Vu la requête, enregistrée le 24 mai 2012, présentée pour M. C...A...et Mme B...A...demeurant..., par Me Da Ros, avocat ;
M. et Mme A...demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement n°s 1104324 et 1104325 du 25 janvier 2012 du tribunal administratif de Bordeaux rejetant leurs recours pour excès de pouvoir contre les arrêtés du 27 septembre 2011 par lesquels le préfet de la Gironde leur a refusé la délivrance d'un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français, leur a interdit le retour sur le territoire pendant deux ans, et a fixé leur pays de renvoi ;
2°) d'annuler ces décisions ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde de réexaminer leurs situations et de leur délivrer dans cette attente une autorisation provisoire de séjour à compter d'un délai de huit jours suivant l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) de les admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;
Vu la convention internationale des droits de l'enfant ;
Vu la directive 2005/85/CE du Conseil du 1er décembre 2005 ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 21 février 2013 :
- le rapport de Mme Girault, président ;
- les conclusions de Mme Christine Mège, rapporteur public ;
- et les observations de Me Da Ros, avocat de M. et MmeA... ;
1. Considérant que M. et MmeA..., respectivement de nationalité indienne et malgache, sont entrés régulièrement en France le 9 août 2009 munis de visas délivrés par le consulat de France à Antananarivo; que leurs demandes d'asile ont été rejetées le 12 janvier 2010 par le directeur de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, puis le 19 janvier 2011 par la Cour nationale du droit d'asile ; que leurs demandes de réexamen ont été rejetées le 27 juillet 2011 par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides selon la procédure prioritaire ; que par deux arrêtés du 27 septembre 2011, le préfet de la Gironde leur a refusé la délivrance de titres de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français, a fixé leur pays de renvoi et les a interdits de retour sur le territoire national durant deux ans ; que M. et Mme A...relèvent appel du jugement du tribunal administratif de Bordeaux n°s 1104324 et 1104325 du 25 janvier 2012 rejetant leurs recours pour excès de pouvoir contre les arrêtés du 27 septembre 2011 ;
Sur l'admission à l'aide juridictionnelle provisoire :
2. Considérant que par décision en date du 25 juin 2012, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté la demande d'aide juridictionnelle de M. et MmeA... ; que dès lors, il n'y a pas lieu pour la cour de se prononcer sur les conclusions des intéressés tendant à leur admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;
Sur les décisions portant refus de titres de séjour :
3. Considérant qu'aux termes de l'article 24 de la loi n° 2000-231 du 12 avril 2000 : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application des articles 1er et 2 de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. Cette personne peut se faire assister par un conseil ou représenter par un mandataire de son choix (...) " ; qu'il résulte des termes mêmes de ces dispositions qu'elles ne peuvent être utilement invoquées à l'encontre d'une décision de refus de titre de séjour, qui est prise en réponse à une demande formulée par l'intéressé ; qu'il en est notamment ainsi lorsque, comme en l'espèce, le préfet refuse la délivrance d'un titre de séjour à un étranger auquel la qualité de réfugié a été refusée, cette décision devant être regardée comme prise en réponse à une demande d'admission au séjour en qualité de demandeur d'asile ;
4. Considérant qu'aux termes de l'article 2 de la loi du 12 avril 2000 : " Le droit de toute personne à l'information est précisé et garanti par le présent chapitre en ce qui concerne la liberté d'accès aux règles de droit applicables aux citoyens. Les autorités administratives sont tenues d'organiser un accès simple aux règles de droit qu'elles édictent. La mise à disposition et la diffusion des textes juridiques constituent une mission de service public au bon accomplissement de laquelle il appartient aux autorités administratives de veiller. Les modalités d'application du présent article sont déterminées, en tant que de besoin, par décret en Conseil d'Etat. " ; que si les époux soutiennent que le préfet a méconnu ces dispositions, ils n'apportent cependant à l'appui de ce moyen aucune précision permettant d'en apprécier le bien-fondé ; qu'il doit, par suite, être écarté ;
5. Considérant que les époux A...soutiennent pour la première fois en appel, qu'ils ont été privés des garanties offertes aux demandeurs d'asile ; qu'aux termes du paragraphe 1 de l'article 10, intitulé " Garanties accordées aux demandeurs d'asile ", de la directive 2005/85/CE du Conseil du 1er décembre 2005 relative à des normes minimales concernant la procédure d'octroi et de retrait du statut de réfugié dans les États membres : " En ce qui concerne les procédures prévues au chapitre III, les États membres veillent à ce que tous les demandeurs d'asile bénéficient des garanties suivantes : a) ils sont informés, dans une langue dont il est raisonnable de supposer qu'ils la comprennent, de la procédure à suivre et de leurs droits et obligations au cours de la procédure ainsi que des conséquences que pourrait avoir le non-respect de leurs obligations ou le refus de coopérer avec les autorités. Ils sont informés du calendrier, ainsi que des moyens dont ils disposent pour remplir leur obligation de présenter les éléments visés à l'article 4 de la directive 2004/83/CE. Ces informations leur sont communiquées à temps pour leur permettre d'exercer les droits garantis par la présente directive et de se conformer aux obligations décrites à l'article 11 (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 741-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) L'indication des pièces à fournir par l'étranger qui sollicite son admission au séjour au titre de l'asile en application du présent article est portée à sa connaissance par les services de la préfecture. Ces derniers remettent alors à l'étranger un document d'information sur ses droits et sur les obligations qu'il doit respecter eu égard aux conditions d'accueil des demandeurs d'asile, ainsi que sur les organisations qui assurent une assistance juridique spécifique et celles susceptibles de l'aider ou de l'informer sur les conditions d'accueil dont il peut bénéficier, y compris les soins médicaux. Cette information se fait dans une langue dont il est raisonnable de penser que le demandeur d'asile la comprend " ;
6. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que M. et MmeA..., dont il est constant qu'ils ont été à même de déposer une demande d'asile examinée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ainsi qu'un recours devant la Cour nationale du droit d'asile, n'auraient pas été dûment informés de leurs droits et obligations en matière d'asile, dans une langue dont il était raisonnable de penser qu'ils la comprenaient, au sens de l'article 10 de la directive 2005/85/CE du Conseil du 1er décembre 2005 précité, ni qu'ils n'auraient pas été mis en possession du document d'information, visé à l'article R. 741-2 précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lequel répond aux exigences de la directive ; que le courrier adressé par les époux A...au préfet de la Gironde le 22 septembre 2009, mentionnant " l'attachement [de M.A...] pour la culture et la langue française " ainsi que les études qu'il a suivies à l'école française protestante à Fort Dauphin pendant dix ans d'une part, et les nombreux visas obtenus pour rendre visite à leur fils qui réside en France depuis dix ans d'autre part, sont de nature à démontrer qu'ils étaient en mesure de comprendre le français ; qu'en tout état de cause, la circonstance qu'un étranger qui sollicite son admission au séjour au titre de l'asile n'aurait pas reçu l'ensemble des informations prévues par le a) du paragraphe 1 de l'article 10 de la directive 2005/85/CE du Conseil du 1er décembre 2005 ainsi que par l'article R. 741-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans une langue dont il est raisonnable de supposer qu'il la comprend ne peut être utilement invoquée à l'appui de conclusions mettant en cause la légalité de la décision par laquelle le préfet statue, en fin de procédure, après intervention de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et, le cas échéant, après celle de la Cour nationale du droit d'asile, sur son droit au séjour en France au titre de l'asile ou à un autre titre ;
7. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1- Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2- Il ne peut y avoir d'ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;
8. Considérant que si M. et Mme A...affirment qu'ils sont bien insérés dans la société française, qu'ils n'ont plus aucun lien familial ou affectif à Madagascar dès lors que leur fils vit régulièrement en France et que leur fille vit à Singapour, et que leur vie privée se trouve désormais en France, il ressort des pièces du dossier qu'ils ne sont entrés sur le territoire français qu'en 2009, à l'âge de soixante et un ans ; qu'ils ne démontrent pas être dépourvus de toutes attaches familiales à Madagascar ni avoir créé des liens avec leur petit-fils, lequel vit avec sa mère et non avec leur fils ; qu'ainsi, compte tenu notamment de la durée de séjour en France des époux, les décisions refusant de les admettre au séjour ne peuvent être regardées comme ayant porté à leur droit au respect de leur vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elles ont été prises, et n'ont donc pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
9. Considérant que si les requérants font valoir qu'ils sont menacés de mort dans leur pays, que l'état de santé de Mme A...est préoccupant et qu'un retour constituerait un risque d'aggravation de son stress post-traumatique, il ressort des pièces du dossier, d'une part, que les documents produits par M. A...relatifs aux menaces de mort dont il serait l'objet à la suite d'un cambriolage et de dépôts de plaintes ne peuvent être regardés comme suffisants pour établir le bien-fondé de leurs craintes et, d'autre part, que les certificats médicaux produits par Mme A...sont postérieurs à la décision attaquée et n'établissent pas qu'elle ne pourrait bénéficier dans son pays d'un suivi de son état psychique et des soins appropriés ; que, dans ces conditions, les décisions de refus de titre de séjour ne sont pas entachées d'erreur manifeste d'appréciation quant à leurs conséquences sur la situation personnelle de M. et de Mme A...;
10. Considérant qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ;
11. Considérant que s'agissant de leur petit-fils, si les requérants soutiennent qu'ils ne pourraient plus avoir de liens réguliers en cas de retour dans leur pays d'origine, cette seule circonstance, alors qu'ils n'établissent pas la réalité de contacts réguliers, ne permet pas de regarder les refus de titres de séjour opposés à M. et Mme A...comme méconnaissant l'intérêt supérieur de l'enfant ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant doit être écarté ;
Sur les décisions portant obligation de quitter le territoire français :
12. Considérant que, pour les motifs précédemment exposés, M. et Mme A...ne sont pas fondés à soutenir que les décisions leur faisant obligation de quitter le territoire français seraient illégales du fait de l'illégalité des décisions portant refus de titres de séjour prises à leur encontre ;
13. Considérant que M. et Mme A...font valoir qu'un retour à Madagascar comporterait des conséquences d'une exceptionnelle gravité au regard de leur vie personnelle et des problèmes de santé de Mme A...; que toutefois, il résulte de ce qui a été dit précédemment que ce moyen doit être écarté ;
Sur les décisions fixant le pays de renvoi :
14. Considérant qu'au soutien du moyen tiré de la méconnaissance des articles 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, M. et Mme A...ne se prévalent devant la cour d'aucun élément de fait ou de droit nouveau par rapport à l'argumentation développée en première instance et ne critiquent pas la réponse qui leur a été apportée par le tribunal administratif ; qu'il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs pertinents retenus par les premiers juges ;
Sur les décisions d'interdiction de retour sur le territoire français :
15. Considérant qu'aux termes du paragraphe III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction issue de la loi du 16 juin 2011 : " L'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français (...). L'interdiction de retour et sa durée sont décidées par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. L'autorité administrative peut à tout moment abroger l'interdiction de retour (...) " ;
16. Considérant qu'il ressort des termes mêmes de ces dispositions que l'autorité compétente doit, pour décider de prononcer à l'encontre de l'étranger soumis à l'obligation de quitter le territoire français une interdiction de retour et en fixer la durée, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères qu'elles énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux ;
17. Considérant que si les décisions portant interdiction de retour sur le territoire national de M. et Mme A...précisent que les intéressés ont fait l'objet de mesures d'éloignement antérieures à celles en litige auxquelles ils n'ont pas déféré, et qu'ils sont entrés récemment en France, le préfet de la Gironde ne s'est pas prononcé sur la nature et l'ancienneté de leurs liens avec la France ni sur la menace pour l'ordre public que constituerait leur présence ; que, par suite, les décisions du 27 septembre 2011 du préfet de la Gironde interdisant le retour de M. et Mme A...pour une durée de deux ans sont entachées d'erreur de droit et doivent être annulées ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
18. Considérant que le présent arrêt, qui n'annule que les interdictions de retour sur le territoire français, n'implique aucune mesure d'exécution autre que celle consistant à supprimer le signalement des intéressés aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen pour la durée de l'interdiction de séjour ; que, par suite, les conclusions de M. et Mme A...tendant au réexamen de leurs demandes de titres de séjour ne peuvent être accueillies ;
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
19. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. et Mme A...de quelque somme que ce soit au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DECIDE :
Article 1er : M. et Mme A...ne sont pas admis, à titre provisoire, au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Article 2 : Les arrêtés du préfet de la Gironde en date du 27 septembre 2011 sont annulés en tant qu'ils interdisent à M. et Mme A...le retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans.
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux en date du 25 janvier 2012 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
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No 12BX01323