Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Le préfet du Gers a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler l'arrêté du 5 mai 2017 par lequel le maire d'Auch a délivré à Mme B... un permis de construire en vue de la transformation d'un hangar de stockage de matériels agricoles en salle de réception ainsi que la décision du maire rejetant implicitement sa demande de retrait de ce permis.
Par un jugement n° 1701873 du 23 janvier 2018, le tribunal administratif de Pau a annulé le permis de construire du 5 mai 2017 et la décision du maire d'Auch refusant de retirer cette décision.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés le 20 mars 2018 et le 2 juillet 2019, Mme E... B..., représentée par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement n° 1701873 du tribunal administratif de Pau ;
2°) de rejeter le déféré du préfet du Gers ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- c'est à tort que le tribunal a jugé que l'absence de consultation de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites (CDNPS) sur la demande de permis avait eu une incidence sur le sens de la décision prise ou affecté la compétence de son auteur et a annulé ladite décision en conséquence ; en tant que pétitionnaire, elle est étrangère à la procédure d'instruction de la demande de permis de construire ; les membres de la commission connaissaient le contenu de son projet ;
- il n'y a pas changement de destination imposant la consultation de la CDNPS dès lors que l'article R. 151-28 du code de l'urbanisme, dans sa version issue du décret n° 2015-1873 du 28 décembre 2015, ne distingue plus entre l'usage d'entrepôt et l'usage de centre de congrès et d'exposition ;
- le législateur permet au règlement du plan local d'urbanisme de délimiter des micro zones constructibles en secteur naturel ;
- elle a déjà réalisé les travaux autorisés par le permis de construire ; en application de la théorie du bilan " coût-avantage ", aucune conséquence ne doit être tirée de l'illégalité éventuelle du permis de construire.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 13 avril 2018 et le 14 août 2019, le préfet du Gers conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés doivent être écartés comme non fondés.
Par une ordonnance du 2 juillet 2019, la clôture de l'instruction a été fixée en dernier lieu au 5 septembre 2019 à 12h00.
Par une lettre du 17 janvier 2020, les parties ont été invitées à présenter leurs observations sur la possibilité pour la cour de surseoir à statuer sur la requête, en application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, afin de permettre la délivrance éventuelle d'un permis de construire régularisant le vice tiré du défaut d'avis conforme de la commission départementale des paysages de la nature et des sites requis par l'article L. 151-11 du code de l'urbanisme.
Par un mémoire enregistré le 22 janvier 2020, le préfet du Gers maintient ses conclusions à fin d'annulation du permis de construire en litige.
Il soutient que le permis de construire a été délivré sur la base d'un plan d'urbanisme illégal ; cette illégalité ne peut être régularisée par la délivrance d'un nouveau permis.
Par un mémoire enregistré le 22 janvier 2020, Mme B... informe la cour qu'elle est favorable au sursis à statuer envisagé et à la régularisation du permis de construire.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové ;
- le décret n°2015-1783 du 28 décembre 2015 relatif à la partie réglementaire du livre Ier du code de l'urbanisme et à la modernisation du contenu du plan local d'urbanisme ;
- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. D... C...,
- les conclusions de Sylvande Perdu, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Le 5 mai 2017, le maire d'Auch a délivré à Mme B... un permis de construire pour la transformation en salles de réception d'un hangar de stockage d'outils agricoles situé chemin de Naréoux. Le préfet a adressé au maire une lettre d'observations du 22 juin 2017 sollicitant le retrait de l'autorisation délivrée. Cette demande ayant fait l'objet d'une décision implicite de rejet, le préfet a demandé au tribunal administratif de Pau l'annulation de cette dernière décision et du permis de construire. Par un jugement rendu le 23 janvier 2018, le tribunal a fait droit à la demande du préfet. Mme B... relève appel de ce jugement.
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 151-11 du code de l'urbanisme : " Dans les zones agricoles, naturelles ou forestières, le règlement peut : (...) 2° Désigner, en dehors des secteurs mentionnés à l'article L. 151-13, les bâtiments qui peuvent faire l'objet d'un changement de destination, dès lors que ce changement de destination ne compromet pas l'activité agricole ou la qualité paysagère du site. Le changement de destination est soumis (...) en zone naturelle, à l'avis conforme de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites. ". Aux termes de l'article L. 151-13 du même code : " Le règlement peut, à titre exceptionnel, délimiter dans les zones naturelles, agricoles ou forestières des secteurs de taille et de capacité d'accueil limitées dans lesquels peuvent être autorisés : 1° Des constructions ; 2° Des aires d'accueil et des terrains familiaux locatifs destinés à l'habitat des gens du voyage (...) ; 3° Des résidences démontables constituant l'habitat permanent de leurs utilisateurs. (...) Ces secteurs sont délimités après avis de la commission départementale de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers prévue à l'article L. 112-1-1 du code rural et de la pêche maritime. "
3. Il ressort des pièces du dossier, notamment de l'extrait de plan de zonage et de la notice explicative jointe à la demande de permis, que le bâtiment concerné par le permis de construire du 5 mai 2017 est implanté sur la parcelle cadastrée section E n°329, laquelle est située en zone N (naturelle) du plan local d'urbanisme. Le projet n'est donc pas situé en zone Ni (zone naturelle réservée aux activités de loisirs ou de sports, aux activités touristiques) que les auteurs du plan local d'urbanisme d'Auch ont par ailleurs instituée comme secteur de taille et de capacité d'accueil limitée au sens des dispositions précitées de l'article L. 151-13 du code de l'urbanisme. Dans ces conditions, et en application de l'article L. 151-11, il appartenait au maire de recueillir l'avis conforme de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites sur le projet de Mme B... prévoyant la transformation d'un entrepôt agricole en salles de réception.
4. Aux termes de l'article R. 151-28 du code de l'urbanisme, entré en vigueur au 1er janvier 2016 et applicable au permis de construire en litige : " Les destinations de constructions prévues à l'article R. 151-27 comprennent les sous-destinations suivantes :
1° Pour la destination " exploitation agricole et forestière " : exploitation agricole, exploitation forestière (...) 5° Pour la destination " autres activités des secteurs secondaire ou tertiaire " : industrie, entrepôt, bureau, centre de congrès et d'exposition (...) ". Le permis de construire contesté autorise Mme B... à transformer en salles de réception un hangar qui servait auparavant au stockage d'outils pour l'activité agricole. Si l'ancienne activité de stockage relève des dispositions du 1° précité de l'article R. 151-28 relatif à la destination agricole, il ne peut en aller de même, eu égard sa nature, de la nouvelle destination prévue pour le bâtiment qui doit servir à l'organisation, ainsi qu'il vient d'être dit, de réceptions, et qui relève des dispositions du 5° précité de l'article R. 151-28. Dans ces conditions, le projet de Mme B... prévoit bien un changement de destination du bâtiment existant, de sorte que l'instruction de sa demande nécessitait de recueillir l'avis conforme de la consultation de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites.
5. Il est constant que la commission départementale de la nature, des paysages et des sites n'a pas été consultée. Cette absence de consultation a été susceptible d'avoir eu une influence sur le sens de la décision prise. Dès lors, le permis de construire du 5 mai 2017 a été délivré à l'issue d'une procédure irrégulière.
6. En second lieu, le permis de construire ne constitue pas un acte d'application de la réglementation d'urbanisme en vigueur. Par suite, un requérant demandant l'annulation d'un permis de construire ne saurait utilement se borner à soutenir qu'il a été délivré sous l'empire d'un document d'urbanisme illégal, quelle que soit la nature de l'illégalité dont il se prévaut. Cependant, il résulte de l'article L. 600-12 du code de l'urbanisme que la déclaration d'illégalité d'un document d'urbanisme a pour effet de remettre en vigueur le document d'urbanisme immédiatement antérieur et, dès lors, il peut être utilement soutenu devant le juge qu'un permis de construire a été délivré sous l'empire d'un document d'urbanisme illégal à la condition que le requérant fasse en outre valoir que ce permis méconnaît les dispositions pertinentes ainsi remises en vigueur.
7. Le préfet soulève l'exception d'illégalité du règlement du plan local d'urbanisme communal en tant qu'il autorise en zone N les changements de destination des constructions existantes sans désigner les bâtiments pouvant faire l'objet d'une telle opération. Tel qu'il est soulevé, le moyen est inopérant dès lors que le préfet ne précise pas quelles seraient les dispositions du plan local d'urbanisme antérieur remises en vigueur par la déclaration d'illégalité qu'il sollicite et qui seraient méconnues par le permis en litige.
8. Eu égard à sa nature, l'irrégularité relevée au point 5 est susceptible de régularisation.
9. Par suite, il y a lieu de surseoir à statuer sur les conclusions de la requête et d'impartir au pétitionnaire un délai de six mois à compter de la notification du présent arrêt aux fins d'obtenir la régularisation du vice relevé.
DECIDE :
Article 1er : Il est sursis à statuer sur la légalité du permis de construire du 5 mai 2017 jusqu'à l'expiration d'un délai de six mois à compter de la notification du présent arrêt pour permettre à Mme B... de notifier le cas échéant à la cour une mesure de régularisation de l'irrégularité relevée au point 6 du présent arrêt.
Article 2 : Tous droits et moyens des parties sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt sont réservés jusqu'en fin d'instance.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... B..., au préfet du Gers et à la commune d'Auch.
Délibéré après l'audience du 18 février 2020 à laquelle siégeaient :
Mme Elisabeth Jayat président,
M. D... C..., président-assesseur,
Mme Caroline Gaillard, premier conseiller.
Lu en audience publique le 19 mai 2020.
Le président,
Elisabeth Jayat
La République mande et ordonne au préfet du Gers en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N° 18BX01157 5