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27/06/2013 | FRANCE | N°11BX03155

France | France, Cour administrative d'appel de, 1ère chambre - formation à 3, 27 juin 2013, 11BX03155


Vu la requête, enregistrée le 5 décembre 2011, présentée pour la société Marju, dont le siège est 44 avenue Daumesnil à Paris (75012), par Me Vallat, avocat ;

La société Marju demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n°0700058 du 6 octobre 2011 par lequel le tribunal administratif de Saint-Martin a annulé, à la demande de M. A...et de M.B..., l'arrêté PC9711270501073 du 20 juillet 2006 par lequel le préfet de la Guadeloupe lui a délivré le permis de construire trois éoliennes et les abris annexes sur la parcelle cadastrée AT 150 située sur le territ

oire de la commune de Saint-Martin ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A....

Vu la requête, enregistrée le 5 décembre 2011, présentée pour la société Marju, dont le siège est 44 avenue Daumesnil à Paris (75012), par Me Vallat, avocat ;

La société Marju demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n°0700058 du 6 octobre 2011 par lequel le tribunal administratif de Saint-Martin a annulé, à la demande de M. A...et de M.B..., l'arrêté PC9711270501073 du 20 juillet 2006 par lequel le préfet de la Guadeloupe lui a délivré le permis de construire trois éoliennes et les abris annexes sur la parcelle cadastrée AT 150 située sur le territoire de la commune de Saint-Martin ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A...et M. B...au tribunal administratif ;

3°) de mettre à la charge solidaire de M. A...et de M. B...une somme de 10 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 30 mai 2013 :

- le rapport de M. Didier Péano, président-assesseur ;

- les conclusions de Mme Christine Mège, rapporteur public ;

1. Considérant que par arrêté du 20 juillet 2006, le préfet de la Guadeloupe a délivré à la société Marju le permis de construire trois éoliennes et les abris annexes, destinés au stockage des pales démontées en cas de cyclone, sur la parcelle cadastrée AT 150 située sur le territoire de la commune de Saint-Martin au vu notamment des plans modificatifs concernant la route de servitude et les accès et les abris des matériels en périodes cycloniques ; que la société Marju relève appel du jugement n° 0700058 du 6 octobre 2011 par lequel le tribunal administratif de Saint-Martin a annulé cet arrêté à la demande de M. A...et de M. B...;

Sur la recevabilité de la demande :

2. Considérant qu'au regard de l'importance du projet et de la visibilité complète des éoliennes dans une zone de deux kilomètres, la circonstance que les requérants habitent à 1 300 mètres du site d'implantation n'est pas de nature à leur ôter un intérêt pour demander l'annulation du permis de construire accordé ;

Sur la légalité du permis de construire :

3. Considérant en premier lieu, qu'aux termes de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme : " Le permis de construire peut être refusé ou n'être accordé que sous réserve de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains, ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales " ;

4. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que, si les constructions projetées portent atteinte aux paysages naturels avoisinants, l'autorité administrative compétente peut refuser de délivrer le permis de construire sollicité ou l'assortir de prescriptions spéciales ; que, pour rechercher l'existence d'une atteinte à un paysage naturel de nature à fonder le refus de permis de construire ou les prescriptions spéciales accompagnant la délivrance de ce permis, il lui appartient d'apprécier, dans un premier temps, la qualité du site naturel sur lequel la construction est projetée et d'évaluer, dans un second temps, l'impact que cette construction, compte tenu de sa nature et de ses effets, pourrait avoir sur le site ; que les dispositions de cet article excluent qu'il soit procédé dans le second temps du raisonnement, pour apprécier la légalité des permis de construire, à une balance d'intérêts divers en présence, autres que ceux visés à l'article R. 111-21 cité ci-dessus ;

5. Considérant que le projet présenté par la société Marju prévoit d'implanter trois aérogénérateurs de très forte puissance, dont la hauteur en bout de pale est de 91 mètres, à des cotes altimétriques d'environ 198, 204 et 230 mètres, sur la partie Sud du mont Red Rock situé sur le territoire de la commune de Saint-Martin et culminant à 265 mètres ; qu'il ressort des pièces du dossier et notamment des photographies produites au dossier et de l'avis réservé rendu le 20 avril 2006 par la commission départementale des sites, perspectives et paysages que ce secteur, constitué principalement de pâturages entrecoupés de quelques boisements, sur des reliefs aux formes douces, présente un paysage naturel vierge de toute construction, visible notamment depuis les zones touristiques du littoral de l'île, et comportant malgré les phénomènes d'érosion et le climat aride, des reliquats de forêt remarquables qui lui donnent un attrait particulier ;

6. Considérant que du fait de leur hauteur, les aérogénérateurs dépasseront largement, notamment celui implanté au plus près du sommet, la ligne de crête du mont Red Rock, ainsi que la hauteur des sommets des mornes voisins ; qu'ils seront pleinement visibles dans ce site naturel vierge de toute construction notamment depuis le Sud et l'Est, à partir du littoral ainsi que du lieu-dit Cul-de-Sac, de l'Anse Marcel et de la Baie Orientale comprenant l'ilet Pinel, tous secteurs touristiques et habités de l'île de Saint-Martin ; qu'ils seront dotés de feux à éclats conformément à la réglementation sur la navigation aérienne, alors que l'aéroport de Grand Case est tout proche, et accompagnés de deux mâts de signalisation des limites du secteur ; que la zone d'implantation des aérogénérateurs étant proche du sommet du mont Red Rock, leur construction et leur entretien nécessitent la réalisation d'installations annexes et d'une voie en forte pente devant acheminer du matériel lourd ; que de tels aménagements impliquent des défrichements et des terrassements, entre autres, sur la largeur de 6 mètres de l'assiette de la voie, sur une longueur de plus de 800 mètres et un dénivelé d'une centaine de mètres, les rendant particulièrement perceptibles dans un paysage ayant conservé un caractère naturel et dégagé de toute construction, alors même qu'il est prévu de réduire la largeur de la piste à 4 mètres après les travaux et de planter des arbustes de 1,50 mètre de hauteur pour dissimuler partiellement les talus ; qu'ainsi l'inscription des aérogénérateurs au-delà de la ligne de crête des mornes de l'île, les rendant visibles à plusieurs kilomètres de tous côtés, la hauteur des constructions rapportée à la topographie des lieux qu'elles dominent en donnant l'impression de les écraser, et la construction de la voie d'accès, qui va générer une large saignée au flanc du morne, auront, sur un site naturel d'une beauté remarquable, un impact particulièrement fort, que ne sauraient prétendre efficacement atténuer ni la coloration blanche des aérogénérateurs ni l'enterrement partiel des locaux techniques proposé par la société Marju dans ses plans modificatifs ;

7. Considérant, qu'ainsi qu'il a été dit au point 2, les dispositions de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme excluent qu'il soit procédé, pour apprécier la légalité des permis de construire, à une balance d'intérêts divers en présence, autres que ceux visés à cet article ; que si la société Marju fait valoir que son projet répondrait à la nécessité de diversifier les sources de production électrique sur l'île Saint-Martin et contribuerait à la diminution des émissions de gaz à effet de serre à laquelle la France s'est engagée, il n'appartient pas au juge de l'excès de pouvoir appelé à vérifier la légalité d'une décision administrative au regard du seul droit de l'urbanisme, de se prononcer sur l'opportunité du permis de construire attaqué au regard de tels points de vue ; que, par suite, c'est à juste titre que les premiers juges ont retenu une méconnaissance de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme ;

8. Considérant en second lieu, qu'aux termes de l'article R. 111-14-2 du code de l'urbanisme dans sa rédaction alors en vigueur : " Le permis de construire est délivré dans le respect des préoccupations d'environnement définies à l'article ler de la loi n° 76-629 du 10 juillet 1976 relative à la protection de la nature. Il peut n'être accordé que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales, si les constructions, par leur situation, leur destination ou leurs dimensions, sont de nature à avoir des conséquences dommageables pour l'environnement. " ;

9. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier et notamment de l'avis défavorable rendu le 21 octobre 2005 par le directeur régional de l'environnement que la zone d'implantation des aérogénérateurs se situe en limite d'un espace littoral remarquable, à proximité de la réserve naturelle de Saint-Martin et de la forêt domaniale du littoral ; que le terrain d'assiette s'inscrit en totalité à l'intérieur d'une zone naturelle d'intérêt écologique, floristique et faunistique de type 1, dans un secteur considéré comme très sensible pour la conservation de biotopes forestiers remarquables, dont des reliquats rares de la forêt primaire insulaire et de la faune endémique qui y est associée ; qu'ainsi qu'il a été dit, la construction et l'entretien des aérogénérateurs et du chemin d'accès au site de leur implantation impliquent la réalisation de larges saignées qui vont dégrader un écosystème particulièrement sensible et entraîner des conséquences estimées difficiles à réparer en raison de l'érosion et de l'aridité du site, alors même qu'aucune étude exhaustive n'en a été faite ;

10. Considérant qu'en conséquence, de par leur importance, les impacts paysagers et environnementaux du projet de la société Marju ne sont pas compatibles avec le maintien de la qualité du site, particulièrement sensible et situé à proximité immédiate du littoral touristique de l'île ; qu'ainsi que l'a jugé à bon droit le tribunal administratif, en autorisant la société Marju à réaliser ce projet, le préfet a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur ce site ;

11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Marju n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Saint-Martin a annulé l'arrêté du préfet de la Guadeloupe lui délivrant un permis de construire ;

12. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge solidaire de M. A...et de M.B..., qui ne sont pas la partie perdante dans la présente instance, le versement à la société Marju de quelque somme que ce soit au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; que dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la société Marju le versement à M.A... et M. B...d'une somme globale de 1 500 euros en application de ce même article ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société Marju est rejetée.

Article 2 : La société Marju versera une somme globale de 1 500 euros à M. A...et M.B....

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No 11BX03155


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 11BX03155
Date de la décision : 27/06/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-03-03 Urbanisme et aménagement du territoire. Permis de construire. Légalité interne du permis de construire.


Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: M. Didier PEANO
Rapporteur public ?: Mme MEGE
Avocat(s) : VALLAT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.de;arret;2013-06-27;11bx03155 ?
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