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12/01/2024 | FRANCE | N°23PA03159

France | France, Cour administrative d'appel, 9ème chambre, 12 janvier 2024, 23PA03159


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté en date du 20 mars 2023 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans.



Par un jugement n° 2306948 du 27 juin 2023, le tribunal administr

atif de Paris, après avoir annulé la décision portant interdiction de retour sur le territoire français...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté en date du 20 mars 2023 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans.

Par un jugement n° 2306948 du 27 juin 2023, le tribunal administratif de Paris, après avoir annulé la décision portant interdiction de retour sur le territoire français, a rejeté le surplus des conclusions de sa requête.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire récapitulatif enregistrés le 18 juillet 2023 et 23 novembre 2023, M. A..., représenté par Me Bouyssou, demande à la Cour :

1°) d'annuler l'article 2 du jugement du tribunal administratif de Paris du 27 juin 2023 ;

2°) d'annuler l'arrêté en date du 20 mars 2023 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans ;

3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour ou à titre subsidiaire de réexaminer sa situation, dans le délai de deux mois à compter de la date de notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 400 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

S'agissant de la décision portant refus de titre de séjour :

- le tribunal a omis de se prononcer sur le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de l'arrêté attaqué notamment au regard des dispositions de l'article L. 423-21 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision en litige est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen réel et sérieux de sa situation personnelle et d'une erreur de fait ;

- elle est entachée d'une erreur d'appréciation de la menace à l'ordre public que constituerait sa présence en France ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle a été prise en méconnaissance des articles L. 423-15 et L. 423-21 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- cette décision est illégale, par voie d'exception, en conséquence de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour sur laquelle elle se fonde ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

S'agissant de la décision refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire :

- cette décision est illégale, par voie d'exception, en conséquence de l'illégalité des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français sur lesquelles elle se fonde ;

- la menace à l'ordre public qui fonde cette décision n'est pas caractérisée ;

S'agissant de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

- elle est illégale, par voie d'exception, en conséquence de l'illégalité des décisions sur lesquelles elle se fonde ;

- elle méconnaît les articles L. 612-6 et L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi qu'en ont jugé les juges de première instance.

Par un mémoire en défense, enregistré le 17 novembre 2023, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Lorin,

- et les observations de Me Bouyssou, représentant M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant malien né le 30 avril 2002, a sollicité la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ". Par un arrêté du 20 mars 2023, le préfet de police a rejeté sa demande à raison du comportement délictueux de l'intéressé et de la menace à l'ordre public qui en résulte, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a assorti ces décisions d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans. M. A... relève régulièrement appel du jugement du 27 juin 2023 par lequel le tribunal administratif de Paris, après avoir annulé la décision portant interdiction de retour sur le territoire français, a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1°) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; / 2°) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

3. Il est constant que M. A... est entré en France en 2015 à l'âge de 13 ans dans le cadre du regroupement familial et a été mis en possession d'un document de circulation pour étranger mineur valable jusqu'au mois d'avril 2020. Son père et ses six frères et sœurs ont acquis la nationalité française, sa mère étant titulaire d'une carte de résidente valable jusqu'en 2030. Depuis son arrivée en France, il a suivi sa scolarité jusqu'à la classe de terminale dans une filière professionnelle de maintenance des équipements industriels, l'obtention de son baccalauréat au titre de l'année 2022-2023, démontrant son implication dans ses études. La cheffe de l'établissement dans lequel il a été scolarisé, la conseillère principale d'éducation ainsi qu'un enseignant représentant l'équipe pédagogique, attestent d'ailleurs de la qualité de son projet professionnel, de son investissement et de son sérieux. Il ressort également des pièces produites que M. A... qui a débuté une activité professionnelle en contrat à durée indéterminée au mois d'octobre 2021 parallèlement à ses études, s'est inséré professionnellement. Il apporte une aide financière et matérielle à son père en prenant en charge quotidiennement ses frères et sœurs mineurs, lesquelles ont été confiés à la garde de leur père chez lequel il réside depuis la séparation de ses parents, intervenue en 2021 dans un contexte de violences maternelles, le divorce de ses parents ayant été prononcé le 15 décembre 2022. Si M. A... a été condamné par une décision du tribunal correctionnel de Nanterre du 11 juin 2021, à huit mois d'emprisonnement assortis d'un sursis probatoire de deux ans pour rébellion, transport, offre ou cession, détention et acquisition non autorisés de stupéfiants, un courrier du fonds de garanties des victimes du 21 juin 2022 atteste de l'indemnisation intégrale des parties civiles à son initiative. Une attestation de la conseillère pénitentiaire d'insertion et de probation témoigne de son sérieux dans l'accompagnement mis en place par une équipe pluridisciplinaire, de sa responsabilité et de son autonomie, l'intéressé démontrant ainsi une réelle capacité d'amendement et une volonté d'insertion. Au demeurant, la commission du titre de séjour de l'ouest parisien a émis un avis favorable à la délivrance d'un titre de séjour. Dans ces conditions, eu égard au comportement et aux capacités d'intégration dont M. A... a fait preuve depuis la date des faits pour lesquels il a été condamné, commis entre les mois de janvier et mars 2021 et compte tenu de l'ancienneté, l'intensité et la stabilité de ses attaches familiales sur le territoire français, la décision de refus de titre de séjour prise par le préfet de police, doit être regardée comme portant à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard de l'objectif d'ordre public poursuivi. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être accueilli.

4. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par décision portant refus de titre de séjour et par voie de conséquence, celles l'obligeant à quitter le territoire français sans délai et fixant le pays de destination et à demander à la Cour d'annuler ce jugement et ces décisions prises le 20 mars 2023 par le préfet de police.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

5. Le présent arrêt, qui accueille les conclusions à fin d'annulation présentées par M. A... implique nécessairement, eu égard au motif d'annulation retenu, que le préfet de police ou le préfet territorialement compétent délivre à M. A... une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt.

Sur les frais liés au litige :

6. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros au titre des frais exposés par M. A... et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : L'article 2 du jugement n° 2306948 du 27 juin 2023 du tribunal administratif de Paris et les décisions du préfet de police du 20 mars 2023 portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français sans délai et fixant le pays de destination sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de police ou au préfet territorialement compétent de délivrer à M. A... une carte de séjour mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à M. A... une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 15 décembre 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Soyez, président,

- Mme Boizot, première conseillère,

- Mme Lorin, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour le 12 janvier 2024.

La rapporteure,

C. LORIN

Le président,

J.-E. SOYEZ

La greffière,

C. DABERT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23PA03159


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA03159
Date de la décision : 12/01/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. SOYEZ
Rapporteur ?: Mme Cécile LORIN
Rapporteur public ?: M. SIBILLI
Avocat(s) : BOUYSSOU

Origine de la décision
Date de l'import : 14/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-01-12;23pa03159 ?
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