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09/01/2024 | FRANCE | N°23VE01496

France | France, Cour administrative d'appel, 1ère chambre, 09 janvier 2024, 23VE01496


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société anonyme (SA) GDF-Suez, devenue en cours d'instance la SA Engie, a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise de lui accorder la restitution, à concurrence des montants respectifs de 304 085 582 euros, 295 684 575 euros et 152 278 090 euros, du précompte mobilier dont elle s'est acquittée en 2002, 2003 et 2004, assortie des intérêts moratoires.



Par un jugement nos 0403926, 0806660 du 31 mars 2014, le tribunal administratif de Cergy-Pont

oise a rejeté sa demande.



Par un arrêt nos 14VE0153, 14VE01601 du 23 juin 2020, la c...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société anonyme (SA) GDF-Suez, devenue en cours d'instance la SA Engie, a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise de lui accorder la restitution, à concurrence des montants respectifs de 304 085 582 euros, 295 684 575 euros et 152 278 090 euros, du précompte mobilier dont elle s'est acquittée en 2002, 2003 et 2004, assortie des intérêts moratoires.

Par un jugement nos 0403926, 0806660 du 31 mars 2014, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.

Par un arrêt nos 14VE0153, 14VE01601 du 23 juin 2020, la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel formé par la SA Société Générale contre ce jugement, prononcé la restitution à la société Engie des sommes de 297 487 745 euros et 295 684 575 euros au titre du précompte mobilier acquitté respectivement en 2002 et 2003, et rejeté le surplus de sa demande.

Par une décision n° 443127 du 30 juin 2023, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux sur le pourvoi formé par le ministre de l'économie, des finances et de la relance, a annulé l'arrêt du 23 juin 2020 de la cour administrative d'appel de Versailles en tant qu'il a statué sur les conclusions de la société Engie tendant à la restitution du précompte qu'elle a acquitté en 2003 et renvoyé, dans cette mesure, l'affaire à la cour.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 30 mai 2014, 14 septembre 2015, 28 février 2018, 11 avril 2019, 30 août 2019 et 3 octobre 2019, et après cassation, le 22 août et le 13 novembre 2023, la société Engie, représentée par Me Briard, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la restitution des montants de précompte mobilier dont elle s'est acquittée au titre des années 2002, 2003 et 2004 en litige ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 15 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que le taux du précompte étant de 50 %, pour calculer le montant à lui restituer, il y a lieu d'appliquer ce taux aux dividendes reçus de ses filiales européennes qu'elle a redistribués ; elle s'est acquittée du précompte sur ses réserves distribuables et non sur les revenus distribués ; elle est fondée à demander la restitution du précompte au hauteur de 50 % des dividendes redistribués qu'elle a acquitté, dès lors que les dividendes de source européenne ont été intégralement redistribués et que le précompte mobilier n'a pas été prélevé sur ces distributions, mais imputé sur d'autres revenus de ses filiales.

Par des mémoires en défense enregistrés les 15 octobre 2014, 11 juillet 2019, 24 septembre 2019 et, après cassation, les 17 octobre et 29 novembre 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut à la restitution de la somme de 201 278 545 euros au titre du précompte mobilier acquitté en 2003 et au rejet du surplus des conclusions de la requête.

Il fait valoir que la demande de restitution ne peut être accueillie qu'à hauteur d'une somme correspondant au tiers des dividendes reçus de filiales européennes et redistribués, que la société Engie n'est pas recevable à reprendre devant la juridiction de renvoi les moyens définitivement écartés par le rejet de son pourvoi et que les autres moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- la directive 90/435/CEE du Conseil du 23 juillet 1990 ;

- l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne C-416/17 du 4 octobre 2018 ;

- l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne C-556/20 du 12 mai 2022 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Dorion,

- les conclusions de M. Lerooy, rapporteur public,

- et les observations de Me Briard pour la société Engie et de M. A... pour le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Considérant ce qui suit :

1. La société anonyme (SA) GDF-Suez, devenue en cours d'instance la société Engie, a demandé à l'administration fiscale de lui accorder la restitution, assortie des intérêts moratoires, du précompte dont elle s'est acquittée à raison de distributions de dividendes intervenues en 2002, 2003 et 2004 pour des montants respectifs de 304 085 582 euros, 295 684 575 euros et 152 278 090 euros. Après le rejet de sa réclamation, elle a porté le litige devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise qui, par un jugement du 31 mars 2014, a rejeté sa demande. Par un arrêt du 23 juin 2020, la cour administrative d'appel de Versailles a, sur appel de la société ENGIE, prononcé la restitution du précompte dont celle-ci s'était acquittée au titre des distributions survenues en 2002 et 2003 à concurrence, respectivement, des sommes de 297 487 745 euros et 295 684 575 euros et rejeté le surplus des conclusions de sa requête. Par une décision n° 443127 du 30 juin 2023, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux sur le pourvoi formé par le ministre de l'économie, des finances et de la relance, a annulé l'arrêt du 23 juin 2020 de la cour administrative d'appel de Versailles en tant qu'il a statué sur les conclusions de la société Engie tendant à la restitution du précompte qu'elle a acquitté en 2003 et renvoyé, dans cette mesure, l'affaire à la cour.

Sur l'étendue du litige :

2. Par un courrier du 30 août 2023, adressé à la Société Générale, cessionnaire de la créance de restitution de la société Engie, en vue de l'exécution de la décision du Conseil d'Etat du 1er mars 2023, l'administration fiscale a admis que le droit à restitution de la société Engie au titre du précompte acquitté sur les dividendes reçus de ses filiales européennes redistribués à ses actionnaires au titre de l'année 2003 devait être fixé à la somme de 201 278 545 euros. En conséquence, elle a demandé à la Société Générale, à la suite de l'exécution de l'arrêt du 23 juin 2020 de la cour et de la cassation partielle de cet arrêt, de rembourser à l'Etat la somme de 94 406 030 euros déchargée à tort par la cour, et les intérêts moratoires correspondants. L'administration fiscale doit ainsi être regardée comme ayant dégrevé en cours d'instance la somme de 201 278 545 euros. Par suite, il n'y a plus lieu de statuer sur la demande de restitution de la société Engie à hauteur de la somme de 201 278 545 euros au titre de l'année 2003, dégrevée en cours d'instance.

Sur les conclusions de la requête en tant qu'elles portent sur la restitution du précompte mobilier acquitté en 2002 et 2004 :

3. L'arrêt du 23 juin 2020 de la cour administrative d'appel de Versailles ayant été annulé par la décision n° 443127 du 30 juin 2023 du Conseil d'Etat, statuant au contentieux, en tant seulement qu'il a statué sur les conclusions de la société Engie tendant à la restitution du précompte qu'elle a acquitté en 2003 et l'affaire n'étant renvoyée à la cour que dans cette mesure, les conclusions de la requête de la société Engie relatives au précompte mobilier dont elle s'est acquittée au titre des années 2002 et 2004 ne sont plus en litige.

Sur le surplus des conclusions de la demande :

4. Par un arrêt du 12 mai 2022 Schneider Electric et autres (C-556/20), la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que le paragraphe 1 de l'article 4 de la directive du Conseil du 23 juillet 1990 devait être interprété en ce sens qu'il s'oppose à une réglementation nationale qui prévoit qu'une société mère est redevable d'un précompte en cas de redistribution à ses actionnaires de bénéfices versés par ses filiales lorsque ces bénéfices n'ont pas supporté l'impôt sur les sociétés au taux de droit commun, dès lors que les sommes dues au titre de ce précompte dépassent le plafond de 5 % prévu au paragraphe 2 de ce même article 4. Il s'ensuit, ainsi que l'a jugé le Conseil d'Etat dans sa décision n° 443127 du 30 juin 2023, qu'une société mère est fondée à obtenir la restitution du précompte qu'elle a acquitté à raison de la redistribution de dividendes reçus de ses filiales établies dans un Etat membre de l'Union européenne autre que la France, dès lors que l'article 4 de la directive du Conseil du 23 juillet 1990 fait obstacle à ce qu'elle soit soumise à une imposition sur de tels dividendes.

5. Aux termes de l'article 46 quater-0 D de l'annexe III du code général des impôts, dans sa rédaction alors en vigueur : " I. Les distributions qui n'ouvrent pas droit à l'avoir fiscal prévu à l'article 158 bis du code général des impôts sont prélevées, par priorité, sur les bénéfices soumis à l'impôt sur les sociétés ou exonérés de cet impôt au titre du dernier exercice clos et, en cas d'insuffisance de ces bénéfices, sur ceux des exercices antérieurs les plus récents. / II. Les distributions qui ouvrent droit à l'avoir fiscal sont prélevées ensuite dans l'ordre suivant : / D'abord, sur les bénéfices disponibles qui ont été soumis à l'impôt sur les sociétés au taux normal prévu au deuxième alinéa du I de l'article 219 du code déjà cité au titre du dernier exercice clos ; / Puis, sur les bénéfices disponibles qui ont été imposés à ce même taux au titre d'exercices antérieurs clos depuis cinq ans au plus ; / Enfin, sur tous autres bénéfices ou réserves disponibles. / Toutefois, si la personne morale a encaissé, au cours d'exercices clos depuis cinq ans au plus, des produits de participations ouvrant droit au régime des sociétés mères, les distributions peuvent être librement imputées sur ces produits. / II bis. Les distributions mises en paiement à compter du 1er janvier 2000, ouvrant droit ou non à l'avoir fiscal, sont prélevées d'abord sur les bénéfices soumis à l'impôt sur les sociétés ou exonérés au titre d'exercices clos depuis cinq ans au plus, puis sur tous les autres bénéfices ou réserves disponibles ". Aux termes du II de l'article 46 quater-0 E de la même annexe : " Les sommes dont l'imputation est réglée par le II et par le II bis [de l'article 46 quater-0 D] s'entendent du total des revenus distribués et du précompte afférent à la distribution ". Aux termes de l'article 46 quater 0 F de la même annexe : " La personne morale est tenue d'adresser au bureau désigné à l'article 381 T de la présente annexe une déclaration faisant connaître les imputations opérées conformément aux dispositions de l'article 46 quater-0 D. / Cette déclaration doit être souscrite dans le mois qui suit la répartition des produits, sur des imprimés fournis par l'administration ".

6. La déclaration de précompte a pour objet de permettre d'identifier les bénéfices sur lesquels les sommes distribuées par une société ont été prélevées et si ces bénéfices ont été imposés au taux normal de l'impôt sur les sociétés, afin de déterminer l'assiette du précompte dans les cas où celui-ci serait exigible. La circonstance que le droit de l'Union européenne fasse obstacle au prélèvement d'un précompte à raison de la redistribution de produits de filiales établies dans un Etat membre de l'Union autre que la France ne remet pas, par elle-même, en cause la possibilité de recourir aux éléments portés dans cette déclaration pour déterminer le montant du précompte dont une société demeure redevable à raison de la distribution d'autres bénéfices ainsi que celui dont elle est fondée à obtenir la restitution.

7. Il résulte des dispositions de l'article 46 quater-0 E de l'annexe III au code général des impôts dans sa rédaction applicable à l'imposition en litige que " les sommes dont l'imputation est réglée par le II et par le II bis [de l'article 46 quater-0 D de la même annexe] s'entendent du total des revenus distribués et du précompte afférent à la distribution ". Il s'ensuit que les montants mentionnés dans la déclaration de précompte comme imputés sur les différents postes de résultats disponibles s'entendent du total des revenus effectivement distribués et du précompte y afférent. Est dès lors sans incidence la circonstance que le précompte aurait été imputé sur d'autres fonds ou distributions ne provenant pas de dividendes de source européenne.

8. Il résulte de l'instruction que la société GDF-Suez a déclaré avoir affecté à ses distributions et au précompte afférent à ces distributions, au titre des années 2002 et 2003, 1 496 298 869 euros de dividendes de source européenne reçus en 2001, soit un précompte égal au tiers de cette somme, de 498 766 290 euros, dont 297 487 745 euros lui ont été restitués au titre de l'année 2002. Il s'ensuit que le montant du précompte mobilier restant à restituer à la société Engie au titre de l'année 2003, seul en litige, doit être fixé à la somme de 201 278 545 euros, admise par l'administration fiscale.

9. Il résulte de ce qui précède que la société Engie n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement nos 0403926, 0806660 du 31 mars 2014, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté le surplus de sa demande de restitution.

Sur les frais de l'instance :

10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : Il n'y a plus lieu de statuer sur la demande de restitution du précompte mobilier acquitté par la société Engie à hauteur de la somme de 201 278 545 euros au titre du précompte mobilier acquitté en 2003, dégrevée en cours d'instance.

Article 2 : L'Etat versera la somme de 2 000 euros à la société Engie au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la société Engie est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SA Engie et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 15 décembre 2023, à laquelle siégeaient :

Mme Versol, présidente de chambre,

Mme Dorion, présidente-assesseure,

M. Tar, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 9 janvier 2024.

La rapporteure,

O. DORION La présidente,

F. VERSOL

La greffière,

S. LOUISERE

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

2

N° 23VE01496


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de VERSAILLES
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23VE01496
Date de la décision : 09/01/2024
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-01-05 Contributions et taxes. - Impôts sur les revenus et bénéfices. - Règles générales. - Impôts et prélèvements divers sur les bénéfices.


Composition du Tribunal
Président : Mme VERSOL
Rapporteur ?: Mme Odile DORION
Rapporteur public ?: M. LEROOY
Avocat(s) : SARL CABINET BRIARD

Origine de la décision
Date de l'import : 14/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-01-09;23ve01496 ?
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