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30/12/2016 | FRANCE | N°15PA04795

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 10ème chambre, 30 décembre 2016, 15PA04795


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E...A..., veuveB..., a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 5 mars 2013 du ministre de l'intérieur relatif au tableau d'avancement au grade de commissaire divisionnaire de police au titre de l'année 2013 et d'enjoindre au ministre, sous astreinte, de lui permettre de poursuivre sa carrière et de procéder à la reconstitution de celle-ci.

Mme E...A..., veuveB..., a par ailleurs demandé au Tribunal administratif de Lille d'annuler la nomination de M. D...F...au grade de

commissaire divisionnaire à effet du 1er janvier 2013, d'enjoindre, sous astr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E...A..., veuveB..., a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 5 mars 2013 du ministre de l'intérieur relatif au tableau d'avancement au grade de commissaire divisionnaire de police au titre de l'année 2013 et d'enjoindre au ministre, sous astreinte, de lui permettre de poursuivre sa carrière et de procéder à la reconstitution de celle-ci.

Mme E...A..., veuveB..., a par ailleurs demandé au Tribunal administratif de Lille d'annuler la nomination de M. D...F...au grade de commissaire divisionnaire à effet du 1er janvier 2013, d'enjoindre, sous astreinte, au ministre de l'intérieur de la promouvoir au grade supérieur et de reconstituer sa carrière, enfin, de condamner l'Etat à lui verser une indemnité de 165 000 euros en réparation du préjudice subi. Le jugement de cette demande a été attribué au Tribunal administratif de Paris par une ordonnance n° 389529 du 5 mai 2015 du président de la section du contentieux du Conseil d'Etat.

Par un jugement n° 1304532, 1507812/5-1 du 22 octobre 2015, le Tribunal administratif de Paris a condamné l'Etat à verser à Mme A...une somme de 2 000 euros à titre de réparation de son préjudice moral et a rejeté le surplus de ses demandes.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 22 décembre 2015 et complétée par des pièces enregistrées le 22 septembre 2016, et un nouveau mémoire enregistré le 25 novembre 2016, MmeA..., représentée par MeC..., demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 1304532, 1507812/5-1 du 22 octobre 2015 par lequel le Tribunal administratif de Paris n'a que partiellement fait droit à ses demandes ;

2°) d'annuler l'arrêté du 5 mars 2013 du ministre de l'intérieur relatif au tableau d'avancement au grade de commissaire divisionnaire de police au titre de l'année 2013 ;

3°) d'enjoindre, sous astreinte, au ministre de l'intérieur, de lui permettre de poursuivre sa carrière et de procéder à la reconstitution de celle-ci ;

4°) de condamner l'Etat à lui verser une indemnité en réparation des préjudices matériel et moral en raison de son absence de promotion au titre de l'année 2013 et des dysfonctionnements dans la gestion de sa carrière ;

5°) de condamner l'Etat à lui verser une indemnité de 165 000 euros comme demandé dans sa réclamation préalable en réparation du préjudice subi ;

6°) d'annuler la nomination de M. D...F...au grade de commissaire divisionnaire de police à compter du 1er janvier 2013 ;

7°) d'enjoindre, sous astreinte, au ministre de l'intérieur de la promouvoir au grade supérieur et de reconstituer sa carrière ;

8°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision de ne pas la promouvoir a été prise avant que la commission administrative paritaire ne se fût réunie, le 8 février 2013, dès lors que l'administration l'avait informée par courrier du 17 décembre 2012 des conditions d'admission à la retraite, de sorte que l'arrêté du 5 mars 2013 a été pris à l'issue d'une procédure irrégulière et est entaché de détournement de pouvoir compte tenu des recours contentieux qu'elle avait introduits ;

- l'arrêté du 20 mars 2013 promouvant M. F...est entaché d'illégalité interne dès lors que l'intéressé ne remplissait pas la condition d'ancienneté de services effectifs prévue à l'article 14 du décret du 2 août 2005 et de détournement de pouvoir ;

- elle a subi un préjudice moral et de carrière important lié au refus de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle pour des attaques ayant entraîné une dégradation de son état de santé reconnu imputable au service et eût dû, lorsqu'elle a réintégré son corps d'origine, être reclassée à l'indice 782 en vertu de l'article 5 de la loi n° 2009-972 du 3 août 2009.

Un mémoire, enregistré le 13 décembre 2016, a été présenté par le ministre de l'intérieur.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la défense ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- la loi n° 84-834 du 13 septembre 1984 ;

- le décret n° 96-442 du 14 mars 1986 ;

- le décret n° 95-654 du 9 mai 1995 ;

- le décret n° 2005-939 du 2 août 2005 ;

- le décret n° 2010-888 du 28 juillet 2010 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Auvray,

- les conclusions de M. Ouardes, rapporteur public,

- et les observations de MmeA..., veuveB....

Une note en délibéré, enregistrée le 22 décembre 2016, a été présentée par MmeA..., veuveB....

1. Considérant que, par l'arrêté contesté du 5 mars 2013, le ministre de l'intérieur a établi le tableau d'avancement au grade de commissaire divisionnaire de police au titre de l'année 2013, sans qu'y figure le nom de Mme A...tandis qu'y était inscrit en deuxième place M. F... qui, par un arrêté également contesté du 20 mars 2013 du ministre, a été promu à ce grade à effet du 1er janvier 2013 ; que Mme A...a formé un recours gracieux dirigé contre l'arrêté du 5 mars 2013 ; que, par ailleurs l'intéressée, placée en congé de longue durée à compter de 2009 après avoir fait l'objet d'attaques personnelles d'une rare violence, a, par courrier du 22 septembre 2012, sollicité du ministre de l'intérieur le versement d'une somme de 165 000 euros en réparation notamment des préjudices moral et de carrière qu'elle estime avoir subis ; que l'intéressée relève appel du jugement par lequel le tribunal n'a fait droit à sa demande indemnitaire qu'à hauteur de 2 000 euros et rejeté le surplus de ses demandes ;

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

Quant aux conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 5 mars 2013 :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 58 de la loi du 11 janvier 1984 susvisée : " (...) l'avancement de grade a lieu, selon les proportions définies par les statuts particuliers, suivant l'une ou plusieurs modalités ci-après : 1° Soit au choix, par voie d'inscription à un tableau d'avancement, établi après avis de la commission administrative paritaire, par appréciation de la valeur professionnelle et des acquis de l'expérience professionnelle des agents (...) " ; qu'aux termes de l'article 13 du décret du 2 août 2005 susvisé : " La durée du temps passé dans chaque échelon est fixée ainsi qu'il suit :1° Six mois pour le 1er échelon du grade de commissaire de police, 2° Un an pour les échelons d'élève, de stagiaire et pour les 2ème, 3ème et 4ème échelons du grade de commissaire de police ; 3° Un an et six mois pour le 5ème échelon du garde de commissaire de police ; 4° Deux ans pour les 6ème, 7ème et 8ème échelons du grade de commissaire de police, et les 1er, 2ème et 3ème échelons du grade de commissaire divisionnaire de police (...) " ; qu'aux termes de l'article 14 du même décret : " L'avancement de grade a lieu au choix par voie d'inscription à un tableau annuel d'avancement établi après avis de la commission administrative paritaire. / Peuvent être inscrits au tableau d'avancement pour l'accès au grade de commissaire divisionnaire de police, les commissaires de police qui, au 31 décembre de l'année pour laquelle le tableau est dressé, comptent au moins neuf ans de services effectifs en qualité de titulaire dans ce grade, ont suivi une période de formation professionnelle à l'Ecole nationale supérieure de police et qui ont satisfait à l'obligation de mobilité (...) / Les services accomplis au titre de la mobilité sont assimilés à des services effectifs accomplis dans le corps de conception et de direction de la police nationale (...) " ; qu'enfin, l'article 17 du décret du 9 mai 1995 dispose : " Pour l'établissement du tableau d'avancement de grade qui est soumis à l'avis des commissions administratives paritaires, il est procédé à un examen approfondi de la valeur professionnelle des agents susceptibles d'être promus compte tenu des notes obtenues par les intéressés, des propositions motivées formulées par les chefs de service et de l'appréciation portée sur leur manière de servir. Cette appréciation prend en compte les difficultés des emplois occupés et les responsabilités particulières qui s'y attachent ainsi que, le cas échéant, les actions de formation continue suivies ou dispensées par le fonctionnaire et l'ancienneté " ;

3. Considérant, en premier lieu, que si pour procéder à la consultation de la commission administrative paritaire sur son projet de tableau annuel d'avancement au grade supérieur d'un corps, l'autorité administrative compétente n'est pas tenue, en vertu des dispositions rappelées au point précédent, de faire figurer l'ensemble des agents remplissant les conditions pour être promus, elle doit, en revanche, d'une part, préalablement à la présentation du projet de tableau, avoir procédé à un examen de la valeur professionnelle de chacun des agents remplissant les conditions pour être promu, d'autre part, tenir à la disposition de la commission administrative paritaire les éléments sur lesquels elle s'est fondée pour établir son projet de tableau après avoir comparé les mérites respectifs des agents ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le ministre de l'intérieur a soumis à la commission administrative paritaire nationale compétente à l'égard du corps de conception et de direction de la police nationale, qui s'est réunie le 8 février 2013, la liste des agents remplissant les conditions pour être promus au grade de commissaire divisionnaire, au nombre desquels figure MmeA..., ainsi que la liste des candidats proposés à l'avancement par l'administration ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que les membres de la commission n'auraient pas été en mesure d'obtenir les éléments sur lesquels l'administration s'est fondée pour établir son projet de tableau d'avancement, ni d'évoquer des candidatures que l'administration n'avait pas retenues dans son projet de tableau ; qu'à cet égard, la circonstance que le ministre de l'intérieur ait informé MmeA..., par courrier du 17 décembre 2012, qu'elle serait atteinte par la limite d'âge le 17 avril 2013, n'est pas de nature à établir que sa candidature à l'avancement au grade de commissaire divisionnaire n'aurait pas été examinée par la commission ; qu'il suit de là que le moyen tiré du défaut de consultation de la commission administrative paritaire nationale doit être écarté ; que le détournement de pouvoir allégué en raison de l'attitude hostile qu'aurait rencontrée la requérante de la part des représentants du syndicat des commissaires de police siégeant à la commission administrative paritaire nationale n'est pas établi par le seul courriel qui, produit par l'intéressée, exprime la désapprobation d'un des représentants de ce syndicat quant aux actions contentieuses engagées par Mme A...à l'encontre de la promotion de l'un de ses collègues ;

5. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 4139-2 du code de la défense, dans sa rédaction applicable à l'espèce : " Le militaire, remplissant les conditions de grade et d'ancienneté fixées par décret, peut, sur demande agréée, après un stage probatoire, être détaché pour occuper des emplois vacants et correspondant à ses qualifications au sein des administrations de l'Etat, des collectivités territoriales, de la fonction publique hospitalière (...), nonobstant les règles de recrutement pour ces emplois (...) / Après un an de détachement, le militaire peut demander, dans les conditions fixées par décret en Conseil d'Etat, son intégration ou sa titularisation dans le corps ou le cadre d'emploi dont relève l'emploi considéré, sous réserve de la vérification de son aptitude (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 4139-19 de ce code : " A l'issue du détachement, le militaire peut demander son intégration dans le corps dans lequel il a été détaché " ; qu'aux termes du troisième alinéa de l'article R. 4139-20-1 du même code : " Les services militaires sont assimilés à des services effectifs accomplis dans le corps et le grade d'intégration pour l'avancement dans le corps d'accueil, dans la limite de la durée maximale d'ancienneté nécessaire pour atteindre l'échelon du grade dans lequel le militaire a été classé à partir du premier échelon du premier grade du corps d'accueil " ; qu'enfin, il résulte des termes de l'article 14 du décret du 2 août 2005 cités au point 2 du présent arrêt, que peuvent être inscrits au tableau d'avancement pour l'accès au grade de commissaire divisionnaire, les commissaires de police qui, au 31 décembre de l'année pour laquelle le tableau d'avancement est établi, comptent au moins neuf ans de services effectifs en qualité de titulaire dans ce grade ;

6. Considérant que Mme A...soutient que l'arrêté contesté serait entaché d'une erreur de droit pour comporter le nom de M.F..., alors qu'il ne justifierait pas d'au moins neuf ans de services effectifs en qualité de titulaire dans le grade de commissaire de police ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que M.F..., ancien militaire, a, en application des dispositions de l'article L. 4139-2 du code de la défense, été mis à disposition des services du ministère de l'intérieur par arrêté du 5 octobre 2005 puis placé, à compter du 15 décembre suivant, en service détaché auprès des mêmes services afin de suivre un stage de formation des commissaires de police à l'Ecole nationale supérieure de police ; que, par décret du 25 janvier 2007, il a été intégré à effet du 15 décembre 2006 dans le grade de commissaire de police ; que, par arrêté du 5 février 2007, il a bénéficié d'un reclassement dans ce grade au 6ème échelon, également à effet du 15 décembre 2006 ; qu'en application des articles R. 4139-20 et R. 4139-20-1 du code de la défense, ce même arrêté a fixé son ancienneté dans le corps de commissaire de police au 1er août 1991, compte tenu du temps accompli en qualité d'officier de marine ; que le 1er janvier 2013, date d'effet de sa promotion au grade de commissaire divisionnaire, il justifiait ainsi de l'ancienneté requise au titre des services effectifs en qualité de titulaire dans le grade ; que, par ailleurs, si Mme A...relève que M. F...n'a pas satisfait à son obligation de formation professionnelle ainsi qu'il ressort d'une fiche remplie en vue de l'avancement au grade de commissaire divisionnaire, cette fiche concerne la promotion au titre de l'année 2012, tandis que le ministre de l'intérieur soutient que l'intéressé a, le 5 novembre 2012, satisfait à cette obligation, qui pouvait être accomplie jusqu'au 31 décembre 2013, l'obligation de mobilité ayant été remplie du 18 décembre 2009 au 18 décembre 2011 ; qu'il suit de là que, contrairement à ce que soutient MmeA..., M. F...remplissait, au titre de l'année 2013, les conditions fixées à l'article 14 du décret du 2 août 2005 pour être promu au grade de commissaire divisionnaire ; que le moyen tiré de ce que l'arrêté du 5 mars 2013 serait entaché d'une erreur de droit doit être écarté comme manquant en fait ;

7. Considérant, en troisième lieu, qu'il résulte des dispositions citées au point 2 que, d'une part, les fonctionnaires, même s'ils remplissent les conditions statutaires requises pour bénéficier d'une promotion au choix, ne détiennent aucun droit à être inscrits sur un tableau d'avancement, d'autre part, que l'avancement des agents dépend du seul critère de leur valeur professionnelle, l'ancienneté ne pouvant être prise en compte que de manière subsidiaire, en vue de départager les candidats dont les mérites seraient identiques ; qu'il ressort des pièces du dossier que Mme A...a été placée en congé de maladie à compter du 19 janvier 2009 et que ce congé a été prolongé jusqu'au 28 janvier 2013 ; que, par un arrêté du 30 janvier 2013, elle a été affectée en qualité de chargée de mission auprès du directeur départemental de la sécurité publique de la Vienne à effet du 28 janvier 2013 ; que le ministre de l'intérieur fait valoir, à juste titre, que l'intéressée n'a pu faire l'objet d'une notation au titre des années 2010 à 2012 en raison de son placement en congé de maladie ; qu'en effet, si, sauf dérogation prévue par les statuts particuliers, une note chiffrée accompagnée d'une appréciation écrite exprimant sa valeur professionnelle doit être attribuée chaque année à tout fonctionnaire en activité, cette règle est subordonnée à la présence effective du fonctionnaire au cours de l'année en cause pendant une durée suffisante, eu égard notamment à la nature des fonctions qu'il exerce, pour permettre à son chef de service d'apprécier sa valeur professionnelle ; qu'il ressort des pièces du dossier que, pour sa part, M.F..., dont l'appelante soutient qu'il ne remplissait pas les conditions pour être promu, a obtenu la note de 7+ pour 2010 et de 7 pour 2011 et 2012 et a fait l'objet, au titre de ces trois années, d'observations très favorables de la part de son supérieur hiérarchique ; que, dans ces conditions, et en dépit de la qualité des états de service dont Mme A...peut se prévaloir pour la période antérieure à son placement en congé de maladie, intervenu en janvier 2009, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en ne retenant pas la candidature de Mme A...pour l'avancement au grade de commissaire divisionnaire de police au titre de l'année 2013, le ministre de l'intérieur aurait commis une erreur manifeste d'appréciation ;

8. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article 6 de la loi du 13 juillet 1983 susvisée : " (...) Aucune distinction, directe ou indirecte, ne peut être faite entre les fonctionnaires en raison (...) de leur état de santé (...) " ; qu'aux termes de l'article 40 du décret du 14 mars 1986 susvisé : " Le temps passé en congé pour accident de service, de maladie, de longue maladie ou de longue durée avec traitement, demi-traitement ou pendant une période durant laquelle le versement du traitement a été interrompu en application des articles 39 et 44 du présent décret est valable pour l'avancement à l'ancienneté et entre en ligne de compte dans le minimum de temps valable pour pouvoir prétendre au grade supérieur (...) " ; que, contrairement à ce que soutient MmeA..., il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle aurait fait l'objet d'une discrimination tenant à son état de santé alors surtout que, comme il a été dit, la situation de l'intéressée a été examinée par la commission administrative paritaire pour son avancement, au choix, au grade de commissaire divisionnaire ;

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme A...n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du 5 mars 2013 portant tableau d'avancement au grade de commissaire divisionnaire de police au titre de l'année 2013 ;

Quant aux conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 20 mars 2013 portant nomination de M. F...au grade de commissaire divisionnaire de police :

10. Considérant, en premier lieu, que, ainsi qu'il a été dit au point 4, il ne ressort pas des pièces du dossier que la candidature de Mme A...à l'avancement au grade de commissaire divisionnaire de police n'aurait pas fait l'objet d'un examen par la commission administrative paritaire nationale réunie le 8 février 2013 ; que le moyen tiré du défaut d'examen de la candidature de l'intéressée doit, dès lors, être écarté ;

11. Considérant, en deuxième lieu, que Mme A...soutient que M. F...ne remplissait pas, à la date de sa nomination, les conditions, prévue à l'article 14 du décret du 2 août 2005, pour être promu au grade de commissaire divisionnaire de police ; qu'il résulte de ce qui a été dit au point 6 que ce moyen manque en fait ;

12. Considérant, en troisième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que MmeA..., alors placée en congé de maladie, n'a fait l'objet d'aucune notation au titre des années 2010 à 2012 ; que M. F...a obtenu la note de 7+ pour 2010 et de 7 au titre des deux années suivantes ; que la fiche de proposition à l'avancement de ce dernier pour 2012 comporte les appréciations suivantes : " collaborateur efficace et très impliqué dans tous les aspects de ses fonctions. Aussi à l'aise dans la gestion du quotidien que dans la réflexion et l'innovation, il dispose, sans restriction, des qualités humaines et professionnelles nécessaires pour réussir en tant que chef de circonscription de sécurité publique " ; que, dans ces conditions, il ne ressort pas des pièces du dossier que le ministre de l'intérieur aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en procédant, par l'arrêté contesté, à la nomination de M. F...au grade de commissaire divisionnaire de police ; que, dans ces circonstances, il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que le principe d'égalité de traitement des agents d'un même corps aurait été méconnu ;

13. Considérant, en quatrième lieu, que les moyens tirés de ce que Mme A...aurait été victime d'un détournement de pouvoir et d'une discrimination en raison de son état de santé, doivent être écartés pour les motifs développés aux points 4 et 8, s'agissant en outre d'une promotion au choix et non à l'ancienneté ;

14. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme A...n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du 20 mars 2013 portant nomination de M. F...au grade de commissaire divisionnaire de police ;

Quant aux conclusions à fin d'injonction :

15. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation formulées par Mme A...à l'encontre des arrêtés des 5 et 20 mars 2013, n'implique pas, à ce titre, de mesure d'exécution ; que les conclusions de l'intéressée tendant à ce qu'il soit enjoint au ministre de lui permettre de poursuivre sa carrière et de procéder à la reconstitution de cette dernière doivent, par voie de conséquence, être rejetées ;

Quant aux conclusions indemnitaires :

16. Considérant que Mme A...fait valoir que l'administration a commis plusieurs fautes dans la gestion de sa carrière susceptibles d'engager la responsabilité de l'Etat à son égard ;

17. Considérant qu'il résulte de l'instruction que MmeA..., dont la façon de servir avait fait l'objet d'excellentes appréciations en tant que commissaire de police ainsi que durant sa période de détachement dans le corps préfectoral en qualité de sous-préfet entre le 1er septembre 2003 et le 31 août 2005, a subi en 2008 des attaques personnelles et publiques d'une rare violence, allant jusqu'à des menaces de mort, ayant justifié le bénéfice de la protection fonctionnelle accordée par le ministre de l'intérieur en exécution du jugement n° 1002565 rendu le 9 mai 2012 par le Tribunal administratif de Lille ; qu'à la suite de ces attaques, à l'origine d'une rupture dans la carrière, jusque-là prometteuse, de l'intéressée, celle-ci a été placée en congé de maladie de longue durée du 19 janvier 2009 au 28 janvier 2013 ; qu'en outre, il résulte également de l'instruction et, en particulier, d'un arrêté du 20 avril 2016 du préfet de la zone de défense et de sécurité du Sud-Ouest, produit pour la première fois en cause d'appel, que l'état de santé de Mme A...a été reconnu imputable au service en raison des attaques d'une particulière gravité qu'elle a subies en 2008 et qui ont nécessairement affecté les membres de sa famille ; que l'intéressée demande la réparation du préjudice moral, des troubles dans ses conditions d'existence, du préjudice de carrière et du préjudice financier qui ont résulté de cette situation ;

18. Considérant qu'il résulte de l'instruction que Mme A...n'a fait l'objet d'aucune évaluation non seulement pendant qu'elle était placée en congé de maladie, mais aussi au titre des années 2007 et 2008 ; qu'en outre, comme il a été dit au point précédent, l'intéressée avait, jusqu'en 2006 inclus, obtenu d'excellentes appréciations sur sa façon de servir et remplissait les conditions statutaires pour être promue au grade de commissaire divisionnaire de police eu égard à son ancienneté et au fait qu'elle avait, dès 2006, satisfait à son obligation de formation professionnelle prévue par le décret du 2 août 2005 ; que, dans ces conditions, Mme A...est fondée à demander à être indemnisée de la perte de chance sérieuse qu'elle a subie d'être promue au grade de commissaire divisionnaire de police du fait de dysfonctionnements dans la gestion de sa carrière, promotion qui, en outre, lui eût permis de poursuivre son activité professionnelle au-delà du 17 avril 2013, date à laquelle elle a été admise à la retraite pour limite d'âge ; qu'il sera fait une juste appréciation de ce préjudice en l'évaluant à 15 000 euros ; que, s'agissant du préjudice moral ainsi que des troubles dans les conditions d'existence et eu égard, notamment, au fait qu'il est établi que l'état de santé de MmeA..., qui a justifié un congé maladie de longue durée de plus de quatre ans, était imputable au service, il y a lieu de porter son indemnisation, fixée à 2 000 euros par les premiers juges, à 10 000 euros ; qu'en outre, Mme A...relève qu'alors qu'elle avait atteint l'indice 782 en 2005 en tant que détachée dans le corps préfectoral, elle n'a été réintégrée, en 2006, qu'à l'indice 695 dans le corps de conception et de direction de la police nationale ; que, toutefois, contrairement à ce que soutient l'intéressée, l'administration n'a, en procédant ainsi, commis aucune illégalité dès lors que les dispositions de l'article 45 de la loi du 11 janvier 1984 dont elle se prévaut, aux termes desquelles à l'expiration du détachement du fonctionnaire, il est tenu compte, lors de sa réintégration, du grade et de l'échelon qu'il a atteints dans le corps de détachement s'ils lui sont plus favorables, résultent, en tout état de cause, d'une disposition postérieure aux faits de l'espèce, introduite par l'article 5 de la loi du 3 août 2009 ;

19. Considérant que la requérante formule également des conclusions tendant à être indemnisée des pertes de rémunération qu'elle a subies pendant qu'elle se trouvait en congé de maladie de longue durée du 19 janvier 2009 au 27 janvier 2013 motif pris que ce congé est imputable au service, ce que l'administration a du reste reconnu par arrêté du 20 avril 2016 du préfet de la zone de défense et de sécurité Sud-Ouest ; que, dans sa demande préalable en date du 22 septembre 2012, à laquelle l'intéressée se réfère expressément dans ses écritures tant devant les premiers juges que devant la Cour, Mme A...réclame, d'une part, 61 920 euros au titre de la perte financière qu'elle a subie durant une période qu'elle limite à trois ans, résultant de la perte des primes qu'a entraînée son placement en congé de longue durée, d'autre part, 8 610 euros du fait qu'entre le mois de janvier et le mois de juillet 2012, elle n'a été rémunérée qu'à

demi-traitement ;

20. Considérant que dès lors qu'il est constant que le congé de maladie pour longue durée mentionné au point précédent était imputable au service, Mme A...a droit à réparation du préjudice financier subi du fait de la perte de son traitement ainsi que de la perte des primes et indemnités dont elle avait, pour la période en cause, une chance sérieuse de bénéficier, à l'exception de celles qui, eu égard à leur nature, à leur objet et aux conditions dans lesquelles elles sont versées, sont seulement destinées à compenser des frais, charges ou contraintes liés à l'exercice effectif des fonctions, notamment le logement de fonctions ; que les éléments versés aux débats ne permettant pas à la Cour de déterminer le montant des primes et indemnités dont l'intéressée avait une chance sérieuse de bénéficier, il y a lieu de renvoyer l'intéressée devant l'administration pour qu'elle procède au calcul de ces éléments de rémunération accessoire afférents à la période de trois ans courue à compter du 19 janvier 2009 ; qu'en revanche, les conclusions de la requérante tendant à la condamnation de l'Etat à réparer la perte qu'elle a subie du fait qu'elle n'a perçu qu'un demi-traitement à compter de la troisième année sont, dans le cadre de la présente instance, devenues sans objet dès lors que l'arrêté du 7 juillet 2016 du préfet de la zone de défense et de sécurité Sud-Ouest prévoit que l'intéressée percevra l'intégralité de son traitement durant toute la durée de son congé de longue durée du 19 janvier 2009 au 27 janvier 2013, par voie de conséquence de la reconnaissance rétroactive de son imputabilité au service ;

21. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme A...est fondée à demander que l'Etat soit condamné à lui verser une indemnité globale de 25 000 euros ainsi qu'une somme représentant le montant des primes et indemnités qui auraient dû lui être versées durant une période de trois ans à compter du 19 janvier 2009 ; qu'il y a en conséquence lieu de réformer dans cette mesure le jugement attaqué ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

22. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à MmeA..., veuveB..., d'une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par cette dernière à l'occasion du litige soumis au juge et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : L'Etat est condamné à verser à MmeA..., veuveB..., une somme de 25 000 (vingt-cinq mille) euros à titre de réparation du préjudice moral, des troubles dans les conditions d'existence et du préjudice de carrière.

Article 2 : L'Etat est condamné à verser à Mme A...une somme égale au montant des primes et indemnités telles que définies au point 20 du présent arrêt au titre d'une période de trois ans à compter du 19 janvier 2009.

Article 3 : Le jugement n° 1304532, 1507812/5-1 du 22 octobre 2015 du Tribunal administratif de Paris est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à MmeA..., veuveB..., une somme de 2 000 (deux mille) euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E...A..., veuveB..., au ministre de l'intérieur et à M.F....

Délibéré après l'audience du 15 décembre 2016 à laquelle siégeaient :

M. Krulic, président de chambre,

M. Auvray, président-assesseur,

Mme Mielnik-Meddah, premier conseiller,

Lu en audience publique le 30 décembre 2016.

Le rapporteur,

B. AUVRAY

Le président,

J. KRULICLe greffier,

C. RENE-MINE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 15PA04795


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 10ème chambre
Numéro d'arrêt : 15PA04795
Date de la décision : 30/12/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Notation et avancement - Avancement - Avancement de grade - Tableaux d'avancement.

Fonctionnaires et agents publics - Statuts - droits - obligations et garanties - Statuts spéciaux - Personnels de police (voir : Police administrative).


Composition du Tribunal
Président : M. KRULIC
Rapporteur ?: M. Brice AUVRAY
Rapporteur public ?: M. OUARDES
Avocat(s) : SOCIETE OPTIMA AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 17/01/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2016-12-30;15pa04795 ?
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