La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

18/04/2013 | FRANCE | N°12BX02399

France | France, Cour administrative d'appel de, 1ère chambre - formation à 3, 18 avril 2013, 12BX02399


Vu la requête, enregistrée le 4 septembre 2012 par télécopie, régularisée le 11 septembre 2012, présentée pour Mme A...C..., demeurant au..., par Me B...;

Mme C...demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1200677 du 27 juillet 2012 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Tarn du 19 janvier 2012 lui faisant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) de surseoir à statuer en attendant que l'Office fra

nçais de protection des réfugiés et apatrides puis la Cour nationale du droit d'asile rendent...

Vu la requête, enregistrée le 4 septembre 2012 par télécopie, régularisée le 11 septembre 2012, présentée pour Mme A...C..., demeurant au..., par Me B...;

Mme C...demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1200677 du 27 juillet 2012 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Tarn du 19 janvier 2012 lui faisant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) de surseoir à statuer en attendant que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides puis la Cour nationale du droit d'asile rendent leur décision et d'enjoindre au préfet du Tarn, durant le temps de cet examen, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;

4°) d'enjoindre au préfet du Tarn de réexaminer sa situation administrative dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

Vu la directive 2005/85/CE du Conseil du 1er décembre 2005 ;

Vu la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 21 mars 2013 :

- le rapport de Mme Sabrina Ladoire, conseiller ;

- et les conclusions de Mme Christine Mège, rapporteur public ;

1. Considérant que MmeC..., ressortissante camerounaise, née le 12 février 1973, déclare être entrée en France le 17 août 2010 ; qu'elle relève appel du jugement n° 1200677 du 27 juillet 2012 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Tarn du 19 janvier 2012 lui faisant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi ;

Sur la légalité de l'arrêté du 19 janvier 2012 :

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

2. Considérant en premier lieu, que Mme C...reproche au préfet de ne pas l'avoir invitée à présenter ses observations avant de prononcer son éloignement du territoire français ; que cependant, il ressort des dispositions de l'article L.512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédure administrative et contentieuse auxquelles sont soumises l'intervention et l'exécution des décisions par lesquelles l'autorité administrative signifie à l'étranger l'obligation dans laquelle il se trouve de quitter le territoire français et désigne le pays à destination duquel il sera reconduit à l'expiration de ce délai, à défaut pour lui d'obtempérer à l'obligation de quitter le territoire français qui lui est faite ; que, dès lors, l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec l'administration, qui fixe les règles générales de procédure applicables aux décisions devant être motivées en vertu de la loi du 11 juillet 1979, ne saurait être utilement invoqué par Mme C...pour contester la légalité de cette décision ;

3. Considérant en deuxième lieu, que Mme C...fait grief à l'administration de n'avoir pas procédé à un examen circonstancié de sa situation personnelle et de n'avoir pas réalisé les investigations qui auraient permis de vérifier ses déclarations concernant la situation du père de ses enfants, lequel aurait conservé son passeport et disposerait d'un titre de séjour lui permettant de circuler sur le territoire européen ; que le préfet du Tarn fait néanmoins valoir que les recherches entreprises auprès des autorités allemandes, italiennes, espagnoles, guinéennes et camerounaises concernant le compagnon de la requérante sont restées infructueuses ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que l'édiction de cette décision n'aurait pas été précédée d'un examen circonstancié de la situation personnelle Mme C...;

4. Considérant en troisième lieu, que la requérante soutient que l'administration ne l'a jamais invitée, contrairement aux exigences de l'article 6 de la directive 2005/85/CE, à indiquer si elle souhaitait présenter une demande d'asile ; qu'elle fait valoir qu'il ne lui a été donné aucune information concernant la procédure d'asile et qu'enfin, en refusant de l'admettre au séjour en qualité de demandeur d'asile, le préfet a porté atteinte à son droit de demander l'asile ;

5. Considérant qu'aux termes de l'article 6 de la directive 2005/85/CE du 1er décembre 2005 : " (...) 2. Les États membres font en sorte que toute personne majeure jouissant de la capacité juridique ait le droit de déposer une demande d'asile en son nom. (...) 5. Les États membres veillent à ce que les autorités auxquelles est susceptible de s'adresser une personne souhaitant présenter une demande d'asile soient en mesure de lui indiquer où et comment elle peut présenter une telle demande et/ou exiger de ces autorités qu'elles transmettent la demande à l'autorité compétente. " ; que selon l'article 10 de cette directive relatif aux garanties accordées aux demandeurs d'asile : " 1. En ce qui concerne les procédures prévues au chapitre III, les États membres veillent à ce que tous les demandeurs d'asile bénéficient des garanties suivantes : a) ils sont informés, dans une langue dont il est raisonnable de supposer qu'ils la comprennent, de la procédure à suivre et de leurs droits et obligations au cours de la procédure ainsi que des conséquences que pourrait avoir le non-respect de leurs obligations ou le refus de coopérer avec les autorités. Ils sont informés du calendrier, ainsi que des moyens dont ils disposent pour remplir leur obligation de présenter les éléments visés à l'article 4 de la directive 2004/83/CE. Ces informations leur sont communiquées à temps pour leur permettre d'exercer les droits garantis par la présente directive et de se conformer aux obligations décrites à l'article 11 (...). " ;

6. Considérant tout d'abord, que lorsqu'un étranger manifeste clairement son intention de demander l'asile, le préfet ne peut prendre une mesure d'éloignement qu'après avoir statué sur la demande d'admission provisoire au séjour au titre de l'asile ; que cependant, il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme C...ait manifesté son intention de solliciter l'asile avant le mois de septembre 2012, alors même qu'elle séjournait en France depuis le mois d'août 2010 ; que la décision attaquée du 19 janvier 2012 ne saurait dès lors être regardée, contrairement à ce que soutient la requérante, comme une décision lui refusant implicitement l'admission au séjour en qualité de demandeur d'asile ;

7. Considérant ensuite, qu'il ressort du procès-verbal d'audition du 7 décembre 2011 que les agents de police ont interrogé la requérante sur l'existence d'une demande d'asile ; qu'au cours de cette audition, l'intéressée n'a pas fait état des menaces qui pèseraient sur elle dans son pays d'origine ; que Mme C...a d'ailleurs indiqué qu'elle avait rencontré " les mêmes problèmes que tous les camerounais " et qu'elle souhaitait " commencer à prendre des cours de médecine " ; que, dans ces conditions, et alors que l'intéressée n'avait invoqué aucun élément qui aurait justifié la présentation d'une demande d'asile, il ne peut être reproché à l'administration de ne pas l'avoir mise en mesure de présenter de demande en ce sens ; que, par suite, le moyen tiré de la violation des dispositions précitées de l'article 6 de la directive 2005/85/CE doit être écarté ;

8. Considérant enfin, que la requérante, qui n'a présenté une demande d'asile qu'en septembre 2012, neuf mois après l'édiction de la mesure d'éloignement prise à son encontre, et postérieurement au jugement attaqué, ne saurait, en tout état de cause, se prévaloir utilement des dispositions précitées de l'article 10 de la directive du 1er décembre 2005, qui ne sont applicables qu'aux demandeurs d'asile, à l'encontre de la décision du 19 janvier 2012 ;

9. Considérant en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article L.313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 (...) " ; que Mme C...n'a jamais sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur ce fondement ; qu'elle n'est pas fondée à soutenir que la mesure d'éloignement prise à son encontre serait entachée d'illégalité au motif qu'elle devrait bénéficier d'une admission exceptionnelle au séjour ;

10. Considérant en cinquième lieu, que Mme C...soutient que cet arrêté serait entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle et familiale ; qu'il ressort des pièces du dossier que la requérante est célibataire et dépourvue d'attaches familiales sur le territoire national depuis le départ de son compagnon en Allemagne ; qu'il est constant qu'elle n'a jamais entrepris de démarches tendant à régulariser sa situation administrative et qu'elle ne serait pas isolée au Cameroun où résident ses parents ; que de plus, ses trois enfants, âgés de dix, six et quatre ans, ne sont pas scolarisés en France ; qu'elle n'invoque aucun élément qui ferait obstacle à ce que ces derniers l'accompagnent au Cameroun d'autant qu'ils sont sans nouvelles de leur père depuis plusieurs mois ; que, dans ces conditions, et alors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la requérante serait effectivement exposée à des risques de persécutions dans son pays d'origine, le moyen ainsi invoqué doit être écarté ;

11. Considérant en sixième lieu, qu'au soutien des moyens tirés de l'incompétence du signataire de cet arrêté et de l'insuffisante motivation de cette décision, Mme C...ne se prévaut devant la cour d'aucun élément de fait ou de droit nouveau par rapport à l'argumentation développée en première instance et ne critique pas les réponses qui lui ont été apportées par le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse ; qu'il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs pertinents retenus par le premier juge ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

12. Considérant en premier lieu, qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ;

13. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit plus haut, Mme C...n'a jamais manifesté son intention de solliciter l'asile avant le mois de septembre 2012, alors qu'il ressort des pièces du dossier qu'elle est entrée sur le territoire national deux ans auparavant ; que si elle fait valoir qu'elle serait exposée à des risques de persécutions dans son pays d'origine en raison de sa relation conjugale avec un journaliste de l'opposition, elle ne produit toutefois aucun document probant de nature à établir la réalité et la gravité des menaces qui pèseraient sur elle au Cameroun ; que, dans ces conditions, le moyen tiré de la violation des stipulations précitées doit être écarté ;

14. Considérant en second lieu, qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ;

15. Considérant que si Mme C...fait valoir que ses enfants sont nés en Guinée et qu'ils n'ont jamais vécu au Cameroun, il ne ressort toutefois pas des pièces du dossier que ces derniers, qui ne sont d'ailleurs plus scolarisés sur le territoire national, ne seraient pas admissibles dans ce pays ; qu'ainsi, l'exécution de la mesure d'éloignement litigieuse n'aurait pas pour effet de les séparer de leur mère qu'ils ont vocation à accompagner dans son pays d'origine, ni de leur père dont ils sont sans nouvelles depuis plusieurs mois ; que, dans ces conditions, la décision fixant le Cameroun comme pays de renvoi ne méconnaît pas les stipulations précitées de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

16. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme C...n'est pas fondée à demander l'annulation du jugement par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 19 janvier 2012 ;

Sur les conclusions aux fins de sursis à statuer :

17. Considérant qu'il est constant que Mme C...n'a pas sollicité la reconnaissance du statut de réfugié avant la notification de l'arrêté en litige ; qu'elle n'a présenté une demande en ce sens qu'au mois de septembre 2012, soit après que lui ait été notifié le jugement dont elle relève appel ; qu'ainsi qu'il a été dit plus haut, l'arrêté attaqué ne saurait dès lors être regardé comme un refus d'admission au séjour en qualité de demandeur d'asile ; que, par suite, il n'y a pas lieu de surseoir à statuer en attendant que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d'asile rendent leur décision, alors qu'en tout état de cause l'arrêté ne pouvait être exécuté avant la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, et que l'intéressée n'a pas informé, le cas échéant, la cour de la décision de l'Office ; que les conclusions susvisées ne peuvent dès lors qu'être rejetées ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

18. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions de Mme C...tendant à l'annulation de l'arrêté du 19 janvier 2012 n'implique aucune mesure particulière d'exécution ; que, par suite, les conclusions susvisées ne peuvent être accueillies ;

Sur les conclusions tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative :

19. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à Mme C...de quelque somme que ce soit au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme C...est rejetée.

''

''

''

''

2

No 12BX02399


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 12BX02399
Date de la décision : 18/04/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: Mme Sabrina LADOIRE
Rapporteur public ?: Mme MEGE
Avocat(s) : DUJARDIN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.de;arret;2013-04-18;12bx02399 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award