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09/01/2024 | FRANCE | N°23BX00436

France | France, Cour administrative d'appel, 4ème chambre, 09 janvier 2024, 23BX00436


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler l'arrêté du 27 juin 2022 par lequel la préfète de la Corrèze a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de 30 jours et a fixé le pays de renvoi.



Par un jugement n° 2201193 du 17 novembre 2022, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande.



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Par une requête enregistrée le 15 février 2023, M. B..., représenté par Me Akakpovie, demande à la cour :



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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler l'arrêté du 27 juin 2022 par lequel la préfète de la Corrèze a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de 30 jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2201193 du 17 novembre 2022, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 15 février 2023, M. B..., représenté par Me Akakpovie, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2201193 du 17 novembre 2022 du tribunal administratif de Limoges ;

2°) d'annuler l'arrêté du 27 juin 2022 par lequel la préfète de la Corrèze a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de 30 jours et a fixé le pays de renvoi ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Corrèze, à titre principal, de lui délivrer le titre de séjour demandé, à défaut, de procéder à un nouvel examen de sa demande dans un délai de trente jours à compter de la notification de la décision à intervenir et dans l'attente, de régulariser sa situation, dans un délai de sept jours à compter de la date de notification de la décision à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

S'agissant de la décision de refus de titre de séjour :

- en rejetant sa demande au motif qu'il " ne présente pas un contrat de travail préalablement visé par les services de la main d'œuvre étrangère ", sans procéder à l'instruction du dossier, la préfète de la Corrèze a entaché sa décision d'un vice de procédure et d'une erreur de droit ; dès lors qu'il retenait ces irrégularités, le tribunal devait annuler le refus de titre de séjour ;

- le tribunal a omis de statuer sur les autorisations de séjour d'octobre 2020 à juillet 2021 ;

- le tribunal ne s'est pas prononcé sur le moyen tiré de l'inopposabilité de l'absence de visa de long séjour en raison de la détention d'une autorisation de séjour sur une longue période ; en rejetant sa demande pour ce motif, sans procéder à l'instruction du dossier, la préfète de la Corrèze a entaché sa décision d'une erreur de droit et d'appréciation ;

- l'article 3 de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 a été méconnu ; pour les marocains résidant déjà en France, après l'introduction de la demande de titre, il appartient au préfet et non au demandeur de saisir le service de la main d'œuvre étrangère pour avis, sur la conformité du contrat de travail ;

- le refus de titre de séjour est entaché d'une erreur d'appréciation de sa situation personnelle

- l'autorité préfectorale ne s'est pas livrée à un examen suffisamment approfondi de sa situation ;

- l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales a été méconnu ;

S'agissant de l'obligation de quitter le territoire :

- la décision est dépourvue de base légale, en raison de l'illégalité du refus de titre de séjour ;

- l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales a été méconnu ;

- la décision est entachée d'une erreur d'appréciation ;

S'agissant de la décision fixant le pays de renvoi :

- la décision est dépourvue de base légale, en raison de l'illégalité du refus de titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire.

La requête a été communiquée le 4 octobre 2023 au préfet de la Corrèze qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Par ordonnance du 4 octobre 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 4 décembre 2023 à 12h00.

M. B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 26 janvier 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 ;

- le code du travail ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Bénédicte Martin.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant marocain né le 31 janvier 1976, est entré en France, selon ses déclarations, le 31 mars 2013, sous couvert d'un visa de 90 jours. Il a sollicité le 13 septembre 2021 la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " salarié ". Par un arrêté en date du 27 juin 2022, la préfète de la Corrèze a rejeté sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il était susceptible d'être éloigné. M. B... relève appel du jugement du 17 novembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement :

2. Il ressort du jugement du 17 novembre 2022 que les premiers juges ont écarté le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de l'accord franco- marocain, alors même que " la préfète de la Corrèze a entaché sa décision d'un vice de procédure et d'une erreur de droit ", au motif que la préfète aurait pris la même décision en se fondant uniquement sur l'absence de présentation par M. B... d'un visa de long séjour. Le tribunal, qui a neutralisé le motif tiré du défaut de présentation d'un contrat de travail préalablement visé par les services de la main d'œuvre étrangère, s'est ainsi prononcé sur le caractère opposable de l'absence de détention d'un visa de long séjour et n'était, dans ces conditions, pas tenu de répondre spécifiquement au moyen, à le supposer soulevé, tiré de ce que le requérant était détenteur de récépissés de demande de titre de séjour d'octobre 2020 à juillet 2021. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que les premiers juges auraient entaché leur jugement d'une omission à statuer ou d'une insuffisance de motivation.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :

3. Aux termes de l'article 3 de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 : " Les ressortissants marocains désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France pour une durée d'un an au minimum (...) reçoivent, après le contrôle médical d'usage et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an, renouvelable et portant la mention " salarié " éventuellement assortie de restrictions géographiques ou professionnelles. / Après trois ans de séjour régulier en France, les ressortissants marocains visés à l'alinéa précédent peuvent obtenir un titre de séjour de dix ans. Il est statué sur leur demande en tenant compte des conditions d'exercice de leurs activités professionnelles et de leurs moyens d'existence. (...)". Aux termes de l'article 9 du même accord : " Les dispositions du présent accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'accord ". Aux termes de l'article L. 412-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues aux articles L. 412-2 et L. 412-3, la première délivrance d'une carte de séjour temporaire ou d'une carte de séjour pluriannuelle est subordonnée à la production par l'étranger du visa de long séjour mentionné aux 1° ou 2° de l'article L. 411-1 ".

4. Il résulte de l'article 9 de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 en matière de séjour et d'emploi que celui-ci renvoie, sur tous les points qu'il ne traite pas, à la législation nationale, en particulier aux dispositions pertinentes du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, pour autant qu'elles ne sont pas incompatibles avec les stipulations de l'accord. L'article L. 412-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui subordonne de manière générale la délivrance de toute carte de séjour à la production par l'étranger d'un visa de long séjour, n'étant pas incompatible avec l'article 3 de l'accord franco-marocain, qui ne concerne que la délivrance d'un titre de séjour pour exercer une activité salariée, un préfet peut légalement refuser la délivrance d'un titre de séjour en qualité de salarié à un ressortissant marocain au motif qu'il ne justifie pas d'un visa de long séjour.

5. M. B... soutient de nouveau en appel qu'à sa demande de titre de séjour en qualité de salarié, était jointe une demande d'autorisation de travail présentée par une société lui ayant proposé un contrat de travail à durée indéterminée en qualité de coiffeur barbier à compter du 18 juillet 2021. Toutefois il ressort des termes de l'arrêté attaqué que la préfète, qui a mentionné la demande d'autorisation de travail, a estimé qu'elle n'était pas tenue de se prononcer sur la demande de titre en qualité de salarié de M. B... au motif que ce dernier était en situation irrégulière et dépourvu du visa de long séjour exigé par l'article L. 412-1 pour obtenir un titre de séjour en qualité de salarié. Par ce seul motif, la préfète pouvait légalement refuser à M. B... la délivrance d'un titre de séjour en qualité de salarié. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de l'accord franco-marocain doit donc être écarté.

6. Aux termes de l'article L. 431-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La détention d'un document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour, (...) d'une autorisation provisoire de séjour autorise la présence de l'étranger en France sans préjuger de la décision définitive qui sera prise au regard de son droit au séjour. Sous réserve des exceptions prévues par la loi ou les règlements, ces documents n'autorisent pas leurs titulaires à exercer une activité professionnelle. ". Il résulte de ces dispositions que, contrairement à ce que soutient M. B..., la délivrance de récépissés de demande de titre de séjour n'est pas de nature à pallier le défaut de présentation de visa de long séjour, dont la détention est requise pour se voir délivrer un titre de séjour en qualité de salarié. Par suite, le moyen ne peut qu'être écarté.

7. Quand bien même la préfète s'est fondée à tort sur la circonstance que le demandeur ne présentait pas un contrat de travail préalablement visé par les services de la main d'œuvre étrangère, il résulte de ce qui précède, comme de la motivation de l'arrêté, qu'elle s'est livrée à un examen approfondi de la situation personnelle de M. B....

8. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

9. M. B... qui soutient être entré en France en 2013, se prévaut de l'ancienneté de son séjour, ainsi que d'une volonté d'intégration et de régularisation de sa situation. Toutefois, l'ancienneté et la continuité de son séjour en France ne sont pas démontrées par les pièces du dossier. L'intéressé, qui est célibataire sans enfant et a vécu au moins jusqu'à l'âge de trente-six ans au Maroc, où il ne soutient pas être dépourvu d'attaches familiales, ne justifie pas la réalité et l'intensité des liens personnels qu'il aurait noués sur le territoire français. L'insertion professionnelle dont se prévaut le requérant, ainsi que ses engagements bénévoles au sein d'associations sportives ou d'entraide demeurent insuffisants pour considérer que la décision portant refus de séjour porterait une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Eu égard aux conditions du séjour de M. B... sur le territoire français, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit dès lors être écarté. Pour les mêmes motifs, la préfète de la Corrèze n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle du requérant.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire :

10. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour n'est pas démontrée. Aussi, le moyen tiré de l'exception d'illégalité doit être écarté.

11. En second lieu, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 9.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

12. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français dont il a fait l'objet à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de destination.

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 27 juin 2022. Par suite, sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions, y compris les conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 alinéa 2 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de la Corrèze.

Délibéré après l'audience du 15 décembre 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Evelyne Balzamo, présidente,

Mme Bénédicte Martin, présidente-assesseure,

M. Michaël Kauffmann, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 9 janvier 2024.

La rapporteure,

Bénédicte MartinLa présidente,

Evelyne BalzamoLe greffier,

Christophe Pelletier

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 23BX00436


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23BX00436
Date de la décision : 09/01/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BALZAMO
Rapporteur ?: Mme Bénédicte MARTIN
Rapporteur public ?: Mme GAY
Avocat(s) : AKAKPOVIE

Origine de la décision
Date de l'import : 14/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-01-09;23bx00436 ?
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