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16/05/2013 | FRANCE | N°11BX02277

France | France, Cour administrative d'appel de, 1ère chambre - formation à 3, 16 mai 2013, 11BX02277


Vu la requête, enregistrée le 8 août 2011 par télécopie et régularisée le 10 août 2011, présentée pour la société civile d'exploitation agricole (SCEA)A..., dont le siège social est 2 route des Vignes Chadeniers à Gémozac (17260), représentée par son gérant en exercice M. B... A..., par la Selarl Sarfaty et associés, société d'avocats ;

La SCEA A...demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1000121 du 9 juin 2011 par lequel le tribunal administratif de Poitiers d'une part, a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat, du syndicat mixte

de l'union des marais de la Charente-Maritime (UNIMA), de l'association syndicale con...

Vu la requête, enregistrée le 8 août 2011 par télécopie et régularisée le 10 août 2011, présentée pour la société civile d'exploitation agricole (SCEA)A..., dont le siège social est 2 route des Vignes Chadeniers à Gémozac (17260), représentée par son gérant en exercice M. B... A..., par la Selarl Sarfaty et associés, société d'avocats ;

La SCEA A...demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1000121 du 9 juin 2011 par lequel le tribunal administratif de Poitiers d'une part, a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat, du syndicat mixte de l'union des marais de la Charente-Maritime (UNIMA), de l'association syndicale constituée d'office des marais de la Haute Seudre (ASCO) et du syndicat intercommunal d'aménagement hydraulique du bassin de la Seudre et de ses affluents (SIAHBSA) à lui verser une somme de 60 834,02 euros en réparation des préjudices subis du fait des carences fautives de ces personnes publiques en charge de l'entretien de la rivière Seudre en partie canalisée et d'autre part, l'a condamnée à payer les frais d'expertise d'un montant de 3 745,95 euros ;

2°) de condamner solidairement ces personnes publiques à lui verser la somme de 60 834,02 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 10 novembre 2009, en réparation des préjudices qu'elle a subis du fait de la perte de greffons de vigne ;

3°) de mettre à leur charge une somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

4°) de les condamner aux entiers dépens, y compris les frais d'expertise taxés à 3 745,95 euros ;

Elle soutient :

- que le jugement est insuffisamment motivé au regard du rapport d'expertise dont elle déduit que l'inondation consécutive au défaut d'entretien du canal de la Seudre est la cause déterminante des désordres qu'elle a subis ;

- que l'UNIMA, habilitée pour la prévention des inondations, a commis des fautes de nature à engager sa responsabilité en n'accomplissant pas correctement sa mission de conseil et d'entretien de l'ouvrage et en déposant tardivement une demande d'autorisation, au titre de la loi sur l'eau, de travaux de curage incomplète, alors qu'une simple déclaration aurait été suffisante, ce qu'elle ne pouvait ignorer ; qu'elle n'a pas apprécié à sa juste mesure l'urgence résultant de l'envasement du canal, notoirement connu depuis 2005 ;

- que la responsabilité de l'Etat doit être engagée dans la mesure où les services départementaux ont failli à leurs obligations en matière de police de l'eau, et se sont abstenus de prévoir, dans un document de planification, les mesures de prévention des inondations et d'assurer la coordination des différents organismes publics concurremment compétents ;

- que l'ASCO, en sa qualité de responsable principal de l'entretien de la Seudre, et le SIAHBSA, du fait de sa carence à traiter les problèmes liés à l'encombrement du cours d'eau et alors que son champ d'intervention couvre la commune de St André de Lidon sur laquelle sont situées les parcelles sinistrées, ont commis des fautes de nature à engager leur responsabilité ;

- qu'elle est également fondée à solliciter une indemnisation sur le terrain de la rupture d'égalité devant les charges publiques dans la mesure où elle a subi des dommages anormaux et spéciaux qu'elle ne pouvait prévoir ;

- que selon l'expert, les inondations du printemps 2008 et le défaut d'entretien du cours d'eau sont la cause directe des préjudices qu'elle-même et d'autres riverains de ce cours d'eau ont subis ;

- qu'elle n'a commis aucune faute en plantant les plants de cépage sur ces parcelles dans la mesure où leur classement en zone inondable n'est pas incompatible avec leur exploitation agricole, où le terrain n'était pas inondé les années précédentes, où elle paie une taxe d'assèchement pour l'entretien de la Seudre, et où les bords de la Seudre sont cultivés depuis des temps immémoriaux ;

- que son préjudice économique s'élève à la somme de 60 834,02 euros, soit une somme de 35 429,55 euros correspondant aux greffons de vigne perdus, à laquelle s'ajoutent les sommes de 18.404,47 euros au titre des plants achetés pour compenser le manque à gagner, 2 000 euros au titre des frais financiers et 5 000 euros au titre du préjudice moral ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire enregistré le 20 janvier 2012 présenté pour le syndicat mixte de l'union des marais de la Charente-Maritime (UNIMA), par la SCP Haie-Pasquet-Veyrier-Brossier-Gendreau-Carré, société d'avocats ;

Le syndicat mixte de l'union des marais de la Charente-Maritime conclut :

- au rejet de la requête ;

- à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de la SCEA A...au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

- subsidiairement, à réduire le montant de l'indemnisation sollicitée par la SCEAA..., et à condamner l'Etat à relever l'UNIMA de sa responsabilité ;

Il fait valoir :

- que le jugement, qui contient les éléments de fait et de droit qui l'ont fondé, est suffisamment motivé ;

- que la configuration des lieux, notamment le profil de la rivière en contre-pente à cet endroit, la présence de nombreux ouvrages d'art et de moulins rendent difficile l'écoulement des eaux, indépendamment des travaux d'entretien qui pourraient être effectués et alors qu'un curage excessif serait de nature à assécher les zones humides qui sont classées d'intérêt écologique, faunistique et floristique ; que ces différents enjeux l'ont conduit, avec l'aval des services de l'Etat, à revoir les projets de travaux de curage de la Seudre dans un cadre plus global de gestion de la rivière ; que la concertation a bien eu lieu, notamment lors d'une réunion rassemblant les différents acteurs en octobre 2005 et que les travaux envisagés ne présentaient aucun caractère d'urgence ; qu'ainsi, il ne peut lui être reproché son inaction et un manquement à son obligation de conseil, les travaux ayant finalement été exécutés en octobre 2008 après études ; qu'aux termes de l'article L. 215-4 du code de l'environnement, il incombe au riverain d'un cours d'eau non domanial d'assurer un entretien régulier en vue de maintenir l'écoulement naturel des eaux ;

- que l'UNIMA ne dispose pas de compétence propres ou transférées en matière d'entretien de la Seudre ;

- que la cause directe du préjudice se trouve dans la pluviométrie importante relevée entre mai et juin 2008, période où le débit a dépassé cinq fois le niveau habituel sur la saison ; que la SCEA A...reconnaît avoir eu connaissance des risques d'inondation de ces parcelles et avoir effectué début juin 2008 des plantations de végétaux très sensibles à l'eau sur des terrains déjà très fortement humidifiés par les intempéries ; que cette faute de la victime est de nature à l'exonérer totalement de sa responsabilité ;

- qu'à titre subsidiaire, les sommes réclamées au titre du préjudice moral doivent être écartées et celles demandées en réparation du préjudice matériel ne peuvent qu'être réduites sans dépasser 29 838 euros ;

- que dans l'hypothèse où sa responsabilité serait reconnue, elle entend appeler l'Etat en garantie au regard des obligations légales en matière de prévention des inondations et de préservation et de gestion des zones humides qui pèsent sur lui ;

Vu le mémoire enregistré le 24 janvier 2012 présenté pour le syndicat intercommunal d'aménagement hydraulique du bassin de la Seudre et de ses affluents (SIAHBSA), par la Scp Drouineau- Cosset-Bacl, société d'avocats ;

Le syndicat intercommunal d'aménagement hydraulique du bassin de la Seudre et de ses affluents conclut :

- au rejet de la requête ;

- à ce que soit mise à la charge de la SCEA A...une somme de 6 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

- à ce que cette société soit condamnée au paiement des dépens ;

Il fait valoir :

- que la requête est irrecevable car la SCEA A...n'apporte pas de critique utile au jugement, qui est longuement motivé, et ne développe aucun moyen d'appel en se bornant à reprendre ses écritures de première instance ;

- qu'aucune faute ne lui est imputable ;

- que sa mission est de protéger les lieux habités et les terres à vocation agricole en permettant l'inondation de certaines terres selon un processus naturel ; que la protection des terres classées inondables ne relève pas de l'objet qu'il poursuit ; que le rapport d'expertise ne le met pas en cause ;

- que la société appelante n'a pas respecté ses obligations légales d'entretien de ce cours d'eau non domanial ;

- que c'est la pluviométrie exceptionnelle mesurée sur le site pendant la période de plantation et non le manque d'entretien de la rivière qui est la cause du dommage ; que c'est la société qui a pris un risque, dont elle doit assumer seule les conséquences, en plantant en zone inondable des espèces végétales sensibles à l'humidité ;

- qu'à titre subsidiaire, le mode de calcul du préjudice, à supposer que celui-ci soit démontré, est manifestement erroné et qu'une personne publique ne pouvant être condamnée à verser une somme qu'elle ne doit pas, le préjudice doit être regardé comme inexistant faute d'éléments pour le calculer correctement sur l'année 2008 exclusivement ;

Vu le mémoire enregistré le 24 janvier 2012, déposé par la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, qui conclut au rejet de la requête en s'en rapportant aux écritures de première instance produites par le préfet de la Charente-Maritime ;

La ministre fait valoir en outre :

- que rien ne permet d'établir que le curage de la Seudre aurait permis d'éviter ou de limiter l'inondation au droit des parcelles concernées ; que, compte tenu des caractéristiques topographiques, géologiques et hydrologiques du site, de tels travaux n'auraient eu qu'un effet très limité ; que ces travaux nécessitaient une autorisation au titre de la police de l'eau, dont la délivrance est conditionnée au respect d'intérêts environnementaux divers dans le but d'assurer une gestion équilibrée entre les différents enjeux et usages et notamment entre la protection des zones humides et la lutte contre les inondations ; qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'impose la rédaction d'un plan de prévention des risques d'inondation et qu'un tel document n'aurait en tout état de cause que reproduit les données existantes et notamment le classement des parcelles en zone d'aléa fort d'inondation ; qu'aucun manquement fautif ne peut être reproché à l'Etat en matière de coordination des différents acteurs ; que de plus, le plan local d'urbanisme de la commune avait déjà inscrit ces parcelles en zone inondable ; qu'ainsi, le tribunal avait jugé à bon droit qu'aucune faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat ne pouvait lui être reprochée en l'espèce ;

- que la responsabilité sans faute de l'Etat ne saurait être engagée en l'absence de caractère anormal et spécial des préjudices subis par cette société ; qu'en effet, d'autres viticulteurs ont subi les conséquences dommageables de ces précipitations ; que de plus, au regard de la baisse d'activité qu'elle supporte depuis quatre ans, la SCEA A...n'établit pas la gravité de son préjudice ;

- que le préjudice résultant de la réalisation d'un risque auquel la victime s'est sciemment exposée ne peut ouvrir droit à réparation ; que la SCEA A...avait une parfaite connaissance du caractère inondable des parcelles qu'elle exploite et qu'elle a délibérément choisi d'y planter des végétaux particulièrement sensibles à l'eau ;

- qu'à titre infiniment subsidiaire, la SCEA A...ne peut prétendre à une indemnisation dans la mesure où elle n'établit pas la part du préjudice qui serait imputable à l'aggravation des effets de l'inondation sur son chiffre d'affaires du fait d'un défaut d'entretien du cours d'eau par rapport à l'aléa existant ; que le préjudice moral allégué du fait de la contestation des compétences du viticulteur au cours de l'expertise n'est pas imputable aux services de l'Etat ;

Vu le mémoire enregistré le 29 juin 2012 présenté pour l'association syndicale constituée d'office des marais de la Haute Seudre (ASCO), par la Scp Pielberg-Kolenc, société d'avocats, qui conclut :

- au rejet de la requête ;

- subsidiairement, à ce que l'UNIMA, l'Etat et le SIAHBSA la garantissent de toute condamnation éventuelle ;

- et à ce que soit mise à la charge de la SCEA A...une somme de 2 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

L'association syndicale fait valoir :

- que le tribunal a répondu à l'ensemble des moyens énoncés par la SCEA A...et que son jugement est en conséquence suffisamment motivé ;

- que, regroupant l'ensemble des propriétaires des ouvrages hydrauliques implantés sur la Seudre, sa mission consiste à assurer la bonne gestion desdits ouvrages et non l'entretien du cours d'eau lui-même, qui incombe aux propriétaires riverains ; qu'aucune faute ne saurait dès lors lui être imputée ;

- que les préjudices allégués par la SCEAA..., qui ne sont d'ailleurs pas établis, résultent uniquement de la situation dans laquelle elle s'est elle-même placée, en décidant de planter, sur des terrains qu'elle savait inondables, des plants fragiles ;

- que subsidiairement, elle ne peut demander l'indemnisation que du montant du préjudice lié à la perte des plants imputable uniquement à l'aggravation des effets de l'inondation en raison du défaut d'entretien normal du cours d'eau ; que l'importance de ce préjudice n'est pas démontrée ; que cette société, personne morale de droit privé, n'établit pas avoir subi un préjudice moral ;

Vu le mémoire enregistré le 29 mars 2013 présenté pour le syndicat intercommunal d'aménagement hydraulique du bassin de la Seudre et de ses affluents qui conclut aux mêmes fins que dans son précédent mémoire, par les mêmes moyens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code rural ;

Vu le code de l'environnement ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 avril 2013 :

- le rapport de Mme Sabrina Ladoire, conseiller ;

- les conclusions de Mme Christine Mège, rapporteur public ;

- et les observations de Me Sarfaty, avocat de la SCEAA..., celles de Me Lelong, avocat du syndicat mixte de l'union des marais de la Charente-Maritime et celles de Me Hamdi, avocat du syndicat intercommunal d'aménagement hydraulique du bassin de la Seudre et de ses affluents ;

1. Considérant que la Société civile d'exploitation agricole (SCEA) A...exploite sur le territoire de la commune de Saint André de Lidon (Charente-Maritime) une pépinière de greffons de vigne en vue de leur revente à des professionnels viticoles, sur des parcelles situées en bordure de la Seudre, cours d'eau non domanial en partie canalisé, au lieu-dit " La rivière de beau jardin " ; qu'elle relève appel du jugement n° 1000121 du 9 juin 2011 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à la condamnation solidaire de l'Etat, du syndicat mixte de l'union des marais de la Charente-Maritime (UNIMA), de l'association syndicale constituée d'office des marais de la Haute Seudre (ASCO) et du syndicat intercommunal d'aménagement hydraulique du bassin de la Seudre et de ses affluents (SIAHBSA), à lui verser la somme de 60 834,02 euros en réparation des préjudices qu'elle a subis du fait de l'inondation de cette pépinière intervenue au cours du mois de juin 2008 ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant que la SCEA A...soutient que le jugement est insuffisamment motivé au regard des conclusions du rapport d'expertise ; que cependant, pour rejeter les conclusions indemnitaires de la société , les premiers juges ont estimé que le préjudice subi par cette dernière n'était directement lié qu'au fait que les parcelles sur lesquelles était implantée la pépinière se situaient en zone inondable et qu'en acceptant de les exploiter, la société avait ainsi pris un risque dont la réalisation ne saurait être imputée à l'administration ; que le jugement, qui n'avait pas à réfuter point par point les conclusions du pré-rapport ou du rapport de l'expert désigné en référé, n'est dès lors pas entaché d'une insuffisance de motivation ; que, par suite, le moyen tiré de son irrégularité doit être écarté ;

Sur la responsabilité :

3. Considérant qu'il ressort du rapport de l'expert commis en référé par le président du tribunal administratif de Poitiers que la perte d'environ 80% des greffons de vigne plantés en juin 2008 sur les parcelles dont la SCEA A...est propriétaire pour l'une et locataire pour les quatre autres, résulte de leur plantation sur des terres gorgées d'eau par une pluviosité exceptionnelle, d'environ deux fois la moyenne des quarante années précédentes aux mois de mai et juin, et du débordement de la Seudre canalisée au droit des parcelles, qui a induit une prolongation importante de la période d'immersion des greffons, les rendant impropres à développer un système racinaire permettant leur reprise ; qu'il impute ce débordement à la pluviométrie et à un manque d'entretien du cours d'eau ;

4. Considérant que la SCEA A...reproche aux services préfectoraux chargés de la police de l'eau, au syndicat intercommunal d'aménagement hydraulique du bassin de la Seudre et de ses affluents (SIAHBSA), au syndicat mixte de l'union des marais de la Charente-Martime (UNIMA) et à l'association syndicale constituée d'office des marais de la Haute Seudre (ASCO) de n'avoir pas pris en temps utile des mesures de curage du lit de la Seudre, qui auraient selon elle permis d'éviter le débordement de la rivière ;

5. Considérant en premier lieu, qu'aux termes de l'article L.215-7 du code de l'environnement : " L'autorité administrative est chargée de la conservation et de la police des cours d'eau non domaniaux. Elle prend toutes dispositions pour assurer le libre cours des eaux (...). " ; que s'il est vrai que l'attention des acteurs responsables de la gestion des cours d'eau avait été attirée, au cours d'une réunion tenue le 30 septembre 2005, à laquelle participaient l'ASCO, la direction départementale de l'agriculture et de la forêt et l'UNIMA, sur l'état d'envasement préoccupant de la Seudre, il ressort du compte-rendu élaboré le 18 octobre 2005 qu'aucune urgence n'avait été soulignée, alors que les services de la police de l'eau ont souhaité étudier la nature et l'étendue des travaux de curage à envisager en tenant compte d'une gestion globale de la rivière à l'aide des différents barrages situés sur son cours, et que l'intérêt d'y associer le syndicat intercommunal d'aménagement hydraulique du bassin de la Seudre et de ses affluents (SIAHBSA) a été évoqué ; que l'ASCO a passé en août 2006 commande d'une étude à l'UNIMA, dont il ressort des statuts qu'elle n'intervient pas en vertu d'un transfert de compétence de ses membres et ne joue le rôle que d'un prestataire de services ; qu'après obtention d'un financement du conseil général, celle-ci a remis une étude en décembre 2006 proposant de retirer environ 8000 m3 sur une longueur de 2 kilomètres après obtention d'une autorisation au titre de la loi sur l'eau ; que cette proposition examinée lors d'une réunion du 5 mai 2008 n'a pas recueilli l'accord de la direction départementale de l'agriculture et de la forêt, ce qui a conduit l'UNIMA à présenter un projet plus restreint en juin 2008, permettant d'envisager l'enlèvement de seulement 500 m3 avec une procédure simplifiée de déclaration de travaux, ce qui a permis leur réalisation par l'UNIMA sur commande de l'ASCO le 23 octobre 2008 ; qu'il ne résulte pas de cette chronologie, compte tenu de la diversité des intérêts en présence, des possibles répercussions sur les zones urbanisées de Saujon en aval et sur les zones humides d'intérêt écologique, faunistique et floristique à préserver à proximité, et de la difficulté à réguler le cours de la Seudre déjà ralenti par dix-huit moulins et soixante-six ouvrages d'art, et en contre-pente sur une partie du lit canalisé, que l'Etat ou l'UNIMA aient commis des fautes dans l'exercice de leur compétence ou de leurs missions ; que le SIAHBSA, bien qu'il ait pour vocation en vertu de ses statuts " l'aménagement et l'entretien de l'ensemble des cours d'eau constituant le bassin hydrographique de la Seudre dans le but de : a) lutter contre la submersion des lieux habités et des terres à vocation agricole ", ne semble pas avoir été sollicité et ne saurait voir caractériser une faute de sa part dans la seule circonstance que les travaux litigieux ont été effectués trois ans après le constat de visite sur place provoqué par l'ASCO en 2005 ;

6. Considérant en deuxième lieu, que si la SCEA A...soutient que l'association syndicale constituée d'office des marais de la Haute Seudre (ASCO) aurait méconnu son obligation statutaire de " défendre les intérêts communs des associés, l'exécution des travaux d'entretien, d'amélioration et de gestion de l'ensemble des ouvrages du réseau hydraulique en vue de permettre la maitrise des niveaux d'eau dans l'intérêt des propriétaires associés ", il ne ressort pas des pièces du dossier qu'un entretien régulier des berges par faucardage relevant des propriétaires riverains regroupés dans cette association aurait suffi à éviter l'inondation qui a causé la perte des greffons de l'exploitante, alors que l'ampleur des travaux nécessaires impliquait une gestion globale de la rivière qui dépassait les possibilités administratives de l'association, comme le démontre la procédure évoquée au point 5, et qu'elle a participé à la recherche d'une solution ainsi qu'il a été dit ; que par suite, les dommages dont il est demandé réparation ne sont pas imputables à l'ASCO ;

7. Considérant en troisième lieu, qu'il est constant que les parcelles en cause sont classées en zone à fort risque d'inondation au titre de l'atlas des zones inondables établi par le préfet de la Charente-Maritime en janvier 1998 et en zone naturelle inondable (Ni) du plan local d'urbanisme de Saint André de Lidon ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en s'abstenant d'élaborer un plan de prévention du risque d'inondation, l'Etat aurait commis une faute de nature à engager sa responsabilité ; que si la SCEA A...reproche également à l'Etat de n'avoir pas coordonné l'action des différents intervenants dont les compétences s'exercent concurremment, la circonstance qu'il existe deux syndicats et une association autorisée, ayant le caractère d'un établissement public administratif en vertu de l'article 2 de l'ordonnance n° 2004-632 du 1er juillet 2004 relative aux associations syndicales de propriétaires, ne saurait être imputée à faute au préfet qui en a approuvé les statuts, même si elle ne facilite pas la détermination des responsabilités, dès lors qu'il ressort des réunions évoquées au point 5 que les services préfectoraux ont participé à l'étude et la recherche de solutions d'ensemble pour la gestion du débit de la Seudre ;

8. Considérant en quatrième lieu, que si un classement en zone inondable ne fait pas par principe obstacle à la mise en culture des parcelles, l'exploitant s'est néanmoins sciemment exposé à un risque de perte des greffons en les plantant en juin 2008 malgré l'humidité exceptionnelle des parcelles liée à l'épisode de pluviosité importante en cours ; qu'ainsi que l'a relevé à juste titre le tribunal, le lien de causalité entre le délai de réalisation des travaux, qui n'est pas fautif, et le préjudice invoqué n'est en tout état de cause pas certain, dès lors qu'au regard des caractéristiques hydrogéologiques du terrain et des intérêts en présence, il n'est pas établi que les travaux mesurés qui ont été à juste titre préconisés aient été de nature à éviter ou à limiter les conséquences de l'inondation de juin 2008 s'ils avaient été réalisés plus tôt ; que par suite, la responsabilité pour faute de l'Etat et des autres défendeurs n'est pas engagée à l'égard de la SCEA A...;

9. Considérant en cinquième lieu, que la SCEA A...demande à titre subsidiaire que la responsabilité sans faute de l'Etat soit reconnue ; que toutefois les préjudices allégués par la SCEA A...ne présentent pas un caractère anormal ; qu'ainsi qu'il a été dit plus haut, leur survenance était prévisible en raison du caractère inondable de la zone ; qu'ils ne présentent pas non plus de caractère spécial dans la mesure où il résulte de l'instruction que d'autres exploitants ont également subi d'importantes pertes agricoles suite aux inondations de la zone au cours du printemps 2008 ; que, par suite, la SCEA A...n'est pas fondée à soutenir qu'elle aurait été victime d'une rupture de l'égalité devant les charges publiques et ne saurait dès lors solliciter une indemnisation à ce titre ;

10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non recevoir opposées en première instance et en appel, que la SCEA A...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande et a laissé à sa charge les frais de l'expertise ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a lieu de faire droit aux conclusions d'aucune des parties tendant à l'application de ces dispositions ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société civile d'exploitation agricole A...est rejetée.

Article 2 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société civile d'exploitation agricoleA..., à la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, au syndicat mixte de l'union des marais de la Charente- Maritime, au syndicat intercommunal d'aménagement hydraulique du bassin de la Seudre et de ses affluents et à l'association syndicale constituée d'office des marais de la Haute Seudre. Copie en sera adressée au préfet de la Charente-Maritime et à l'expert.

Délibéré après l'audience du 4 avril 2013 à laquelle siégeaient :

Mme Catherine Girault, président,

M. Philippe Cristille, premier conseiller,

Mme Sabrina Ladoire, conseiller.

Lu en audience publique, le 16 mai 2013.

Le rapporteur,

Sabrina LADOIRELe président,

Catherine GIRAULT

Le greffier,

Florence FAURE

La République mande et ordonne à la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

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No 11BX02277


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 11BX02277
Date de la décision : 16/05/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Responsabilité de la puissance publique - Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité - Fondement de la responsabilité - Responsabilité sans faute.

Responsabilité de la puissance publique - Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité - Fondement de la responsabilité - Responsabilité pour faute.


Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: Mme Sabrina LADOIRE
Rapporteur public ?: Mme MEGE
Avocat(s) : SCP ARTEMIS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.de;arret;2013-05-16;11bx02277 ?
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