lors que lui a été reconnu un taux d'incapacité entre 50 % et 75 % et qu'elle est titulaire de l'allocation aux adultes handicapés ;
- cette décision méconnaît le principe constitutionnel de non-discrimination ainsi que l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales combiné avec l'article 8 de ladite convention dès lors qu'elle crée une discrimination quant au droit à la vie privée et familiale au regard de la fortune et de l'état de santé ;
- l'administration maintient une discrimination fondée sur le handicap en méconnaissance du droit communautaire dès lors que les personnes étrangères handicapées sont écartées de l'accès à la carte de résident alors que les autres conditions sont remplies ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et porte une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale.
Par deux mémoires en défense respectivement enregistrés le 14 février 2018 et le 20 février 2020, le préfet de la Haute-Vienne conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés.
Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 16 avril 2020 du bureau de l'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Bordeaux.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la Constitution, et notamment son Préambule ;
- le pacte international relatif aux droits civils et politiques du 19 décembre 1966 ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la directive 2003/109/CE du 25 novembre 2003 relative au statut des ressortissants de pays tiers résidents de longue durée ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 portant application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. E... F..., a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., ressortissante guinéenne née le 8 octobre 1970, est entrée en France le 2 février 2009. Le 18 février 2011, elle s'est vu délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", qui a été régulièrement renouvelé depuis cette date. Le 21 août 2014, elle a sollicité la délivrance d'une carte de résident valable dix ans sur le fondement de l'article L. 314-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par décision du 30 octobre 2014, le préfet de la Haute-Vienne a refusé de faire droit à sa demande. Le 19 janvier 2016, Mme A... a présenté une nouvelle demande de carte de résident. Par décision du 1er juin 2016, le préfet de la Haute-Vienne a de nouveau refusé de faire droit à sa demande. Par un jugement n°s 1500321, 1601599 du 28 août 2017, le tribunal administratif de Limoges a rejeté les demandes de Mme A... tendant à l'annulation des décisions du 30 octobre 2014 et du 1er juin 2016. Par un arrêt n° 18BX00059 du 29 mai 2018, la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté l'appel formé par Mme A... contre ce jugement. Le Conseil d'Etat, statuant au contentieux sur saisine de Mme A..., a annulé cet arrêt par une décision n° 426755 du 4 décembre 2019 et a renvoyé l'affaire devant la cour administrative d'appel de Bordeaux.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que si le préfet de la Haute-Vienne, dans la décision en litige du 30 octobre 2014 s'est uniquement fondé sur le motif tiré de ce que Mme A... ne justifiait pas, en méconnaissance des dispositions combinées des articles L. 314-8 et L. 314-8-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, d'une résidence ininterrompue de 5 ans en France, il a fait valoir dans son mémoire en défense enregistré au greffe du tribunal administratif de Limoges le 21 juin 2016, qui a été communiqué le 23 juin suivant, que la requérante ne remplissait pas la deuxième condition exigée par l'article L. 314-8 précité selon laquelle l'étranger qui demande le bénéfice d'une carte de résident doit justifier de l'intention de s'établir durablement sur le territoire français, relevant que Mme A... n'apporte aucun élément concernant des revenus professionnels ou des moyens d'existence. Ainsi, même s'il ne l'a pas expressément demandé, le préfet de la Haute-Vienne doit être regardé comme ayant invoqué une demande de substitution de motif. A ce titre, la communication du mémoire du préfet suffisait à mettre la requérante en mesure de présenter ses observations. Par suite, elle n'est fondée à soutenir ni que le jugement serait entaché d'irrégularité pour avoir fait droit à une demande de substitution de motifs qui n'aurait pas été demandée ni que le principe du contradictoire aurait été méconnu.
3. En deuxième lieu et d'une part, il ressort des pièces du dossier que Mme A... a produit, à l'appui de sa demande de première instance, la décision du 17 octobre 2016 par laquelle le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Limoges lui a accordé le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Elle ne peut dès lors utilement soutenir que cette décision n'aurait pas été versée au débat contradictoire.
4. D'autre part, si Mme A... soutient que les premiers juges auraient méconnu l'article 52 du décret du 12 décembre 1991 en se fondant sur la décision d'aide juridictionnelle dans les motifs du jugement attaqué, alors que les décisions d'aide juridictionnelle ne peuvent être produites ni discutées en justice à moins qu'elles ne soient intervenues à la suite d'agissements ayant donné lieu à des poursuites pénales, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, toutefois, cette critique, qui relève du bien-fondé de la décision des premiers juges, est sans incidence sur la régularité du jugement attaqué.
5. En troisième lieu, Mme A... soutient que les premiers juges n'auraient pas répondu aux moyens tirés de la violation du principe constitutionnel de non-discrimination et de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Toutefois, les premiers juges ont répondu à ces moyens aux points 7 et 11 du jugement qui n'est ainsi pas entaché d'une omission de répondre à des moyens.
Sur les conclusions à fins d'annulation :
6. Aux termes de l'article L. 314-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " Tout étranger qui justifie d'une résidence ininterrompue d'au moins cinq années en France, conforme aux lois et règlements en vigueur, sous couvert de l'une des cartes de séjour mentionnées aux articles L. 313-6, L. 313-8 et L. 313-9, aux 1°, 2° et 3° de l'article L. 313-10, aux articles L. 313-11, L. 313-11-1, L. 313-14 et L. 314-9, aux 2°, 3°, 4°, 5°, 6°, 7° et 9° de l'article L. 314-11 et aux articles L. 314-12 et L. 315-1 peut obtenir une carte de résident portant la mention " résident de longue durée-CE " s'il dispose d'une assurance maladie. (...). La décision d'accorder ou de refuser cette carte est prise en tenant compte des faits qu'il peut invoquer à l'appui de son intention de s'établir durablement en France, notamment au regard des conditions de son activité professionnelle s'il en a une, et de ses moyens d'existence. Les moyens d'existence du demandeur sont appréciés au regard de ses ressources qui doivent être stables et suffisantes pour subvenir à ses besoins. Sont prises en compte toutes les ressources propres du demandeur indépendamment des prestations familiales et des allocations prévues aux articles L. 262-1 du code de l'action sociale et des familles et L. 351-9, L. 351-10 et L. 351-10-1 du code du travail. Ces ressources doivent atteindre un montant au moins égal au salaire minimum de croissance et sont appréciées au regard des conditions de logement. Le caractère suffisant des ressources au regard des conditions de logement fait l'objet d'un avis du maire de la commune de résidence du demandeur. Cet avis est réputé favorable à l'expiration d'un délai de deux mois à compter de la saisine du maire par l'autorité administrative. ". Aux termes de l'article R. 314-1-1 du même code : " L'étranger qui sollicite la délivrance de la carte de résident portant la mention " résident de longue durée-UE " doit justifier qu'il remplit les conditions prévues à l'article L. 314-8 en présentant : 1° La justification qu'il réside légalement et de manière ininterrompue en France depuis au moins cinq ans, sous couvert de l'une des cartes de séjour mentionnées aux articles L. 314-8 et L. 314-8-2 ou sous couvert d'un des visas mentionnés aux 4°, 5°, 7°, 8°, 9° et 11° de l'article R. 311-3 ; les périodes d'absence du territoire français sont prises en compte dans le calcul des cinq années de résidence régulière ininterrompue lorsque chacune ne dépasse pas six mois consécutifs et qu'elles ne dépassent pas un total de dix mois ; s'agissant d'un étranger qui s'est vu reconnaître par la France la qualité de réfugié ou accorder le bénéfice de la protection subsidiaire, la période entre la date de dépôt de la demande d'asile et celle de la délivrance de l'une des cartes de séjour mentionnées au deuxième alinéa de l'article L. 314-8-2 est également prise en compte ; 2° La justification des raisons pour lesquelles il entend s'établir durablement en France, notamment au regard des conditions de son activité professionnelle et de ses moyens d'existence ; 3° La justification qu'il dispose de ressources propres, stables et régulières, suffisant à son entretien, indépendamment des prestations et des allocations mentionnées au deuxième alinéa de l'article L. 314-8, appréciées sur la période des cinq années précédant sa demande, par référence au montant du salaire minimum de croissance ; lorsque les ressources du demandeur ne sont pas suffisantes ou ne sont pas stables et régulières pour la période des cinq années précédant la demande, une décision favorable peut être prise, soit si le demandeur justifie être propriétaire de son logement ou en jouir à titre gratuit, soit en tenant compte de l'évolution favorable de sa situation quant à la stabilité et à la régularité de ses revenus, y compris après le dépôt de la demande ; 4° La justification qu'il dispose d'un logement approprié ; 5° La justification qu'il bénéficie d'une assurance maladie. ".
7. En premier lieu, si la décision du 30 octobre 2014 est fondée sur la circonstance que Mme A... ne remplit pas la condition de durée de résidence posée à l'article L. 314-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de la Haute-Vienne a admis dans son mémoire en défense devant les premiers juges que sa décision était entachée d'erreur de fait sur ce point. Toutefois, le préfet s'est prévalu d'un nouveau motif, que les premiers juges ont soumis au contradictoire, tiré de ce que Mme A... ne satisfaisait pas à la condition de ressources fixée par les mêmes dispositions. Par suite, la circonstance que la condition de durée de résidence était remplie est sans incidence sur la légalité de la décision attaquée.
8. En deuxième lieu, Mme A... soutient que la décision du 1er juin 2016 est entachée d'une erreur de fait et de droit au motif que le préfet de la Haute-Vienne a considéré qu'elle n'exerçait aucune activité professionnelle alors qu'elle a entrepris une démarche de création d'entreprise et d'insertion professionnelle. Toutefois, s'il est établi par les pièces du dossier que l'appelante a effectivement pour projet de créer une entreprise qui aurait pour objet le commerce de produits africains, ces démarches ne peuvent constituer, à ce stade, l'exercice d'une activité professionnelle. Ainsi, en se fondant sur le motif que Mme A... ne travaillait pas et ne justifiait donc pas de ressources suffisantes au sens de l'article L. 314-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de la Haute-Vienne n'a, malgré le handicap de la requérante, entaché la décision contestée ni d'une erreur de fait ni d'une erreur de droit. Et dans ces conditions, la circonstance que le préfet s'est borné à indiquer ce motif de refus dans sa décision ne permet pas de le regarder comme s'étant cru à tort en situation de compétence liée ou comme n'ayant pas procédé à l'examen de la situation personnelle de la requérante.
9. En troisième lieu, ainsi que l'ont rappelé les premiers juges, les dispositions précitées de l'article L. 314-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile tendent à assurer l'exacte transposition du paragraphe 1 de l'article 5 de la directive du 25 novembre 2003 relative au statut des ressortissants de pays tiers résidents de longue durée en n'autorisant les Etats membres à ne prendre en compte que les ressources propres du demandeur, sans y adjoindre les prestations dont il peut bénéficier au titre de l'aide sociale. Elles doivent être interprétées comme excluant la prise en compte non seulement des prestations qu'elles mentionnent mais également des autres prestations d'aide sociale, notamment l'allocation aux adultes handicapés, mentionnée aux articles L. 821-1 et suivants du code de la sécurité sociale.
10. Mme A... soutient que, dès lors que son handicap fait obstacle à ce qu'elle puisse travailler et à ce qu'elle puisse ainsi percevoir un salaire équivalant au salaire minimum de croissance, la décision lui refusant la délivrance d'une carte de résident constitue une discrimination prohibée par l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales combiné avec l'article 8 de la même convention ainsi que par la Constitution du 4 octobre 1958. Toutefois, si, en règle générale, le principe d'égalité impose de traiter de la même façon des personnes qui se trouvent dans la même situation, il n'en résulte pas pour autant qu'il oblige à traiter différemment des personnes se trouvant dans des situations différentes. Par suite, en imposant aux étrangers demandeurs de la carte de résident de longue durée la condition de disposer d'un montant minimal de ressources autres que les ressources provenant de l'aide sociale, sans prévoir de dérogation au bénéfice des personnes handicapées, le législateur n'a pas, en tout état de cause, méconnu le principe d'égalité ni créé de discrimination à leur encontre.
11. Par ailleurs, le paragraphe 1 de l'article 5 de la directive du 25 novembre 2003 relative au statut des ressortissants de pays tiers résidents de longue durée subordonne la reconnaissance du statut de résident de longue durée à l'existence, pour le demandeur et les membres de sa famille, de ressources stables, régulières et suffisantes pour subvenir à leurs besoins sans recourir au système d'aide sociale de l'Etat membre concerné, afin d'éviter, comme le mentionne le considérant n°7 de la directive, que l'étranger ne devienne une charge pour celui-ci. Une telle exigence est susceptible de constituer une discrimination indirecte à l'égard des personnes qui, du fait de leur handicap, ne sont pas en mesure d'exercer une activité professionnelle ou ne peuvent exercer qu'une activité limitée et peuvent se trouver ainsi dans l'incapacité de disposer de ressources suffisantes pour subvenir à leurs besoins sans recourir au système d'aide sociale de l'Etat membre où elles résident.
12. Cependant, la condition ainsi posée par la directive est liée aux caractéristiques propres du statut de résident de longue durée, dont le titulaire bénéficie, notamment, du droit de séjourner au-delà de trois mois dans un autre Etat membre. L'article 13 de la directive permet aux Etats membres de délivrer des titres de séjour à des conditions plus favorables que celles établies au paragraphe 1 de l'article 5, dès lors que de tels titres de séjour ne donnent pas accès au droit de séjour dans les autres Etats membres. Le refus de délivrance du titre de séjour de résident de longue durée, qui ne fait pas obstacle à la délivrance d'un autre titre de séjour et qui n'emporte, par lui-même, aucune conséquence sur le droit au séjour de l'intéressée, ne porte pas atteinte au droit au respect de la vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qui ne saurait être regardé comme imposant à un Etat de délivrer un type particulier de titre de séjour. L'exigence fixée par le paragraphe 1 de l'article 5 de la directive, justifiée par l'objectif légitime de n'ouvrir le statut de résident de longue durée qu'aux étrangers jouissant d'une autonomie financière, est nécessaire et proportionnée au but en vue duquel elle a été prise.
13. Pour les mêmes motifs que ceux qui viennent d'être énoncés, le moyen tiré du non-respect par les dispositions de l'article L. 314-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile du principe de non-discrimination résultant de l'article 1er de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen doit également être écarté.
14. Enfin, Mme A... ne peut utilement se prévaloir de la délibération n° 2008-12 de la HALDE du 14 janvier 2008, laquelle n'a pas de force contraignante et ne lui ouvre ainsi aucun droit à la délivrance du titre sollicité.
15. En quatrième lieu, et alors même que, conformément à l'article 52 du décret du 19 décembre 1991, la décision accordant l'aide juridictionnelle à Mme A... ne peut être analysée pour apprécier si elle remplit la condition de ressources, il ressort des pièces du dossier et notamment celles produites par Mme A... que celle-ci percevait, à la date des décisions attaquées, l'aide personnalisée au logement et l'allocation aux adultes handicapés, lesquelles ne pouvaient être prises en compte dans l'appréciation de ses revenus compte tenu des dispositions précitées de l'article L. 314-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Ainsi, le préfet de la Haute-Vienne n'a pas, par principe, opposé à Mme A... un refus du fait de son absence d'activité professionnelle mais du fait de son absence de ressources. Il a pu régulièrement lui opposer cette condition de ressources imposée par les dispositions précitées de l'article L. 314-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et, dès lors qu'elle n'était pas remplie, lui refuser la délivrance d'une carte de résident. En outre, Mme A... n'étant pas reconnue à un taux d'incapacité supérieur à 80 %, elle n'est pas dans l'impossibilité de travailler. La circonstance qu'elle bénéficie de l'allocation aux adultes handicapés ne lui permet donc pas de se soustraire à la condition de ressources posée par l'article L. 314-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit ne peut qu'être écarté.
16. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a rejeté ses demandes tendant à l'annulation des décisions du 30 octobre 2014 et du 1er juin 2016 par lesquelles le préfet de la Haute-Vienne a refusé de lui délivrer une carte de résident valable dix ans. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte ainsi que celles relatives aux frais exposés et non compris dans les dépens ne peuvent qu'être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme G... A... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Vienne.
Délibéré après l'audience du 20 octobre 2020 à laquelle siégeaient :
Mme C... B..., présidente,
M. Dominique Ferrari, président-assesseur,
M. E... F... premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 novembre 2020.
La présidente,
Evelyne B...
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 19BX04565