Vu la procédure suivante :
Procédure antérieure :
Par une décision n°2643T du 1er juillet 2015, la Commission nationale d'aménagement commercial a rejeté la demande présentée par la société Sodino tendant à l'annulation de la décision du 5 février 2015 par laquelle la commission départementale de l'aménagement commercial de l'Indre a accordé à la société LIDL une autorisation d'exploitation commerciale pour la création d'un magasin à enseigne LIDL, d'une surface de vente de 1.271 m2, situé 39 avenue d'Auvergne, à La Châtre, par transfert-agrandissement du magasin LIDL existant, d'une surface de vente de 654 m2, situé au sein de la zone d'activités de l'Auvergne à La Châtre.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 8 septembre 2015 et 11 juillet 2016, la société Sodino, représentée par MeA..., demande à la cour :
1°) d'annuler la décision n° 2643 T du 1er juillet 2015 par laquelle la commission nationale d'aménagement commercial, d'une part, a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 5 février 2015 de la commission départementale d'aménagement commercial de l'Indre et d'autre part, a autorisé ce projet ;
2°) de mettre à la charge solidaire de l'Etat et de la SNC LIDL le paiement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- il n'est pas démontré que les membres de la Commission nationale d'aménagement commercial auraient eu connaissance au moins cinq jours avant la séance au cours de laquelle sa demande a été étudiée des documents visés par l'article R. 752-35 du code de commerce ;
- la commission nationale d'aménagement commercial a commis une erreur manifeste d'appréciation en estimant que le projet participerait au renforcement de l'offre de proximité et qu'il serait de nature à contribuer à l'animation de la vie urbaine et rurale de la zone de chalandise ; avec une surface de vente de 1 271 m2, le nouveau magasin LIDL viendra nécessairement proposer une offre non pas complémentaire mais concurrente de celle du supermarché SUPER U limitrophe, d'une surface de vente de 3 500 m², offre qui n'aura donc aucun caractère alternatif à celle proposée dans ce dernier supermarché ; ainsi que l'a relevé la direction départementale des territoires de l'Indre, ce projet aura par ailleurs un impact très significatif sur l'activité des commerces du centre-ville de La Châtre ; par ailleurs, l'opération de transfert-extension décidée par la SNC LIDL n'a d'autre objet que de bénéficier de l'attractivité du supermarché SUPER U et non pas de répondre à un quelconque besoin des consommateurs, leurs besoins étant satisfaits par ce supermarché ; l'attribution de subventions FISAC révèle à cet égard l'existence d'une fragilité du tissu commercial existant, marqué également par la fermeture de trois commerces traditionnels ;
- la zone de chalandise qui a été délimitée est incohérente avec le format du projet, et comprend 18 % de population supplémentaire à celle du Super U dans sa propre demande d'extension ; un supermarché de 1 271 m2 de surface de vente n'est pas suffisamment attractif pour capter une population disposée à effectuer un trajet de 30 minutes, d'autant que l'enseigne LIDL se caractérise par ses prix bas et ses références réduites, soit une offre peu diversifiée et donc peu attrayante ; à cet égard, la commune de La Châtre connaît une régression démographique, à l'instar de la zone primaire ;
- la Commission nationale d'aménagement commercial a également commis une erreur manifeste d'appréciation en considérant que l'avenue de l'Auvergne, qui dessert le site, est suffisamment dimensionnée pour supporter l'augmentation du trafic générée et que l'accès au supermarché sera sécurisé par la création d'un tourne à gauche ; aucune étude de circulation n'a été réalisée et les flux ont été minimisés ; la réalisation du tourne à gauche ne présentait pas à la date de la décision un caractère certain, en l'absence de précisions sur les modalités techniques et le calendrier dans le projet de convention, qui n'a été signé qu'après ; en outre, cet aménagement est inadapté en termes de sécurité ; un second accès, chemin de la croix de Saint Félix, affecté exclusivement aux véhicules de livraison, ne permet pas le croisement des poids lourds et est dépourvu d'éclairage public ;
- l'accès au projet par des modes de transports alternatifs à la voiture est manifestement insuffisant ; les caractéristiques du projet ne permettent pas de s'assurer qu'il s'inscrit dans une démarche environnementale ; aucun arrêt de bus n'est recensé à une distance d'un kilomètre du projet ; malgré la présence de liaisons douces, le projet doit être regardé comme accessible aux seuls véhicules motorisés ;
- le déplacement du supermarché va entraîner la création d'une nouvelle friche commerciale, quand bien même le projet va se substituer à un bâtiment existant et peut être considéré comme de nature à faire disparaître une friche existante ; on ignore, en effet, le devenir du site actuel ; par ailleurs, aucun engagement de démantèlement et de remise en état du site n'est produit alors que les dispositions des articles R. 752-45 et suivants du code de commerce le prévoient ;
- l'artificialisation du terrain d'assiette par la construction du bâtiment et la réalisation du parc de stationnement conduira à imperméabiliser le sol sur 3 600 m² et rendra l'évacuation des eaux pluviales plus difficile, avec un risque de renvoi sur les parcelles voisines, dont celle de la requérante située en contrebas ;
- le projet n'a donné lieu à aucune réflexion pour favoriser son adaptation à l'espace dans lequel il s'insère et l'aménagement végétal du site est sommaire.
Un mémoire en production de pièces, enregistré le 24 septembre 2015, a été présenté par la commission nationale d'aménagement commercial.
Par deux mémoires en défense, enregistrés les 10 décembre 2015 et 6 février 2017, la société LIDL, ayant pour avocat la SCP Baker et McKenzie, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la société Sodino la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- il ne résulte d'aucune disposition législative ou réglementaire ni d'aucun principe que les décisions de la Commission nationale d'aménagement commercial doivent comporter des mentions attestant du respect de la règle du quorum, de la convocation régulière de ses membres ou de l'envoi dans les délais de l'ordre du jour et des documents nécessaires à ses délibérations ; en tout état de cause, le délai de convocation de cinq jours a été respecté et la convocation du 17 juin 2015 était accompagnée des pièces exigées par l'article R. 752-35 du code de commerce ;
- le projet est conforme aux objectifs d'aménagement du territoire et de développement durable ; il a pour objet l'implantation d'une grande surface commerciale alimentaire à proximité immédiate du magasin existant, dans une configuration permettant d'offrir un meilleur confort, tant à la clientèle qu'aux salariés du magasin ; même s'il constitue une offre concurrente du supermarché Super U exploité par la société requérante, le projet LIDL participera au renforcement de l'attractivité commerciale du pôle, en entrée de ville à l'est de La Châtre, en faisant profiter la clientèle d'une offre complète de commerce alimentaire, complémentaire des petits commerces du centre-ville ;
- les pôles voisins d'Argenton sur Creuse et de Châteauroux ont été intégrés dans la définition de la zone de chalandise du projet, puisqu'ils sont quasi exclusivement accessibles en voiture, de la même manière que la zone d'activité de l'Auvergne, à l'entrée de la ville de La Châtre ;
- le projet n'emporte aucun impact négatif sur les flux routiers ; les effets du projet sur les flux routiers ont fait l'objet d'une évaluation justifiée et détaillée dans le dossier de demande ; le flux de véhicules légers supplémentaire généré par le projet a été estimé à 31 véhicules par jour, alors que le trafic journalier supporté par la route départementale s'élève à 7 160 véhicules ; un tourne à gauche pour l'entrée des véhicules et une interdiction de tourner à gauche à la sortie sécuriseront les accès, et ont été actés dans un permis de construire modificatif du 19 novembre 2015 ; ces aménagements, validés par le conseil général dans son avis du 18 février 2015, présentaient un caractère certain à la date de la décision attaquée ; l'accès spécifique réservé aux poids lourds présente une capacité suffisante et leur évite un accès direct par la RD 943, et au regard des horaires de livraisons aucun conflit ne pourra exister avec les véhicules légers de la clientèle ;
- le développement des modes alternatifs de transport a été pris en considération ; des aménagements permettant la circulation à vélo et à pied sont présents ; le projet bénéficie également d'une insertion dans les réseaux de transports publics ;
- le délaissement de l'ancien bâtiment abritant actuellement le supermarché ne créera pas nécessairement une nouvelle friche commerciale, dès lors que ce bâtiment pourra être reloué ; la référence à l'obligation de démantèlement est prématurée ; en tout état de cause, elle a une démarche proactive pour rechercher un repreneur ;
- la gestion de l'espace et du traitement paysager et végétal sur le terrain d'assiette du projet est proportionnée ;
- le parti architectural d'intégration à l'environnement, opérée par des matériaux de teinte neutre et claire et des ouvertures et baies vitrées en façade, a été validé par les services d'urbanisme de la commune dans le cadre de l'instruction du permis de construire.
Par lettre du 24 avril 2017, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la cour est susceptible de soulever d'office l'irrecevabilité de la requête en ce qu'elle concerne un projet pour lequel seul le permis de construire autorisant le projet, qui tient lieu d'autorisation d'exploitation commerciale, peut faire l'objet d'un recours contentieux.
Par un mémoire, enregistré le 5 mai 2017, la société Sodino a présenté des observations en réponse au moyen d'ordre public. Elle fait valoir que dans sa lettre du 28 juillet 2015 portant notification de l'acte en litige, la commission nationale d'aménagement commercial indique qu'il s'agit d'une décision. Si la loi du 6 août 2015 a conféré à l'autorisation d'exploitation commerciale dont la demande a été déposée avant le 15 février 2015 valeur d'avis favorable, c'est dans un souci de cohérence afin que le porteur du projet puisse déposer une demande de permis de construire ne comportant pas de volet urbanisme commercial dès lors que l'autorisation d'exploitation commerciale a été précédemment accordée. A défaut, dans des hypothèses où aucun permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale n'a été sollicité, parce qu'il n'avait pas à l'être, cela interdirait au pétitionnaire de contester la décision de la commission nationale d'aménagement commercial, ce qui constituerait une méconnaissance de l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Lorsque la commission nationale d'aménagement commercial a statué, postérieurement au 15 février 2015, sur un recours introduit contre une décision de la commission départementale de l'aménagement commercial avant cette date, c'est une décision faisant grief qui est rendue.
Par une ordonnance du 31 juillet 2017, la clôture de l'instruction a été fixée au 1er septembre 2017 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de commerce ;
- le code de l'urbanisme ;
- le décret n°2008-1212 du 24 novembre 2008 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Cécile Cabanne,
- les conclusions de M. Nicolas Normand, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Par une décision du 1er juillet 2015, la Commission nationale d'aménagement commercial a rejeté le recours de la société Sodino tendant à l'annulation de la décision du 5 février 2015 par laquelle la commission départementale d'aménagement commercial de l'Indre a accordé à la société LIDL l'autorisation de créer un magasin à enseigne éponyme, d'une surface de vente de 1 271 m², par transfert-agrandissement du magasin LIDL existant, d'une surface de vente de 654 m², situé sur le territoire de la commune de La Châtre, et a autorisé le projet. La société Sodino, qui exploite un magasin Super U de 3 500 m² de surface de vente sur le terrain contigu au projet, demande l'annulation de cette décision de la Commission nationale d'aménagement commercial.
Sur les conclusions en annulation :
2. Aux termes des deux premiers alinéas de l'article L. 425-4 du code de l'urbanisme dans sa rédaction issue de l'article 39 de la loi du 18 juin 2014 relative à l'artisanat, au commerce et aux très petites entreprises : " Lorsque le projet est soumis à autorisation d'exploitation commerciale au sens de l'article L. 752-1 du code de commerce, le permis de construire tient lieu d'autorisation dès lors que la demande de permis a fait l'objet d'un avis favorable de la commission départementale d'aménagement commercial ou, le cas échéant, de la Commission nationale d'aménagement commercial. / A peine d'irrecevabilité, la saisine de la commission nationale par les personnes mentionnées à l'article L. 752-17 du même code est un préalable obligatoire au recours contentieux dirigé contre la décision de l'autorité administrative compétente pour délivrer le permis de construire. ". Aux termes du premier alinéa de l'article L. 600-1-4 du code de l'urbanisme dans sa rédaction issue de l'article 40 de la même loi : " Lorsqu'il est saisi par une personne mentionnée à l'article L. 752-17 du code de commerce d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre le permis de construire mentionné à l'article L. 425-4 du présent code, le juge administratif ne peut être saisi de conclusions tendant à l'annulation de ce permis qu'en tant qu'il tient lieu d'autorisation d'exploitation commerciale. Les moyens relatifs à la régularité de ce permis en tant qu'il vaut autorisation de construire sont irrecevables à l'appui de telles conclusions. ". En application de l'article 6 du décret du 12 février 2015 relatif à l'aménagement commercial, ces dispositions sont entrées en vigueur le 15 février 2015. En vertu du I de l'article 4 de ce décret, les dispositions relatives aux modalités de dépôt auprès du secrétariat de la commission départementale d'aménagement commercial des demandes d'autorisation d'exploitation commerciale et à l'instruction de ces demandes, applicables aux projets ne nécessitant pas de permis de construire, sont applicables aux demandes portant sur des projets nécessitant un permis de construire en cours d'instruction devant la commission départementale à la date d'entrée en vigueur du décret. En vertu du IV de cet article 4, les autorisations d'exploitation commerciale valent avis favorables de la commission départementale d'aménagement commercial ou, le cas échéant, de la commission nationale pour les demandes de permis de construire en cours d'instruction à la date d'entrée en vigueur du décret et relatives à des projets soumis à une autorisation d'exploitation commerciale. Enfin, le II de l'article 36 de la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques a ajouté à l'article 39 de la loi du 18 juin 2014 un III aux termes duquel : " Pour tout projet nécessitant un permis de construire, l'autorisation d'exploitation commerciale, en cours de validité, dont la demande a été déposée avant le 15 février 2015 vaut avis favorable des commissions d'aménagement commercial. ".
3. Il résulte de l'ensemble de ces dispositions que, s'agissant des projets soumis à autorisation d'exploitation commerciale et nécessitant un permis de construire pour lesquels la demande d'autorisation d'exploitation commerciale ou la demande de permis de construire était en cours d'instruction le 15 février 2015 ou a été déposée après cette date, c'est le permis de construire qui tient lieu d'autorisation d'exploitation commerciale lorsque la commission compétente s'est déclarée favorable au projet. Il suit de là qu'à compter de cette même date, seul le permis de construire, qui vaut autorisation d'exploitation commerciale lorsqu'un avis favorable a été délivré, peut faire l'objet du recours contentieux visé par les dispositions de l'article L. 600-1-4 du code de l'urbanisme citées au point 2. Par suite, une requête dirigée contre un avis ou une autorisation valant avis concernant de tels projets est irrecevable.
4. Il ressort des pièces du dossier que le recours de la société Sodino contre la décision de la commission départementale d'aménagement commercial de l'Indre du 5 février 2015 a été enregistré auprès de la Commission nationale d'aménagement commercial le 5 mars 2015. Le projet sur lequel porte la demande d'autorisation d'exploitation commerciale de la société LIDL nécessite un permis de construire. Un tel permis a été sollicité le 16 décembre 2014 et a été délivré le 3 avril 2015,il était donc en cours d'instruction à la date d'entrée en vigueur du décret du 12 février 2015. Ainsi, l'acte contesté de la Commission nationale d'aménagement commercial du 1er juillet 2015 vaut avis favorable de cette commission. La circonstance que le permis de construire a été délivré avant que la commission nationale ne se prononce ne faisait pas obstacle à ce qu'il soit le cas échéant attaqué en tant qu'il vaut autorisation d'exploitation commerciale.. Par suite, la requête de la société Sodino, dirigée contre une décision de la commission nationale valant avis et donc insusceptible de recours, est irrecevable et doit être rejetée.
5. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat et de la SNC LIDL, qui ne sont pas dans la présente instance les parties perdantes, la somme que la société Sodino demande sur leur fondement. Il n'y a pas lieu dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de la société Sodino la somme que demande la société LIDL au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la société Sodino est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la société LIDL présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Sodino, à la société LIDL et au ministre de l'économie et des finances (CNAC). Copie en sera adressée à la commune de La Châtre.
Délibéré après l'audience du 15 novembre 2017 à laquelle siégeaient :
Mme Catherine Girault, président,
M. Jean-Claude Pauziès, président-assesseur,
Mme Cécile Cabanne, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 14 décembre 2017.
Le rapporteur,
Cécile CABANNELe président,
Catherine GIRAULTLe greffier,
Virginie MARTY
La République mande et ordonne au ministre de l'économie et des finances en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 15BX03035