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09/01/2024 | FRANCE | N°22BX01201

France | France, Cour administrative d'appel, 4ème chambre, 09 janvier 2024, 22BX01201


Vu la procédure suivante :



Le préfet de la Charente-Maritime a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler le permis de construire délivré le 22 octobre 2020 par le maire de Thaims à M. A... B... pour la construction d'une maison d'habitation au lieu-dit Montravail, sur la commune de Thaims.



Par un jugement n° 2100716 du 10 mars 2022, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté le déféré préfectoral.





Procédure devant la cour :



Par une requête enregistrée le 27 avril

2022, et des pièces, enregistrées le 3 mai 2022, le préfet de la Charente-Maritime demande à la cour :



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Vu la procédure suivante :

Le préfet de la Charente-Maritime a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler le permis de construire délivré le 22 octobre 2020 par le maire de Thaims à M. A... B... pour la construction d'une maison d'habitation au lieu-dit Montravail, sur la commune de Thaims.

Par un jugement n° 2100716 du 10 mars 2022, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté le déféré préfectoral.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 27 avril 2022, et des pièces, enregistrées le 3 mai 2022, le préfet de la Charente-Maritime demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2100716 du 10 mars 2022 du tribunal administratif de Poitiers ;

2°) d'annuler le permis de construire délivré le 22 octobre 2020 par le maire de la commune de Thaims à M. A... B... pour la construction d'une maison d'habitation au lieu-dit Montravail.

Il soutient que :

- l'article L. 161-4 du code de l'urbanisme a été méconnu ;

- le tribunal administratif de Poitiers a entaché son jugement d'une insuffisance de motivation.

Par un mémoire en défense enregistré le 4 septembre 2023, la commune de Thaims, représentée par Me Merlet-Bonnan, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- la requête est irrecevable en raison de l'incompétence du secrétaire général de la préfecture pour faire appel ;

- les moyens soulevés par le préfet ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 5 septembre 2023, la clôture d'instruction a été fixée, en dernier lieu, au 27 septembre 2023 à 12h00.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bénédicte Martin,

- les conclusions de Mme Nathalie Gay, rapporteure publique ;

- et les observations de Me Merlet-Bonnan, représentant la commune de Thaims.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., propriétaire dans la commune de Thaims, d'une unité foncière située en zone naturelle de la carte communale et sur laquelle se trouve déjà son exploitation agricole et notamment un bâtiment destiné au stockage de matériels et de productions, a déposé en mairie, le 31 juillet 2020, une demande de permis de construire pour la réalisation d'une maison, destinée à lui servir de logement. Le 22 octobre 2020, le maire de Thaims lui a délivré un permis de construire une habitation au lieudit Montravail à proximité immédiate de ses bâtiments d'exploitation. Dans le cadre de son contrôle de légalité, la sous-préfète de Saintes a saisi le 16 décembre 2020 la commune de Thaims d'un recours gracieux tendant au retrait du permis de construire. La commune ayant rejeté ce recours par une décision du 14 janvier 2021, le préfet de la Charente-Maritime a déféré le permis de construire du 22 octobre 2020 devant le tribunal administratif de Poitiers. Le préfet de la Charente-Maritime relève appel du jugement du 10 mars 2022 par laquelle le tribunal administratif de Poitiers a rejeté le déféré.

Sur la fin de non-recevoir tirée de l'incompétence du signataire du recours du préfet de la Charente-Maritime :

2. Par arrêté du 27 décembre 2021 publié le même jour au recueil des actes administratifs de la préfecture de la Charente-Maritime n° 17-2021-194, le préfet de la Charente-Maritime a donné délégation à M. Molager, secrétaire général de la préfecture, à l'effet de signer, au nom du préfet, " requêtes et mémoires, devant les tribunaux de l'ordre administratif et judiciaire, (...) à l'exception des arrêtés de conflit, de la réquisition du comptable, de la réquisition de la force armée. ". Par suite, doit être écartée la fin de non-recevoir opposée par la commune de Thaims et tirée du défaut de qualité de M. Molager, signataire du mémoire introductif du présent recours, pour interjeter appel du jugement du tribunal administratif.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

3. Aux termes de l'article L. 161-4 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable à la date de l'arrêté en litige : " La carte communale délimite les secteurs où les constructions sont autorisées et les secteurs où les constructions ne sont pas admises, à l'exception : / 1° De l'adaptation, du changement de destination, de la réfection ou de l'extension des constructions existantes ainsi que de l'édification d'annexes à proximité d'un bâtiment existant ; / 2° Des constructions et installations nécessaires : / (...) b) A l'exploitation agricole ou forestière, à la transformation, au conditionnement et à la commercialisation des produits agricoles lorsque ces activités constituent le prolongement de l'acte de production ; / (...)Les constructions et installations mentionnées au 2° ne peuvent être autorisées que lorsqu'elles ne sont pas incompatibles avec l'exercice d'une activité agricole, pastorale ou forestière sur le terrain sur lequel elles sont implantées et qu'elles ne portent pas atteinte à la sauvegarde des espaces naturels ou des paysages/Les constructions et installations mentionnées aux b et d du même 2° sont soumises à l'avis de la commission départementale de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers. ".

4. Les documents graphiques des cartes communales délimitent les secteurs où les constructions ne peuvent être autorisées, à l'exception des constructions et installations nécessaires, notamment, à l'exploitation agricole ou forestière. Pour vérifier que la construction ou l'installation projetée est nécessaire à cette exploitation, l'autorité administrative compétente doit s'assurer au préalable, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, de la réalité de l'exploitation agricole ou forestière, au sens de ces dispositions, laquelle est caractérisée par l'exercice effectif d'une activité agricole ou forestière d'une consistance suffisante.

5. Il est constant que M. B... exerce, en qualité de chef d'exploitation, une activité agricole depuis le 1er décembre 2017. Celui-ci a précisé dans la notice de son dossier de demande de permis de construire qu'il exploitait des terrains à hauteur de 80 hectares pour de grandes cultures, de 8 hectares pour la vigne et de 3 hectares pour le maraîchage (asperges, pommes de terre). Ce faisant, il justifie de l'existence d'une activité agricole et de sa consistance suffisante. Le projet vise à la construction d'une maison d'habitation d'une emprise au sol de 148,97 m², à proximité de parcelles, situées en zone naturelle non constructible, où sont déjà implantés un bâtiment d'exploitation et une réserve incendie. Si M. B... a fait valoir qu'il a repris l'exploitation de son oncle, interrompue en 2009 et que le bâtiment projeté est nécessaire à son activité agricole, notamment au développement des activités de maraîchage et de la vigne et à l'ouverture d'un point de vente, géré par sa compagne, il n'apporte toutefois aucune précision quant aux conditions réelles et concrètes d'exploitation de ces activités, ni sur les conditions de commercialisation de ses productions. Il ne ressort pas des pièces du dossier que les caractéristiques de l'exploitation de M. B..., qui, à la date de la demande et à la date du permis contesté, relevaient principalement de grandes cultures, rendaient alors nécessaire la présence constante de l'exploitant dans un logement situé en immédiate proximité, alors que M. B... réside à onze kilomètres de l'exploitation. Il en résulte, et alors au demeurant que le projet a fait l'objet d'un avis défavorable émis par la commission départementale de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers (CDPENAF), que le moyen tiré de ce que la construction en litige ne peut être regardée comme nécessaire à l'exploitation agricole de M. B... doit être accueilli.

6. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement, que le préfet de la Charente-Maritime est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 10 mars 2022, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande. En conséquence, le jugement du tribunal administratif de Poitiers doit être annulé.

Sur les frais liés à l'instance :

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande la commune de Thaims au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Poitiers en date du 10 mars 2022 est annulé.

Article 2 : L'arrêté du 22 octobre 2020 par lequel le maire de Thaims a délivré un permis de construire à M. B... est annulé.

Article 3 : Les conclusions présentées par la commune de Thaims au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au préfet de la Charente-Maritime, à la commune de Thaims et à M. A... B....

Délibéré après l'audience du 15 décembre 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Evelyne Balzamo, présidente,

Mme Bénédicte Martin, présidente-assesseure,

M. Michaël Kauffmann, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 9 janvier 2024.

La rapporteure,

Bénédicte MartinLa présidente,

Evelyne BalzamoLe greffier,

Christophe Pelletier

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 22BX01201


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22BX01201
Date de la décision : 09/01/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BALZAMO
Rapporteur ?: Mme Bénédicte MARTIN
Rapporteur public ?: Mme GAY
Avocat(s) : SELAS ELIGE BORDEAUX

Origine de la décision
Date de l'import : 14/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-01-09;22bx01201 ?
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