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19/05/2020 | FRANCE | N°18BX01384

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre, 19 mai 2020, 18BX01384


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le syndicat des copropriétaires de la résidence Valinaris a demandé au tribunal administratif de la Martinique d'annuler l'arrêté du 23 avril 2015 par lequel le maire de la commune du Lamentin a délivré à la société civile immobilière Valinaris un permis de construire concernant la résidence Valinaris.

Par un jugement n° 1700186 du 8 janvier 2018, le tribunal administratif a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés le 6 avril 20

18, le 30 avril 2018, le 10 juillet 2019 et le 21 octobre 2019, le syndicat des copropriétaires de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le syndicat des copropriétaires de la résidence Valinaris a demandé au tribunal administratif de la Martinique d'annuler l'arrêté du 23 avril 2015 par lequel le maire de la commune du Lamentin a délivré à la société civile immobilière Valinaris un permis de construire concernant la résidence Valinaris.

Par un jugement n° 1700186 du 8 janvier 2018, le tribunal administratif a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés le 6 avril 2018, le 30 avril 2018, le 10 juillet 2019 et le 21 octobre 2019, le syndicat des copropriétaires de la résidence Valinaris, représentés par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1700186 du tribunal administratif de la Martinique ;

2°) d'annuler le permis de construire du 23 avril 2015 ;

3°) de mettre à la charge de la commune du Lamentin et de la société Valinaris la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient, en ce qui concerne la recevabilité de sa requête d'appel, que :

- elle a été présentée dans le délai d'appel ;

- il n'a pas à justifier sa qualité pour agir en appel dès lors que son assemblée générale a pris le 11 octobre 2016 une délibération l'autorisant à saisir le juge administratif.

Il soutient, en ce qui concerne la régularité du jugement attaqué, que :

- le tribunal a omis de répondre au moyen tiré de l'incompétence de l'auteur du permis soulevé dans son mémoire du 26 octobre 2017 qu'il n'a pas communiqué bien qu'il ait été présenté avant la clôture de l'instruction ;

- le tribunal a méconnu le principe du contradictoire en fondant sa décision sur des pièces qu'il n'a pas communiquées.

Il soutient, en ce qui concerne la recevabilité de sa demande de première instance, que :

- il était régulièrement habilité à saisir le tribunal en application d'une délibération de l'assemblée générale des copropriétaires du 11 octobre 2016 ;

- le permis en litige modifie la conception des bâtiments ayant fait l'objet d'un permis délivré en 2005 ; cette modification affecte les conditions d'occupation, d'utilisation et de jouissance de leurs biens par les copropriétaires de la résidence ;

- il n'est pas tardif à contester le permis de construire en litige car la preuve de l'affichage de l'autorisation sur le terrain d'assiette du projet pendant deux mois n'est pas apportée ; l'affichage ne précisait pas les caractéristiques des travaux, ce qui n'a pas permis d'assurer l'information suffisante des tiers concernant la nature exacte du projet ; il n'est pas établi que l'affichage ait été visible depuis la voie publique ; la preuve de l'absence d'affichage est apportée par les attestations des habitants de la résidence qui ont déclaré ne pas avoir vu de panneau d'affichage ; enfin, il ne peut être considéré que la requête de première instance a été présentée au-delà d'un délai raisonnable.

Il soutient, au fond, que :

- le permis de construire en litige a été signé par une autorité incompétente ;

- le permis a été délivré sans la consultation préalable d'EDF ;

- le permis doit être qualifié de permis de construire modificatif car son objet est de régulariser des constructions réalisées sans autorisation ; toutefois, le permis délivré est illégal en raison de la caducité du permis de construire délivré en 2005 ; il est aussi illégal dans la mesure où il modifie substantiellement la conception du projet initial ;

- le permis de construire en litige est illégal dès lors qu'il comporte des prescriptions imprécises sur l'implantation des bâtiments, la réalisation d'abris, le repositionnement du local de vie commune, l'obligation pour le pétitionnaire de contacter EDF, la réalisation d'aménagements pour la collecte des eaux pluviales et des eaux usées, l'accessibilité des locaux aux engins de collecte des déchets, la réalisation d'une banquette de sécurité et l'accessibilité des bâtiments aux personnes à mobilité réduite ; cette série de prescriptions révèle le caractère incomplet du dossier de demande et la non-conformité du projet aux règles applicables ; enfin, ces prescriptions sont trop générales ;

- le permis de construire a été délivré à la suite d'une fraude du pétitionnaire ; sa délivrance nécessitait l'accord des copropriétaires réunis en assemblée générale ; de plus, le projet déposé en 2014 s'étend sur des terrains non concernés par le permis initial de 2005 dont le pétitionnaire n'est pas propriétaire ; enfin, la société a déposé la demande de permis de construire alors qu'elle savait qu'elle disparaîtrait au 31 décembre 2014, comme le prévoyaient ses statuts ; tous ces éléments ont été dissimulés au service instructeur par la société ;

- le permis a été délivré en méconnaissance de l'article L. 111-4 du code de l'urbanisme dès lors que le projet n'est pas raccordé à un réseau d'eau potable adapté à ses dimensions.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 26 juillet 2018 et le 6 septembre 2019, la société d'exercice libéral à responsabilité limitée (SELARL) AJAssociés, mandataire liquidateur de la société civile immobilière Valinaris, représentée par Me C..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge du requérant la somme de 3 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient, en ce qui concerne la recevabilité de l'appel, que :

- l'appel est irrecevable en raison de la tardiveté de la saisine du tribunal à l'encontre du permis de construire en litige.

Elle soutient, en ce qui concerne la régularité du jugement attaqué, que :

- le mémoire du 26 octobre 2017 ne comportait pas d'éléments nouveaux auxquels le tribunal aurait dû répondre ;

- le moyen tiré de la méconnaissance par le tribunal du principe du contradictoire est soulevé de manière trop imprécise.

Elle soutient, en ce qui concerne la recevabilité de la demande de première instance, que :

- les constats d'huissier réalisés sur les lieux le 13 mai et le 29 juillet 2015 attestent le caractère continu de l'affichage du permis de construire pendant une période de deux mois ; ainsi, la saisine du tribunal administratif effectuée en avril 2017 était tardive.

Elle soutient, au fond, que :

- les moyens soulevés doivent être écartés comme non fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 septembre 2019, la commune du Lamentin, représentée par Me D..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge du requérant la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient, en ce qui concerne la régularité du jugement attaqué, que :

- le mémoire du 26 octobre 2017 ne comportait pas d'éléments nouveaux auxquels le tribunal aurait dû répondre ;

- le moyen tiré de la méconnaissance par le tribunal du principe du contradictoire est soulevé de manière trop imprécise.

Elle soutient, en ce qui concerne la recevabilité de la demande de première instance, que :

- les constats d'huissier réalisés sur les lieux le 13 mai et le 29 juillet 2015 attestent le caractère continu de l'affichage du permis de construire pendant une période de deux mois ; ainsi, la saisine du tribunal administratif effectuée en avril 2017 était tardive ; en tout état de cause, cette saisine est intervenue plus de deux ans après l'affichage du permis, soit au-delà du délai raisonnable de recours.

Elle soutient, au fond, que :

- les moyens soulevés doivent être écartés comme non fondés.

Par une ordonnance du 22 octobre 2019, la clôture de l'instruction a été fixée, en dernier lieu, au 14 novembre 2019 à 12h00.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le décret n°56-222 du 29 février 1956 pris pour l'application de l'ordonnance du 2 novembre 1945 relative au statut des huissiers de justice ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. E... A...,

- les conclusions de Mme Sylvande Perdu, rapporteur public,

- et les observations de Me F..., représentant le syndicat des copropriétaires de la résidence Valinaris.

Considérant ce qui suit :

1. Le 23 avril 2015, le maire du Lamentin a délivré, au nom de la commune, à la société civile immobilière Valinaris un permis de construire pour " la régularisation de travaux effectués à la résidence Valinaris autorisée par arrêté du 25 octobre 2005 pour l'édification de 212 logements " répartis en 17 bâtiments. Le projet autorisé en 2015 prévoit, notamment, la construction de 50 logements supplémentaires répartis en deux bâtiments, d'un local commun relevant de la catégorie des établissements recevant du public et de 39 nouvelles places de stationnement. Le syndicat des copropriétaires de la résidence Valinaris a demandé au tribunal administratif de la Martinique d'annuler ce permis de construire du 23 avril 2015. Il relève appel du jugement rendu le 8 janvier 2018 par lequel le tribunal a rejeté sa demande.

Sur la recevabilité de l'appel :

2. La circonstance que le syndicat des copropriétaires de la résidence Valinaris aurait été tardif à contester devant le tribunal le permis en litige n'entache pas d'irrecevabilité son appel à l'encontre du jugement dès lors que cet appel a été présenté, comme c'est le cas en l'espèce, dans le délai prévu par l'article R. 811-2 du code de justice administrative auquel s'ajoute le délai de distance de l'article R. 421-7 du même code. Par suite, la fin de non-recevoir doit être écartée.

Sur la régularité du jugement attaqué :

3. Aux termes de l'article R. 611-1 du code de justice administrative : " La requête et les mémoires, ainsi que les pièces produites par les parties, sont déposés ou adressés au greffe. La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes (...). Les répliques, autres mémoires et pièces sont communiqués s'ils contiennent des éléments nouveaux. "

4. Il ressort des pièces du dossier de première instance que le syndicat des copropriétaires de la résidence Valinaris a présenté un mémoire complémentaire enregistré au greffe du tribunal le 26 octobre 2017. Ce mémoire, qui a été produit avant la clôture de l'instruction fixée au 27 octobre 2017, comportait un nouveau moyen tiré de l'incompétence de l'auteur du permis de construire auquel le tribunal, qui a rejeté la demande au fond, n'a pas répondu alors qu'il n'était pas inopérant. Dans ces conditions, le syndicat requérant est fondé à soutenir que ce jugement est entaché d'irrégularité et à en demander, pour ce motif, l'annulation, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen de régularité soulevé.

5. Il y a lieu pour la cour d'évoquer et de statuer sur la demande présentée en première instance par le syndicat des copropriétaires de la résidence Valinaris.

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

6. Aux termes de l'article R. 600-2 du code de l'urbanisme : " Le délai de recours contentieux à l'encontre d'une décision de non-opposition à une déclaration préalable ou d'un permis de construire, d'aménager ou de démolir court à l'égard des tiers à compter du premier jour d'une période continue de deux mois d'affichage sur le terrain des pièces mentionnées à l'article R. 424-15. ". Aux termes de l'article R. 424-15 du même code : " Mention du permis (...) doit être affichée sur le terrain, de manière visible de l'extérieur, par les soins de son bénéficiaire, dès la notification de l'arrêté (...) Un arrêté du ministre chargé de l'urbanisme règle le contenu et les formes de l'affichage. ". Aux termes de l'article A. 424-16 de ce code : " Le panneau prévu à l'article A. 424-15 indique le nom, la raison sociale ou la dénomination sociale du bénéficiaire, le nom de l'architecte auteur du projet architectural, la date de délivrance, le numéro du permis, la nature du projet et la superficie du terrain ainsi que l'adresse de la mairie où le dossier peut être consulté. Il indique également, en fonction de la nature du projet : a) Si le projet prévoit des constructions, la surface de plancher autorisée ainsi que la hauteur de la ou des constructions, exprimée en mètres par rapport au sol naturel (...) ".

7. Il ressort des constats d'huissier établis le 13 mai 2015 et le 29 juillet 2015 que le permis de construire en litige a été affiché contre la façade latérale d'un ouvrage en béton bordant le trottoir. L'existence même de cet affichage et son positionnement ne sont pas suffisamment contredits par les attestations de dix personnes demeurant dans la résidence Valinaris ayant affirmé, en décembre 2017, soit plus de deux et demi plus tard, ne pas avoir vu de panneau " au niveau du local poubelle " de cette résidence. Par ailleurs, les deux constats d'huissiers produits sont suffisants pour établir que l'affichage du permis, qui était visible depuis la voie publique, a été réalisé pendant une période continue de deux mois conformément aux dispositions de l'article R. 600-2 du code de l'urbanisme. Les requérants ne sauraient contester la valeur probante du constat d'huissier du 29 juillet 2015 au motif qu'il n'est pas revêtu de la signature de l'officier ministériel dès lors que le document produit au dossier constitue une " première expédition ", ainsi que l'établit la mention qu'il comporte, non assujettie à cette formalité. Par ailleurs, le panneau indiquait l'identité du bénéficiaire du permis, la superficie du terrain d'assiette du projet, le numéro du permis et l'adresse de la mairie où le dossier peut être consulté. Quant à la mention figurant sur le panneau selon laquelle le permis est délivré pour la construction de logements d'une surface de 16 172 m2 et pour un projet d'une hauteur de 11 mètres, elle était suffisante pour permettre au public, qui avait la possibilité de se déplacer en mairie pour recueillir des informations supplémentaires, d'appréhender l'importance et la consistance du projet. Enfin, le panneau, qui rappelait la teneur des articles R. 600-1 et R. 600-2 du code de l'urbanisme, comportait les informations requises relatives à l'exercice du droit de recours.

8. Dans ces conditions, le délai de recours contentieux de deux mois, prévu à l'article R. 600-2 du code de l'urbanisme, a été déclenché le 13 mai 2015 et était expiré le 6 avril 2017, date à laquelle le syndicat requérant a saisi le tribunal administratif de la Martinique de son recours contre le permis du 23 avril 2015. Dès lors, la demande du syndicat des copropriétaires de la résidence Valinaris est irrecevable et doit être rejetée.

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Les conclusions du syndicat requérant, qui est la partie perdante à l'instance, présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées. Il y a lieu en revanche de mettre à sa charge la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par la société d'exercice libéral à responsabilité limitée (SELARL) AJAssociés, mandataire liquidateur de la société civile immobilière Valinaris, et non compris dans les dépens. Le syndicat requérant versera la même somme à la commune du Lamentin au titre de ces frais.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1700186 du tribunal administratif de la Martinique du 8 janvier 2018 est annulé.

Article 2 : La demande de première instance présentée par le syndicat des copropriétaires de la résidence Valinaris et le surplus de ses conclusions d'appel sont rejetés.

Article 3 : Le syndicat des copropriétaires de la résidence Valinaris versera tant à la commune du Lamentin qu'à la société d'exercice libéral à responsabilité limitée AJAssociés la somme de 1 000 euros chacune au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au syndicat des copropriétaires de la résidence Valinaris, à la commune du Lamentin et à la société d'exercice libéral à responsabilité limitée AJAssociés.

Délibéré après l'audience du 18 février 2020 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat président,

M. E... A..., président-assesseur,

Mme Caroline Gaillard, premier conseiller.

Lu en audience publique le 19 mai 2020.

Le président,

Elisabeth Jayat

La République mande et ordonne au préfet de la Martinique en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 18BX01384 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 18BX01384
Date de la décision : 19/05/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Urbanisme et aménagement du territoire - Permis de construire.

Urbanisme et aménagement du territoire - Permis de construire - Légalité interne du permis de construire.


Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: M. Frédéric FAÏCK
Rapporteur public ?: Mme PERDU
Avocat(s) : OVEREED AVOCATS PARIS

Origine de la décision
Date de l'import : 09/06/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-05-19;18bx01384 ?
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