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17/06/2020 | FRANCE | N°18BX01195

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre, 17 juin 2020, 18BX01195


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La communauté urbaine de Bordeaux a demandé au tribunal administratif de Bordeaux, avant dire droit, de désigner un expert avec la mission complémentaire de décrire les désordres affectant l'étanchéité du Pont de pierre à Bordeaux, à la suite des travaux effectués dans le cadre de la mise en place du tramway, et de condamner solidairement l'Etat, le groupement d'études du tramway (GET), composé des sociétés Systra, Sofretu, Sofrerail, Sogelerc Ingénierie et SEAMP, et la société Colas Sud-Ouest à

lui verser une somme de 1 128 220 euros TTC à parfaire, assortie des intérêts au ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La communauté urbaine de Bordeaux a demandé au tribunal administratif de Bordeaux, avant dire droit, de désigner un expert avec la mission complémentaire de décrire les désordres affectant l'étanchéité du Pont de pierre à Bordeaux, à la suite des travaux effectués dans le cadre de la mise en place du tramway, et de condamner solidairement l'Etat, le groupement d'études du tramway (GET), composé des sociétés Systra, Sofretu, Sofrerail, Sogelerc Ingénierie et SEAMP, et la société Colas Sud-Ouest à lui verser une somme de 1 128 220 euros TTC à parfaire, assortie des intérêts au taux légal, en réparation des désordres affectant le Pont de pierre.

Par un jugement n° 1100497 du 2 juillet 2014, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa requête et mis les frais d'expertise à sa charge.

Par un arrêt n° 14BX02662 du 3 janvier 2017, la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté l'appel formé par Bordeaux Métropole, venant aux droits de la communauté urbaine de Bordeaux, contre ce jugement.

Par une décision n° 408685 du 26 mars 2018, le conseil d'Etat statuant au contentieux, saisi d'un pourvoi présenté par Bordeaux Métropole, a annulé l'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 3 janvier 2017 et a renvoyé l'affaire devant la cour.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 3 septembre 2014, la Communauté urbaine de Bordeaux, puis après renvoi de l'affaire par le conseil d'Etat, par des mémoires enregistrés les 5 mai et 11 septembre 2019, la communauté urbaine de Bordeaux aux droits de laquelle vient Bordeaux Métropole représentée par Me L..., demande à la cour, dans le dernier état de ses dernières écritures :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 2 juillet 2014 ;

2°) de condamner solidairement l'Etat, le Groupement d'études du tramway (GET), composé des sociétés Systra, Sofretu, Sofrerail, Sogelerc Ingénierie devenue Thalès Développement et Coopération, et SEAMP aux droits de laquelle vient la société Ingérop Conseil et Ingénierie, et la société Colas Sud-Ouest mandataire du groupement Colas / Fayat / Erso venant aux droits de la société Sattanino, à lui verser une somme de 1 128 220 euros TTC à parfaire, assortie des intérêts au taux légal, en réparation des désordres affectant le Pont de pierre ;

3°) de les condamner également solidairement aux dépens de l'instance, ainsi qu'au paiement de la somme de 10 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle entend renoncer à sa demande de complément d'expertise ;

- le jugement est irrégulier car les premiers juges ont estimé à tort sa demande irrecevable ;

- elle a produit la délibération habilitant son président à ester en justice, après avoir lu le sens des conclusions du rapporteur en ligne ;

-le contenu de sa requête introductive d'instance d'appel ne fait que relater ce qui s'est dit à l'audience et n'établit pas la réception des mémoires ayant invoqués la fin de non-recevoir retenue par le tribunal, ni le fait qu'elle n'ait pas contesté les avoir reçus ;

- la mise à sa charge définitive des frais d'expertise était prématurée ;

- la société Ingérop Conseil et Ingénierie demande à tort à être mise hors de cause, dès lors qu'elle est nécessairement attraite en appel ;

- elle est fondée à demander la condamnation des constructeurs sur le terrain de la garantie décennale ;

- sa demande n'est pas prescrite ;

- les désordres n'étaient pas apparents ;

- les désordres affectant la solidité du Pont de pierre sont imputables à l'Etat, au groupement GET, au groupement Colas, Fayat, Sattanino représenté par la société Colas qui doivent être condamnés solidairement à réparer les désordres ;

- la Direction Départementale de l'Equipement (Etat) a commis des erreurs de conception du fait de l'absence de prise en compte des caractéristiques du pont, de l'absence d'étanchéité au droit des rives gauche et droite et de la mise en oeuvre d'un procédé technique " Testudo ", inadéquat ;

- le groupement GET qui était chargé de la coordination générale des maitres d'oeuvre, n'a pas comme l'indique l'expert, fait des remarques sur l'insuffisance du marché placé sous la maitrise d'oeuvre de la direction départementale de l'équipement (DDE), et a commis des fautes en laissant rouler des véhicules sur l'étanchéité de la voie ;

- le GET a également été négligent dans sa mission de conseil au maitre d'ouvrage ;

- le groupement Colas / Fayat / Sattanino titulaire du marché de travaux ne pouvait ignorer les règles de protection et de finition de l'ouvrage, règles qu'il n'a pas respectées ;

- en ce qui concerne son sous-traitant BTPS, il est responsable de la non-conformité de la mise en place du Testudo et du raccordement des deux types d'étanchéité ;

- les désordres indiqués doivent donc entrainer la responsabilité conjointe et solidaire de l'Etat, du groupement GET et du groupement Colas / Fayat / Sattanino ;

- elle n'a commis aucune faute de nature à atténuer leur responsabilité et aucun fait de force majeure ne peut être retenu ;

- son refus de réaliser des travaux supplémentaires n'est pas établi et il appartenait à la DDE d'assurer l'étanchéité du Pont jusqu'aux culées ;

- les travaux de voirie, qui ont amené au rabotage de l'étanchéité, étaient dirigées par le GET, qui aurait dû s'assurer de l'interface entre les lots 10 et 14 ;

- le lien de causalité et son préjudice sont établis.

Par des mémoires enregistrés le 9 juin 2015 et le 21 avril 2016, la société TDC, venant aux droits de la société Sogelerc, puis après renvoi de l'affaire par le conseil d'Etat, par un mémoire enregistré le 26 juillet 2018, la société TDC SAS venant aux droits de la société Sogelerc devenue Thalès, représentée par Me I..., demande à la cour :

1°) à titre principal, de rejeter la requête de Bordeaux Métropole et la mettre hors de cause ;

2°) à titre subsidiaire, de condamner in solidum la société Systra, l'Etat, le groupement Colas Sud-Ouest, Fayat Entreprises TP et la société Sattanino et ses sous-traitants Astram, la SEAMP aux droits de laquelle vient la société Ingérop Conseil et Ingénierie et BTPS à la garantir de toute condamnation prononcée à son encontre ;

3°) de mettre à la charge de la partie perdante la somme de 10 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement n'est pas irrégulier, dès lors que son mémoire du 2 décembre 2011 a bien été communiqué à Bordeaux Métropole comme le démontre l'application Sagace et ainsi qu'elle l'a reconnu dans sa requête introductive d'instance ;

- le complément d'expertise sollicité n'est pas justifié ;

- Bordeaux Métropole a participé aux travaux à l'origine des désordres, car elle a refusé la réalisation d'ouvrages d'arrêt entre le pont et la voirie ce qui a conduit au rabotage de l'étanchéité ;

- sa faute exonérera totalement les constructeurs ;

- leur responsabilité au titre de la garantie décennale n'est pas engagée car il n'est pas démontré en quoi les désordres affectent la solidité de l'ouvrage ;

- les désordres étaient apparents ;

- n'ayant pas assuré la maitrise d'oeuvre des travaux d'étanchéité, sa responsabilité n'est pas engagée ;

- à titre subsidiaire, elle n'a commis aucune faute ;

- la société Systra est intervenue dans le marché sur l'étanchéité du Pont de pierre ;

- la société Ingérop sera déboutée de sa demande tendant à ce qu'elle la relève indemne ;

- à titre subsidiaire, elle est fondée à demander à être garantie par la société Systra l'Etat, le groupement Colas Sud-Ouest, Fayat Entreprises TP et la société Sattanino et ses sous-traitants Astram, SEAMP et BTPS ;

- la responsabilité du GET et par voie de conséquence, la sienne, au titre d'un manquement à leur devoir de conseil au moment de la réception des travaux n'est pas engagée ;

- son préjudice n'est pas justifié.

Par des mémoires enregistrés les 15 juin 2015 et 4 mai 2016, puis après renvoi de l'affaire par le conseil d'Etat, par des mémoires enregistrés les 26 juillet 2018, 2 juillet 2019 et 15 octobre 2019, la SAS Ingérop Conseil et Ingénierie, venant aux droits de la société SEAMP, représentée par Me H..., demande à la cour :

1°) à titre principal, de rejeter la requête de Bordeaux Métropole ;

2°) à titre subsidiaire, de prononcer la nullité du rapport d'expertise ;

3°) de condamner Bordeaux Métropole, l'Etat, les sociétés membres du groupement Colas, Fayat, Sattanino à la garantir de toutes condamnations ;

4°) à titre infiniment subsidiaire, de condamner la société TDC à la garantir de toutes condamnations ;

5°) de mettre à la charge de Bordeaux Métropole la somme de 10 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête d'appel est irrecevable car Bordeaux Métropole a interjeté appel du jugement contre la société SEAMP, qui n'a plus d'existence légale depuis 2002 ;

- elle n'a pas formulé d'appel contre elle alors qu'elle était présente en première instance ;

- elle a été attraite par le greffe et était contrainte d'assurer sa défense ;

- le jugement n'est pas irrégulier ;

- la demande de Bordeaux Métropole se fonde sur le rapport d'expertise qui est entaché de nullité, faute de respecter le principe du contradictoire ;

- elle n'a commis aucune faute et Bordeaux Métropole ne précise pas les fautes contractuelles commises par chacun des membres du groupement conjoint ;

- elle n'a accompli aucune prestation de maîtrise d'oeuvre sur l'ouvrage en cause ;

- sa responsabilité au titre de la garantie décennale n'est pas engagée ;

- les désordres trouvent leur cause dans la conception de l'ouvrage et la réalisation des travaux d'étanchéité ;

- l'intervention du GET est étrangère aux travaux litigieux ;

- il ne peut être reproché un manquement à son obligation de conseil compte-tenu des compétences de la DDE et de Bordeaux Métropole ;

- à titre subsidiaire, Bordeaux Métropole, l'Etat et les sociétés membres du groupement Colas, Fayat, Sattanino la garantiront de toutes condamnations ;

- étant membre d'un groupement momentané, sa responsabilité n'est engagée que si Bordeaux Métropole établit la responsabilité individuelle de chaque membre.

Par des mémoires enregistrés le 6 juillet 2015 et le 23 novembre 2016, et après renvoi de l'affaire par le conseil d'Etat, par des mémoires enregistrés les 29 mai 2018, 19 juin 2018 et 11 septembre 2019, la société Colas Sud-Ouest, représentée par Me F..., demande à la cour dans le dernier état de ses dernières écritures :

1°) d'ordonner une enquête sur la plaidoirie de l'avocat de Bordeaux Métropole à l'occasion de l'audience du 4 juin 2014 qui s'est déroulée devant le tribunal administratif de Bordeaux ;

2°) de déclarer l'instance n°14BX02662 commune aux sociétés Fayat Entreprises TP et Eiffage TP SO ;

3°) à titre principal, de rejeter la requête de Bordeaux Métropole ;

4°) à titre subsidiaire, de condamner l'Etat, Bordeaux Métropole, les sociétés Fayat Entreprises TP, Eiffage TP Sud-Ouest, Thalès, Systra, Sogelerc ingénierie, la SEAMP, les sociétés Astram et BTPS Atlantique à la relever indemne de toute condamnation ;

5°) de mettre à la charge de Bordeaux Métropole la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal n'a pas entaché son jugement d'irrégularité en jugeant que la demande de première instance de Bordeaux Métropole était irrecevable ;

- l'habilitation permettant à son président d'ester en justice a été produite après la clôture de l'instruction ;

- le tribunal n'avait pas à demander à Bordeaux Métropole de régulariser sa requête dès lors qu'il ressort de l'application Sagace que Bordeaux Métropole a reçu le mémoire dans lequel Colas a soulevé cette fin de non-recevoir et que Bordeaux Métropole l'a admis à l'audience et dans sa requête introductive d'instance enregistrée le 3 septembre 2014 ;

- la cour pourra ordonner une enquête pour savoir ce qui s'est dit à l'audience devant le tribunal administratif ;

- la production en appel de cette habilitation n'a pas pour effet de régulariser la demande de première instance ;

- le jugement a à bon droit laissé les frais d'expertise à la charge de Bordeaux Métropole ;

- Bordeaux Métropole n'invoque aucun argument susceptible de justifier une nouvelle expertise ;

- elle est en droit de demander à être garantie par les autres membres du groupement d'entreprises titulaires du lot infra 14 dont elle n'est que le représentant à l'égard du maître d'ouvrage et sa demande relève de la compétence de la juridiction administrative ;

- les désordres constatés ne relèvent pas de la garantie décennale dès lors que les défauts relatifs à l'étanchéité existaient pendant les travaux ;

- il s'agit donc de désordres apparents et connus, qui ne portent pas atteinte à la solidité de l'ouvrage et ne le rendent pas impropres à sa destination ;

- Bordeaux Métropole, qui a dirigé les travaux entre le pont et la voirie, a participé aux travaux objets des désordres en litige ;

- le groupement n'a pas commis de faute ;

- les spécificités du Pont de pierre n'ont pas été portées à leur connaissance par le maître d'oeuvre, ce qui ne leur a pas permis d'adapter le procédé d'étanchéité mis en oeuvre ;

- les infiltrations affectant les joints de structure sont la conséquence de la dilatation du pont ;

- le sous-dimensionnement des drains est imputable au maître d'oeuvre ;

- les désordres sont donc imputables à la DDE qui dirigeait les travaux et au groupement de maître d'oeuvre qui n'a fait aucune remarque sur les insuffisances des marchés que dirigeaient la DDE ;

- tous les intervenants à ce chantier, y compris les sociétés Astram et BTPS, en leur qualité de sous-traitantes du groupement qu'il représente, seront condamnés à la relever indemnes de toute condamnations.

Par des mémoires enregistrés les 23 mars 2016 et 30 novembre 2016, et après renvoi de l'affaire par le conseil d'Etat, par un mémoire enregistré le 19 juin 2018, la société Systra représentée par Me G..., demande à la cour :

1°) à titre principal, de rejeter la requête de Bordeaux Métropole ;

2°) à titre subsidiaire, de la mettre hors de cause ;

3°) à titre infiniment subsidiaire, de condamner l'Etat, la société Colas Sud-Ouest et ses sous-traitants et la société TDC à la garantir de toute condamnation prononcée à son encontre ;

4°) de mettre à la charge de la partie perdante la somme de 6 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

-le jugement n'est pas irrégulier ;

- le défaut d'habilitation de l'auteur de la demande de première instance ne peut être régularisé en appel ;

- sur le fond, la demande de Bordeaux Métropole tendant à ce qu'il soit procédé à la désignation d'une expertise complémentaire doit être rejetée ;

- il n'est pas démontré la gravité des désordres et il n'est pas précisé en quoi les désordres constatés porteraient atteinte à la solidité de l'ouvrage ;

- sa responsabilité au titre de la garantie décennale ne peut être retenue car le GET n'est pas constructeur de l'ouvrage étanchéité ;

- aucun manquement dans les travaux de réalisation du tramway ne peut lui être reproché ;

- Bordeaux Métropole a commis, en tant que maître d'oeuvre des aménagements de surface du côté de la place Bir Hakeim, des fautes exonératoires de responsabilité ;

- sa responsabilité contractuelle n'est pas engagée, car elle n'a pas manqué à son obligation de conseil lors des opérations de réception des travaux du tramway ;

- en toute hypothèse, elle ne peut être condamnée à payer pour ses cotraitants, notamment pour la société Sogelerg, qui est intervenue dans le marché à l'origine des désordres en litige ;

- le préjudice de Bordeaux Métropole n'est pas justifié ;

- la société TDC SAS, la DDE et la société Colas Sud-Ouest et ses sous-traitants la relèveront indemne de toute condamnation.

Par un mémoire enregistré le 30 novembre 2016, le ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, et après renvoi de l'affaire par le conseil d'Etat, par un mémoire enregistré le 22 janvier 2019, le ministre de la transition écologique et solidaire demande à la cour :

1°) à titre principal de rejeter la requête de Bordeaux Métropole ;

2°) à titre subsidiaire de rejeter des conclusions présentées contre l'Etat ;

3°) à titre infiniment subsidiaire, dans l'hypothèse où la responsabilité de l'Etat serait engagée, de condamner Bordeaux Métropole, le groupement Colas/Sattanino/Fayat, le bureau d'études Solen et le groupement GET à le garantir toutes les condamnations prononcées à l'encontre de l'Etat.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier ;

- le tribunal a mis à bon droit les frais d'expertise à la charge de Bordeaux Métropole ;

- les désordres ne compromettent pas la solidité de l'ouvrage ;

- sa responsabilité n'est pas engagée dès lors que l'expert n'a mis en évidence aucune faute imputable à la DDE dans le choix des matériaux d'étanchéité, ni dans la réalisation de ceux-ci, ni dans leur direction ;

- les matériaux ont été choisis en considération de l'état des connaissances de la situation du pont ;

- le GET, chargé d'une mission générale de maitrise d'oeuvre était présent à toutes les phases des travaux et n'a formulé aucune observation sur le choix des matériaux ;

- en revanche, les désordres sont imputables à un manque de direction des travaux par le GET et par Bordeaux Métropole qui a refusé des drains de culées ;

- le montant des travaux de reprise n'est pas justifié ;

- en l'absence de faute, les appels en garantie dirigés contre lui seront rejetés.

Par un mémoire enregistré le 1er décembre 2016, et après renvoi de l'affaire par le conseil d'Etat, par un mémoire enregistré le 13 juin 2018, la société Eiffage Route Sud-Ouest (TPSO) venant aux droits de la société Sattanino, et la société Fayat Entreprise TP, représentées par Me N..., demandent à la cour :

1°) à titre principal, de rejeter la requête de Bordeaux Métropole ;

2°) à titre subsidiaire, de se déclarer incompétent pour connaître des conclusions d'appel en garantie présentées par la société Colas à leur encontre ;

3°) de rejeter les conclusions d'appel en garantie présentées par le GET et l'Etat ;

4°) de condamner l'Etat, la société Systra en sa qualité de mandataire du GET, la société TDC et la société Ingérop à les relever indemnes de toute condamnation ;

5°) de mettre à la charge de Bordeaux Métropole les dépens de l'instance et la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- le jugement n'est pas irrégulier ;

- sur le fond, la demande de Bordeaux Métropole pourra être rejetée, car les désordres se produisent principalement dans la zone de culées du fait de l'absence de réalisation d'un système de récupération pourtant demandé par les entreprises et que le maître d'ouvrage a refusé ;

- au droit des parties courbes, le défaut d'étanchéité provient d'un rabotage non suivi de reprise de l'étanchéité par ceux chargés de l'aménagement de la zone de surfaces et provient donc d'une cause étrangère ;

- les désordres du pont en partie courante proviennent d'une insuffisante prise en compte des mouvements naturels du Pont de pierre, qui ne leur sont pas imputables car à aucun moment la DDE n'a intégré cette spécificité dans les documents contractuels ;

- les désordres localisés au droit de l'axe central de la plateforme sont dus aux travaux du tramway et donc à des entreprises étrangères au marché en cause ;

- le montant de son préjudice n'est pas justifié car il repose sur des estimations du maître d'ouvrage, sans la moindre justification technique et financière ;

- le poste 1 est un enrichissement, cette prestation n'était pas prévue ;

- les postes 2, 3, 4, 5 ne sont pas techniquement justifiés et ne sont pas réalisables ;

- le poste 6 relève de la seule responsabilité de Bordeaux Métropole qui n'a pas réalisé des drains de culées ;

- le poste 7 relève de l'entretien et le point 8 est de la responsabilité de Bordeaux Métropole ;

- en ce qui concerne des appels en garantie, les conclusions de la société Colas Sud-Ouest contre les autres membres du groupement d'entreprises ne relèvent pas de la compétence de la juridiction administrative ;

- s'agissant des appels en garantie, le groupement sera relevé indemne de toute condamnation par l'Etat et la société Systra, mandataire du groupement GET.

Par lettre du 6 mai 2020, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la cour est susceptible de soulever d'office les moyens d'ordre public tirés de l'irrecevabilité des conclusions d'appel en garantie, nouvelles en appel, présentées par le ministre de la transition écologique contre le groupement Colas et par la société TDC contre la société Systra et de ce que les conclusions de la société Colas Sud-Ouest à l'encontre de la société BTPS Atlantique et de la société Astram sont portées devant une juridiction incompétente pour en connaître.

La ministre de la transition écologique et la société Colas Sud-Ouest ont présenté des observations en réponse à ces moyens d'ordre public qui ont été enregistrées le 14 mai 2020.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code des marchés publics ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme E... B...,

- les conclusions de Mme Béatrice Molina-Andréo, rapporteur public ;

- et les observations de Me A..., représentant Bordeaux Métropole, de Me D... représentant la société Colas Sud-Ouest, de Me K... représentant la société Systra, de Me H... représentant la société Ingérop Conseil et Ingénierie, de Me C... représentant la société TDC et de Me N... représentant la société Eiffage Route Sud-Ouest et la société Fayat Entreprise TP.

Une note en délibéré présentée pour Bordeaux Métropole par CBCG Avocats et Associés a été enregistrée le 27 mai 2020.

Considérant ce qui suit :

1. Dans le cadre de la mise en place du tramway sur le Pont de pierre à Bordeaux, la communauté urbaine de Bordeaux (CUB) aux droits de laquelle vient Bordeaux Métropole, a procédé à des travaux qui ont eu pour objet l'étanchéité de l'ouvrage afin de ne pas en affaiblir la construction. A cette fin, un marché de maîtrise d'oeuvre générale a été passé le 31 juillet 1997 avec le Groupement d'études du tramway (GET), composé des sociétés Systra, Sofretu, Sofrerail, Sogelerc Ingénierie, devenue TDC et la société SEAMP, aux droits de laquelle vient la société Ingérop Conseil et Ingénierie. Une convention de maîtrise d'oeuvre particulière a été conclue le 19 décembre 2000 avec les services de l'Etat pour la réfection de l'étanchéité et la protection du pont et un marché de travaux a été confié au groupement Colas, Fayat, Sattanino le 19 avril 2002. Les travaux réalisés en 2003, ont été réceptionnés le 6 août 2003 avec des réserves qui ont été levées par le GET le 16 septembre 2004. Plus de trois ans plus tard, des désordres sont apparus concernant une mauvaise évacuation des eaux pluviales, ce qui a conduit Bordeaux Métropole à saisir le tribunal administratif de Bordeaux d'une demande de constat d'urgence afin d'obtenir une expertise judiciaire pour constater les désordres, demande à laquelle il a été fait droit. Au vu de ce constat d'urgence, Bordeaux Métropole a demandé une expertise judiciaire qui a été ordonnée par le tribunal administratif de Bordeaux le 4 avril 2008. Postérieurement au dépôt du rapport d'expertise daté du 30 juin 2009, Bordeaux Métropole a saisi le tribunal administratif de Bordeaux d'une demande tendant à la condamnation in solidum de l'Etat, du groupement GET et du groupement Colas, Fayat, Sattanino, représenté par la société Colas Sud-Ouest, à réparer les désordres et à titre subsidiaire, à la condamnation de l'Etat et du groupement GET sur le fondement de la responsabilité au titre de leur manquement à leur obligation de conseil lors de la réception des travaux. Par un jugement du 2 juillet 2014, confirmé par un arrêt de la cour administrative d'appel n° 14BX02662 du 3 janvier 2017, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté la requête de Bordeaux Métropole et a mis les frais d'expertise à sa charge. Sur pourvoi de Bordeaux Métropole, le conseil d'Etat statuant au contentieux par une décision du 26 mars 2018, a annulé l'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux et a renvoyé la requête de Bordeaux Métropole à la cour administrative d'appel de Bordeaux.

Sur la recevabilité de l'appel :

2. La société SEAMP, aux droits de laquelle vient la société Ingérop Conseil et Ingénierie, d'une part, ayant été partie en première instance et d'autre part, les conclusions d'appel de Bordeaux Métropole étant dirigées contre le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 2 juillet 2014, la société Ingérop Conseil et Ingénierie, à qui le jugement a d'ailleurs été notifié, ne peut utilement soutenir que l'appel de Bordeaux Métropole serait irrecevable à son égard, au motif que Bordeaux Métropole aurait seulement mentionné le nom de la société SEAMP dans sa requête introductive d'instance d'appel au lieu et place de la société Ingérop Conseil et Ingénierie.

Sur la régularité du jugement :

3. Aux termes de l'article L. 5 du code de justice administrative : " L'instruction des affaires est contradictoire (...) ". Aux termes de l'article R. 612-1 du code de justice administrative : " Lorsque des conclusions sont entachées d'une irrecevabilité susceptible d'être couverte après l'expiration du délai de recours, la juridiction ne peut les rejeter en relevant d'office cette irrecevabilité qu'après avoir invité leur auteur à les régulariser (...) La demande de régularisation mentionne que, à défaut de régularisation, les conclusions pourront être rejetées comme irrecevables dès l'expiration du délai imparti qui, sauf urgence, ne peut être inférieur à quinze jours (...) ". Selon l'article R. 611-1 du même code, la requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties dans les conditions prévues à l'article R. 611-3. Aux termes de ce dernier article : " Les décisions prises pour l'instruction des affaires sont notifiées aux parties (...). La notification peut être effectuée au moyen de lettres simples. / Toutefois, il est procédé aux notifications de la requête, des demandes de régularisation, des mises en demeure, des ordonnances de clôture, des décisions de recourir à l'une des mesures d'instruction prévues aux articles R. 621-1 à R. 626-3 ainsi qu'à l'information prévue à l'article R. 611-7 au moyen de lettres remises contre signature ou de tout autre dispositif permettant d'attester la date de réception (...) ".

4. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient au juge administratif d'inviter l'auteur d'une requête entachée d'une irrecevabilité susceptible d'être couverte en cours d'instance à la régulariser et qu'il doit être procédé à cette invitation par lettre remise contre signature ou par tout autre dispositif permettant d'attester la date de réception. La communication au requérant par lettre simple d'un mémoire en défense soulevant une fin de non-recevoir ne saurait, en principe, dispenser le juge administratif de respecter l'obligation ainsi prévue, à moins qu'il ne soit établi par ailleurs que le mémoire en défense a bien été reçu par l'intéressé.

5. Pour rejeter, par le jugement attaqué, la demande indemnitaire de Bordeaux Métropole, le tribunal administratif de Bordeaux s'est fondé sur une fin de non-recevoir qui avait été invoquée par les sociétés Colas et TDC dans leurs mémoires en défense produits les 15 juillet et 2 décembre 2011 tirée de ce que le président de la communauté urbaine de Bordeaux ne justifiait pas avoir été habilité à agir en justice. Toutefois, il ressort du dossier de première instance que les mémoires en défense qui invoquaient cette fin de non-recevoir, avaient été adressés par lettre simple à Bordeaux Métropole, qui n'a pas produit de réplique et ne pouvait, de ce fait, être réputé avoir reçu ces mémoires. Par ailleurs, contrairement à ce qui est soutenu par les intimés en appel, ni les mentions figurant dans l'application Sagace indiquant que les mémoires des 15 juillet et 2 décembre 2011 ont été communiqués à Bordeaux Métropole, ni la circonstance que son avocat n'aurait pas contesté avoir reçu communication de ces mémoires au cours de l'instruction ou au cours de l'audience qui s'est déroulée devant le tribunal administratif, ni celle qu'il ait commenté le contenu de ces mémoires dans sa requête introductive d'appel, ne permettent d'établir que Bordeaux Métropole avait bien reçu ces mémoires en défense. Par suite, en retenant cette fin de non-recevoir sans avoir invité le demandeur à régulariser sa demande, dans les formes prévues par le deuxième alinéa de l'article R. 611-3 du code de justice administrative, le tribunal administratif de Bordeaux a entaché son jugement d'irrégularité.

6. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, pour la cour, sans qu'il soit besoin d'ordonner de mesure d'instruction, d'annuler ce jugement et de statuer par la voie de l'évocation sur la demande présentée par Bordeaux Métropole.

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

7. En vertu de l'article L. 2122-22 du code général des collectivités territoriales, contenu au chapitre II du titre II du livre Ier de la deuxième partie relative au fonctionnement du conseil municipal : " Le maire peut (...) par délégation du conseil municipal, être chargé, en tout ou partie, et pour la durée de son mandat : (...) 16° D'intenter au nom de la commune les actions en justice ou de défendre la commune dans les actions intentées contre elle, dans les cas définis par le conseil municipal (...). ". Aux termes de l'article L. 5211-1 de ce code : " A l'exception de celles des deuxième à quatrième alinéas de l'article L. 2122-4, les dispositions du chapitre II du titre II du livre Ier de la deuxième partie relatives au maire et aux adjoints sont applicables au président et aux membres du bureau des établissements publics de coopération intercommunale, en tant qu'elles ne sont pas contraires aux dispositions du présent titre. ". Aux termes de l'article L. 5211-9 dudit code : " Le président est l'organe exécutif de l'établissement public de coopération intercommunale. (...) / Il représente en justice l'établissement public de coopération intercommunale. (...) ".

8. Il résulte de l'instruction que par une délibération n° 2010-0750 du 22 octobre 2010, le conseil de la communauté urbaine de Bordeaux a délégué à son président le pouvoir de "décider d'ester en justice et représenter la communauté devant toute juridiction tant en défense qu'en action ". Par suite, et contrairement à ce que soutiennent les sociétés Colas Sud-Ouest et TDC, la demande de première instance présentée devant le tribunal administratif de Bordeaux était recevable.

Sur le fond :

En ce qui concerne la régularité des opérations d'expertise :

9. La société Ingérop Conseil et Ingénierie soutient que la procédure d'expertise a été conduite en méconnaissance du principe du contradictoire au motif qu'elle n'a pas été rendue destinataire de documents diffusés pendant les opérations d'expertise, que l'expert a utilisé le constat d'urgence qu'il avait dressé préalablement à sa nouvelle désignation, ainsi que les documents communiqués par Bordeaux Métropole antérieurement à celle-ci, alors que ce constat n'avait pas été mené contradictoirement à son égard, et enfin que l'expert n'a pas répondu à neuf dires qu'elle lui a adressés et qui ne sont pas listés dans le rapport. Toutefois, il ne résulte pas de l'instruction que la société Ingérop Conseil et Ingénierie, qui a assisté aux réunions d'expertise, n'ait pas eu communication de l'ensemble des documents produits par les parties, ainsi que cela ressort des dires produits et des notes d'expertise. De surcroît, il ne résulte pas de l'instruction qu'elle n'a pas eu la possibilité de consulter le constat d'urgence établi par l'expert, ni les pièces produites par la CUB le 30 mai 2007. Enfin, eu égard au contenu de ses neuf dires qui avaient pour objet des revendications de la société sur le déroulement de l'expertise, l'expert a pu ne pas les lister dans son rapport. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité des opérations d'expertise ne peut qu'être écarté.

En ce qui concerne la mise en oeuvre de la responsabilité décennale :

10. D'une part, il résulte des principes qui régissent la garantie décennale des constructeurs que des désordres apparus dans le délai d'épreuve de dix ans, de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination dans un délai prévisible, engagent leur responsabilité, sans qu'il soit nécessaire que ces désordres revêtent un caractère général et permanent. En application de ces principes, est susceptible de voir sa responsabilité engagée de plein droit toute personne appelée à participer à la construction de l'ouvrage, liée au maître de l'ouvrage par un contrat de louage d'ouvrage ou qui, bien qu'agissant en qualité de mandataire du propriétaire de l'ouvrage, accomplit une mission assimilable à celle d'un locateur d'ouvrage, ainsi que toute personne qui vend, après achèvement, un ouvrage qu'elle a construit ou fait construire. D'autre part, le constructeur dont la responsabilité est recherchée sur ce fondement ne peut en être exonéré, outre les cas de force majeure et de faute du maître d'ouvrage, que lorsque, eu égard aux missions qui lui étaient confiées, il n'apparaît pas que les désordres lui soient en quelque manière imputables. A cet égard, en l'absence de stipulations contraires, les entreprises qui s'engagent conjointement et solidairement envers le maître de l'ouvrage à réaliser une opération de construction, s'engagent conjointement et solidairement non seulement à exécuter les travaux, mais encore à réparer le préjudice subi par le maître de l'ouvrage du fait de manquements dans l'exécution de leurs obligations contractuelles. Un constructeur ne peut échapper à sa responsabilité conjointe et solidaire avec les autres entreprises co-contractantes, au motif qu'il n'a pas réellement participé aux travaux révélant un tel manquement, que si une convention, à laquelle le maître de l'ouvrage est partie, fixe la part qui lui revient dans l'exécution des travaux.

S'agissant du caractère décennal des désordres :

11. Il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise, que les désordres en litige sont des défauts dans l'étanchéité du Pont de pierre consistant en des infiltrations d'eaux sous les voies de circulations sur le pont, dont la voie du tramway et au niveau des culées où il existe de fortes infiltrations. Ces désordres, qui concernent 85 zones infiltrantes réparties sur la surface visible du pont, sont importants et ont pour conséquence que l'étanchéité du Pont de pierre n'est plus assurée, ce qui compromet sa solidité. Dans ces conditions, les désordres en litige, dont il ne résulte pas de l'instruction qu'ils aient été apparents au moment de la réception des travaux, revêtent un caractère décennal.

S'agissant de l'imputabilité des désordres :

12. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expert judiciaire, que ces infiltrations ont pour cause l'absence d'ouvrage indispensable à l'étanchéité des culées du pont, une insuffisance des drains, un défaut de traitement des joints de structure et de dilatation, des défauts d'exécution des jonctions en résine Testudo. Ils ont également pour cause la réalisation de travaux de revêtements de voirie, notamment des bordures et des trottoirs, réalisés postérieurement aux travaux d'étanchéité, qui se sont traduits par un fluage de l'asphalte traversant le trottoir et la suppression de l'étanchéité de part et d'autre de la bordure du trottoir du côté " Bir Hakeim ", ainsi que le rabotage des niveaux pour raccorder les lots infra 14 et infra 10, ce qui a endommagé le système d'étanchéité. Dans ces conditions, ces désordres sont dus à des défauts de conception, à des défauts de direction des travaux et à des défauts d'exécution des travaux d'étanchéité et de raccordement entre le pont et la voirie sur la rive gauche. Ils sont par suite imputables à l'Etat dont les services de la DDE étaient chargés d'une mission de maîtrise d'oeuvre particulière portant sur l'étanchéité de l'ouvrage. Ils sont également imputables au groupement d'entreprises composé des sociétés Colas / Fayat / Sattanino, chargé de la réalisation de l'étanchéité de l'ouvrage, régulièrement représenté en première instance par son mandataire, la société Colas Sud-Ouest, et dont les membres sont responsables, à l'égard du maître d'ouvrage, de l'exécution de la totalité des obligations contractuelles. Ils sont enfin imputables au GET, composé des sociétés Systra/Sofretu /Sofrerail, la société Sogelerc ingénierie, aux droits de laquelle vient la société TDC, la société SEAMP, aux droits de laquelle vient la société Ingérop Conseil et Ingénierie, chargée d'une mission de maîtrise d'oeuvre générale. Si les sociétés Systra, TDC et Ingérop Conseil et Ingénierie soutiennent qu'elles n'ont commis aucune faute, toutefois, ni l'acte d'engagement du marché de maîtrise d'oeuvre, ni aucun autre document auquel le maître de l'ouvrage serait parti, ne fixent la part de ces sociétés dans la réalisation des missions de maîtrise d'oeuvre. Dès lors, la société Systra, la société Thalès qui vient aux droits de la société Sogelerc et la société Ingérop venant aux droits de la SEAMP ne sauraient être exonérées de leur responsabilité solidaire vis-à-vis du maître d'ouvrage. Par suite, ces constructeurs ne sont pas fondés à soutenir que les désordres en litige sont étrangers à leur intervention.

S'agissant des causes exonératoires de responsabilité :

13. En premier lieu, les sociétés Eiffage et Fayat soutiennent qu'une partie des désordres, notamment ceux liés à la réalisation des travaux de revêtements, constituent une cause étrangère qui les exonère de leur responsabilité. Toutefois, il résulte de l'instruction, et notamment de l'article V.3.1 du CCTP applicable au lot n°14 portant clauses générales, que le titulaire du marché de travaux était prévenu que son marché est un des marchés constitutifs de l'opération Tramway et que le titulaire devait donc gérer des interfaces avec les autres intervenants de l'opération et notamment avec les travaux de voie ferrée et de revêtement de celle-ci. De même, l'article 1.3 du CCTP Infrastructures hors étanchéité, relatif aux travaux spécifiques hors Pont de pierre, stipulait que les travaux de raccordement du Pont de pierre au lot infra 10 au niveau de la place Bir Hakeim étaient inclus dans le marché du lot infra 14. Par conséquent, les travaux de voirie qui ont amené au rabotage de l'étanchéité ne sauraient constituer une cause étrangère exonératoire de responsabilité pour les constructeurs.

14. En second lieu, si les intimés soutiennent que Bordeaux Métropole a commis une faute en n'acceptant pas la réalisation d'une tranchée drainante en bout d'ouvrage, toutefois, il résulte de l'instruction que si la société BTS Atlantique, sous-traitante du groupement Colas/Fayat/Sattanino avait proposé la réalisation d'une tranchée drainante en bout d'ouvrage, il n'est pas établi, ainsi que l'indique l'expert, que les maîtres d'oeuvre auraient proposé ces travaux au maître d'ouvrage et que ce dernier aurait refusé de réaliser ces travaux. En revanche, il n'est pas contesté que Bordeaux Métropole, qui dispose de services compétents pour apprécier les enjeux inhérents aux travaux de voirie, était le maître d'oeuvre des travaux de liaison entre le Pont de pierre et la voirie sur les quais adjacents et qu'elle n'a pas prévu la liaison du pont-voirie, ce qui a conduit au rabotage de l'étanchéité. Par suite, sa faute exonère partiellement les constructeurs de leur responsabilité à hauteur de 30%.

En ce qui concerne le préjudice indemnisable :

15. Le montant du préjudice dont le maître de l'ouvrage est fondé à demander réparation aux constructeurs en raison des désordres affectant l'ouvrage qu'ils ont réalisé correspond aux frais générés par les travaux de réfection indispensables à réaliser afin de le rendre à nouveau conforme à sa destination, sans que de tels travaux puissent apporter une plus-value à l'ouvrage dont s'agit.

16. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expert désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux du 4 avril 2008, que les frais liés aux travaux nécessaires à la remise en état de l'étanchéité du Pont de pierre, impliquent des travaux d'imperméabilisation de la plate-forme, qui contrairement à ce que soutiennent les sociétés Eiffage et Fayat n'apportent aucune plus-value à l'ouvrage, ainsi que des travaux d'imperméabilisation de la chaussée par la mise en place d'un asphalte routier avec un joint en élastomère sur le périmètre de la plate-forme, la reconstruction du joint de construction aux abouts de l'ouvrage, la construction d'un joint étanche entre bordure/caniveaux et bordure/trottoir, la construction de joints de trottoir, la réparation des poutres corrodées et des revêtements en sous-face des encorbellements, la reprise de l'étanchéité au regard pluvial, dont il ne résulte pas de l'instruction que ces travaux relèveraient de l'entretien incombant à Bordeaux Métropole et la création de massifs drainants. Ces frais s'élèvent à la somme totale de 1 128 220 euros TTC.

17. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la responsabilité contractuelle, que Bordeaux Métropole est fondée à demander la condamnation in solidum de l'Etat, du GET composé des sociétés Systra, Sofretu, Sofrerail, Segelerc Ingénierie, aux droits de laquelle vient la société TDC, SEAMP aux droits de laquelle vient la société Ingérop Conseil et Ingenierie et du groupement Colas/ Fayat / Sattanino à lui payer la somme, après réduction de la part de responsabilité lui incombant, de 789 754 euros TTC, assortie des intérêts au taux légal à compter du 8 février 2011, date d'introduction de sa demande devant le tribunal administratif de Bordeaux.

En ce qui concerne les appels en garantie :

S'agissant des conclusions d'appel en garantie présentées par la société Colas Sud-Ouest à l'encontre de la société BTPS Atlantique et de la société Astram :

18. Le litige né de l'exécution d'un marché de travaux publics et opposant des participants à l'exécution de ces travaux relève de la compétence de la juridiction administrative, quel que soit le fondement juridique de l'action engagée, sauf si les parties en cause sont unies par un contrat de droit privé. En l'espèce, eu égard aux contrats de sous-traitance qui les lient et dès lors que de tels contrats se trouvent soumis aux règles du droit privé, les conclusions de la société Colas Sud-Ouest à l'encontre de la société BTPS Atlantique et de la société Astram ne ressortissent pas de la compétence du juge administratif et doivent être rejetées comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître.

S'agissant de l'exception d'incompétence de la juridiction administrative soulevée par les sociétés Fayat, Entreprise TP et Eiffage Sud-Ouest à l'encontre des conclusions d'appel en garantie présentées à leur encontre par la société Colas Sud-Ouest :

19. Lorsque le juge administratif est saisi d'un litige né de l'exécution d'un marché de travaux publics opposant le maître d'ouvrage à des constructeurs qui ont constitué un groupement pour exécuter le marché, il est compétent pour connaître des actions en garantie engagées par les constructeurs les uns envers les autres si le marché indique la répartition des prestations entre les membres du groupement. Si tel n'est pas le cas, le juge administratif est également compétent pour connaître des actions en garantie entre les constructeurs, quand bien même la répartition des prestations résulterait d'un contrat de droit privé conclu entre eux, hormis le cas où la validité ou l'interprétation de ce contrat soulèverait une difficulté sérieuse. Par suite, les sociétés Fayat Entreprise TP et Eiffage travaux publics Sud-Ouest ne sont pas fondées à soutenir que la juridiction administrative n'est pas compétente pour apprécier les fautes respectives commises par les membres du groupement.

S'agissant de la recevabilité des conclusions d'appel en garantie présentées par l'Etat à l'encontre du groupement Colas/Fayat/Sattanino et par la société TDC SAS contre la société Systra :

20. Le ministre de la transition écologique et solidaire, qui n'a pas présenté devant le tribunal administratif de Bordeaux de conclusions tendant à ce que le groupement Colas le garantisse du paiement des sommes réclamées par les Bordeaux Métropole, n'est pas recevable à présenter pour la première fois en appel de telles conclusions. Il en va de même de la société TDC qui n'a pas présenté devant le tribunal administratif de conclusions en ce sens contre la société Systra.

S'agissant des appels en garantie croisés des constructeurs condamnés in solidum :

21. Il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise judiciaire, que les services de l'Etat, en leur qualité de maître d'oeuvre du marché de travaux de l'étanchéité du pont, ont commis des erreurs de conception lors de l'établissement des documents techniques en ne prenant pas en compte les caractéristiques du Pont de pierre qu'ils connaissaient, tenant à ses infiltrations anciennes, ses hétérogénéités et ses mouvements et en préconisant la mise en oeuvre du Testudo sur un support qui n'était pas adapté. Par ailleurs, le Groupement GET, en sa qualité de maître d'oeuvre général des travaux, a commis une faute en ne faisant aucune remarque sur les insuffisances du marché que dirigeait les services de l'Etat. Il a également commis des fautes de direction des travaux en ne coordonnant pas les travaux d'étanchéité du pont et les travaux de voirie réalisés par le groupement Colas, qui ont eu pour effet de détériorer la couche d'étanchéité. Enfin, le groupement Colas/ Fayat / Sattanino qui ne pouvait ignorer la suppression de l'étanchéité par les travaux de voiries et les différentes structures composant le Pont de pierre, ainsi que les non-conformités des ouvrages qu'il réalisait (mise en oeuvre de l'étanchéité Testudo, jonctions résine-Testudo, raccordement de l'étanchéité sur les rives) a également commis des fautes. Toutefois, contrairement à ce que soutient le ministre de la transition écologique et solidaire, il ne résulte pas du rapport de l'expert judiciaire que la société Solen Géotechnique, en sa qualité de bureau de contrôle externe, aurait commis des fautes dans le contrôle de la bonne exécution des travaux. C'est pourquoi, compte-tenu des fautes respectives commises par chacun des coauteurs dans les désordres constatés, il sera fait une juste appréciation des responsabilités encourues par chacun d'entre eux en fixant à 30% la part incombant à l'Etat, à 30% la part incombant au GET et à 40%, la part incombant au groupement Colas/ Fayat / Sattanino.

22. Enfin, s'agissant de la répartition de la condamnation au sein du groupement conjoint de maîtrise d'oeuvre et du groupement solidaire Colas/Fayat/Sattarino, en l'absence de clé de répartition des travaux prévue par contrat, et en l'absence de fautes précisément identifiées commises par les sociétés, il y a lieu de rejeter les appels en garantie croisés entre les sociétés composant ces groupements.

S'agissant des conclusions d'appel en garantie présentées par la société TDC SAS et la société Systra à l'encontre de la société BTPS Atlantique et de la société Astram :

23. La société Astram et la société BTPS Atlantique n'ayant commis aucune faute distincte, de celle dont le groupement d'entreprise Colas/Eiffage/Sattatino doit assumer la charge définitive de la réparation des désordres en litige en relevant indemne le GET à hauteur de 40% de la condamnation solidaire, les conclusions d'appel en garantie de la société TDC SAS et de la société Systra, membres du GET, doivent dès lors être rejetées.

Sur les dépens :

24. Compte tenu des partages de responsabilité retenus, il y a lieu de mettre les frais de l'expertise, taxés et liquidés à la somme de 14 945, 69 euros par une ordonnance du président du tribunal administratif de Bordeaux du 21 juillet 2009, à la charge définitive de Bordeaux Métropole, de l'Etat, du groupement Colas/Fayat/ Sattatino et du GET à hauteur de 25% chacun.

Sur les frais d'instance:

25. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions des parties présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : Les conclusions de la société Colas Sud-Ouest à l'encontre de la société BTPS Atlantique et de la société Astram sont portées devant une juridiction incompétente pour en connaître.

Article 2 : Le jugement n° 1100497 du tribunal administratif de Bordeaux du 2 juillet 2014 est annulé.

Article 3 : L'Etat, le GET composé des sociétés Systra/Sofretu/Sofrerail, Sogelerc Ingénierie, aux droits de laquelle vient la société TDC, la SEAMP aux droits de laquelle vient la société Ingérop Conseil et Ingénierie et le groupement Colas/ Fayat / Sattanino sont condamnés in solidum à payer à Bordeaux Métropole la somme de 789 754 euros TTC, assortie des intérêts au taux légal à compter du 8 février 2011.

Article 4 : Le Groupement Colas/Fayat/Sattanino est condamné à garantir l'Etat et le GET à hauteur de 40 % du montant de la condamnation solidaire prononcée à leur encontre.

Article 5 : Le GET composé des sociétés Systra/Sofretu/Sofrerail, Sogelerc Ingénierie, aux droits de laquelle vient la société TDC, la SEAMP aux droits de laquelle vient la société Ingérop Conseil et Ingénierie est condamné à garantir l'Etat et le groupement Colas/Fayat/Sattanino à hauteur de 30 % de la condamnation solidaire prononcée à leur encontre.

Article 6 : L'Etat est condamné à garantir le GET à hauteur de 30 % du montant de la condamnation solidaire prononcée à leur encontre.

Article 7 : Les frais d'expertise sont mis définitivement mis à la charge de Bordeaux Métropole, de l'Etat, du GET et du groupement Colas/Fayat/Sattanino à hauteur de 25 % chacun.

Article 8 : Le surplus des conclusions d'appel des parties est rejeté.

Article 9 : Le présent arrêt sera notifié à Bordeaux Métropole, au ministre de la transition écologique et solidaire, à la société Colas Sud-Ouest mandataire du groupement solidaire Colas/Fayat /Sattanino, à la société Systra mandataire du Groupement d'Etudes du Tramway, à la société TDC SAS venant aux droits de la société Sogelerc Ingénierie, à la société Ingérop Conseil et Ingénierie venant aux droits de la société SEAMP, à la société Fayat TP, à la société Eiffage Route Sud-Ouest venant aux droits de la société Sattanino, à la société Astram, à la société BTPS et au Bureau d'études Solen Géotechnique.

Délibéré après l'audience du 19 mai 2020 à laquelle siégeaient :

Mme J... M..., présidente,

Mme E... B..., premier conseiller,

Mme Agnès Bourjol, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 16 juin 2020.

La présidente,

Fabienne M...

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et solidaire en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

17

N° 18BX01195


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 18BX01195
Date de la décision : 17/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-06-01-04-03 Marchés et contrats administratifs. Rapports entre l'architecte, l'entrepreneur et le maître de l'ouvrage. Responsabilité des constructeurs à l'égard du maître de l'ouvrage. Responsabilité décennale. Désordres de nature à engager la responsabilité décennale des constructeurs.


Composition du Tribunal
Président : Mme ZUCCARELLO
Rapporteur ?: Mme Déborah DE PAZ
Rapporteur public ?: Mme MOLINA-ANDREO
Avocat(s) : SCP CGCB et ASSOCIES BORDEAUX

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-06-17;18bx01195 ?
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