Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 13 juillet 2022 par lequel le préfet du Calvados a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de 30 jours et a fixé son pays de renvoi.
Par un jugement n° 2201885 du 7 octobre 2022, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 1er avril 2023, M. A..., représenté par Me Wahab, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Caen du 7 octobre 2022 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 13 juillet 2022 du préfet du Calvados ;
3°) d'enjoindre au préfet du Calvados de lui délivrer un titre de séjour, mention " salarié " ou " vie privée et familiale ", ou de réexaminer sa situation, dans le délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- en lui refusant le titre de séjour demandé, le préfet du Calvados a méconnu les articles 3 et 7 quater de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 modifié ;
- en lui refusant le titre de séjour demandé, le préfet du Calvados a méconnu les articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il a commis une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision fixant le pays de destination est illégale par voie de conséquence de l'illégalité des décisions de refus de séjour et d'obligation de quitter le territoire français.
Par un mémoire en défense, enregistré le 26 avril 2023, le préfet du Calvados conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'il s'en rapporte au jugement attaqué.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 2 mars 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord du 17 mars 1988 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Tunisie en matière de séjour et de travail ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Derlange, président assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant tunisien, né le 16 décembre 1982, est entré irrégulièrement sur le territoire français en 2011. Il a sollicité un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile le 23 octobre 2020. Par un arrêté du 2 avril 2021, le préfet du Calvados a rejeté sa demande. Par un jugement du 3 décembre 2021, le tribunal administratif de Caen a annulé cette décision pour défaut d'examen particulier de la demande et a enjoint au préfet du Calvados de procéder au réexamen de la situation de M. A.... Par un arrêté du 13 juillet 2022, le préfet du Calvados a rejeté la demande de titre de séjour de M. A..., l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de 30 jours et a fixé son pays de renvoi. M. A... relève appel du jugement du 7 octobre 2022 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. En premier lieu, aux termes de l'article 3 de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Tunisie en matière de séjour et de travail, du 17 mars 1988 : " Les ressortissants tunisiens désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent Accord, reçoivent, après contrôle médical et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an et renouvelable et portant la mention ''salarié''. / Après trois ans de séjour régulier en France, les ressortissants tunisiens visés à l'alinéa précédent peuvent obtenir un titre de séjour de dix ans. Il est statué sur leur demande en tenant compte des conditions d'exercice de leurs activités professionnelles et de leurs moyens d'existence. Les dispositions du deuxième alinéa de l'article 1er sont applicables pour le renouvellement du titre de séjour après dix ans. / Les autres ressortissants tunisiens ne relevant pas de l'article 1er du présent Accord et titulaires d'un titre de séjour peuvent également obtenir un titre de séjour d'une durée de dix ans s'ils justifient d'une résidence régulière en France de trois années. Il est statué sur leur demande en tenant compte des moyens d'existence professionnels ou non, dont ils peuvent faire état et, le cas échéant, des justifications qu'ils peuvent invoquer à l'appui de leur demande. / Ces titres de séjour confèrent à leurs titulaires le droit d'exercer en France la profession de leur choix. Ils sont renouvelables de plein droit ".
3. Dès lors que M. A... ne justifie pas d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, ni d'un titre de séjour lui donnant droit à obtenir un titre de titre de séjour d'une durée de dix ans, comme prévu à l'article 3 de l'accord du 17 mars 1988, il n'est pas fondé à soutenir qu'il pouvait prétendre à un titre de séjour sur le fondement de ces stipulations.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Aux termes de l'article 7 quater de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 en matière de séjour et de travail : " Sans préjudice des dispositions du b et du d de l'article 7 ter, les ressortissants tunisiens bénéficient, dans les conditions prévues par la législation française, de la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" ". Aux termes de l'article 11 du même accord : " Les dispositions du présent Accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'Accord. / Chaque Etat délivre notamment aux ressortissants de l'autre Etat tous titres de séjour autres que ceux visés au présent Accord, dans les conditions prévues par sa législation ". Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine ". Aux termes de l'article L. 435-1 du même code : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 (...) ".
5. Portant sur la délivrance des catégories de cartes de séjour temporaire prévues par les dispositions auxquelles il renvoie, l'article L. 435-1 n'institue pas une catégorie de titres de séjour distincte mais est relatif aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France soit au titre de la vie privée et familiale, soit au titre d'une activité salariée. Il fixe ainsi, notamment, les conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France au titre d'une activité salariée. Dès lors que l'article 3 de l'accord franco-tunisien prévoit la délivrance de titres de séjour au titre d'une activité salariée, un ressortissant tunisien souhaitant obtenir un titre de séjour au titre d'une telle activité ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 435-1 à l'appui d'une demande d'admission au séjour sur le territoire national, s'agissant d'un point déjà traité par l'accord franco-tunisien, au sens de l'article 11 de cet accord. Toutefois, si l'accord franco-tunisien ne prévoit pas, pour sa part, de semblables modalités d'admission exceptionnelle au séjour, il y a lieu d'observer que ses stipulations n'interdisent pas au préfet de délivrer un titre de séjour à un ressortissant tunisien qui ne remplit pas l'ensemble des conditions auxquelles est subordonnée sa délivrance de plein droit. Il appartient au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, en fonction de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation.
6. M. A... fait valoir qu'il vit en France depuis 2011 et soutient que le centre de ses attaches privées et familiales se situe en France où ses deux frères, avec lesquels il est très proche, résident et qu'il dispose d'une situation financière stable depuis le mois d'avril 2019 dans la mesure où il est embauché en contrat à durée indéterminée (CDI) à temps complet et perçoit une rémunération équivalente au salaire minimum de croissance (SMIC). Toutefois, d'une part, il ressort des pièces du dossier qu'il est célibataire, sans charges de famille et il ne conteste pas que ses parents résident en Tunisie, où il a vécu au moins jusqu'à l'âge de vingt-huit ans. D'autre part, il ne justifie d'aucune qualification ou expérience professionnelle particulière, en se bornant à produire des fiches de paye sur la période 2020 à 2022 et un contrat de travail à durée déterminée. Eu égard notamment au fait qu'il n'a pas tenté de régulariser sa situation administrative avant l'année 2020, le préfet du Calvados n'a pas porté d'atteinte disproportionnée au droit de M. A... au respect de sa vie privée et familiale en prenant l'arrêté contesté, ni commis d'erreur manifeste d'appréciation en refusant de procéder à son admission exceptionnelle au séjour. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 7 quater de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988, des dispositions des articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés.
7. En troisième et dernier lieu, il résulte de ce qui précède que les décisions de refus de titre de séjour et portant obligation de quitter le territoire français n'étant pas annulées, doit être écarté le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de destination devrait être annulée par voie de conséquence.
8. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté contesté.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
9. Le présent arrêt, qui rejette la requête de M. A..., n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions du requérant aux fins d'injonction doivent être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
10. Les dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que le conseil de M. A... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à Me Wahab et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Une copie en sera transmise, pour information, au préfet du Calvados.
Délibéré après l'audience du 12 décembre 2023, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- M. Derlange, président assesseur,
- Mme Picquet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 janvier 2024.
Le rapporteur,
S. DERLANGE
Le président,
L. LAINÉ
Le greffier,
C. WOLF
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23NT00929