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11/07/2019 | FRANCE | N°17BX03222,17BX03327

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre - formation à 3, 11 juillet 2019, 17BX03222,17BX03327


Vu la procédure suivante :

Procédure antérieure :

La commission départementale d'aménagement commercial (CDAC) de l'Indre

a émis, le 5 février 2015, un avis favorable à la demande de la société en nom collectif " LIDL " en vue de la création d'un magasin à dominante alimentaire sous l'enseigne " LIDL " d'une surface de vente de 1 271 m², situé 39 avenue d'Auvergne sur le territoire de la commune de La Châtre.

Par un recours enregistré le 5 mars 2015, la société Sodino, propriétaire du bâtiment commercial situé sur le terrain contigu du projet

de la société Lidl, a demandé à la Commission nationale d'aménagement commercial (CNAC) d'an...

Vu la procédure suivante :

Procédure antérieure :

La commission départementale d'aménagement commercial (CDAC) de l'Indre

a émis, le 5 février 2015, un avis favorable à la demande de la société en nom collectif " LIDL " en vue de la création d'un magasin à dominante alimentaire sous l'enseigne " LIDL " d'une surface de vente de 1 271 m², situé 39 avenue d'Auvergne sur le territoire de la commune de La Châtre.

Par un recours enregistré le 5 mars 2015, la société Sodino, propriétaire du bâtiment commercial situé sur le terrain contigu du projet de la société Lidl, a demandé à la Commission nationale d'aménagement commercial (CNAC) d'annuler cet avis favorable.

Le 1er juillet 2015, la commission nationale d'aménagement commercial a émis un avis favorable au projet.

Par un arrêté du 3 avril 2015, le maire de La Châtre a délivré à la société Lidl le permis de construire sollicité le 16 décembre 2014 pour la création d'un magasin sur un terrain situé 39 avenue d'Auvergne pour une surface de plancher créée de 1 966 m².

Par un arrêté du 19 novembre 2015, le maire de La Châtre a délivré à la SNC Lidl un permis de construire modificatif pour la création d'un tourne-à-gauche sur la RD 943.

Procédure devant la Cour :

Par une ordonnance de renvoi n° 1500891 et 1501998, enregistrée le 5 octobre 2017, le président du tribunal administratif de Limoges a transmis, en application de R. 351-3 du code de justice administrative, à la cour administrative d'appel de Bordeaux les requêtes présentées par la société Sodino les 22 mai 2015 et 30 décembre 2015 tendant à l'annulation de ces deux permis de construire.

I. Par la requête et des mémoires, enregistrés sous le n° 17BX03222, les 22 mai 2015, 12 juin 2015, 11 juillet 2016, 31 janvier 2017, 31 août 2017 et 18 mai 2018 la société Sodino, représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler le permis de construire accordé le 3 avril 2015 à la SNC Lidl en tant qu'il tient lieu d'autorisation d'exploiter et en tant qu'il vaut autorisation de construire ;

2°) de mettre à la charge de la société Lidl le versement d'une somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

Sur l'arrêté attaqué en tant qu'il tient lieu d'autorisation de construire :

- elle justifie d'un intérêt à agir au sens des dispositions de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme dès lors que le projet de la SNC Lidl va impacter les conditions d'utilisation et de jouissance de son immeuble ; en premier lieu, des eaux pluviales et usées recueillies sur le terrain d'assiette du projet se répandront sur son bien immobilier, en deuxième lieu, les flux de circulation induits par le bâtiment commercial projeté affecteront gravement les conditions d'accès à son bâtiment et enfin, le caractère inesthétique du projet va altérer visuellement l'environnement dans lequel il se situe et aura donc un impact très négatif sur la valorisation de son bâtiment ;

- en vertu de l'article L. 227-6 du code de commerce, la présidence d'une société par actions simplifiée est assurée par son président ; la SARL Sochadis, présidente de la SAS Sodino, a qualité pour agir au nom de la SAS Sodino sans qu'il soit nécessaire de justifier des statuts ni d'un mandat particulier ; en tout état de cause, il est produit les statuts de la SAS Sodino, lesquels rappellent à l'article 13 que " le président dirige la société et la représente à l'égard des tiers. A ce titre, il est investi de tous les pouvoirs nécessaires pour agir en toutes circonstances au nom de la société. " ;

- le projet méconnaît l'article R. 423-53 du code de l'urbanisme en ce que la seconde réserve émise par le conseil départemental dans son avis du 18 février 2015 n'a pas été reproduite dans le corps de l'arrêté attaqué ;

- l'arrêté attaqué méconnaît l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme et l'article UY3 du règlement du plan local d'urbanisme ; les flux routiers ont été minimisés ; l'accès au bâtiment envisagé altérera le trafic routier au droit du projet : s'il est prévu un tourne-à-gauche, un tel aménagement est insuffisant dans la mesure où il aurait été nécessaire de prévoir un giratoire ;

- le financement du tourne-à-gauche, qui n'est pas un équipement public exceptionnel au sens de l'article L. 332-8 du code de l'urbanisme, ne pouvait être imposé à la société pétitionnaire ; la convention tripartite conclue entre le département de l'Indre, la commune de la Châtre et la société Lidl est illégale, de sorte qu'il ne peut pas être tenu compte de l'aménagement qu'elle prévoit pour s'assurer du respect des articles UY 3 du règlement du plan local d'urbanisme et R. 111-2 du code de l'urbanisme ; ni la commune de La Châtre, ni le département de l'Indre ne justifient d'une délibération de l'organe délibérant les autorisant à signer une telle convention ; ni le permis de construire initial du 3 avril 2015, ni le permis modificatif du 19 novembre 2015 ne prescrivent une telle participation à la charge de la société Lidl, en méconnaissance de l'article L. 332-28 du code de l'urbanisme ;

- le bâtiment, d'aspect massif et de forme cubique, comportant une hauteur de 8 mètres et habillé d'un revêtement métallique, se caractérise par son architecture inadaptée et son absence de recherche d'intégration ; le maire a commis une erreur d'appréciation au regard des dispositions des articles R. 111-21 du code de l'urbanisme et UY11 du plan local d'urbanisme ; il n'apparaît pas que le projet ait été soumis aux organismes de conseil en architecture dans le département ;

- le plan de masse joint au dossier de demande de permis de construire ne figure pas les modalités de raccordement aux réseaux publics, en méconnaissance de l'article R. 431-9 du code de l'urbanisme ; en amont du bassin de rétention est matérialisé un rectangle qui s'apparente à un séparateur/débourbeur à hydrocarbures ; toutefois, il n'est pas précisé quelles sont les eaux qui sont récupérées dans ce bassin ; le plan de masse ne précise pas davantage le trop plein avec limiteur de débit qui devrait être positionné en sortie de bassin ;

- l'espace réservé aux livraisons, au droit de la façade Nord-Est du projet, n'est pas situé à 5 mètres minimum de la limite parcellaire avec le terrain voisin cadastré n° 97 ; par suite, le projet ne respecte pas les dispositions de l'article UY 7 du règlement du plan local d'urbanisme.

Sur l'arrêté attaqué en tant qu'il tient lieu d'autorisation d'exploitation commerciale :

- sa requête est recevable d'une part, en ce qu'elle a formé un recours préalable devant la commission nationale d'aménagement commercial (CNAC) laquelle l'a rejeté le 1er juillet 2015, d'autre part, en ce qu'elle exploite sous l'enseigne Super U un supermarché sur la commune de La Châtre en continuité du terrain devant recevoir le projet de supermarché Lidl ;

- le projet de la société Lidl méconnaît les objectifs et critères d'évaluation fixés par l'article L. 752-6 du code de commerce ;

- s'agissant du caractère consommateur d'espace du projet, le terrain d'une superficie de 9 692 m² sera artificialisé à concurrence de 7 023 m² ; or, cette imperméabilisation n'est accompagnée d'aucune mesure compensatoire comme la réalisation d'emplacements de stationnement végétalisés ; les conséquences de cette imperméabilisation démesurée auraient dû conduire au refus du projet ;

- dans la mesure où la SNC Lidl n'a produit aucun engagement de remise en état du bâtiment existant ou de son démantèlement et ne produit aucune promesse de cession ou de location, il y a tout lieu de considérer qu'il va générer une friche commerciale de nature à nuire à l'animation de la vie urbaine ;

- la zone de chalandise a été délimitée de manière surdimensionnée, non en considération de l'attractivité effective du projet mais à seule fin de le justifier ; outre qu'il n'existe dans le dossier déposé par la SNC Lidl aucun élément concret susceptible de démontrer que le projet favoriserait l'animation de la vie urbaine ou rurale de la zone de chalandise et que n'y figurent pas davantage de données chiffrées concernant l'évasion commerciale existante que le projet permettrait de réduire, il apparaît que la seule justification du projet est de bénéficier de l'attractivité du supermarché Super U sans qu'il en résulte un quelconque intérêt pour les consommateurs locaux ; les commerces indépendants de centre-ville seront affectés alors que la commune de La Châtre a bénéficié du soutien du FISAC en 2014 ; dans ces conditions, c'est à tort que la CNAC a estimé que le projet participerait au renforcement de l'offre de proximité ;

- même si les dimensions de l'avenue de l'Auvergne sont adaptées aux flux de circulation actuels, l'impact du projet sur ces flux est de nature à affecter la sécurité des usagers de cette voie en raison des modalités d'accès au futur supermarché ; aucun giratoire n'a été envisagé pour accéder au magasin projeté, à la différence du Super U voisin qui est desservi par un giratoire ; l'accès au futur supermarché Lidl s'effectuera au moyen d'un " tourne-à-gauche " qui ne peut pas être considéré comme un aménagement sécurisé ; en raison de sa localisation et de son accès, il fait courir un risque manifeste d'insécurité pour les usagers de la RD 943 comme pour les consommateurs motorisés qui fréquenteront le futur supermarché ;

- le site du supermarché projeté n'est pas desservi par les transports collectifs, le projet n'est accessible qu'aux seuls clients motorisés, ce qui exclut les personnes ne disposant pas d'un véhicule, voire les personnes âgées et handicapées ; cette circonstance aurait dû conduire la CNAC à s'opposer au projet ;

- s'agissant de l'impact négatif du projet en matière de développement durable, le projet aboutit à la création d'une friche commerciale ; la forte imperméabilisation de son terrain d'assiette conduira au déversement des eaux pluviales sur le terrain situé en contrebas sur lequel est situé le supermarché Super U de la société Sodino ; le projet n'a donné lieu à aucune réflexion pour déterminer les mesures à adopter afin de favoriser son adaptation à l'espace dans lequel il se situe ; l'accompagnement végétal du projet est sommaire, la plantation de 14 arbres, à l'échelle d'un parking de 104 emplacements, est insuffisante.

Par des mémoires enregistrés les 21 juillet 2015, 1er septembre 2015, 6 janvier 2017, 28 février 2017, 12 septembre 2017 et 19 décembre 2017, la commune de La Châtre, représentée par Me C..., conclut au rejet de la requête de la société Sodino et à la mise à la charge de la société Sodino d'une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête est irrecevable en ce que la société Sodino ne justifie pas être représentée par une personne habilitée pour ester en justice en son nom ;

- la société Sodino ne justifie d'aucun intérêt à agir au sens des dispositions de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme pour contester le permis de construire délivré à la SNC Lidl ;

- le permis de construire a pris en compte la préconisation portant sur la réalisation d'un tourne-à-gauche mis à la charge du pétitionnaire ; en ce qui concerne la signalisation, elle ne saurait être mise en place par le pétitionnaire dans la mesure où cela relève du pouvoir de police du maire, chargé de la réglementation de la circulation sur son territoire ; le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 423-53 du code de l'urbanisme n'est pas fondé ;

- la SNC Lidl a élaboré un plan de circulation permettant d'assurer la sécurité de ses clients ; l'accès des poids-lourds chargés de livrer le magasin est prévu à l'arrière de la parcelle alors que l'accès des véhicules de la clientèle se fera par l'avenue d'Auvergne ; l'étude réalisée sur le flux de véhicules supplémentaires qui sera généré par le projet révèle que cette construction n'impliquera que 31 véhicules supplémentaires par jour sur la RD 943 ; aucune erreur manifeste d'appréciation n'a été commise au regard de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme ; si la cour venait à considérer que le permis de construire initial comportait une insuffisance au regard des dispositions de l'article UY3 du règlement du PLU et de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme, il ne pourra qu'être constaté la régularisation de celui-ci par la délivrance du permis de construire modificatif ;

- le défaut de saisine préalable du service départemental d'architecture et du patrimoine, qui n'est que facultative, est sans influence sur la légalité de la décision autorisant une construction ; la société requérante n'apporte aucune précision sur l'intérêt des lieux avoisinants, de sorte qu'elle n'établit pas l'atteinte susceptible d'être portée par le projet contesté d'autant que celui-ci est situé dans une zone dite UY, zone équipée destinée aux activités industrielles, artisanales, commerciales et aux services, et qu'il comporte des espaces verts ; le moyen tiré de la méconnaissance de l'article UY 11 du plan local d'urbanisme n'est pas fondé ;

- l'article L. 332-6 du code de l'urbanisme ne fait pas obstacle à ce qu'un accord fixe de manière conventionnelle la participation d'un pétitionnaire à un équipement public ; par ailleurs, il ressort de l'article L. 332-7 du même code que l'éventuelle illégalité d'une participation fixée à la charge d'un pétitionnaire est sans influence sur la légalité de l'autorisation d'urbanisme délivrée ; le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 332-28 du code de l'urbanisme est inopérant en ce que la problématique liée à l'exigence d'une participation mise à la charge d'un pétitionnaire est sans influence sur la légalité du permis de construire autorisant un projet de construction ;

- le moyen tiré de la méconnaissance de l'article UY 7 du règlement du plan local d'urbanisme n'est pas fondé dès lors que la lecture du plan de masse permet de constater le respect de la distance imposée par la réglementation du plan local d'urbanisme, le quai de livraison est bien séparé d'une distance de 5 mètres de la limite parcellaire.

Par des mémoires enregistrés les 5 octobre 2015, 2 février 2017, 28 février 2017 et 7 décembre 2018, la société Lidl, représentée par Me E... et Me D..., conclut au rejet de la requête de la société Sodino et à la mise à la charge de la société Sodino d'une somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

Sur l'arrêté attaqué en tant qu'il vaut autorisation de construire :

- la requête est irrecevable en ce que la société Sodino ne réunit pas les conditions posées par l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme ; en outre, si celle-ci se prévaut de sa qualité de voisin du projet de construction du magasin Lidl, elle a en réalité introduit son recours en seule qualité de concurrent ; en l'absence de tout élément démontrant en quoi la construction du magasin Lidl et les caractéristiques particulières de ce bâtiment affecteraient par elles-mêmes les conditions d'exploitation de son établissement commercial, la société Sodino ne saurait se prévaloir d'un quelconque intérêt à agir ;

- si la consultation du gestionnaire de la voirie exigée par l'article R. 423-53 du code de l'urbanisme est une consultation obligatoire, il s'agit d'un avis simple, et non conforme ; le maire de La Châtre a consulté par courrier du 22 décembre 2014 le département de l'Indre, lequel a émis un avis favorable le 18 février 2015 sur le projet Lidl ; cet avis est visé dans l'arrêté de permis de construire du 3 avril 2015 ; les exigences posées par l'article R. 423-53 du code de l'urbanisme ont donc été respectées ;

- les aménagements prévus par la société Lidl pour la gestion des eaux pluviales et usées ont été correctement décrits dans le dossier de demande déposé le 16 décembre 2014 ; le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 431-9 du code de l'urbanisme n'est pas fondé ;

- la RD 943 longeant le projet est un axe de circulation important, supportant déjà un trafic élevé, desservant déjà d'autres commerces alimentaires de détail aux alentours, y compris le magasin Super U exploité par la requérante ; en outre, le projet envisagé par Lidl consiste en un transfert du magasin existant, situé à quelques dizaines de mètres du projet et lui aussi desservi par la RD 943 ; au surplus, le flux de véhicules légers supplémentaire généré par le projet a été estimé à 31 véhicules par jour, alors que le trafic journalier supporté par la route départementale s'élève à 7 160 véhicules ; le projet Lidl sera desservi par une voie de circulation qui présente une capacité largement suffisante, un tracé rectiligne et une bonne visibilité depuis le point d'accès du terrain d'assiette du projet ; par ailleurs, les aménagements de la voirie projetés dans le cadre du projet, consistant en la mise en place d'un tourne-à-gauche pour l'accès au magasin et d'une interdiction de tourner à gauche en sortie, permettront une entrée et une sortie sécurisée des véhicules sur la voie, et sont en parfaite adéquation avec les recommandations émises par le gestionnaire départemental de la voirie ;

- à supposer que la société Sodino ait entendu contester les modalités de financement prévues entre la société Lidl, la commune de La Châtre et le département de l'Indre pour l'aménagement du tourne-à-gauche, il lui appartenait de former un recours contre les délibérations par lesquelles la commune et le département ont décidé de la conclusion de cette convention ; en tout état de cause, les participations financières à la réalisation de cet aménagement de voirie prévues dans la convention sont parfaitement divisibles du reste du permis de construire délivré à la société Lidl pour la réalisation de son magasin, en application de l'article L. 332-7 du code de l'urbanisme ;

- la requérante n'est pas fondée à soulever, dans le cadre du présent recours contre le permis de construire initial, des moyens qui se rattacheraient à la légalité externe du permis de construire modificatif, qui fait d'ailleurs l'objet d'un recours en annulation initié par la société requérante ; l'argumentation dirigée contre l'avis du 16 décembre 2015, rendu dans le cadre de l'instruction d'une autorisation de construire distincte, est inopérante ; en tout état de cause, Mme B... F... disposait bien d'une délégation de signature régulière et suffisamment précise pour signer l'avis en date du 16 novembre 2015 ;

- le futur magasin Lidl a vocation à intégrer une zone à dominante commerciale préexistante ; la route départementale 943 est bordée de part et d'autres de plusieurs établissements commerciaux, sans cohérence ni intérêt architecturaux particuliers ; la société requérante n'apporte aucun élément pour tenter de démontrer l'intérêt architectural et paysager du bâti aux alentours du projet ; si la société Sodino soutient qu'aucune discussion avec les services départementaux d'architecture ou de l'équipement en amont du projet ne serait intervenue, cette seule circonstance ne peut avoir d'incidence sur la légalité du permis délivré à la société Lidl ; le règlement de zone se borne à recommander une telle consultation sur le parti architectural retenu, lequel a au surplus fait l'objet d'un échange avec les services de la commune, dans le cadre de l'instruction du permis ; compte tenu des aménagements architectural et paysager envisagés, qui s'intègrent dans la zone commerciale existante et constituent au surplus une amélioration des bâtiments existants, la société requérante est mal fondée à venir soutenir une quelconque atteinte au paysage urbain voisin sur le fondement de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme ;

- le projet respecte les dispositions de l'article UY7 du règlement du plan local d'urbanisme dès lors que le plan de masse de la construction, qui fait apparaître les distances de recul par rapport aux voies et limites séparatives, montre qu'une marge de 5 mètres est bien respectée entre le bâtiment et la limite séparative " arrière ", côté quai de livraison.

Sur l'arrêté attaqué en tant qu'il vaut autorisation d'exploitation commerciale :

- il résulte d'un procès-verbal de constat d'huissier dressé le 16 avril 2015 que le permis de construire délivré à la société Lidl a été affiché sur le terrain d'assiette du projet de construction à compter de cette date ; l'affichage du permis de construire était régulier sur la période du 16 avril au 16 juin 2015 et comportait l'ensemble des mentions visées par les articles A. 424-16 et A. 424-17 du code de l'urbanisme ; les conclusions dirigées contre le permis de construire en tant qu'il vaut autorisation d'exploitation commerciale sont irrecevables dès lors qu'elles n'ont été formées que le 18 mai 2018, soit près de trois ans après l'expiration du délai de recours contentieux ;

- s'agissant de l'aménagement du territoire, en ce qui concerne les effets du projet sur l'animation de la vie urbaine, le projet a vocation à conforter la place de l'ancien magasin au sein de la zone d'activité de l'avenue d'Auvergne, sans créer un quelconque déséquilibre de l'offre commerciale existante sur l'ensemble du territoire de la commune ; l'impact du projet sur les commerces du centre-ville est inexistant, puisque le magasin et la gamme de produits proposés restent complémentaires des petits commerces alimentaires du centre-ville ; il s'inscrit dans la volonté de renforcer l'offre alimentaire de proximité en attirant les habitants des quartiers proches de ce secteur de la commune, pour lesquels le magasin est accessible à pied ; le magasin est parfaitement conforme aux besoins de la population dans cette partie de la commune, qui bénéficie justement d'une alternative à l'offre proposée par le supermarché Super U ; la présence de commerces alimentaires dans ce secteur limite l'évasion de la clientèle vers d'autres pôles commerciaux voisins, comme ceux de l'agglomération d'Argenton sur Creuse ou Châteauroux, pôles voisins qui ont été intégrés dans la définition de la zone de chalandise du projet, puisqu'ils sont quasi exclusivement accessibles en voiture, de la même manière que la zone d'activité de l'Auvergne, à l'entrée de la ville de La Châtre ;

- s'agissant de l'impact sur les flux routiers, le projet envisagé par Lidl consiste en un transfert d'un ancien magasin, situé à quelques dizaines de mètres et lui aussi desservi par la RD 943 ; le flux de véhicules légers supplémentaire généré par le projet a été estimé à 31 véhicules par jour, alors que le trafic journalier supporté par la route départementale s'élève à 7 160 véhicules ; le projet est desservi par une voie de circulation qui présente une capacité largement suffisante ; le fait que le magasin soit fréquenté par une clientèle quasi exclusivement motorisée n'a pas d'incidence ; de manière à optimiser et sécuriser les circulations et les accès au terrain d'assiette du projet, un accès spécifique est réservé aux poids lourds, à l'arrière de la parcelle, par le chemin rural de La Croix Félix ; des aménagements de voirie spécifiques, décidés en conformité avec le gestionnaire de la voirie départementale, ont été réalisés dans le cadre du projet, et permettent d'éviter toute atteinte à la sécurité de la circulation ;

- s'agissant du développement durable, en ce qui concerne les conditions de desserte du projet par les modes de transports alternatifs à la voiture, eu égard à la situation géographique de la zone d'activité de l'avenue d'Auvergne, à l'entrée Est de la commune de La Châtre, les modes de déplacement pédestre et cycliste ne sont pas privilégiés par la clientèle du magasin Lidl ; des aménagements permettant la circulation à vélo et à pied sur le terrain d'assiette et aux abords extérieurs immédiats sont néanmoins bien présents et suffisants pour permettre l'utilisation par la clientèle de ces modes de déplacement en toute sécurité ; les environs du projet ne sont pas totalement dépourvus de desserte en transport en commun : même si l'arrêt de bus est situé en dehors de la zone d'activité de l'Avenue de l'Auvergne, le projet bénéficie d'une insertion dans les réseaux de transports publics et est desservi par plusieurs lignes de bus du réseau de transport de l'agglomération castelroussine et STI Centre ; la société requérante n'est pas fondée à soutenir que le projet ne serait " accessible qu'aux seuls clients motorisés ", au détriment des modes de déplacement alternatifs ; en ce qui concerne la qualité environnementale du projet et son insertion paysagère, plusieurs potentiels repreneurs de l'ancien bâtiment commercial exploité par Lidl étudient actuellement une implantation sur ce site, de sorte qu'il est manifeste que ce bâtiment a vocation à être loué dans un futur immédiat ; elle a adopté une attitude proactive dans la commercialisation de son droit au bail pour le magasin actuel et la recherche d'un repreneur pour l'implantation d'un nouveau projet commercial ; en outre, la gestion de l'espace et du traitement paysager et végétal sur le terrain d'assiette du projet est proportionnée au nombre journalier de véhicules générés par le projet, qui est de 627 ; eu égard au traitement paysager et des aménagements dont le terrain destiné à abriter le magasin a fait l'objet, la requérante n'est pas fondée à soulever une quelconque difficulté liée à une imperméabilisation trop importante de la parcelle ; enfin, l'intégration du projet à l'environnement de la zone commerciale s'opère par les matériaux et les couleurs utilisés pour le bâtiment, de teinte neutre et claire, ainsi que par la présence d'ouvertures et baies vitrées sur les façades donnant sur les voies publiques ; contrairement à ce que soutient la requérante, l'aménagement d'espaces verts et de plantations sur le terrain d'assiette du projet est important et renforce la cohérence avec les voies desservant le magasin ; la CNAC n'a commis aucune erreur d'appréciation en estimant que le projet était conforme aux exigences environnementales et paysagères et répondait au critère légal de développement durable.

Par ordonnance du 5 novembre 2018, la clôture de l'instruction a été fixée au

12 décembre 2018 à 12 heures.

II. Par la requête et un mémoire, enregistrés sous le n° 17BX03327, les 30 décembre 2015 et 11 juillet 2016, la société Sodino, représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler le permis de construire modificatif accordé le 19 novembre 2015 à la SNC Lidl ;

2°) de mettre à la charge de la société Lidl le versement d'une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle justifie d'un intérêt à agir au sens des dispositions de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme dès lors que le projet de la SNC Lidl va impacter les conditions d'utilisation et de jouissance de son immeuble en ce que les flux de circulation induits par le bâtiment commercial projeté affecteront gravement les conditions d'accès à son bâtiment ;

- le représentant du gestionnaire de la voie, Mme B... F..., était incompétent pour signer l'avis du 16 novembre 2015 ; l'avis est irrégulier dès lors que la délégation consentie à Mme F... est trop générale ;

- le terrain devant recevoir le projet se situe en bordure de la RD 943 sur laquelle circulent quotidiennement 7 160 véhicules dont 11% de poids lourds ; l'actuel supermarché Lidl génère un flux quotidien de 627 véhicules et avec un doublement de la surface de vente existante permettant une augmentation de l'offre proposée et par voie de conséquence une nouvelle attractivité, le projet générera un flux supérieur à celui annoncé, ce qui est d'ailleurs corroboré par le nombre important d'emplacements de stationnement envisagés ; en raison des modalités d'accès au futur supermarché, les flux de circulation et le positionnement des accès sont de nature à affecter la sécurité des usagers de cette voie ; le tourne-à-gauche envisagé est inadapté en termes de sécurité pour les clients motorisés qui accéderont au futur supermarché comme pour les usagers de l'avenue d'Auvergne ; en outre, un second accès est envisagé par le chemin de la Croix Saint Félix, à l'arrière du terrain d'assiette, affecté exclusivement aux poids lourds ; il n'est toutefois pas établi, au regard de la largeur dudit chemin, laquelle n'est d'ailleurs pas mentionnée dans le dossier, qu'un croisement entre deux poids lourds au droit du projet serait possible ; l'accroissement des flux sur ce chemin sera, au regard de son tracé et de sa largeur, source d'insécurité ; dès lors, le projet méconnaît les dispositions de l'article UY 3 du règlement du plan local d'urbanisme et l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme.

Par des mémoires enregistrés les 16 mars 2016, 6 janvier 2017 et 19 décembre 2017, la commune de La Châtre, représentée par Me C..., conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la société Sodino d'une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la société Sodino ne justifie d'aucun intérêt à agir au sens des dispositions de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme pour contester le permis de construire délivré à la SNC Lidl ; l'atteinte portée aux conditions d'utilisation et de jouissance de son immeuble dont se prévaut la société Sodino doit être examinée au regard des travaux autorisés par le permis de construire modificatif et non pas au regard de ceux autorisés au titre du permis de construire initial dont la légalité est contestée dans le cadre d'une autre procédure juridictionnelle ;

- l'avis signé par Mme B... F..., vice-présidente du conseil départemental de l'Indre, est régulier dans la mesure où elle a reçu, par arrêté n° 2015-D-1742 du 3 avril 2015, délégation de signature du président de l'exécutif de cette collectivité pour les questions relatives aux routes et aux biens départementaux et que cet arrêté a été régulièrement affiché le 3 avril 2015 et publié le 7 avril 2015 ;

- les caractéristiques du tourne-à-gauche sont bien spécifiées, de sorte que les dispositions nécessaires ont été envisagées afin d'éviter un encombrement de la voie de circulation par les véhicules souhaitant accéder au futur magasin Lidl ; la SNC Lidl a élaboré un plan de circulation permettant d'assurer la sécurité de ses clients ; l'accès aux poids-lourds chargés de livrer le magasin est prévu à l'arrière de la parcelle alors que l'accès des véhicules de la clientèle se fera par l'avenue d'Auvergne ; la largeur de cette chaussée est d'au minimum 5 mètres à laquelle s'ajoutent les rives, laissant un espace total compris entre 7,35 et 9 mètres ; l'accroissement limité de la circulation de poids-lourds amenés à emprunter cette voie, dont les dimensions permettent à ces véhicules imposants de se croiser, rend sans objet les critiques formulées par la société Sodino ; les articles R. 111-2 du code de l'urbanisme et UY 3 du règlement du plan local d'urbanisme ne sont donc pas méconnus.

Par des mémoires enregistrés les 25 octobre 2016 et 7 décembre 2018, la société Lidl, représentée par Me E... et Me D..., conclut au rejet de la requête de la société Sodino et à la mise à la charge de la société Sodino d'une somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- la requête est irrecevable en ce que la société Sodino ne réunit pas les conditions posées par l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme ; la société Sodino ne démontre pas en quoi le projet autorisé par le permis de construire modificatif, qui ne porte que sur la sécurisation des accès au projet autorisé par le permis de construire initial par la création d'un tourne-à-gauche et une interdiction de tourner à gauche en sortie, affecterait d'une quelconque manière les conditions d'utilisation ou de jouissance de son magasin ; en outre, si celle-ci se prévaut de sa qualité de voisin du projet de construction du magasin Lidl, elle a en réalité introduit son recours en seule qualité de concurrent; en l'absence de tout élément démontrant en quoi la construction du magasin Lidl et les caractéristiques particulières de ce bâtiment affecteraient par elles-mêmes les conditions d'exploitation de son établissement commercial, la société Sodino ne saurait se prévaloir d'un quelconque intérêt à agir ;

- par arrêté n° 2015-D-1742 en date du 3 avril 2015, modifié par arrêté n° 2015-D-3657 en date du 7 décembre 2015, le président du conseil départemental de l'Indre a consenti à Mme B... F..., vice-présidente, une délégation de signature, pour toutes les questions relatives aux routes et aux biens départementaux, délégation affichée le 3 avril 2015 et publiée le 7 avril 2015 ; contrairement aux allégations de la requérante, cette délégation ne peut être regardée comme étant trop générale ; Mme B... F... disposait donc d'une délégation de signature régulière et suffisamment précise pour signer l'avis en date du 16 novembre 2015 ;

- les aménagements de voirie et de sécurisation des accès au projet ont été décidés en concertation avec le gestionnaire de voirie, de manière à ce que ceux-ci soient précisément adaptés aux caractéristiques et à la configuration des abords du projet, ainsi qu'au trafic et à la capacité des voies qui le dessert ; la requérante ne démontre pas en quoi la société Lidl aurait mal apprécié le flux de véhicules induit par son projet sur l'avenue d'Auvergne ; compte tenu du fait que le projet consiste en un transfert-agrandissement d'un ancien magasin, situé à quelques dizaines de mètres du projet et lui aussi desservi par la RD 943, l'estimation du flux de véhicules légers supplémentaire généré, qui est de 31 véhicules par jour, n'est pas disproportionnée et a été correctement appréciée ; les aménagements de voirie à réaliser aux abords du projet ont été décidés sur la base de comptages qui reflètent fidèlement les flux de circulation relevés aux abords du terrain d'assiette du projet, sans que ceux-ci ne soient sous-estimés ; la requérante ne démontre pas en quoi la création d'un carrefour giratoire était le seul aménagement recevable pour assurer la sécurité de la circulation, d'autant qu'un tel carrefour giratoire n'a jamais été évoqué par le gestionnaire de voirie ; par ailleurs, l'accès des poids lourds au terrain d'assiette du projet a été autorisé par le permis de construire du 3 avril 2015 et n'a fait l'objet d'aucune modification par le permis de construire modificatif du 19 novembre 2015 ; de ce seul chef, les arguments développés par la requérante à l'encontre du permis de construire modificatif objet de la présente instance sont voués au rejet puisque cet acte n'a pas porté sur l'accès des poids lourds ; en tout état de cause, le trafic poids lourds engendré par la Société Lidl, qui demeure inchangé postérieurement au déplacement du magasin, se limite à 9 camions par semaine et cette voie présente une capacité suffisante pour supporter à la fois le trafic des poids lourds induit par le projet et celui des différents établissements alentours, dont le magasin exploité par la requérante ; les plans en coupe du chemin produits par la commune démontrent que la voie est suffisamment large pour permettre un croisement des poids lourds et une circulation sécurisée ; le moyen tiré de la méconnaissance des articles R. 111-2 du code de l'urbanisme et UY 3 du règlement du plan local d'urbanisme n'est pas fondé.

Par ordonnance du 5 novembre 2018, la clôture de l'instruction a été fixée au

12 décembre 2018 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de commerce ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique du 20 juin 2019 :

- le rapport de Mme Nathalie Gay-Sabourdy, premier conseiller ;

- les conclusions de Mme Cécile Cabanne, rapporteur public ;

- et les observations de Me G..., représentant la société Sodino.

Considérant ce qui suit :

1. Saisie le 24 décembre 2014 d'une demande de création d'un magasin à dominante alimentaire sous l'enseigne " LIDL " d'une surface de vente de 1 271 m², situé 39 avenue d'Auvergne sur le territoire de la commune de La Châtre, par transfert et extension d'un magasin existant sur la même zone d'activités de l'autre côté de la RD 943, la commission départementale d'aménagement commercial (CDAC) de l'Indre a émis, le 5 février 2015, un avis favorable à la demande de la société Lidl. Par un recours enregistré le 5 mars 2015, la société Sodino, propriétaire du bâtiment commercial à l'enseigne Super U situé sur le terrain contigu du projet de la société Lidl, a demandé à la Commission nationale d'aménagement commercial (CNAC) d'annuler cet avis favorable. Le 1er juillet 2015, la commission nationale d'aménagement commercial a émis un avis favorable au projet. Concomitamment, le 16 décembre 2014, la société Lidl a demandé au maire de La Châtre la délivrance d'un permis de construire un magasin d'une surface de plancher de 1 966 m², sur ce même terrain. Par un arrêté du 3 avril 2015, le maire de La Châtre a délivré le permis de construire sollicité. Le 19 novembre 2015, le maire de La Châtre a délivré à la société Lidl un permis de construire modificatif à l'effet de créer un tourne-à-gauche sur la RD 943. La société Sodino a demandé l'annulation du permis de construire du 3 avril 2015 ainsi que la suspension de son exécution au tribunal administratif de Limoges. Par une ordonnance du 14 janvier 2016, le juge des référés du tribunal administratif de Limoges a mis fin aux effets de l'ordonnance du 4 novembre 2015 par laquelle il avait suspendu l'exécution du permis de construire du 3 avril 2015. Par une ordonnance du 5 octobre 2017, le président du tribunal administratif de Limoges a transmis à la cour, en application en application de l'article R. 351-3 du code de justice administrative, les deux requêtes de la société Sodino tendant à l'annulation d'une part, du permis de construire initial et d'autre part, du permis de construire modificatif.

2. Ces deux requêtes portant sur le même projet et ayant fait l'objet d'une instruction commune, il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur les fins de non-recevoir :

En ce qui concerne la qualité à agir de la société requérante :

3. Aux termes de l'article L. 227-6 du code de commerce applicable à la société par actions simplifiée (SAS) : " La société est représentée à l'égard des tiers par un président désigné dans les conditions prévues par les statuts. Le président est investi des pouvoirs les plus étendus pour agir en toute circonstance au nom de la société dans la limite de l'objet social (...) ". Aux termes de l'article L. 223-18 du même code applicable aux sociétés à responsabilité limitée (SARL) : " (...) Dans les rapports avec les tiers, le gérant est investi des pouvoirs les plus étendus pour agir en toute circonstance au nom de la société, sous réserve des pouvoirs que la loi attribue expressément aux associés. (...) ". Aux termes de l'article 13 des statuts de la société Sodino : " La société est représentée, dirigée et administrée par un président, personne morale ou physique, associé ou non de la société. / Lorsque le président est une personne morale, celle-ci agit au sein de la société par son représentant légal ". Il résulte de l'article 16 des statuts de la SARL Sochadis, présidente de la SAS Sodino, qu'elle est représentée par son gérant.

4. Il ressort des pièces du dossier que les requêtes ont été présentées par un avocat pour la société par actions simplifiée Sodino représentée par " ses représentants légaux ". La commune de La Châtre ayant soulevé une fin de non-recevoir tirée de ce que l'identité de ces représentants n'était pas indiquée et que les mandats les habilitant à ester en justice au nom de la société n'étaient pas produits, la société a versé au dossier ses statuts ainsi que ceux de la SARL Sochadis, sa présidente, faisant apparaître le nom des représentants légaux des sociétés, à savoir le président de la SAS Sodino, et le gérant de la SARL Sochadis. La commune de La Châtre ne faisant valoir aucune circonstance de nature à justifier l'absence de qualité pour agir du gérant de la SARL Sochadis, alors que cette personne tire des dispositions des articles L. 227-6 et L. 223-18 du code de commerce la qualité pour agir en justice au nom de la société Sodino, la fin de non-recevoir ne peut être accueillie.

En ce qui concerne l'intérêt pour agir de la société requérante :

5. Aux termes de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme : " Une personne autre que l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre une décision relative à l'occupation ou à l'utilisation du sol régie par le présent code que si la construction, l'aménagement ou le projet autorisé sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient (...) ".

6. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient, en particulier, à tout requérant qui saisit le juge administratif d'un recours pour excès de pouvoir tendant à l'annulation d'un permis de construire, de démolir ou d'aménager, de préciser l'atteinte qu'il invoque pour justifier d'un intérêt lui donnant qualité pour agir, en faisant état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d'affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son bien. Il appartient au défendeur, s'il entend contester l'intérêt à agir du requérant, d'apporter tous éléments de nature à établir que les atteintes alléguées sont dépourvues de réalité. Le juge de l'excès de pouvoir apprécie la recevabilité de la requête au vu des éléments ainsi versés au dossier par les parties, en écartant le cas échéant les allégations qu'il jugerait insuffisamment étayées mais sans pour autant exiger de l'auteur du recours qu'il apporte la preuve du caractère certain des atteintes qu'il invoque au soutien de la recevabilité de celui-ci. Eu égard à sa situation particulière, le voisin immédiat justifie, en principe, d'un intérêt à agir lorsqu'il fait état devant le juge, qui statue au vu de l'ensemble des pièces du dossier, d'éléments relatifs à la nature, à l'importance ou à la localisation du projet de construction.

7. Il ressort des pièces du dossier que la société Sodino est propriétaire des parcelles contigües du terrain d'assiette du projet de la société Lidl, qui exploite actuellement un commerce alimentaire de détail au 48 avenue d'Auvergne sur le territoire de la commune de La Châtre, en face du projet. Le projet de la société Lidl consiste en la création d'un magasin au 39 de l'avenue d'Auvergne, sur le même côté de la RD 943 que celui de la société requérante. S'il ressort du dossier de demande présenté devant la commission départementale d'aménagement commercial que le projet ne devrait générer, sur la RD 943, qu'un trafic supplémentaire de 31 véhicules par jour sur un flux moyen journalier de 7 156 véhicules, la réalisation du projet consistant en l'agrandissement du magasin Lidl et le déplacement de son accès sur le même côté de l'avenue d'Auvergne et à quelques mètres de celui exploité par la société requérante, doit être regardée comme de nature à affecter directement, notamment par la modification des flux de circulation, les conditions d'utilisation du bien de la société Sodino. Par suite, la fin de non recevoir tirée du défaut d'intérêt à agir de la société requérante au regard des dispositions de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme, ne peut être accueillie.

En ce qui concerne le délai de contestation du permis de construire en tant qu'il vaut autorisation d'exploitation commerciale :

8. La loi du 18 juin 2014 prévoit que la décision unique par laquelle l'autorité compétente octroie un permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale peut faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir, d'une part par les personnes mentionnées au I de l'article L. 752-17 du code de commerce, au nombre desquelles figurent notamment les professionnels dont l'activité, exercée dans les limites de la zone de chalandise définie pour le projet, est susceptible d'être affectée par celui-ci et, d'autre part, par les personnes mentionnées à l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme, au nombre desquelles figurent notamment celles pour lesquelles la construction est de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elles détiennent ou occupent régulièrement. Pour chacune de ces deux catégories de requérants, l'article L. 600-1-4, introduit au code de l'urbanisme par la loi du 18 juin 2014, fixe des dispositions qui leur sont propres dans les termes suivants : " Lorsqu'il est saisi par une personne mentionnée à l'article L. 752-17 du code de commerce d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre le permis de construire mentionné à l'article L. 425-4 du présent code, le juge administratif ne peut être saisi de conclusions tendant à l'annulation de ce permis qu'en tant qu'il tient lieu d'autorisation d'exploitation commerciale. Les moyens relatifs à la régularité de ce permis en tant qu'il vaut autorisation de construire sont irrecevables à l'appui de telles conclusions. / Lorsqu'il est saisi par une personne mentionnée à l'article L. 600-1-2 d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre le permis de construire mentionné à l'article L. 425-4, le juge administratif ne peut être saisi de conclusions tendant à l'annulation de ce permis qu'en tant qu'il vaut autorisation de construire. Les moyens relatifs à la régularité de ce permis en tant qu'il tient lieu d'autorisation d'exploitation commerciale sont irrecevables à l'appui de telles conclusions ".

9. Dans tous les cas où la Commission nationale d'aménagement commercial, régulièrement saisie, est amenée à rendre son avis après la délivrance du permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale, la publication de cet avis dans les conditions fixées à l'article R. 752-39 du code de commerce ouvre, à l'égard des requérants mentionnés au I de l'article L. 752-17 du code de commerce, y compris si le délai déclenché dans les conditions prévues par l'article R. 600-2 du code de l'urbanisme est expiré, un délai de recours de deux mois contre le permis. Il en va de même lorsque, quelles que soient les conditions de publication de l'avis, celui-ci a fait l'objet d'une notification à la société requérante.

10. En l'espèce, la requête n'avait initialement pour objet que de contester le permis de construire en tant qu'il vaut autorisation d'urbanisme. En ajoutant, par mémoire du 18 mai 2018, présenté au demeurant plus de deux mois après l'arrêt n° 15BX03035 du 14 décembre 2017, dont la requérante a reçu notification le 16 décembre 2017, rejetant comme irrecevable la requête de la société Sodino dirigée contre l'avis du 1er juillet 2015 de la commission nationale d'aménagement commercial, des conclusions tendant à l'annulation du permis de construire du 3 avril 2015 en tant qu'il vaut autorisation d'exploitation commerciale, la société ne s'est pas bornée à présenter des moyens nouveaux contre une même décision, mais a modifié l'objet même de sa demande. Ces conclusions nouvelles présentées postérieurement à l'expiration du délai de deux mois courant de la notification de cet avis, alors qu'il ressort du mémoire enregistré le 1er septembre 2015 qu'elle en avait connaissance, sont tardives et par suite irrecevables.

Sur les conclusions à fin d'annulation des permis en tant qu'ils valent autorisation d'urbanisme :

En ce qui concerne le permis de construire modificatif délivré le 19 novembre 2015 :

11. Aux termes de l'article R. 423-53 du code de l'urbanisme : " Lorsque le projet aurait pour effet la création ou la modification d'un accès à une voie publique dont la gestion ne relève pas de l'autorité compétente pour délivrer le permis, celle-ci consulte l'autorité ou le service gestionnaire de cette voie, sauf lorsque le plan local d'urbanisme ou le document d'urbanisme en tenant lieu réglemente de façon particulière les conditions d'accès à ladite voie ".

12. Il ressort des pièces du dossier que le maire de La Châtre a consulté le conseil départemental, gestionnaire de la voirie, lors de l'instruction du permis de construire modificatif du 19 novembre 2015 prévoyant un tourne-à-gauche sur la RD 943. Par un arrêté du 7 décembre 2015, régulièrement affiché et publié, le président du conseil départemental a donné délégation à Mme B... F..., vice-présidente du conseil départemental, à l'effet de signer les actes relatifs aux routes et aux biens départementaux, à l'exclusion des lettres de commande, des marchés ou tout engagement juridique relatif à la commande publique. Contrairement à ce que soutient la société Sodino, cette délégation n'était pas trop générale, et Mme F... était donc compétente pour signer l'avis du 16 novembre 2015.

13. Aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations ". Aux termes de l'article 3 du règlement du plan local d'urbanisme applicable à la zone UY : " (...) Les accès ne seront autorisés que si leurs caractéristiques permettent de satisfaire aux règles minimales de desserte (défense contre l'incendie, protection civile, enlèvement des ordures ménagères) et présentent toutes les garanties de sécurité pour les usagers des voies publiques ou pour celle des personnes utilisant ces accès. Cette sécurité doit être appréciée compte tenu, notamment de la position des accès, de leur configuration ainsi que de la nature et de l'intensité du trafic. / Lorsque le terrain est riverain de 2 ou plusieurs voies, l'accès sur celle de ces voies qui présenterait une gêne ou un risque pour la circulation peut être interdit. / La réalisation de tout projet peut être subordonnée : / a) à la création d'installations propres à assurer le stationnement hors des voies publiques des véhicules correspondant aux besoins de l'immeuble à construire / b) à la création de voies privées ou de tous autres aménagements particuliers nécessaires au respect des conditions de sécurité. / Lorsque le terrain est riverain de 2 ou plusieurs voies, l'accès sur celle de ces voies qui présenterait une gêne ou un risque pour la circulation peut être interdit. / 3°) les voies publiques doivent avoir des caractéristiques répondant à l'importance ou à la destination de l'immeuble et être adaptées à l'approche du matériel de lutte contre l'incendie (...) ".

14. D'une part, si la société Sodino fait valoir qu'un second accès envisagé par le chemin de la Croix Saint Félix, à l'arrière du terrain d'assiette, affecté exclusivement aux poids lourds, est au regard de son tracé et de sa largeur, source d'insécurité, cette branche du moyen est inopérante au regard de l'objet du permis de construire modificatif, qui se borne à prévoir un tourne-à-gauche sur la RD 943.

15. D'autre part, il ressort des pièces du dossier, et notamment de l'avis favorable sans réserve du conseil départemental du 16 novembre 2015, qu'à l'issue d'une campagne de comptage réalisée du 6 au 14 janvier 2015, le trafic journalier moyen sur la RD 943, classée route à grande circulation, a été évalué à 6 467 véhicules légers et à 689 poids lourds dans les deux sens confondus. Il ressort du dossier que le trafic moyen estimé par la SNC Lidl pour le magasin actuel était de 627 véhicules par jour, soit un flux complémentaire de trente et un véhicules. Si la société Sodino estime que ce flux complémentaire est minimisé en raison de la commercialisation du bâtiment exploité actuellement par la société Lidl, à la date de la délivrance du permis de construire attaqué, il n'existait aucune certitude sur la reconversion du site de l'actuel magasin. Au vu de ces conditions de circulation, et bien que le guide d'aménagement des carrefours urbains ne recommande aucun aménagement spécifique pour un trafic de moins de 300 véhicules légers par heure pour le mouvement de tourne-à-gauche, le département a demandé la création d'une voie de tourne-à-gauche pour les véhicules en provenance du centre-ville de La Châtre afin de ne pas impacter le trafic en transit. En outre, cet avis recommande l'instauration d'une interdiction de tourner à gauche en manoeuvre de sortie du parc de stationnement afin d'éviter les conflits avec les véhicules circulant sur la RD 943. Le permis de construire modificatif du 19 novembre 2015 reprend en ses articles 2 et 3 les deux prescriptions du conseil départemental, qui ont pris en compte un dossier prévoyant une voie centrale de 23 mètres permettant le stockage de cinq à six véhicules en attente de tourner à gauche. Si la société Sodino soutient que le positionnement de l'accès du magasin projeté est source de dangerosité et d'insécurité au vu notamment d'une rupture topographique réduisant la visibilité, il ressort des pièces du dossier, et notamment de l'avis du conseil départemental du 18 février 2015, que les distances de visibilité au droit de l'accès véhicules légers projeté sont satisfaisantes au vu des vitesses pratiquées. En outre, si la société Sodino fait état d'accidents survenus entre 2000 et 2014, seuls cinq accidents sont situés sur la commune de La Châtre et trois d'entre eux ont eu lieu en dehors des heures d'ouverture des grandes surfaces existantes. Ces seuls chiffres ne suffisent donc pas à démontrer le caractère dangereux de la portion de route concernée par le projet, laquelle se trouve au demeurant entre deux giratoires, l'un à 400 mètres au Nord du projet et l'autre, celui desservant la société requérante, à deux cents mètres au Sud de l'accès envisagé. Le projet prévoit par ailleurs le déplacement du passage piéton et un aménagement en deux temps permettant une traversée sécurisée. Enfin, la circonstance que l'implantation de l'enseigne Grand Frais sur la commune de Poinçonnet ait nécessité l'aménagement d'un terre-plein central interdisant tout franchissement de la RD 943 n'a pas d'incidence, dès lors que ce projet portait sur des flux de circulation plus importants de 35 % à 40 % par rapport à ceux liés à la création du magasin Lidl. Dans ces conditions, la société Sodino n'est pas fondée à soutenir que le projet méconnaîtrait les dispositions des articles R. 111-2 du code de l'urbanisme et 3 du règlement du plan local d'urbanisme applicable à la zone UY.

En ce qui concerne les moyens développés à l'encontre du permis de construire initial délivré le 3 avril 2015 :

16. Lorsqu'un permis de construire a été délivré en méconnaissance des dispositions législatives ou réglementaires relatives à l'utilisation du sol ou sans que soient respectées des formes ou formalités préalables à la délivrance des permis de construire, l'illégalité qui en résulte peut être régularisée par la délivrance d'un permis modificatif dès lors que celui-ci assure le respect des règles de fond applicables au projet en cause, répond aux exigences de forme ou a été précédé de l'exécution régulière de la ou des formalités qui avaient été omises. Les irrégularités ainsi régularisées ne peuvent plus être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre le permis initial.

17. Il ressort des pièces du dossier que le conseil départemental a émis, le 18 février 2015, un avis favorable au projet sous réserve de respecter deux conditions : la réalisation d'un tourne-à-gauche et une interdiction de tourner à gauche lors de la sortie des véhicules du parc de stationnement vers le domaine public routier départemental. La société Sodino soutient que l'arrêté du 3 avril 2015 méconnaît l'article R. 423-53 du code de l'urbanisme en ce que la seconde réserve émise par le conseil départemental n'a pas été reproduite dans le corps de l'arrêté. Ainsi qu'il a été indiqué au point 14, le permis de construire modificatif reprend en ses articles 2 et 3 les prescriptions du service gestionnaire de la voirie, l'instauration d'un tourne-à-gauche ainsi que l'interdiction de tourner à gauche en manoeuvre de sortie du parc de stationnement. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 423-53 du code de l'urbanisme est inopérant.

18. Aux termes de l'article R. 431-9 du code de l'urbanisme : " Le projet architectural comprend également un plan de masse des constructions à édifier ou à modifier coté dans les trois dimensions. Ce plan de masse fait apparaître les travaux extérieurs aux constructions, les plantations maintenues, supprimées ou créées et, le cas échéant, les constructions existantes dont le maintien est prévu. / Il indique également, le cas échéant, les modalités selon lesquelles les bâtiments ou ouvrages seront raccordés aux réseaux publics ou, à défaut d'équipements publics, les équipements privés prévus, notamment pour l'alimentation en eau et l'assainissement (...) ".

19. Il ressort des pièces du dossier de demande de permis de construire que le plan de masse représente les dispositifs de recueil des eaux pluviales par des pointillés violets et matérialise le bassin de rétention en indiquant qu'il est destiné aux eaux pluviales. Les dispositifs de cheminement et de raccordement au réseau prévus pour la gestion des eaux usées sont également identifiés par une couleur bleue. Par suite, la société Sodino n'est pas fondée à soutenir que le plan de masse ne respecterait pas les dispositions de l'article R. 431-9 du code de l'urbanisme.

20. D'une part, ainsi qu'il a été indiqué au point 14, la société Sodino n'établit pas que les aménagements prévus au projet sur la RD 943 seraient insuffisants pour assurer la sécurité publique.

21. D'autre part, il ressort du dossier de demande présenté devant la commission départementale d'aménagement commercial que l'activité du magasin projeté génèrera 9 camions de livraison par semaine, qui accéderont au quai de livraison depuis un accès différent par le chemin de La Croix Félix relié à la réserve, au fond de la parcelle, sans passer par le parking clientèle, afin d'assurer une sécurisation des flux voitures de la clientèle. La société Sodino soutient que l'accroissement des flux de poids lourds sur ce chemin sera, au regard de son tracé et de sa largeur, source d'insécurité. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que ce chemin qui dessert actuellement le magasin " Super U " ainsi que l'entreprise Berry Environnement, est rectiligne et présente une largeur de chaussée d'environ cinq mètres, sans compter les accotements. Eu égard à son utilisation actuelle et au faible trafic supplémentaire généré par le magasin Lidl, il n'est pas établi que cet accès présenterait une gêne ou un risque pour la circulation. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des articles R. 111-2 du code de l'urbanisme et 3 des dispositions du plan local d'urbanisme applicables à la zone UY doit être écarté.

22. Aux termes de l'article L. 332-28 du code de l'urbanisme : " Les contributions mentionnées ou prévues au c du 2° de l'article L. 332-6-1, au d du 2° du même article, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2014-1655 du 29 décembre 2014 de finances rectificative pour 2014, et à l'article L. 332-9 dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de la loi n° 2010-1658 du 29 décembre 2010 de finances rectificative pour 2010 sont prescrites, selon le cas, par le permis de construire, le permis d'aménager, les prescriptions faites par l'autorité compétente à l'occasion d'une déclaration préalable ou l'acte approuvant un plan de remembrement. Ces actes en constituent le fait générateur. Ils en fixent le montant, la superficie s'il s'agit d'un apport de terrains ou les caractéristiques générales s'il s'agit des travaux mentionnés au premier alinéa de l'article L. 332-10 dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de la loi n° 2010-1658 du 29 décembre 2010 précitée ". Aux termes de l'article L. 332-6-1 du même code : " Les contributions aux dépenses d'équipements publics prévus au 2° de l'article L. 332-6 sont les suivantes : (...) c) La participation spécifique pour la réalisation d'équipements publics exceptionnels prévue à l'article L. 332-8 ". Aux termes de l'article L. 332-7 du code de l'urbanisme : " L'illégalité des prescriptions exigeant des taxes ou des contributions aux dépenses d'équipements publics est sans effet sur la légalité des autres dispositions de l'autorisation de construire (...) ". Aux termes de l'article L. 332-8 du même code : " Une participation spécifique peut être exigée des bénéficiaires des autorisations de construire qui ont pour objet la réalisation de toute installation à caractère industriel, agricole, commercial ou artisanal qui, par sa nature, sa situation ou son importance, nécessite la réalisation d'équipements publics exceptionnels ".

23. La société Sodino fait valoir que l'arrêté du 3 avril 2015 méconnaît l'article L. 332-28 du code de l'urbanisme en ce qu'il ne prescrit pas la participation destinée à financer l'aménagement d'une voie centrale destinée aux manoeuvres de tourne-à-gauche depuis la RD 943 pour accéder au magasin Lidl. Toutefois, une telle participation est bien prescrite par l'article 3 du permis de construire initial, et cette prescription n'a nullement été supprimée par le permis de construire modificatif. Par suite, ce moyen ne peut qu'être écarté.

24. Si la société Sodino fait également valoir que la participation prévue par la convention signée avec la commune et le département méconnaîtrait l'article L.332-8 du code de l'urbanisme en ce que les travaux de tourne-à-gauche ne relèvent pas de la notion d'équipement public exceptionnel susceptible d'être mis à la charge du pétitionnaire, elle ne peut utilement soulever un tel moyen alors qu'il n'est pas contesté que la société pétitionnaire, seule en mesure de s'en plaindre, a accepté de financer intégralement le coût de réalisation de cet équipement, et que l'illégalité d'une participation ne serait en tout état de cause pas de nature à affecter, en vertu de l'article L.332-7 du code de l'urbanisme, la légalité de l'autorisation d'urbanisme.

25. Aux termes de l'article UY7 du plan local d'urbanisme : " Pour les activités industrielles, artisanales ou commerciales: / La distance horizontale de tout point d'un bâtiment au point le plus proche de la limite parcellaire doit être au moins égale à 5 m (...) ".

26. Contrairement à ce que soutient la société Sodino, la façade nord-est du bâtiment projeté est située à 5 mètres de la limite séparative. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article UY7 manque en fait.

27. Aux termes de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales ". Aux termes de l'article UY 11 du plan local d'urbanisme : " Le permis de construire peut être refusé ou n'être accordé que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains, ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales. / Il est recommandé de consulter, préalablement à tout projet de construction, les services ou organismes de conseil en matière d'architecture ". Ces dispositions ont le même objet que celles, également invoquées par les requérants, de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme et posent des exigences qui ne sont pas moindres. Dès lors, c'est par rapport aux dispositions du règlement du plan local d'urbanisme que doit être appréciée la légalité de la décision attaquée.

28. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le bâtiment commercial projeté, de teinte neutre et claire, présentant des ouvertures et baies vitrées sur les façades donnant sur les voies publiques, malgré son importance, porterait atteinte au bâti environnant, principalement constitué d'établissements commerciaux le long de l'avenue d'Auvergne, dépourvus d'ailleurs d'attrait particulier. La circonstance que la société Lidl n'ait pas consulté les services de conseil en matière d'architecture n'a pas d'incidence sur la légalité du permis de construire dès lors que l'article UY11 n'instaure qu'une recommandation et non une obligation. Ainsi, le projet ne méconnaît pas les dispositions précitées.

29. Il résulte de tout ce qui précède que la société Sodino n'est pas fondée à demander l'annulation des arrêtés des 3 avril 2015 et 19 novembre 2015.

Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :

30. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Lidl, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande la société Sodino au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Sodino les sommes de 2 000 euros que demandent la commune de La Châtre et la société Lidl sur le même fondement.

DECIDE :

Article 1er : Les requêtes de la société Sodino sont rejetées.

Article 2 : La société Sodino versera à la commune de La Châtre une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La société Sodino versera à la société Lidl une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société par actions simplifiée Sodino, à la société Lidl, et à la commune de La Châtre. Copie en sera adressée au ministre de l'économie et des finances (Commission nationale d'aménagement commercial).

Délibéré après l'audience du 20 juin 2019 à laquelle siégeaient :

Mme Catherine Girault, président,

M. Jean-Claude Pauziès, président-assesseur,

Mme Nathalie Gay-Sabourdy, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 11 juillet 2019.

Le rapporteur,

Nathalie GAY-SABOURDY Le président,

Catherine GIRAULT

Le greffier,

Virginie MARTY

La République mande et ordonne au ministre de l'économie et des finances (Commission nationale d'aménagement commercial), et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. Pour expédition certifiée conforme.

N° 17BX03222, 17BX03327 10


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17BX03222,17BX03327
Date de la décision : 11/07/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

14-02-01-05 Commerce, industrie, intervention économique de la puissance publique. Réglementation des activités économiques. Activités soumises à réglementation. Aménagement commercial.


Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: Mme Nathalie GAY-SABOURDY
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : CABINET ALEO AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 24/09/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2019-07-11;17bx03222.17bx03327 ?
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