Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Par un arrêt du 18 octobre 2016 rendu sous le n° 16BX00976, la cour d'administrative d'appel de Bordeaux, à la demande de la société en nom collectif de Labourdette, a enjoint au ministre de l'intérieur de faire procéder à la dépollution de la parcelle cadastrée section B n° 916 située sur le territoire de la commune du Fauga dans un délai d'un an à compter de la notification de son arrêt, sous astreinte de 150 euros par jour de retard.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 18 octobre 2019, la société en nom collectif Labourdette, représentée par Me B..., demande à la cour :
1°) de constater que les travaux de dépollution n'ont pas débuté, malgré l'injonction prononcée par l'arrêt de la cour d'administrative d'appel de Bordeaux du 18 octobre 2016 ;
2°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur et au préfet de la Haute-Garonne de procéder sans délai aux opérations de dépollution pyrotechnique sous astreinte de 6 500 euros par jour de retard ;
3°) de fixer le délai global d'exécution des travaux de dépollution à 30 mois, jusqu'à la fin effective des travaux ;
4°) de condamner l'Etat à verser à la société de Labourdette une somme de 102 150 euros en liquidation de l'astreinte ordonnée par l'arrêt du 18 octobre 2016 ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'Etat ne conteste plus son obligation de dépollution pyrotechnique des parcelles qui résulte de l'application du décret n° 76-225 du 4 mars 1976 ;
- l'Etat n'a pas respecté l'injonction prononcée par la cour administrative d'appel dans son arrêt du 18 octobre 2016 ; seuls des travaux de débroussaillage ont été entrepris et à ce jour le terrain est toujours affecté d'une pollution pyrotechnique ;
- compte tenu du comportement de l'Etat, il appartient à la cour d'augmenter le montant journalier de l'astreinte fixé dans l'arrêt du 18 octobre 2016 ; ce montant doit être porté à 6 500 euros pour tenir compte du coût des travaux de dépollution et du délai de deux ans nécessaire à leur réalisation.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la sécurité intérieure ;
- le décret n° 76-225 du 4 mars 1976 fixant les attributions respectives du ministre de l'intérieur et du ministre de la défense en matière de recherche, de neutralisation, d'enlèvement et de destruction des munitions et explosifs ;
- le décret n° 2014-381 du 28 mars 2014 modifiant le décret n° 76-225 ;
- le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. C... A...,
- les conclusions de Mme Sylvande Perdu, rapporteur public,
- et les observations de Me B..., représentant la société de Labourdette.
Considérant ce qui suit :
1. Par une convention signée le 18 novembre 2003, la commune du Fauga a confié à la société de Labourdette la réalisation d'une zone d'aménagement concerté sur une unité foncière correspondant à la parcelle cadastrée section B n° 916. Afin de réaliser ce projet, la société de Labourdette a acquis auprès de la société nationale des poudres et explosifs (SNPE), le 15 décembre 2003, la parcelle B n° 916.
2. Après la découverte dans le sol du terrain de munitions datant de la seconde guerre mondiale, la société de Labourdette a adressé au préfet de la Haute-Garonne, le 23 août 2006, une mise en demeure de faire enlever ces munitions. Le préfet a opposé à cette demande une décision implicite de rejet que le tribunal administratif de Toulouse a annulée par un jugement n° 0702647 du 4 mai 2012 condamnant aussi l'Etat à verser à la société de Labourdette une somme à titre de dommages et intérêts. Par un arrêt n° 12BX01747 du 8 octobre 2013, la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté la requête de la société de Labourdette tendant à la réformation du jugement du tribunal administratif de Toulouse du 4 mai 2012. Par décision n° 373818 du 16 mars 2016, le Conseil d'Etat statuant au contentieux, saisi d'un pourvoi présenté par la société de Labourdette, a annulé l'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 8 octobre 2013 en tant qu'il a omis de statuer sur les conclusions de la société aux fins d'injonction de faire procéder à la dépollution du site et a renvoyé le jugement de ces conclusions devant la cour.
3. Statuant sur renvoi du Conseil d'Etat, la cour administrative d'appel de Bordeaux a rendu un arrêt n° 16BX00976 du 18 octobre 2016 dans lequel elle a d'abord rappelé qu'en application de l'article 2 du décret n° 76-225 du 4 mars 1976, il incombe à l'Etat et à lui seul de faire réaliser la dépollution du terrain. La cour a ensuite jugé que l'annulation de la décision implicite de rejet de la demande du 23 août 2006, tendant à ce qu'il soit procédé à la dépollution du site, implique nécessairement que les services spécialisés du ministère de l'intérieur procèdent à la dépollution du terrain. Constatant que ces opérations n'avaient pas été engagées, la cour a enjoint au ministre de l'intérieur de procéder à la dépollution du site dans un délai d'un an à compter de la notification de son arrêt et d'en justifier. En application de l'article L. 911-3 du code de justice administrative, la cour a assorti cette injonction d'une astreinte de 150 euros par jour de retard.
4. La société de Labourdette demande à la cour de constater que les travaux de dépollution n'ont pas débuté malgré l'injonction prononcée dans l'arrêt n° 16BX00976 du 18 octobre 2016, d'enjoindre à l'Etat de faire procéder sans délai aux opérations de dépollution sous astreinte de 6 500 euros par jour de retard, de fixer le délai global d'exécution des travaux de dépollution à 30 mois et de condamner l'Etat Français à lui verser à la somme de 102 150 euros en liquidation de l'astreinte fixée par l'arrêt du 18 octobre 2016.
5. Aux termes de l'article L. 911-6 du code de justice administrative : " L'astreinte est provisoire ou définitive. Elle doit être considérée comme provisoire à moins que la juridiction n'ait précisé son caractère définitif. Elle est indépendante des dommages et intérêts. ". Aux termes de l'article L. 911-7 du même code : " En cas d'inexécution totale ou partielle ou d'exécution tardive, la juridiction procède à la liquidation de l'astreinte qu'elle avait prononcée. Sauf s'il est établi que l'inexécution de la décision provient d'un cas fortuit ou de force majeure, la juridiction ne peut modifier le taux de l'astreinte définitive lors de sa liquidation. Elle peut modérer ou supprimer l'astreinte provisoire, même en cas d'inexécution constatée. ". CE 27.03.20 N°428066
6. L'arrêt de la cour rendu le 18 octobre 2016 sous le n° 16BX00976 a été notifié au ministre de l'intérieur le 18 octobre 2016. A la date du présent arrêt, le ministre n'a pas communiqué au greffe de la cour copie des actes justifiant des mesures prises pour exécuter l'arrêt et doit être, par suite, regardé comme n'ayant pas satisfait à son obligation d'exécution. Il y a lieu, dans ces conditions, de procéder à la liquidation de l'astreinte pour la période du 18 octobre 2017 au 31 août 2019 inclus, au taux de 150 euros par jour, pour un montant de 102 150 euros, comme le demande la société de Labourdette
7. Dans les circonstances de l'espèce, et compte tenu du refus persistant de l'Etat de faire exécuter l'arrêt du 18 octobre 2016, il y a lieu de majorer le taux de l'astreinte en le fixant à 1 000 euros par jour de retard à compter de la notification du présent arrêt.
8. En application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la société de Labourdette et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : L'Etat versera à la société de Labourdette la somme de 102 150 euros résultant de la liquidation de l'astreinte fixée dans l'arrêt n° 16BX00976 du 18 octobre 2016.
Article 2 : L'Etat versera à la société de Labourdette la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le taux journalier de l'astreinte est fixé à 1 000 euros par jour de retard à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société en nom collectif de Labourdette, au ministre de la transition écologique et solidaire, au ministre de l'intérieur et à la Société nationale des poudres et explosifs. Copie pour information en sera délivrée au préfet de la Haute-Garonne et à la commune du Fauga. Il en sera adressé copie au ministère public près la Cour de discipline budgétaire et financière, en application de l'article R. 921-7 du code de justice administrative.
Délibéré après l'audience du 30 juin 2020 à laquelle siégeaient :
Mme Elisabeth Jayat, président,
M. C... A..., président-assesseur,
M. Romain Roussel, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 9 juillet 2020.
Le président,
Elisabeth Jayat
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 19BX03942