La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

09/01/2024 | FRANCE | N°23VE00638

France | France, Cour administrative d'appel, 1ère chambre, 09 janvier 2024, 23VE00638


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société anonyme (SA) Accor a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise de lui accorder la restitution, à concurrence des montants de 78 369 758 euros, 45 521 880 euros et 63 766 792 euros, du précompte mobilier dont elle s'est acquittée en 2002, 2003 et 2004, assortie des intérêts moratoires.



Par un jugement n° 0701349 du 27 mai 2014, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a prononcé la restitution des sommes de 3 039 064 euros, de 143

850 euros et de 3 887 229 euros au titre des années 2002, 2003 et 2004, et rejeté le surplus de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société anonyme (SA) Accor a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise de lui accorder la restitution, à concurrence des montants de 78 369 758 euros, 45 521 880 euros et 63 766 792 euros, du précompte mobilier dont elle s'est acquittée en 2002, 2003 et 2004, assortie des intérêts moratoires.

Par un jugement n° 0701349 du 27 mai 2014, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a prononcé la restitution des sommes de 3 039 064 euros, de 143 850 euros et de 3 887 229 euros au titre des années 2002, 2003 et 2004, et rejeté le surplus de sa demande.

Par un arrêt n° 14VE02214 du 7 juillet 2020, la cour administrative d'appel de Versailles, sur appel de la société Accor, lui a accordé la restitution demandée au titre des années 2002, 2003 et 2004, pour des sommes de 78 369 758 euros, 45 221 880 euros et 63 766 792 euros et annulé le jugement en ce qu'il avait de contraire.

Par une décision n° 443425 du 27 mars 2023, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux sur le pourvoi formé par le ministre de l'économie, des finances et de la relance, a annulé l'arrêt du 7 juillet 2020 de la cour administrative d'appel de Versailles en tant qu'il a statué sur les conclusions de la société Accor tendant à la restitution du précompte qu'elle a acquitté en 2003 et 2004 et renvoyé, dans cette mesure, l'affaire à la cour.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 23 juillet 2014, 23 mai 2018, 31 décembre 2018 et 27 juin 2019, et après cassation, un mémoire récapitulatif et un mémoire en réplique enregistrés les 17 mai et 17 juillet 2023, la société Accor, représentée par Me Espasa-Mattei, avocate, demande à la cour, dans le dernier état de son mémoire récapitulatif :

1°) d'annuler l'article 3 du jugement n° 0701349 du 27 mai 2014 du tribunal administratif de Cergy-Pontoise ;

2°) de prononcer la restitution des sommes complémentaires de 45 521 880 euros au titre du précompte mobilier dont elle s'est acquittée au titre de l'année 2003 et de 63 766 792 euros au titre de l'année 2004, assortie des intérêts moratoires ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 15 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que le taux du précompte étant de 50 %, pour calculer le montant à lui restituer, il y a lieu d'appliquer ce taux aux dividendes reçus de ses filiales européennes qu'elle a redistribués ; elle s'est acquittée du précompte sur ses réserves distribuables et non sur les revenus distribués ; elle est fondée à demander la restitution du précompte au hauteur de 50 % des dividendes redistribués qu'elle a acquitté, dès lors que les dividendes de source européenne ont été intégralement redistribués et que le précompte mobilier n'a pas été prélevé sur ces distributions, mais imputé sur d'autres revenus de ses filiales.

Par des mémoires en défense enregistrés les 18 décembre 2014 et 23 mai 2019, et après cassation les 27 juin et 18 août 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut à la restitution des sommes complémentaires de 23 292 241 euros au titre du précompte mobilier acquitté en 2003 et de 50 525 309 euros au titre de l'année 2003, et au rejet du surplus des conclusions de la requête.

Il fait valoir que la demande de restitution ne peut être accueillie qu'à hauteur d'une somme correspondant au tiers des dividendes reçus de ses filiales européennes et redistribués à ses actionnaires, que la société Accor n'est pas recevable à reprendre devant la juridiction de renvoi les moyens définitivement écartés par le rejet de son pourvoi, et que les autres moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 19 juillet 2023, la clôture de l'instruction a été fixée, en application de l'article L. 613-1 du code de justice administrative, au 30 août 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- la directive 90/435/CEE du Conseil du 23 juillet 1990 ;

- l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne C-416/17 du 4 octobre 2018 ;

- l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne C-556/20 du 12 mai 2022 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Dorion,

- les conclusions de M. Lerooy, rapporteur public,

- et les observations de Me Renaudin pour la société Accor et de M. A... pour le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Considérant ce qui suit :

1. La société Accor a demandé à l'administration fiscale de lui accorder la restitution, assortie des intérêts moratoires, du précompte mobilier dont elle s'est acquittée à raison de distributions de dividendes intervenues en 2002, 2003 et 2004 pour des montants respectifs de 78 369 758 euros, 45 521 880 euros et 63 766 792 euros. Par un jugement du 27 mai 2014, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a prononcé la restitution du précompte dont s'était acquittée la société au titre de ces distributions à hauteur de respectivement 3 039 064 euros, 143 850 euros et 3 887 229 euros et rejeté le surplus de sa demande. Par un arrêt du 7 juillet 2020 par lequel la cour administrative d'appel de Versailles, sur appel de la société Accor, lui a accordé la totalité des restitutions qu'elle sollicitait. Par une décision du 27 mars 2023, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux sur le pourvoi formé par le ministre de l'économie, des finances et de la relance, a annulé l'arrêt du 7 juillet 2020 de la cour administrative d'appel de Versailles en tant qu'il a statué sur les conclusions de la société Accor tendant à la restitution du précompte qu'elle a acquitté en 2003 et 2004 et renvoyé, dans cette mesure, l'affaire à la cour.

Sur l'étendue du litige :

2. Par un courrier du 21 avril 2023, l'administration fiscale a admis que le droit à restitution de la société Accord au titre du précompte acquitté sur les dividendes reçus de ses filiales européennes redistribués à ses actionnaires devait être porté de la somme de 143 850 euros accordée par le tribunal à la somme de 23 436 091 euros, soit une restitution complémentaire de 22 085 789 euros au titre de l'année 2003, et de la somme 3 887 229 euros accordée par le tribunal à la somme de 54 412 538 euros, soit une restitution complémentaire de 9 354 254 euros au titre de l'année 2004. En conséquence, elle a demandé à la société Accor, à la suite de l'exécution de l'arrêt du 7 juillet 2020 de la cour et de la cassation partielle de cet arrêt, de rembourser à l'Etat les sommes de 15 302 979 euros et de 6 252 734 euros déchargées à tort par la cour, et les intérêts moratoires correspondants. L'administration fiscale doit ainsi être regardée comme ayant dégrevé en cours d'instance les sommes de 23 436 091 euros et 54 412 538 euros. Par suite, il n'y a plus lieu de statuer sur la demande de restitution de la société Accor à hauteur des sommes de 23 436 091 euros au titre de l'année 2003 et 54 412 538 euros au titre de l'année 2004, dégrevées en cours d'instance.

Sur le surplus des conclusions de la demande :

3. Par un arrêt du 12 mai 2022 Schneider Electric et autres (C-556/20), la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que le paragraphe 1 de l'article 4 de la directive du Conseil du 23 juillet 1990 devait être interprété en ce sens qu'il s'oppose à une réglementation nationale qui prévoit qu'une société mère est redevable d'un précompte en cas de redistribution à ses actionnaires de bénéfices versés par ses filiales lorsque ces bénéfices n'ont pas supporté l'impôt sur les sociétés au taux de droit commun, dès lors que les sommes dues au titre de ce précompte dépassent le plafond de 5 % prévu au paragraphe 2 de ce même article 4. Il s'ensuit, ainsi que l'a jugé le Conseil d'Etat dans son arrêt n° 443425 du 27 mars 2023, qu'une société mère est fondée à obtenir la restitution du précompte qu'elle a acquitté à raison de la redistribution de dividendes reçus de ses filiales établies dans un Etat membre de l'Union européenne autre que la France, dès lors que l'article 4 de la directive du Conseil du 23 juillet 1990 fait obstacle à ce qu'elle soit soumise à une imposition sur de tels dividendes.

4. Aux termes de l'article 46 quater-0 D de l'annexe III du code général des impôts, dans sa rédaction alors en vigueur : " I. Les distributions qui n'ouvrent pas droit à l'avoir fiscal prévu à l'article 158 bis du code général des impôts sont prélevées, par priorité, sur les bénéfices soumis à l'impôt sur les sociétés ou exonérés de cet impôt au titre du dernier exercice clos et, en cas d'insuffisance de ces bénéfices, sur ceux des exercices antérieurs les plus récents. / II. Les distributions qui ouvrent droit à l'avoir fiscal sont prélevées ensuite dans l'ordre suivant : / D'abord, sur les bénéfices disponibles qui ont été soumis à l'impôt sur les sociétés au taux normal prévu au deuxième alinéa du I de l'article 219 du code déjà cité au titre du dernier exercice clos ; / Puis, sur les bénéfices disponibles qui ont été imposés à ce même taux au titre d'exercices antérieurs clos depuis cinq ans au plus ; Enfin, sur tous autres bénéfices ou réserves disponibles. / Toutefois, si la personne morale a encaissé, au cours d'exercices clos depuis cinq ans au plus, des produits de participations ouvrant droit au régime des sociétés mères, les distributions peuvent être librement imputées sur ces produits. / II bis. Les distributions mises en paiement à compter du 1er janvier 2000, ouvrant droit ou non à l'avoir fiscal, sont prélevées d'abord sur les bénéfices soumis à l'impôt sur les sociétés ou exonérés au titre d'exercices clos depuis cinq ans au plus, puis sur tous les autres bénéfices ou réserves disponibles ". Aux termes du II de l'article 46 quater-0 E de la même annexe : " Les sommes dont l'imputation est réglée par le II et par le II bis [de l'article 46 quater-0 D] s'entendent du total des revenus distribués et du précompte afférent à la distribution ". Aux termes de l'article 46 quater 0 F de la même annexe : " La personne morale est tenue d'adresser au bureau désigné à l'article 381 T de la présente annexe une déclaration faisant connaître les imputations opérées conformément aux dispositions de l'article 46 quater-0 D. / Cette déclaration doit être souscrite dans le mois qui suit la répartition des produits, sur des imprimés fournis par l'administration ".

5. La déclaration de précompte a pour objet de permettre d'identifier les bénéfices sur lesquels les sommes distribuées par une société ont été prélevées et si ces bénéfices ont été imposés au taux normal de l'impôt sur les sociétés, afin de déterminer l'assiette du précompte dans les cas où celui-ci serait exigible. La circonstance que le droit de l'Union européenne fasse obstacle au prélèvement d'un précompte à raison de la redistribution de produits de filiales établies dans un Etat membre de l'Union autre que la France ne remet pas, par elle-même, en cause la possibilité de recourir aux éléments portés dans cette déclaration pour déterminer le montant du précompte dont une société demeure redevable à raison de la distribution d'autres bénéfices ainsi que celui dont elle est fondée à obtenir la restitution.

6. Il résulte des dispositions de l'article 46 quater-0 E de l'annexe III au code général des impôts dans sa rédaction applicable à l'imposition en litige que " les sommes dont l'imputation est réglée par le II et par le II bis [de l'article 46 quater-0 D de la même annexe] s'entendent du total des revenus distribués et du précompte afférent à la distribution ". Il s'ensuit que les montants mentionnés dans la déclaration de précompte comme imputés sur les différents postes de résultats disponibles s'entendent du total des revenus effectivement distribués et du précompte y afférent. Est dès lors sans incidence la circonstance que le précompte aurait été imputé sur d'autres fonds ou distributions ne provenant pas de dividendes de source européenne.

7. Il résulte de l'instruction que la société Accor a déclaré avoir affecté à ses distributions et au précompte afférent à ces distributions, au titre de l'année 2003, la somme de 70 308 273 euros de dividendes de source européenne perçus en 1998 et, au titre de l'année 2004, la somme de 163 237 613 euros de dividendes de source européenne perçus en 1999 et 2000. Le montant du précompte mobilier à restituer doit dès lors être fixé au tiers des dividendes de source européennes redistribués par la société Accord, soit en l'espèce, aux sommes de 23 436 091 euros au titre de l'année 2003 et de 54 412 538 euros au titre de l'année 2004, admises par l'administration fiscale.

8. Il résulte de ce qui précède que la société Accord n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement n° 0701349 du 27 mai 2014, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté le surplus de sa demande de restitution.

Sur les frais de l'instance :

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : Il n'y a plus lieu de statuer sur la demande de restitution du précompte mobilier acquitté par la société Accord à hauteur des sommes de 23 436 091 euros au titre de l'année 2003 et de 54 412 538 euros au titre de l'année 2004 dégrevées en cours d'instance.

Article 2 : L'Etat versera la somme de 2 000 euros à la société Accord au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la société Accord est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SA Accord et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 15 décembre 2023, à laquelle siégeaient :

Mme Versol, présidente de chambre,

Mme Dorion, présidente-assesseure,

M. Tar, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 9 janvier 2024.

La rapporteure,

O. DORION La présidente,

F. VERSOL

La greffière,

S. LOUISERE

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

2

N° 23VE00638


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de VERSAILLES
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23VE00638
Date de la décision : 09/01/2024
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-01-05 Contributions et taxes. - Impôts sur les revenus et bénéfices. - Règles générales. - Impôts et prélèvements divers sur les bénéfices.


Composition du Tribunal
Président : Mme VERSOL
Rapporteur ?: Mme Odile DORION
Rapporteur public ?: M. LEROOY
Avocat(s) : CABINET JEAUSSERAND AUDOUARD (AARPI)

Origine de la décision
Date de l'import : 14/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-01-09;23ve00638 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award