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05/01/2024 | FRANCE | N°22NT02942

France | France, Cour administrative d'appel, 4ème chambre, 05 janvier 2024, 22NT02942


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société par actions simplifiée (SAS) Bridor a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du 11 mars 2020 par laquelle la direction départementale de la cohésion sociale et de la protection des populations d'Ille-et-Vilaine lui a enjoint de procéder à des mesures correctives de ses emballages et étiquetages, la décision de la même autorité du 11 septembre 2020 rejetant son recours gracieux ainsi que celle du 19 avril 2021 par laquelle la même auto

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) Bridor a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du 11 mars 2020 par laquelle la direction départementale de la cohésion sociale et de la protection des populations d'Ille-et-Vilaine lui a enjoint de procéder à des mesures correctives de ses emballages et étiquetages, la décision de la même autorité du 11 septembre 2020 rejetant son recours gracieux ainsi que celle du 19 avril 2021 par laquelle la même autorité a retiré la décision du 11 septembre 2020 et a rejeté à nouveau son recours gracieux.

Par un jugement n° 2004920 du 6 juillet 2022, le tribunal administratif de Rennes a prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions de la requête de la SAS Bridor tendant à l'annulation de la décision du 11 septembre 2020 (article 1er) et a rejeté le surplus des conclusions de sa requête (article 2).

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 6 septembre 2022, la SAS Bridor, représentée par Me De Brosses, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 6 juillet 2022 du tribunal administratif de Rennes ;

2°) d'annuler la décision du 11 mars 2020 par laquelle la direction départementale de la cohésion sociale et de la protection des populations d'Ille-et-Vilaine lui a enjoint de procéder à des mesures correctives de ses emballages et étiquetages, la décision de la même autorité du 11 septembre 2020 rejetant son recours gracieux ainsi que celle du 19 avril 2021 par laquelle la même autorité a retiré la décision du 11 septembre 2020 et a rejeté à nouveau son recours gracieux ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 8 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision du 11 septembre 2020 est entachée d'un vice de forme pour défaut de signature de l'acte et ne pouvait être retirée que dans un délai de quatre mois après son édiction ; la décision du 19 avril 2021 n'a pas lieu d'être car " elle a été prise sur la base d'un retrait illicite d'une précédente décision " ; la décision du 19 avril 2021 doit être annulée pour vice de procédure ; les premiers juges ont omis d'examiner ce moyen et le jugement attaqué est insuffisamment motivé ;

- elle a modifié les informations relatives à l'allégation de santé " (des) bêta-glucanes (qui) contribuent au maintien d'une cholestérolémie normale " sur le nouvel emballage de son produit et ne méconnaît plus ni le règlement (UE) n° 432/2012 du 16 mai 2012, ni le règlement n° 1924/2006 du 20 décembre 2006 ; la décision contestée est entachée d'une erreur de fait et d'une erreur de droit ;

- le terme " Amibiote ", nom commercial, ne renvoie pas à une allégation de santé ; il est en relation avec l'allégation nutritionnelle " riche en fibres " ; les fibres alimentaires ont un lien avec le biotope selon le point 12 de l'annexe 1 du règlement " INCO " n° 1169/2011 et ce lien est reconnu par les autorités scientifiques ; l'administration tente de séparer de manière artificielle l'action nutritionnelle des fibres sur le microbiote et sur le biotope sans le démontrer ; elle a satisfait aux exigences de l'article 1.3 du règlement n° 1924/2006 qui exige une correspondance entre l'allégation nutritionnelle incluse dans une marque et l'allégation spécifique qui l'accompagne ; la décision du 11 mars 2020 est entachée d'une " erreur " de motivation ; les décisions litigieuses sont entachées d'une erreur de droit, d'une erreur manifeste d'appréciation et d'une erreur de fait ; elles méconnaissent le principe de proportionnalité et portent atteinte à la liberté du commerce et de l'industrie ;

- la décision du 11 septembre 2020 est insuffisamment motivée et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision contestée méconnaît le document questions/réponses en date du 21 avril 2021 mis en ligne par la DGCCRF et notamment la réponse à la question n°19 ; l'image représentant un ventre sur le packaging avec la mention " c'est bon de se faire du bien " est accompagnée par l'allégation de santé relative aux bêta-glucanes et est conforme à ce document.

Par un mémoire en défense, enregistré le 27 mars 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et économique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la SAS Bridor ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le règlement (CE) n° 1924/2006 du Parlement européen et du Conseil du 20 décembre 2006 ;

- le règlement (UE) n° 432/2012 de la Commission du 16 mai 2012 ;

- le code de la consommation ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Chollet,

- et les conclusions de Mme Rosemberg, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. La SAS Bridor a fait l'objet, le 17 octobre 2019, d'un contrôle de première mise sur le marché sur le fondement des articles L. 511-1 et suivants du code de la consommation. La direction départementale de la protection des populations d'Ille-et-Vilaine a notamment relevé, s'agissant du produit " l'Amibiote " que, " même si aucun lien direct n'est fait sur l'étiquetage/emballage entre le produit et le microbiote, l'ensemble des allégations et la marque de la baguette concourent à établir un lien entre le fait de consommer cette baguette et le bienfait de celle-ci sur le microbiote intestinal ", que cette marque " peut être considérée comme une allégation de santé en application de l'article 1er du règlement n° 1924/2006 ", que " l'illustration située en bas de l'étiquetage/emballage sous-entend un effet transit ou bien-être intestinal " et que " le consommateur comprend que le produit a un effet bénéfique " alors que " en l'absence d'allégations autorisées sur le microbiote, il n'est pas possible d'alléguer sur celui-ci ou d'y faire toute référence afin de promouvoir un produit ". Une lettre de pré-injonction, marquant le début de la phase contradictoire, a été adressée à la SAS Bridor le 16 janvier 2020. Les observations de la SAS Bridor, datées du 31 janvier 2020, ont été réceptionnées par la direction départementale. Le 11 mars 2020 a été notifiée à la SAS Bridor une décision visant à lui enjoindre " de reprendre toutes les mesures correctives nécessaires pour remédier aux infractions constatées et détaillées dans le rapport de contrôle (...), à savoir de procéder à la modification de l'ensemble de vos étiquetages/emballages, en ce qui concerne les points sur la marque et sur les allégations de santé ". La SAS Bridor relève appel du jugement du 6 juillet 2022 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 11 mars 2020 par laquelle la direction départementale de la cohésion sociale et de la protection des populations d'Ille-et-Vilaine lui a enjoint de procéder à des mesures correctives de ses emballages et étiquetages, de la décision de la même autorité du 11 septembre 2020 rejetant son recours gracieux et de celle du 19 avril 2021 par laquelle la même autorité a retiré la décision du 11 septembre 2020 pour vice de forme et a rejeté à nouveau son recours gracieux.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, le jugement attaqué a considéré implicitement, après avoir mis les parties à même de présenter leurs observations par un courrier du 15 juin 2022 les informant de ce que le jugement était susceptible de relever d'office les moyens tirés, d'une part, de l'irrecevabilité des conclusions en annulation de la décision du 19 avril 2021 en tant qu'elle retire la décision du 11 septembre 2020 en l'absence d'intérêt à agir de la SAS Bridor, d'autre part, du non-lieu à statuer sur les conclusions en annulation de la décision du 11 septembre 2020 qui a été retirée en cours d'instance par la décision du 19 avril 2021, que les moyens tirés de ce que la décision du 11 septembre 2020 est entachée d'un vice de forme pour défaut de signature et de ce que la décision du 19 avril 2021 méconnaît les dispositions du code des relations entre le public et l'administration, étaient inopérants. Le jugement est suffisamment motivé à cet effet aux points 2 et 3. Pour le même motif, il n'est pas entaché d'omission à examiner des moyens.

3. En second lieu, un recours contentieux consécutif au rejet d'un recours gracieux doit nécessairement être regardé comme étant dirigé, non pas tant contre le rejet du recours gracieux dont les vices propres ne peuvent être utilement contestés, que contre la décision initialement prise par l'autorité administrative.

4. Ainsi, contrairement à ce qu'elle soutient, la SAS Bridor n'a pas d'intérêt à agir contre la décision du 19 avril 2021 en tant qu'elle retire la décision du 11 septembre 2020 dès lors que les vices propres à la décision du 11 septembre 2020 ne pouvaient être utilement contestés. Par suite, la SAS Bridor ne peut davantage utilement soutenir que la décision du 19 avril 2021 serait irrégulière pour avoir illégalement retiré la décision du 11 septembre 2020 et, par ailleurs, le jugement du tribunal administratif du 6 juillet 2022 n'est pas entaché de l'irrégularité alléguée pour ne s'être pas prononcé sur le moyen, inopérant, tiré de l'irrégularité de la décision du 11 septembre 2020 au motif que celle-ci n'était pas signée.

5. Dans ces conditions, la SAS Bridor n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté comme irrecevable ses conclusions tendant à l'annulation de la décision du 19 avril 2021 en tant qu'elle retire la décision du 11 septembre 2020 et a prononcé un non-lieu à statuer sur la demande tendant à l'annulation de la décision du 11 septembre 2020.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

6. Aux termes de l'article 2 du règlement (CE) n° 1924/2006 du Parlement européen et du Conseil du 20 décembre 2006 concernant les allégations nutritionnelles et de santé portant sur les denrées alimentaires : " (...) / 2. 1) "allégation": tout message ou toute représentation, non obligatoire en vertu de la législation communautaire ou nationale, y compris une représentation sous la forme d'images, d'éléments graphiques ou de symboles, quelle qu'en soit la forme, qui affirme, suggère ou implique qu'une denrée alimentaire possède des caractéristiques particulières ; / (...) / 5) " allégation de santé ": toute allégation qui affirme, suggère ou implique l'existence d'une relation entre, d'une part, une catégorie de denrées alimentaires, une denrée alimentaire ou l'un de ses composants et, d'autre part, la santé ; / (...) ". Aux termes de l'article 3 du même règlement : " Des allégations nutritionnelles et de santé ne peuvent être employées dans l'étiquetage et la présentation des denrées alimentaires mises sur le marché communautaire ainsi que dans la publicité faite à l'égard de celles-ci que si elles sont conformes aux dispositions du présent règlement. / (...) les allégations nutritionnelles et de santé ne doivent pas : / a) être inexactes, ambiguës ou trompeuses ; / (...) / c) encourager ou tolérer la consommation excessive d'une denrée alimentaire ; / (...) ". Aux termes de l'article 5 du même règlement : " 1. L'emploi d'allégations nutritionnelles et de santé n'est autorisé que si les conditions suivantes sont remplies : / (...) / b) le nutriment ou toute autre substance faisant l'objet de l'allégation: / i) se trouve dans le produit final en quantité significative, telle que définie par des dispositions de la législation communautaire (...) / d) la quantité du produit raisonnablement susceptible d'être consommée apporte une quantité significative du nutriment ou de toute autre substance que vise l'allégation, telle que définie dans la législation communautaire (...) / (...) ". Aux termes de l'article 6 du même règlement : " 1. Les allégations nutritionnelles et de santé reposent sur des données scientifiques généralement admises et sont justifiées par de telles données. / (...) ".

En ce qui concerne l'allégation de santé relative aux bêta-glucanes :

7. Aux termes de l'article 13 du règlement (CE) n° 1924/2006 du Parlement européen et du Conseil du 20 décembre 2006 concernant les allégations nutritionnelles et de santé portant sur les denrées alimentaires : " Allégations de santé autres que celles faisant référence à la réduction du risque de maladie / 1. Les allégations de santé qui décrivent ou mentionnent : a) le rôle d'un nutriment ou d'une autre substance dans la croissance, dans le développement et dans les fonctions de l'organisme, ou / (...) / (...) et qui figurent dans liste prévue au paragraphe 3 peuvent être faites sans être soumises à la procédure d'autorisation établie par les articles 15 à 18, si elles : i) reposent sur des données scientifiques généralement admises, et ii) sont bien comprises par le consommateur moyen. / (...) / 3. Après consultation de l'Autorité, la Commission adopte (...) une liste communautaire des allégations autorisées visées au paragraphe 1, ainsi que toutes les conditions nécessaires pour l'utilisation de ces allégations, au plus tard le 31 janvier 2010 (...) ".

8. Aux termes de l'article 1er du règlement (UE) n° 432/2012 de la Commission du 16 mai 2012 établissant la liste des allégations de santé autorisées portant sur les denrées alimentaires, autres que celles faisant référence à la réduction du risque de maladie ainsi qu'au développement et à la santé infantiles : " Allégations de santé autorisées / 1. La liste des allégations de santé qui peuvent porter sur les denrées alimentaires, visée à l'article 13, paragraphe 3, du règlement (CE) n° 1924/2006, figure à l'annexe du présent règlement. ". Selon l'annexe de ce règlement, l'allégation " Les bêta-glucanes contribuent au maintien d'une cholestérolémie normale " est autorisée. Toutefois, " l'allégation ne peut être utilisée que pour une denrée alimentaire contenant au moins 1 g de bêta-glucanes provenant d'avoine, de son d'avoine, d'orge, de son d'orge, ou provenant de plusieurs de ces sources, par portion quantifiée. L'allégation peut être utilisée si le consommateur est informé que l'effet bénéfique est obtenu par la consommation journalière de 3 g de bêta-glucanes provenant d'avoine, de son d'avoine, d'orge, de son d'orge ou provenant de plusieurs de ces sources ". Une " portion quantifiée " correspond à la quantité d'une denrée et/ou d'une boisson raisonnablement susceptible d'être consommée par une seule personne en une occasion de consommation unique ou au cours d'un repas.

9. La direction départementale de la cohésion sociale et de la protection des populations d'Ille-et-Vilaine a estimé que l'allégation de santé relative aux bêta-glucanes portée sur les étiquetages du produit de la SAS Bridor, ne respecte pas les conditions d'utilisation telles que citées au point 8. Il ressort des pièces du dossier, et notamment des indications non contestées du nouvel emballage du produit, qu'une baguette pèse 230 grammes et qu'il est nécessaire de consommer 200 grammes de baguette pour bénéficier d'1 gramme de bêta-glucanes. Or, la SAS Bridor ne justifie pas, en se prévalant d'une étude du groupe d'étude des marchés de restauration collective et nutrition de juillet 2015 du ministère de l'économie et des finances, dont les recommandations devaient être mises à jour après la révision des repères de consommation, dans le cadre du programme national nutrition santé (PNNS 4), qu'une telle consommation ne dépasse pas la quantité de produit raisonnablement susceptible d'être consommée par une seule personne en une occasion de consommation unique ou au cours d'un repas. Il en résulte que la baguette de la SAS Bridor ne contient pas au moins 1 gramme de bêta-glucanes par portion quantifiée. De plus, il ressort des pièces du dossier qu'il est nécessaire d'ingérer 600 grammes de baguette par jour pour obtenir l'effet bénéfique de santé allégué résultant de la consommation de 3 grammes de bêta-glucanes, ce qui est contraire à l'article 3 du règlement (CE) n° 1924/2006 cité au point 6, qui exige notamment que l'emploi d'une allégation de santé ne doit pas encourager la consommation excessive d'une denrée alimentaire. Les moyens tirés de ce que l'administration a commis une erreur de droit et une erreur de fait au regard des dispositions applicables doivent, par suite, être écartés.

En ce qui concerne l'utilisation de la marque " Amibiote " :

10. Aux termes de l'article 1er du règlement (CE) n° 1924/2006 du Parlement européen et du Conseil du 20 décembre 2006 : " (...) / 3. La marque de fabrique, le nom commercial (...) qui peuvent être considérés comme une allégation nutritionnelle ou de santé peuvent être utilisés sans être soumis aux procédures d'autorisation prévues par le présent règlement, à condition que cet étiquetage, (...) comporte également une allégation nutritionnelle ou de santé correspondante qui est conforme aux dispositions du présent règlement. / (...) ". Aux termes de l'article 10 du même règlement : " 1. Les allégations de santé sont interdites sauf si elles sont conformes aux prescriptions générales du chapitre II et aux exigences spécifiques du présent chapitre et si elles sont autorisées conformément au présent règlement et figurent sur les listes d'allégations autorisées visées aux articles 13 et 14. / (...) / 3. Il ne peut être fait référence aux effets bénéfiques généraux, non spécifiques d'un nutriment ou d'une denrée alimentaire sur l'état de santé général et le bien-être lié à la santé que si une telle référence est accompagnée d'une allégation de santé spécifique figurant sur les listes visées à l'article 13 ou 14. / (...) ".

11. Ainsi que l'a jugé la Cour de justice de l'Union européenne dans son arrêt C- 544/10 du 6 septembre 2012 au point 34, une " allégation de santé ", au sens du point 5 du paragraphe 2 de l'article 2 du règlement (CE) nº 1924/2006, est définie à partir de la relation qui doit exister entre une denrée alimentaire ou l'un de ses composants, d'une part, et la santé, d'autre part, cette définition ne fournissant aucune précision ni quant au caractère direct ou indirect que doit revêtir cette relation ni quant à son intensité ou à sa durée, avec la conséquence que le terme " relation " doit être compris d'une manière large. Ainsi, d'une part, la notion d'" allégation de santé " doit viser non seulement une relation impliquant une amélioration de l'état de santé grâce à la consommation d'une denrée alimentaire, mais également toute relation qui implique l'absence ou la réduction des effets négatifs ou nocifs pour la santé qui accompagnent ou suivent, dans d'autres cas, une telle consommation et, partant, la simple préservation d'un bon état de santé malgré ladite consommation potentiellement préjudiciable. D'autre part, la notion d'" allégation de santé " est réputée viser non seulement les effets d'une consommation ponctuelle d'une quantité précise d'une denrée alimentaire, susceptible d'entraîner normalement des effets seulement temporaires et passagers, mais également ceux d'une consommation répétitive, régulière, voire fréquente, d'une telle denrée alimentaire, dont, en revanche, les effets ne sont pas nécessairement seulement temporaires et passagers. En outre, ainsi que l'énonce le paragraphe 3 de l'article 1er du règlement (CE) nº 1924/2006, une marque de fabrique ou un nom commercial ainsi, du reste, qu'une dénomination de fantaisie apparaissant dans l'étiquetage ou dans la présentation d'une denrée alimentaire peuvent constituer une " allégation de santé ".

12. En premier lieu, le nom commercial " Amibiote ", composé des termes " ami " et " biote ", implique une amélioration de l'état de santé grâce à la consommation de la denrée alimentaire et contient une référence, directe ou indirecte, à la santé dès lors que les produits vendus comportent sur l'emballage les mentions " microbiote intestinal, votre nouvel allié ", " indispensable à notre développement, le microbiote intestinal (ou flore intestinale) joue un rôle majeur dans la digestion et participe au bon fonctionnement de nos organes et de notre système immunitaire ! ", ainsi que les précisions, " pour en prendre soin ", il y a lieu de " bien le nourrir avec des fibres " et " l'Amibiote prend soin de moi au quotidien grâce à l'alliance de 7 fibres végétales sélectionnées spécifiquement pour leurs nombreux bienfaits ". La marque " Amibiote " entre donc dans le champ d'application matériel du règlement (CE) n° 1924/2006 au titre d'allégation de santé, contrairement à ce que soutient la SAS Bridor. L'allégation nutritionnelle " riche en fibres " ne peut par suite être utilisée pour justifier de cette allégation de santé sans méconnaître les dispositions du 3 de l'article 1er du règlement (CE) n° 1924/2006, qui exigent qu'un nom commercial qui peut être considéré comme une allégation de santé ne soit utilisé que si l'étiquetage comporte également une allégation nutritionnelle ou de santé correspondante qui est conforme aux dispositions du règlement. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier qu'aucune autre allégation de santé autorisée par ce règlement ne figure sur l'emballage.

13. En outre, la direction départementale de la cohésion sociale et de la protection des populations d'Ille-et-Vilaine n'a pas entaché sa décision du 11 mars 2020 d'une contradiction de motifs, pas davantage d'une " erreur " dans ces motifs en précisant, d'une part, s'agissant des informations sur le microbiote, qu'elles constituent des allégations non conformes et que " la simple présence d'un argumentaire concernant le microbiote sur l'étiquetage suggère un lien avec le produit ", d'autre part, s'agissant du nom de la marque " Amibiote ", qu'il s'agit " d'une allégation de santé " et qu' " aucune des allégations " utilisées " n'est en rapport avec ce terme (Amibiote) ", en méconnaissance du 1 de l'article 3 du règlement.

14. Dans ces conditions, la SAS Bridor n'est pas fondée à soutenir que la direction départementale de la cohésion sociale et de la protection des populations d'Ille-et-Vilaine a commis une erreur de droit, une erreur de fait et une erreur manifeste d'appréciation.

15. En second lieu, si la SAS Bridor soutient que l'interdiction d'utilisation du nom commercial " Amibiote " méconnaît le principe de proportionnalité et porte atteinte à la liberté du commerce et de l'industrie, il ressort des pièces du dossier que l'administration n'a pas prononcé une interdiction générale et absolue d'utiliser ce nom de marque mais a simplement rappelé qu'il doit être utilisé conformément au 3 de l'article 1er du règlement (CE) n° 1924/2006. Le moyen doit, par suite, être écarté.

En ce qui concerne l'allégation graphique représentant le ventre :

16. Il est constant que la représentation d'un ventre avec des mains posées dessus en formant un cœur est une représentation renvoyant à des effets bénéfices généraux sur la santé intestinale et non spécifique sur la santé et doit, dès lors, être accompagnée d'une allégation de santé figurant dans les listes des allégations de santé autorisées du registre de l'Union, en application du 3 de l'article 10 du règlement (CE) n° 1924/2006 cité au point 10. Or, la SAS Bridor n'est pas fondée à se prévaloir de la présence de l'allégation de santé relative aux bêta-glucanes pour justifier cette représentation graphique dès lors que, ainsi qu'il a été dit aux points 7 à 9, elle n'en respecte pas les conditions d'utilisation. En tout état de cause, contrairement à ce que soutient la requérante, les décisions contestées sont également conformes au document questions/réponses en date du 21 avril 2021 mis en ligne par la DGCCRF et notamment la réponse à la question n° 19.

17. Il résulte de tout ce qui précède que la SAS Bridor n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté le surplus de sa demande. Ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la SAS Bridor est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Bridor et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Une copie en sera adressée au préfet d'Ille-et-Vilaine.

Délibéré après l'audience du 12 décembre 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- M. Derlange, président assesseur,

- Mme Chollet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 janvier 2024.

La rapporteure,

L. CHOLLET

Le président,

L. LAINÉ

Le greffier,

C. WOLF

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22NT02942


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NT02942
Date de la décision : 05/01/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINÉ
Rapporteur ?: Mme Laure CHOLLET
Rapporteur public ?: Mme ROSEMBERG
Avocat(s) : ABG PARTNERS

Origine de la décision
Date de l'import : 14/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-01-05;22nt02942 ?
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