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16/06/2020 | FRANCE | N°19BX04767

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre, 16 juin 2020, 19BX04767


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... E... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du préfet de la Gironde en date du 29 janvier 2019 lui refusant la délivrance d'un certificat de résidence algérien, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, fixant le pays de destination et portant interdiction de retour sur le territoire français pendant deux ans.

Par un jugement n° 1901468 du 9 juillet 2019, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procéd

ure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 4 décembre 2019, M. E..., représen...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... E... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du préfet de la Gironde en date du 29 janvier 2019 lui refusant la délivrance d'un certificat de résidence algérien, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, fixant le pays de destination et portant interdiction de retour sur le territoire français pendant deux ans.

Par un jugement n° 1901468 du 9 juillet 2019, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 4 décembre 2019, M. E..., représenté par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 9 juillet 2019 ;

2°) d'annuler l'arrêté susmentionné du préfet de la Gironde du 29 janvier 2019 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde de réexaminer sa situation ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à son conseil en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

En ce qui concerne l'arrêté dans son ensemble :

- l'arrêté attaqué est insuffisamment motivé ;

En ce qui concerne le refus de séjour :

- l'arrêté méconnait l'article 8 de la convention européenne et l'article 6-5 de l'accord franco-algérien dès lors qu'il porte atteinte à sa vie privée et familiale ;

- il est entaché d'erreur manifeste d'appréciation sur sa situation personnelle ;

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire et la décision fixant le pays de renvoi :

- elles sont dépourvues de base légale eu égard à l'illégalité du refus de séjour ;

En ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire français :

- elle est insuffisamment motivée ;

- la durée de l'interdiction de retour de 2 ans est disproportionnée au regard de sa situation personnelle.

Par un mémoire en défense, enregistré le 11 mars 2020, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Par décision du 31 octobre 2019, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Bordeaux a admis M. E... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1911 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C... D...,

- et les observations de Me B..., représentant M. E....

Considérant ce qui suit :

1. M. E..., de nationalité algérienne, est entré en France sous couvert d'un visa de court séjour, le 6 juillet 2014. Il a sollicité un certificat de résidence algérien sur le fondement du 5 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié et en qualité d'étudiant, le 12 février 2016. Le préfet de la Gironde a pris un arrêté en date du 1er juin 2016 portant refus de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination, contre lequel l'intéressé a formé un recours rejeté par jugement n° 1604064 du tribunal du 24 janvier 2017, confirmé par un arrêt n° 17BX00587 de la cour du 8 juin 2017. Il a de nouveau sollicité un certificat de résidence en qualité d'étudiant, le 12 octobre 2018. Le préfet de la Gironde a pris un nouvel arrêté en date du 29 janvier 2019 portant refus de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, fixant le pays de destination et portant interdiction de retour sur le territoire français pendant deux ans. M. E... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.

Sur l'arrêté dans son ensemble :

2. Au soutien du moyen tiré de l'insuffisante motivation de l'arrêté en litige, le requérant ne se prévaut devant la cour d'aucun élément de fait ou de droit nouveau par rapport à l'argumentation développée en première instance et ne critique pas la réponse apportée par le tribunal administratif. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges.

Sur le refus de délivrance d'un certificat de résidence :

3. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1- Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2- Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention "vie privée et familiale" est délivré de plein droit : (...) 5. Au ressortissant algérien qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) ".

4. M. E... fait valoir qu'il est entré en France en juillet 2014 à l'âge de seize ans, que ses parents ne pouvaient pas le prendre en charge, qu'il a été confié par un acte de kafala à sa soeur, chez qui il réside, qu'il est marié avec une ressortissante française et qu'il poursuit des études sérieuses. Toutefois, il ressort des pièces du dossier qu'à la date de l'arrêté attaqué, il était célibataire et sans charge de famille. S'il s'est marié récemment avec une ressortissante française, le mariage ayant été célébré le 27 avril 2019, et il n'établit pas l'ancienneté de la communauté de vie avec son épouse avant son mariage. En outre, il ne conteste pas que des membres de sa famille, notamment ses parents, vivent dans son pays d'origine ni qu'il s'est précédemment soustrait à une mesure d'éloignement. Dans ces conditions, quand bien même il produit de nombreuses attestations de proches, eu égard à l'ancienneté et aux conditions de son séjour en France, l'arrêté attaqué n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Compte tenu de ce qui vient d'être dit, le refus de titre de séjour qui lui a été opposé ne peut pas non plus être regardé comme méconnaissant les stipulations de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien. Dans ces circonstances, le préfet n'a pas davantage entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation sur sa situation personnelle.

Sur les décisions portant obligation de quitter le territoire et fixant le pays de renvoi :

5. Il résulte de ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la décision portant refus de séjour à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français et de la décision fixant le pays de renvoi.

Sur l'interdiction de retour sur le territoire :

6. Aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger (...) / La durée de l'interdiction de retour mentionnée aux premier, sixième et septième alinéas du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...) ".

7. En premier lieu, il ressort des termes mêmes des dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que l'autorité compétente doit, pour décider de prononcer à l'encontre de l'étranger soumis à l'obligation de quitter le territoire français une interdiction de retour et en fixer la durée, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères qu'elles énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux. La décision d'interdiction de retour doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, de sorte que son destinataire puisse à sa seule lecture en connaître les motifs. Si cette motivation doit attester de la prise en compte par l'autorité compétente, au vu de la situation de l'intéressé, de l'ensemble des critères prévus par la loi, aucune règle n'impose que le principe et la durée de l'interdiction de retour fassent l'objet de motivations distinctes, ni que soit indiquée l'importance accordée à chaque critère. Il incombe ainsi à l'autorité compétente qui prend une décision d'interdiction de retour d'indiquer dans quel cas susceptible de justifier une telle mesure se trouve l'étranger. Elle doit par ailleurs faire état des éléments de la situation de l'intéressé au vu desquels elle a arrêté, dans son principe et dans sa durée, sa décision, eu égard notamment à la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, à la nature et à l'ancienneté de ses liens avec la France et, le cas échéant, aux précédentes mesures d'éloignement dont il a fait l'objet. Elle doit aussi, si elle estime que figure au nombre des motifs qui justifie sa décision une menace pour l'ordre public, indiquer les raisons pour lesquelles la présence de l'intéressé sur le territoire français doit, selon elle, être regardée comme une telle menace. En revanche, si, après prise en compte de ce critère, elle ne retient pas cette circonstance au nombre des motifs de sa décision, elle n'est pas tenue, à peine d'irrégularité, de le préciser expressément.

8. La décision en litige énonce que M. E..., en France depuis juillet 2014, s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement, qu'il n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine et qu'il est célibataire et sans enfant à la date de l'arrêté. Dans ces conditions, le préfet a suffisamment motivé la décision interdisant l'intéressé de retour sur le territoire français pendant deux ans. Cette motivation révèle que le préfet a procédé à l'examen préalable de l'ensemble de la situation du requérant.

9. En second lieu, ainsi qu'il a été dit, il ressort des pièces du dossier que, présent sur le territoire irrégulièrement depuis juillet 2016, M. E... s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement, n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine et n'établit pas l'ancienneté et la réalité de la communauté de vie, à la date de la décision en litige, avec son épouse française avec laquelle il s'est marié très récemment et postérieurement à l'arrêté en litige. Dans ces conditions, alors même que l'intéressé ne représente pas une menace pour l'ordre public, en lui faisant interdiction de retour sur le territoire français pendant deux ans, le préfet, qui au demeurant " peut à tout moment abroger l'interdiction de retour " ainsi qu'en dispose le III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, n'a pas méconnu les dispositions de cet article.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en litige. Par suite, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant au paiement des frais exposés et non compris dans les dépens ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. E... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... E..., à Me B... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 19 mai 2020 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, président,

M. Frédéric Faïck, président-assesseur,

Mme C... D..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 16 juin 2020.

Le président,

Elisabeth Jayat

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 19BX04767


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19BX04767
Date de la décision : 16/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: Mme Caroline GAILLARD
Rapporteur public ?: Mme PERDU
Avocat(s) : JAMMES

Origine de la décision
Date de l'import : 27/06/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-06-16;19bx04767 ?
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