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18/03/2019 | FRANCE | N°16BX03925

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre - formation à 3, 18 mars 2019, 16BX03925


Vu la procédure suivante :

Procédures contentieuses antérieures :

Mme D...A...B...a demandé au tribunal administratif de Poitiers, d'une part, d'annuler la décision lui refusant une affectation correspondant à son grade, la décision lui refusant la mobilisation de son droit individuel à la formation et la décision ayant refusé la reconnaissance de l'imputabilité au service de sa maladie, de condamner l'Etat à lui verser la somme de 40 000 euros en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi en raison du refus de lui attribuer une affectation correspondant à s

on grade et d'enjoindre au ministre de l'intérieur de lui proposer une aff...

Vu la procédure suivante :

Procédures contentieuses antérieures :

Mme D...A...B...a demandé au tribunal administratif de Poitiers, d'une part, d'annuler la décision lui refusant une affectation correspondant à son grade, la décision lui refusant la mobilisation de son droit individuel à la formation et la décision ayant refusé la reconnaissance de l'imputabilité au service de sa maladie, de condamner l'Etat à lui verser la somme de 40 000 euros en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi en raison du refus de lui attribuer une affectation correspondant à son grade et d'enjoindre au ministre de l'intérieur de lui proposer une affectation correspondant à son grade et à ses voeux ainsi que de lui accorder la mobilisation de son droit individuel à la formation et, d'autre part, d'annuler l'arrêté du 30 janvier 2015 par lequel le ministre de l'intérieur a retiré son arrêté du 20 novembre 2013 lui accordant un maintien en activité, de condamner l'Etat à lui verser une indemnité d'au moins 110 000 euros en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi en raison du retrait de son maintien en activité et d'enjoindre au ministre de l'intérieur de la rétablir dans sa situation statutaire et de reconstituer sa carrière.

Par un jugement n°s 1402432, 1500664 du 12 octobre 2016, le tribunal administratif de Poitiers, après avoir constaté le non-lieu à statuer sur ses conclusions en annulation de la décision de refus d'imputabilité au service de sa maladie, a rejeté le surplus des demandes de Mme A...B....

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 12 décembre 2016, Mme A...B..., représentée par MeC..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Poitiers du 12 octobre 2016 ;

2°) de faire une juste appréciation des préjudices subis évalués dans les demandes de première instance ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est entaché d'omission à statuer, dès lors que les premiers juges n'ont pas examiné la situation de harcèlement moral qu'elle avait pourtant largement dénoncée dans ses écritures de première instance ; elle a en effet subi un véritable harcèlement moral pendant des années, ayant été victime, notamment, de pressions, de calomnies, de l'absence de notations et de délais anormaux dans le traitement de ses demandes qui lui ont créé des préjudices de carrière ;

- l'arrêté du 20 novembre 2013 qui lui notifie une prolongation d'activité était une décision créatrice de droits et ne pouvait donc être retiré en 2015 ;

- elle était en droit de bénéficier, dans des délais raisonnables, d'un poste correspondant à son grade, ce qui n'a pas été le cas ;

- elle n'a pas non plus pu bénéficier du droit individuel à formation.

Par une ordonnance en date du 19 février 2018, la clôture de l'instruction a été fixée au 22 mars 2018.

Le ministre de l'intérieur a présenté un mémoire en défense, enregistré le 5 février 2019, qui n'a pas été communiqué.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- le jugement n° 0900222 du 6 janvier 2010 du tribunal administratif de Lille et l'arrêt n° 337456 du Conseil d'Etat du 8 juin 2011 ;

- le jugement n° 1002565 du 9 mai 2012 du tribunal administratif de Lille ;

- l'ordonnance de référé n° 1300655 du tribunal administratif de Poitiers du 22 avril 2013, l'ordonnance de référé n° 1301055 du tribunal administratif de Poitiers du 27 mai 2013, le jugement n° 1300656, 1300665 du tribunal administratif de Poitiers du 18 septembre 2013 et l'arrêt n° 13BX03097 de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 2 décembre 2014 ;

- le jugement n° 1107967 du 18 septembre 2012 du tribunal administratif de Paris ;

- l'ordonnance de référé du tribunal administratif de Paris du 3 octobre 2012 ;

- le jugement n° 1209082 du tribunal administratif de Paris du 4 juillet 2013 ;

- le jugement n° 1101872 du tribunal administratif de Poitiers du 18 septembre 2013 ;

- le jugement n° 1302052 du tribunal administratif de Paris du 17 décembre 2013 ;

- le jugement n° 1304532, 1507812 du 22 octobre 2015 du tribunal administratif de Paris et l'arrêt n° 15PA04795 de la cour administrative d'appel de Paris du 30 décembre 2016 ;

- le jugement n° 1302809 du tribunal administratif de Poitiers du 2 décembre 2015 et l'arrêt n° 16BX00530 de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 18 mars 2019 ;

- le jugement n° 1404446, 1408772 du tribunal administratif de Paris du 25 novembre 2015 ;

- le jugement n° 1402432, 1500664 du tribunal administratif de Poitiers du 12 octobre 2016 ;

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ;

- le décret n° 2009-1744 du 30 décembre 2009 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Florence Rey-Gabriac,

- les conclusions de Mme Béatrice Molina-Andréo, rapporteur public,

- et les observations de Mme A...B....

Une note en délibéré pour Mme A...B...a été enregistrée le 18 février 2019.

Considérant ce qui suit :

1. Mme D...A...veuveB..., née le 17 avril 1955, est entrée dans les cadres de la police nationale en 1976 et a été titularisée en 1977. Elle a accédé au grade de commissaire de police en 1996. A compter du 1er septembre 2003, elle a été placée en détachement en qualité de sous-préfet d'arrondissement à Lesparre-Médoc en Gironde. Elle a été promue au grade de commissaire principal de police en 2004. Le 1er septembre 2005, elle a été nommée directrice départementale des renseignements généraux de la Charente-Maritime. A la suite de la réforme des services de renseignements du ministère de l'intérieur, Mme B...a été mutée du poste de chef du service départemental de l'information générale de la Charente-Maritime, qu'elle occupait depuis le 1er juillet 2008, à celui de coordinateur du traitement du contentieux contraventionnel à Lille le 19 janvier 2009. A partir de cette date, elle a bénéficié d'un congé de longue maladie jusqu'au 28 janvier 2013. Par arrêté du 30 janvier 2013, elle a été autorisée à reprendre son activité professionnelle et affectée en qualité de chargé de mission auprès de la direction départementale de la sécurité publique de la Vienne. Par arrêté du 13 février 2013, elle avait été admise à faire valoir ses droits à la retraite pour limite d'âge à compter du 18 avril 2013. Cependant, à la suite de différentes décisions juridictionnelles, le ministre de l'intérieur l'a, par un arrêté du 20 novembre 2013, réintégrée dans ses fonctions de chargée de mission, puis a, par un arrêté du 30 janvier 2015, retiré l'arrêté du 20 novembre 2013, ce qui l'a replacée en situation de retraite, qu'elle a effectivement prise le 14 février 2015, date de notification de l'arrêté du 30 janvier 2015. Par un arrêté du 20 avril 2016, le préfet de la zone de défense et de sécurité Sud-Ouest, a reconnu l'imputabilité au service du congé de longue maladie de MmeB.... Au titre du présent contentieux, Mme B...avait saisi le tribunal administratif de Poitiers de deux recours distincts, qui ont été joints, par lesquels elle demandait, d'une part, l'annulation des décisions par lesquelles lui ont été refusés une affectation correspondant à son grade, la mobilisation de son droit individuel à la formation et la reconnaissance de l'imputabilité au service de sa maladie ainsi que la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 40 000 euros en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi en raison du refus de lui attribuer une affectation correspondant à son grade et, d'autre part, l'annulation de l'arrêté du 30 janvier 2015 par lequel le ministre de l'intérieur a retiré son arrêté du 20 novembre 2013 lui accordant un maintien en activité ainsi que la condamnation de l'Etat à lui verser une indemnité d'au moins 110 000 euros en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi en raison du retrait de son maintien en activité. Mme B...fait appel du jugement du tribunal administratif de Poitiers du 12 octobre 2016, qui a rejeté l'ensemble de ses conclusions en annulation et en injonction, comme ses conclusions indemnitaires, en concluant en appel à ce que la cour fasse " une juste appréciation des préjudices subis évalués dans la requête de première instance au regard du comportement fautif grave persistant de l'administration ".

Sur la régularité du jugement :

2. Mme B...fait grief aux premiers juges d'avoir omis de statuer sur la situation de harcèlement moral qu'elle dit avoir subi depuis de nombreuses années avant son départ à la retraite. Cependant, ses deux recours de première instance avaient pour objet, d'une part, d'obtenir l'annulation des décisions par lesquelles lui ont été refusés une affectation correspondant à son grade, la mobilisation de son droit individuel à la formation, la reconnaissance de l'imputabilité au service de sa maladie ainsi que de l'arrêté du 30 janvier 2015 par lequel le ministre de l'intérieur a retiré son arrêté du 20 novembre 2013 lui accordant un maintien en activité et, d'autre part, d'obtenir la condamnation de l'Etat du fait des illégalités fautives commises par l'administration en édictant les décisions en cause. Si Mme B...a ainsi, dans ses écritures de première instance, évoqué une situation de harcèlement moral, elle n'a fondé aucune conclusion indemnitaire sur ce chef de préjudice. Par suite, les premiers juges, qui ont exactement répondu à tous les moyens et conclusions invoqués, n'ont commis aucune omission à statuer.

Sur les conclusions de la requête d'appel :

S'agissant des décisions attaquées devant les premiers juges :

3. Dans ses écritures d'appel, Mme B...ne formule à aucun moment de conclusion en excès de pouvoir à l'encontre des décisions qu'elle avait attaquées devant les premiers juges. Par suite, il n'y a pas lieu pour la cour de rechercher si elles doivent être annulées.

S'agissant des conclusions indemnitaires :

4. En appel, Mme B...ne les chiffre pas, mais se borne à demander à la cour de procéder à " une juste appréciation des préjudices subis ", en renvoyant la juridiction à l'évaluation faite en première instance, ce qui peut laisser supposer que Mme B...a ainsi entendu s'en remettre aux montants réclamés devant le tribunal administratif pour des chefs de préjudices identiques.

5. En premier lieu, l'annulation, par une décision juridictionnelle devenue définitive, d'une décision assortie le cas échéant d'une injonction faite à l'administration, ouvre la faculté à l'administration de retirer ou d'abroger cette décision, alors même que celle-ci serait créatrice de droits. Si Mme B...a été admise à faire valoir ses droits à la retraite par limite d'âge par arrêté du 13 février 2013, cet arrêté a été annulé par un jugement du 18 septembre 2013 du tribunal administratif de Poitiers. En exécution de ce jugement, le ministre de l'intérieur a accordé à Mme B...un maintien en activité par arrêté du 20 novembre 2013. Par un arrêt du 2 décembre 2014, la cour administrative d'appel de Bordeaux a annulé le jugement et rejeté la requête de Mme B.... En conséquence de cet arrêt, c'est à bon droit que les premiers juges ont considéré, sans entacher leur jugement de contradiction, que le ministre de l'intérieur pouvait légalement retirer l'arrêté du 20 novembre 2013, alors même qu'il constituait une décision créatrice de droits pour l'intéressée. Le ministre de l'intérieur n'ayant ainsi commis aucune illégalité fautive en retirant l'arrêté du 20 novembre 2013 qui avait accordé à Mme B...un maintien en activité, l'intéressée n'est donc pas fondée, en tout état de cause, à demander la condamnation de l'Etat à ce titre.

6. En deuxième lieu, Mme B...fait valoir que, sous réserve de dispositions statutaires particulières, tout fonctionnaire en activité tient de son statut le droit de recevoir, dans un délai raisonnable, une affectation correspondant à son grade, pour soutenir que son affectation au poste de chargé de mission auprès de la direction départementale de la sécurité publique de la Vienne, par arrêté du 30 janvier 2013, ne correspondait pas à son grade. Il ressort toutefois des pièces du dossier que, par arrêté du 13 février 2013, elle a été admise à faire valoir ses droits à la retraite pour limite d'âge à compter du 18 avril 2013. Si un maintien en activité lui a été accordé par arrêté du 20 novembre 2013, en exécution du jugement du tribunal administratif de Poitiers du 18 septembre 2013 qui a annulé l'arrêté du 13 février 2013, il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que le ministre de l'intérieur l'a légalement retiré par arrêté du 30 janvier 2015 en conséquence de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 2 décembre 2014 qui a annulé le jugement et rejeté la requête de MmeB.... Au regard de ces circonstances, Mme B...est réputée ne plus avoir la qualité de fonctionnaire en activité depuis le 18 avril 2013. Dès lors, elle ne peut utilement se prévaloir du droit de recevoir une affectation correspondant à son grade pour contester le rejet de ses candidatures à des postes en novembre 2013 et avril 2014 et n'est pas davantage fondée à demander la réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi à ce titre.

7. En troisième lieu, Mme B...ne critique pas utilement la fin de non-recevoir retenue par les premiers juges à l'encontre de la décision de refus de mobilisation du droit individuel à la formation, tirée de l'inexistence d'une telle décision. Par suite, en tout état de cause, une demande indemnitaire qui serait fondée sur l'illégalité fautive d'une telle décision ne peut qu'être rejetée.

8. En quatrième lieu, il n'y a pas lieu de statuer sur un préjudice qui serait issu du refus de reconnaître l'imputabilité au service de l'état de santé de MmeB..., dès lors que, comme l'ont déjà mentionné les premiers juges, par une décision en date du 20 avril 2016, le préfet de la zone de défense et de sécurité Sud-Ouest a reconnu cette imputabilité.

9. En dernier lieu, à supposer que Mme B...ait entendu, en appel, fonder ses demandes indemnitaires sur des chefs de préjudices qui seraient nouveaux en appel et rattachés à des faits générateurs nouveaux, distincts des illégalités fautives dont seraient entachées les décisions attaquées devant le tribunal administratif, cette circonstance rendrait lesdites conclusions indemnitaires irrecevables.

10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B...n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté ses demandes.

Sur les conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Ces dispositions font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande Mme B...sur ce fondement.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme B...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D...A...veuve B...et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 13 février 2019 à laquelle siégeaient :

M. Pierre Larroumec, président,

M. Pierre Bentolila, président-assesseur,

Mme Florence Rey-Gabriac, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 18 mars 2019.

Le rapporteur,

Florence Rey-GabriacLe président,

Pierre Larroumec

Le greffier,

Cindy Virin

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition certifiée conforme.

Le greffier,

Cindy Virin

4

N° 16BX03925


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16BX03925
Date de la décision : 18/03/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-05-01-01 Fonctionnaires et agents publics. Positions. Affectation et mutation. Affectation.


Composition du Tribunal
Président : M. LARROUMEC
Rapporteur ?: Mme Florence REY-GABRIAC
Rapporteur public ?: Mme MOLINA-ANDREO
Avocat(s) : CABINET OPTIMA ROCHEFORT

Origine de la décision
Date de l'import : 20/03/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2019-03-18;16bx03925 ?
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