Vu le recours enregistré le 19 novembre 2013 sous forme de télécopie et régularisé par courrier le 22 novembre 2013 présenté par le ministre de l'intérieur ;
Le ministre de l'intérieur demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1300656, 1300657, du 18 septembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a annulé, à la demande de Mme E...C..., l'arrêté du 13 février 2013 par lequel le ministre de l'intérieur a prononcé sa mise à la retraite à compter du 18 avril 2013 et a condamné l'Etat à lui verser la somme de 20 000 euros en réparation du préjudice moral qui lui a été causé par cette décision;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme C...devant le tribunal administratif de Poitiers;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat ;
Vu la loi n° 84-834 du 13 septembre 1984 relative à la limite d'âge dans la fonction publique et le secteur public ;
Vu le décret n° 2005-939 du 2 août 2005 portant statut particulier du corps de conception et de direction de la police nationale ;
Vu le décret n° 2009-1744 du 30 décembre 2009 pris pour l'application de l'article 1-3 de la loi n° 84-834 du 13 septembre 1984 relative à la limite d'âge dans la fonction publique et le secteur public;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 novembre 2014 :
- le rapport de M. Jean-Pierre Valeins, président assesseur ;
- les conclusions de M. David Katz, rapporteur public ;
- en présence de M.B..., représentant le ministre de l'intérieur ;
1. Considérant que MmeC..., née le 17 avril 1955, est entrée dans la police nationale en 1976 et a obtenu le grade de commissaire de police en 1994 puis le grade de commissaire principal de police en 2004, reclassée dans le grade de commissaire de police par application du décret susvisé du 2 août 2005 ; que, par arrêté du ministre de l'intérieur du 13 février 2013, elle a été admise à faire valoir ses droits à la retraite par limite d'âge, à 58 ans, à compter du 18 avril 2013 ; qu'elle en a demandé l'annulation au tribunal administratif de Poitiers ainsi que la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 50 000 euros en réparation du préjudice moral causé par cette décision ; que, par jugement du 18 septembre 2013, le tribunal administratif, estimant, d'une part, que Mme C...avait été empêchée d'être promue au grade de commissaire divisionnaire et donc de pouvoir bénéficier d'une limite d'âge au-delà de 58 ans, d'autre part, que l'intéressée avait été victime d'agissements visant à la dissuader de déposer une demande de prolongation d'activité, a annulé l'arrêté du 18 avril 2013 comme étant entaché de détournement de pouvoir ; que, par le même jugement, le tribunal administratif a condamné l'Etat à verser à Mme C...la somme de 20 000 euros en réparation du préjudice moral que lui avait causé cet arrêté ; que le ministre de l'intérieur relève appel du jugement ; que, par la voie de l'appel incident, Mme C...demande la réformation du jugement en tant qu'il a limité à 20 000 euros la condamnation de l'Etat et conclut à ce que cette somme soit portée à 50 000 euros ;
Sur la recevabilité du recours du ministre de l'intérieur :
2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier de première instance que le jugement attaqué a été notifié et reçu par les services du ministère de l'intérieur le 19 septembre 2013; que le recours du ministre de l'intérieur contre le jugement a été enregistré au greffe de la cour le 19 novembre 2013 sous forme de télécopie et régularisé par courrier le 22 novembre 2013 dans le délai du recours contentieux de deux mois prévu par les dispositions de l'article R. 811-2 du code de justice administrative; que, par suite, la fin de non recevoir opposée par Mme C...tirée de la tardiveté du recours du ministre de l'intérieur doit être écartée ;
Sur le bien-fondé du recours du ministre de l'intérieur :
3. Considérant, en premier lieu, que Mme C...soutient que sa promotion au grade de commissaire divisionnaire, à laquelle l'administration avait volontairement fait obstacle, aurait eu pour effet de prolonger son activité au-delà de la limite d'âge de 58 ans applicable aux commissaires de police divisionnaires ; que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a estimé qu'en effet Mme C...avait été empêchée d'être promue à ce grade alors qu'elle remplissait depuis 2005 les conditions requises de mobilité et d'ancienneté, qu'elle avait exercé des fonctions à haute responsabilité et que sa valeur professionnelle n'avait jamais été remise en cause ; que toutefois une telle argumentation ne pouvait être retenue à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir tendant à l'annulation de l'arrêté du 18 avril 2013 d'admission à la retraite par limite d'âge dès lors que Mme C...n'excipait de l'illégalité d'aucune décision individuelle précise qui ne serait pas devenue définitive et notamment de l'illégalité d'un refus de la promouvoir au grade de commissaire divisionnaire qui aurait privé de base légale son maintien dans le grade de commissaire de police et la décision attaquée ; que, de plus, la circonstance que Mme C...a obtenu par jugement en date du 4 juillet 2013 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris l'annulation du tableau d'avancement au grade de commissaire divisionnaire de police arrêté le 19 janvier 2012 au titre de l'année 2012 au motif que le commissaire principal promu n'avait pas l'ancienneté nécessaire, n'établit pas que l'absence d'inscription sur ce tableau d'avancement de Mme C...aurait révélé l'existence d'un détournement de pouvoir à son détriment ;
4. Considérant, en second lieu, que Mme C...soutenait que la procédure de traitement de sa demande de reprise d'activité avait été utilisée par l'administration dans un but autre que celui pour lequel elle avait été instituée, de façon à l'exclure définitivement de son activité professionnelle ; que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a estimé qu'en effet Mme C... avait " été nécessairement placée dans une situation d'incertitude quant à son aptitude physique visant à la dissuader de déposer une demande de prolongation d'activité, dans un délai de six mois, avant d'avoir atteint la limite d'âge " ;
5. Considérant, toutefois, qu'il résulte des dispositions des articles 3 et 4 du décret du 30 décembre 2009 qu'un fonctionnaire placé en congé de longue durée peut demander une prolongation d'activité sous réserve qu'à la date de la limite d'âge il ne soit plus placé dans cette position et que sa demande soit présentée au plus tard six mois avant la survenance de la limite d'âge ; que Mme C...a atteint la limite d'âge de son grade le 17 avril 2013 ; que dans ces conditions et alors même qu'elle se trouvait en congé de longue durée, elle devait présenter sa demande de prolongation d'activité au plus tard le 17 octobre 2012 ; qu'il n'est ni établi ni même allégué que Mme C...aurait présenté une telle demande, qui était alors exigée par les dispositions alors en vigueur de l'article 1-3 de la loi du 13 septembre 1984, au plus tard le 17 octobre 2012 ; que la circonstance que l'administration s'est prononcée le 28 janvier 2013 sur la demande de reprise d'activité qu'elle avait présentée le 15 mai 2012, alors qu'elle se trouvait en congé de longue durée ne faisait pas obstacle à la présentation d'une demande de prolongation d'activité dans les délais impartis pour ce faire ; qu'il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que l'administration aurait tenté de la dissuader de présenter une telle demande alors même que le comité médical réuni le 28 septembre 2012 avait émis un avis favorable à sa reprise d'activité à compter du 8 octobre 2012 et qu'elle-même s'estimait alors apte à reprendre ses activités professionnelles ; que la réalité des manoeuvres alléguées par Mme C...n'est pas établie ; que, dans ces conditions, par l'arrêté attaqué du 13 février 2013, le ministre de l'intérieur a pu légalement, ainsi qu'il y était tenu, admettre Mme C...à faire valoir ses droits à la retraite par limite d'âge ;
6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le tribunal administratif s'est fondé sur le motif que l'arrêté attaqué du 18 avril 2013 était entaché de détournement de pouvoir pour l'annuler ;
7. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme C...devant le tribunal administratif de Poitiers ;
8. Considérant que Mme C...soutient que l'arrêté attaqué est entaché d'irrégularité dès lors qu'il ne comporte pas la signature de l'autorité ayant reçu délégation du ministre de l'intérieur mais seulement la signature du chef du bureau des commissaires de police ; qu'un tel moyen est inopérant dès lors qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus le ministre de l'intérieur avait compétence liée pour prendre l'arrêté ; qu'en tout état de cause, il ressort des pièces du dossier que le document notifié à Mme C...est une ampliation de l'arrêté signée par le chef du bureau des commissaires et que l'arrêté lui-même porte la signature de M. A...D..., préfet, directeur des ressources et des compétences de la police nationale qui disposait pour ce faire de la délégation du ministre de l'intérieur ; que, par suite, le seul autre moyen invoqué par Mme C...à l'encontre de l'arrêté du 18 avril 2013 et tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte doit être écarté ;
9. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, Mme C...n'ayant été victime ni de détournement de pouvoir ni de détournement de procédure et l'arrêté du 13 février 2013 par lequel elle a été admise à faire valoir ses droits à la retraite n'étant pas entaché d'illégalité, la responsabilité fautive de l'Etat ne se trouve pas engagée à son égard ; que, par suite, c'est à tort que, par le jugement attaqué le tribunal administratif a condamné l'Etat à lui verser la somme de 20 000 euros en réparation du préjudice moral qui lui aurait été causé par les agissements de l'administration et l'arrêté lui-même ;
10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement, le ministre de l'intérieur est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a annulé l'arrêté du 13 février 2013 et a condamné l'Etat à indemniser MmeC... ; que, pour les motifs énoncés au point 9, l'appel incident de Mme C...tendant à la réformation du jugement en ce qu'il a limité la condamnation de l'Etat à lui verser une indemnité de 20 000 euros en réparation de son préjudice moral et à ce que l'Etat soit condamné à lui verser la somme de 50 000 euros de dommages et intérêts doit être rejeté ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :
11. Considérant que les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, quelque somme que ce soit au titre des frais exposés par Mme C...et non compris dans les dépens ;
DECIDE
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Poitiers du 18 septembre 2013 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mme C...devant le tribunal administratif de Poitiers, son appel incident et ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.
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No 13BX03097