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04/04/2013 | FRANCE | N°12BX02100

France | France, Cour administrative d'appel de, 1ère chambre - formation à 3, 04 avril 2013, 12BX02100


Vu la requête, enregistrée par télécopie le 6 août 2012 et régularisée le 8 août 2012, présentée pour M. A...B..., demeurant chez ...par Me Renner, avocat ;

M. B...demande à la cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 1201667 du 4 juillet 2012 par laquelle le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Poitiers a rejeté comme irrecevable sa demande d'annulation des décisions du préfet de la Vienne du 3 mai 2012 fixant l'Arménie comme pays de renvoi et l'assignant à résidence ;

2°) d'annuler les décisions préfectorales du 3 mai 2012

;

3°) d'enjoindre au préfet de la Vienne de lui permettre de déposer un dossier de demand...

Vu la requête, enregistrée par télécopie le 6 août 2012 et régularisée le 8 août 2012, présentée pour M. A...B..., demeurant chez ...par Me Renner, avocat ;

M. B...demande à la cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 1201667 du 4 juillet 2012 par laquelle le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Poitiers a rejeté comme irrecevable sa demande d'annulation des décisions du préfet de la Vienne du 3 mai 2012 fixant l'Arménie comme pays de renvoi et l'assignant à résidence ;

2°) d'annuler les décisions préfectorales du 3 mai 2012 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Vienne de lui permettre de déposer un dossier de demande d'asile et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour dès la notification de la décision à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de lui accorder l'aide juridictionnelle provisoire et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 sur l'aide juridique, sous réserve que son conseil renonce à percevoir la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle ;

.........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

Vu la convention de Dublin du 15 juin 1990 publiée par le décret du 30 septembre 1997 ;

Vu le règlement CE n° 343/2003 du Conseil européen du 18 février 2003 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des États membres par un ressortissant d'un pays tiers, ensemble le règlement CE n° 1560/2003 de la Commission européenne du 2 septembre 2003 pris pour son application ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 mars 2013 :

- le rapport de Mme Catherine Girault, président ;

- et les conclusions de Mme Christine Mège, rapporteur public ;

1. Considérant que M.B..., de nationalité arménienne, est entré en France le 17 janvier 2011 en provenance de Belgique et en possession d'un visa délivré par les autorités italiennes ; qu'il a déposé le 8 mars 2011 à la préfecture de la Vienne une demande en vue d'obtenir le statut de réfugié ; que le préfet, après avoir refusé son admission au séjour en qualité de demandeur d'asile le 12 avril 2011, s'est vu opposer un refus des autorités belges, qui avaient enregistré une demande d'asile de l'intéressé en septembre 2010, de le reprendre en charge, au motif qu'il venait d'Italie et que ce pays avait accepté de le reprendre en charge en décembre 2010 ; que les autorités italiennes ont finalement refusé sa reprise en charge alors que le préfet avait ordonné par arrêté du 12 avril 2012 la réadmission de l'intéressé en Italie ; que le préfet a pris le 3 mai 2012 les décisions d'assigner M. B...à résidence et de fixer le pays de renvoi en Arménie ; que M. B...relève appel de l'ordonnance n° 1201667 du 4 juillet 2012 par laquelle le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande d'annulation de ces arrêtés comme tardive et par suite irrecevable ;

Sur la régularité de l'ordonnance :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : "En cas de décision de placement en rétention ou d'assignation à résidence prise en application de l'article L. 531-2, l'étranger peut demander au président du tribunal administratif l'annulation de cette décision dans les quarante-huit heures suivant sa notification. (...)Lorsque l'étranger a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français, le même recours en annulation peut être également dirigé contre l'obligation de quitter le territoire français et contre la décision refusant un délai de départ volontaire, la décision mentionnant le pays de destination et la décision d'interdiction de retour sur le territoire français qui l'accompagnent le cas échéant, lorsque ces décisions sont notifiées avec la décision de placement en rétention ou d'assignation. (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 776-1 du même code : " sont présentées, instruites et jugées selon les dispositions de l'article L. 512-1 les requêtes dirigées contre (...) 4° les décisions fixant le pays de renvoi prévues à l'article L. 513-3... " ;

3. Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'arrêté fixant le pays de renvoi notifié à M. B...le 5 mai 2012 en même temps que celui l'assignant à résidence, comportait la mention erronée que " l'intéressé a la possibilité, dans un délai de deux mois suivant la notification de la décision : (...) de saisir d'un recours contentieux le président du tribunal administratif de Poitiers " ; que, par suite, cette notification n'a pu faire courir en ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi le délai spécial de quarante-huit heures prévu à l'article L. 512-1 précité mais seulement le délai de recours contentieux de droit commun de deux mois ; que, dès lors, la requête déposée le 4 juillet 2012 au greffe du tribunal administratif de Poitiers a été formée dans le délai du recours contentieux qui lui avait été notifié en ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi ; qu'en revanche, la décision portant assignation à résidence indiquait bien au titre des voies et délais de recours le délai de quarante-huit heures pour la contester ; que, compte tenu de ce qui précède, M. B...n'est fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Poitiers a déclaré irrecevable comme tardive sa demande qu'en tant qu'elle est dirigée contre la décision du préfet de la Vienne du 3 mai 2012 fixant son pays de renvoi ;

4. Considérant que dans cette mesure il y a lieu de prononcer l'annulation de cette ordonnance et de statuer, par voie d'évocation, sur la demande présentée par M. B...devant le tribunal administratif de Poitiers tendant à l'annulation de la décision fixant son pays de renvoi ; qu'en revanche il sera statué par l'effet dévolutif de l'appel sur les conclusions dirigées contre l'assignation à résidence ;

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

5. Considérant que le droit constitutionnel d'asile, qui a le caractère d'une liberté fondamentale, a pour corollaire le droit de solliciter le statut de réfugié ; que, s'il implique que l'étranger qui sollicite la reconnaissance de la qualité de réfugié soit en principe autorisé à demeurer sur le territoire jusqu'à ce qu'il ait été statué sur sa demande, ce droit s'exerce dans les conditions définies par l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que le 1° de cet article permet de refuser l'admission en France d'un demandeur d'asile, lorsque l'examen de la demande d'asile relève de la compétence d'un autre Etat en application des dispositions du règlement du Conseil du 18 février 2003 ; que tel est en particulier le cas, en vertu des dispositions combinées des articles 4, 16 et 20 de ce règlement, lorsque l'étranger avait auparavant présenté une demande d'asile dans cet autre Etat ; que le 1 du même article 20 prévoit que le transfert du demandeur d'asile vers le pays de réadmission doit alors se faire " dès qu'il est matériellement possible et, au plus tard, dans un délai de six mois à compter de l'acceptation de la demande aux fins de reprise en charge " et que, selon le 2 de ce même article " si le transfert n'est pas exécuté dans le délai de six mois, la responsabilité incombe à l'État membre auprès duquel la demande d'asile a été introduite ", ce délai pouvant être porté à dix-huit mois au maximum si le demandeur d'asile prend la fuite ; que le refus de la reprise en charge, prévue à l'article 5 du règlement CE n° 1560/2003 de la Commission européenne du 2 septembre 2003 pris pour son application, induit que l'Etat responsable de l'examen de la demande d'asile est celui qui avait sollicité cette prise en charge et dans lequel une demande d'asile a été formée ;

6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'à la suite de la demande d'asile présentée le 8 mars 2011 par M.B..., le préfet de la Vienne a saisi le 26 avril 2011 les autorités belges, qui avaient enregistré une demande d'asile de l'intéressé, et que celles-ci lui ont indiqué dès le lendemain que l'Etat responsable était l'Italie, qui avait accepté sa reprise en charge le 16 décembre 2010, et à laquelle une prolongation de délai avait été notifiée le 14 janvier 2011 par les autorités belges au motif que l'intéressé avait pris la fuite ; que l'arrêté du 2 avril 2012 par lequel le préfet a, dans le délai de dix-huit mois prévu par les dispositions de l'article 20 du règlement du Conseil du 18 février 2003, décidé la réadmission de M. B... en Italie a été confirmé par le tribunal administratif de Melun le 5 avril 2012 et que l'intéressé a néanmoins été remis en liberté par le juge des libertés et de la détention pour vice de procédure ; qu'il n'est pas contesté par le préfet que, postérieurement, l'Italie a finalement refusé de reprendre en charge M. B... ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'à défaut d'accord d'autres Etats membres sur la reprise en charge de l'étranger, la responsabilité du traitement de la demande d'asile de M. B...et les autres obligations découlant du règlement (CE) n° 343/2003 incombaient aux autorités françaises ; que la circonstance, pour regrettable qu'elle soit, que M. B... soit responsable de l'absence d'examen de sa demande d'asile, en ce qu'il n'a pas déféré à la convocation pour réacheminement vers l'Italie qui lui a été délivrée pour le 24 mai 2011, ne saurait permettre au préfet de décider son renvoi vers son pays d'origine sans aucun examen de sa demande d'asile ; que, dans les circonstances de l'espèce, M. B...est ainsi fondé à soutenir que le préfet de la Vienne n'a pu légalement prononcer à son encontre une mesure d'éloignement sans avoir fait procéder à l'examen de sa demande d'asile ; que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, l'arrêté du 3 mai 2012 fixant le pays de renvoi doit être annulé ;

8. Considérant que les conclusions tendant à l'annulation de l'assignation à résidence, qui n'étaient au demeurant assorties d'aucun moyen, sont tardives pour les motifs invoqués au point 2 et ne peuvent par suite qu'être rejetées comme irrecevables, comme l'a jugé à bon droit le premier juge ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

9. Considérant qu'eu égard aux motifs de l'annulation de l'arrêté du 3 mai 2012, il y a lieu d'enjoindre au préfet de la Vienne de délivrer à M.B..., dans un délai de huit jours à compter de la notification du présent arrêt, l'autorisation provisoire de séjour lui permettant de présenter sa demande d'asile à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte ;

Sur les conclusions tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

10. Considérant que M. B...bénéficie de l'aide juridictionnelle totale ; que, par suite, son avocate peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Renner de la somme de 1 000 euros, sous réserve que cette avocate renonce à percevoir la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle ;

DECIDE :

Article 1er : L'ordonnance n° 1201667 du 4 juillet 2012 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Poitiers est annulée en tant qu'elle rejette comme tardives les conclusions de M. B...dirigées contre la décision fixant le pays de renvoi.

Article 2 : La décision du préfet de la Vienne du 3 mai 2012 fixant le pays de renvoi de M. B... est annulée.

Article 3 : Il est enjoint au préfet de la Vienne de délivrer, dans un délai de huit jours, à M. B... une autorisation provisoire de séjour pour présenter sa demande d'asile à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides.

Article 4 : L'Etat versera à Me Renner la somme de 1 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que ce dernier renonce à percevoir la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.

Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

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No 12BX02100


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 12BX02100
Date de la décision : 04/04/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03-02-01-01 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière. Légalité interne. Étrangers ne pouvant faire l`objet d`une OQTF ou d`une mesure de reconduite. Demandeurs d'asile.


Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: Mme Catherine GIRAULT
Rapporteur public ?: Mme MEGE
Avocat(s) : RENNER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.de;arret;2013-04-04;12bx02100 ?
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