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05/01/2024 | FRANCE | N°22NT02838

France | France, Cour administrative d'appel, 4ème chambre, 05 janvier 2024, 22NT02838


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société d'exploitation des Garden Resorts (SEGR), a demandé au tribunal administratif de Nantes, en premier lieu, d'annuler le titre exécutoire n° 228 émis à son encontre par le maire de la commune d'Avrillé (Maine-et-Loire) le 29 avril 2019 pour le recouvrement de la somme de 42 000 euros correspondant au montant de la redevance d'occupation du domaine public mise à sa charge au titre de l'année 2014 pour l'occupation et l'exploitation du château de La Perrière et, à t

itre subsidiaire, de fixer le montant de la redevance d'occupation du domaine public du...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société d'exploitation des Garden Resorts (SEGR), a demandé au tribunal administratif de Nantes, en premier lieu, d'annuler le titre exécutoire n° 228 émis à son encontre par le maire de la commune d'Avrillé (Maine-et-Loire) le 29 avril 2019 pour le recouvrement de la somme de 42 000 euros correspondant au montant de la redevance d'occupation du domaine public mise à sa charge au titre de l'année 2014 pour l'occupation et l'exploitation du château de La Perrière et, à titre subsidiaire, de fixer le montant de la redevance d'occupation du domaine public du château de La Perrière pour l'année 2014 à 2 868,19 euros hors taxes, en deuxième lieu, d'annuler le titre exécutoire n° 273 émis à son encontre par le maire de la commune d'Avrillé (Maine-et-Loire) le 9 mai 2019 pour le recouvrement de la somme de 42 000 euros correspondant au montant de la redevance d'occupation du domaine public mise à sa charge au titre de l'année 2015 pour l'occupation et l'exploitation du château de La Perrière et, à titre subsidiaire, de fixer le montant de la redevance d'occupation du domaine public du château de La Perrière pour l'année 2015 à 8 197 euros hors taxes, en troisième lieu, d'annuler le titre exécutoire n° 274 émis à son encontre par le maire de la commune d'Avrillé (Maine-et-Loire) le 9 mai 2019 pour le recouvrement de la somme de 42 000 euros correspondant au montant de la redevance d'occupation du domaine public mise à sa charge au titre de l'année 2016 pour l'occupation et l'exploitation du château de La Perrière et, à titre subsidiaire, de fixer le montant de la redevance d'occupation du domaine public du château de La Perrière pour l'année 2016 à un montant nul, en quatrième lieu, d'annuler le titre exécutoire n° 275 émis à son encontre par le maire de la commune d'Avrillé (Maine-et-Loire) le 9 mai 2019 pour le recouvrement de la somme de 42 000 euros correspondant au montant de la redevance d'occupation du domaine public mise à sa charge au titre de l'année 2017 pour l'occupation et l'exploitation du château de La Perrière et, à titre subsidiaire, de fixer le montant de la redevance d'occupation du domaine public du château de La Perrière pour l'année 2017 à 1 844,20 euros hors taxes.

Par un jugement nos 1907058, 1907065, 1907070 et 1907077 du 28 juin 2022, le tribunal administratif de Nantes a rejeté les demandes de la SEGR.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 30 août 2022 et 22 septembre 2023, la société d'exploitation des Garden Resorts (SEGR), représentée par Mes Becquevort et Senanedsch, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes du 28 juin 2022 ;

2°) d'annuler les titres de recette exécutoires émis à son encontre par la commune d'Avrillé ou, à titre subsidiaire, de fixer à un total de 12 909,39 euros hors taxes, le montant des redevances d'occupation du domaine public entre 2014 et 2017 dû à la commune d'Avrillé ;

3°) de mettre à la charge de la commune d'Avrillé la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier dès lors qu'il n'est pas suffisamment motivé s'agissant de la réponse apportée au moyen tiré de ce que les titres de recette en litige n'indiquaient pas les bases de liquidation de la créance ;

- les titres de recette en litige n'indiquaient pas les bases de liquidation de la créance ;

- les dispositions de l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales ont été méconnues ;

- l'illégalité des délibérations des 21 janvier 2016 et 2 février 2017 entache d'illégalité les titres de recette en litige ;

- seules les stipulations de l'article 23.2 de la convention pouvaient être mobilisées pour corriger l'absence de redevance pour la période postérieure à 2013.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 1er mars et 28 novembre 2023, la commune d'Avrillé, représentée par Me Pinot, conclut :

1°) au rejet de la requête ;

2°) à ce que soit mise à la charge de la société d'exploitation des Garden Resorts une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par la SEGR ne sont pas fondés.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code général de la propriété des personnes publiques ;

- le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Picquet,

- les conclusions de Mme Rosemberg, rapporteure publique,

- et les observations de Me Jaud substituant Me Becquevort et Me Senanedsch pour la société d'exploitation des Garden Resorts et de Me Pinot pour la commune d'Avrillé.

Considérant ce qui suit :

1. La commune d'Avrillé et la société d'exploitation des Garden Resorts (SEGR) ont conclu le 19 août 2008 une " convention d'occupation du domaine public " fixant les modalités selon lesquelles est consenti à la société cocontractante le droit de disposer d'un ensemble immobilier, propriété de la commune, dénommé " château de la Perrière ", et " d'y exploiter, à ses risques, une activité de restauration, de séminaires et événementiels, et à titre accessoire, de négoce de meubles et objets ayant une relation avec [cette] activité ", " pour une durée de 18 années pleines et consécutives à compter d'une période dite "phase préalable" ", ne pouvant excéder 36 mois, devant s'achever le dernier jour du mois au cours duquel l'établissement d'hébergement que la SEGR s'engage à construire, sur une parcelle à détacher du trou n° 9 du golf, sera mis en service, et au cours de laquelle l'occupant " ne pourra exploiter simultanément à la restauration son activité principale d'exploitant hôtelier ". Par avenant signé le 23 mars 2012, la période dite de "phase préalable", définie à l'article 5, a été prolongée jusqu'au 31 décembre 2013, les conditions financières stipulées au chapitre 3, et notamment les modalités de détermination de la redevance due par la SEGR pendant cette phase, au titre des années 1 à 3, puis 4 et suivantes, fixées à l'article 23, étant adaptées en conséquence. La SEGR n'ayant pas réalisé la structure d'hébergement en dépit du prolongement de la " phase préalable " jusqu'au 31 décembre 2013 et ne s'acquittant plus depuis 2014 des redevances dues à la commune, le conseil municipal de la commune d'Avrillé a décidé, par une délibération du 21 janvier 2016, de fixer à la SEGR une redevance pour les années 2014 et 2015, sur la base de la redevance définie dans la convention au titre de l'année 2013. Sur ce fondement, le maire de la commune d'Avrillé a, le 7 avril 2016, émis un titre exécutoire à l'encontre de la SEGR pour le recouvrement de la somme de 84 000 euros correspondant au montant de la redevance d'occupation du domaine public au titre de l'année 2014 et de l'année 2015. De même, par une délibération du 2 février 2017, le conseil municipal a fixé la redevance pour les années 2016 et 2017 sur la base de celle de l'année 2013. Le 3 avril 2017, le maire de la commune a émis un second titre exécutoire à l'encontre de la SEGR pour le recouvrement de la somme de 84 000 euros correspondant au montant de la redevance d'occupation du domaine public au titre de l'année 2016 et de l'année 2017. Par un jugement du 5 mars 2019, le tribunal administratif de Nantes a annulé les deux titres exécutoires. Le 29 avril 2019, le maire de la commune a émis un titre exécutoire à l'encontre de la SEGR pour le recouvrement de la somme de 42 000 euros correspondant au montant de la redevance d'occupation du domaine public au titre de l'année 2014. Le 9 mai 2019, le maire de la commune a émis trois titres exécutoires à l'encontre de la SEGR pour le recouvrement de la somme de 42 000 euros chacun correspondant au montant de la redevance d'occupation du domaine public au titre des années 2015, 2016 et 2017. La SEGR a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler le titre exécutoire du 29 avril 2019 et les trois titres exécutoires du 9 mai 2019. Par un jugement du 28 juin 2022, le tribunal administratif a rejeté les demandes de la SEGR. Cette dernière fait appel de ce jugement.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Contrairement à ce que soutient la SEGR, le tribunal a répondu de manière suffisamment précise, au point 5 du jugement attaqué, au moyen tiré de ce que les titres de recette en litige n'indiquaient pas les bases de liquidation de la créance et il n'avait pas à répondre à l'ensemble des arguments de la requérante. Par conséquent, le moyen tiré de ce que le jugement serait irrégulier en raison d'une insuffisance de motivation doit être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. En premier lieu, un titre de recette exécutoire doit indiquer les bases de la liquidation de la créance, alors même qu'il est émis par une personne publique autre que l'Etat pour lequel cette obligation était expressément prévue par l'article 81 du décret du 29 décembre 1962 visé ci-dessus. En application de ce principe, la commune d'Avrillé ne pouvait mettre en recouvrement les sommes en litige sans indiquer, soit dans le titre lui-même, soit par référence à un document joint à l'état exécutoire ou précédemment adressé au débiteur, les bases et les éléments de calcul sur lesquels elle se fondait pour mettre les sommes en cause à la charge de la SEGR.

4. Il résulte de l'instruction que les titres de recette contestés comportent la mention " redevance occupation château Perrière ", précisent l'année concernée et renvoient à des factures annexées, lesquelles font référence à la convention d'occupation du domaine public du 19 août 2008, à l'avenant à cette convention du 23 mars 2012 et à la délibération du conseil municipal fixant le montant de la redevance pour l'année concernée, délibération elle-même jointe aux titres de recette et faisant explicitement état du montant fixé, ce montant ayant été arrêté par référence au montant dû pour l'année 2013, qui correspondait à la dernière année de la phase préalable à l'exploitation d'un hôtel arrêtée par la convention. Ces titres comportent ainsi l'indication des bases et éléments de calcul des créances de la commune d'Avrillé. Ils sont dès lors réguliers en la forme.

5. En deuxième lieu, si l'autorité gestionnaire du domaine public peut, avant même le terme d'une autorisation délivrée, modifier les conditions pécuniaires auxquelles est subordonnée l'occupation du domaine, elle ne peut toutefois légalement exercer cette prérogative qu'à raison de circonstances nouvelles intervenues ou portées à sa connaissance postérieurement à la délivrance de l'autorisation. Il résulte de l'instruction que ni la convention d'occupation du domaine public du 19 août 2008, ni l'avenant à cette convention du 23 mars 2012, n'avaient prévu que la SEGR ne réaliserait pas de projet hôtelier d'ici le 31 décembre 2013, seul un cas de force majeure ayant été envisagé, et avaient donc limité la phase dite " préalable ", et le paiement de la redevance y afférente, à cette date. Compte tenu de ce fait survenu postérieurement à la signature de la convention, et du maintien dans le château de La Perrière de la SEGR sans paiement d'une redevance, le conseil municipal d'Avrillé a pu, par une délibération du 21 janvier 2016, fixer le montant de la redevance d'occupation domaniale pour les années 2014 et 2015 puis, par une délibération du 2 février 2017, faire de même s'agissant des années 2016 et 2017. La commune d'Avrillé doit, par suite, être regardée comme ayant régulièrement modifié la convention d'occupation du domaine public conclue le 19 août 2008 au vu de ces circonstances nouvelles.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 2125-1 du code général de la propriété des personnes publiques : " Toute occupation ou utilisation du domaine public d'une personne publique mentionnée à l'article L. 1 donne lieu au paiement d'une redevance sauf lorsque l'occupation ou l'utilisation concerne l'installation par l'Etat des équipements visant à améliorer la sécurité routière ou nécessaires à la liquidation et au constat des irrégularités de paiement de toute taxe perçue au titre de l'usage du domaine public routier. (...) ". La requérante ne saurait utilement se prévaloir des exceptions prévues par ces dispositions permettant que l'autorisation d'occupation ou d'utilisation du domaine public puisse être délivrée gratuitement alors que la convention signée le 19 août 2008 n'entre dans aucune de ces hypothèses. Dans les circonstances particulières de l'espèce, la société refusant de continuer à payer les redevances en l'absence de stipulations contractuelles se rapportant à leur mode de calcul, et au vu du principe fixé par l'article L. 2125-1 du code général de la propriété des personnes publiques, la commune d'Avrillé a pu, de manière rétroactive, fixer en 2016 le montant des redevances dues par la SEGR pour les années 2014 et 2015 et en 2017 le montant des redevances dues pour les années 2016 et 2017. Ainsi, le moyen tiré de ce que les créances ne seraient pas exigibles dès lors qu'elles sont fondées sur des délibérations illégales car rétroactives doit être écarté.

7. En quatrième et dernier lieu, si la requérante soutient qu'il convient d'écarter l'application des délibérations de 2016 et 2017 ayant modifié unilatéralement le contrat et en l'absence de fait nouveau, irrégulièrement, le montant de la redevance et d'appliquer les stipulations de l'article 23.2 de la convention pour la période postérieure à l'année 2013, il résulte des points 5 et 6 qu'il y a lieu d'appliquer les délibérations précitées. Il ne résulte d'ailleurs pas de l'instruction que la redevance due pour l'occupation du domaine public pour les années 2014 à 2017 aurait été fixée, par ces délibérations, à un niveau qui serait manifestement disproportionné par rapport à l'avantage que l'occupant en retire, ce montant ayant été fixé par rapport au montant dû pour l'année 2013, année immédiatement antérieure.

8. Il résulte de tout ce qui précède que la société d'exploitation des Garden Resorts n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté ses demandes de première instance.

Sur les frais liés au litige :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune d'Avrillé la somme que la société d'exploitation des Garden Resorts demande à ce titre. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de cette dernière la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés en appel par la commune d'Avrillé et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société d'exploitation des Garden Resorts est rejetée.

Article 2 : La société d'exploitation des Garden Resorts versera à la commune d'Avrillé la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société d'exploitation des Garden Resorts et à la commune d'Avrillé.

Délibéré après l'audience du 12 décembre 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- M. Derlange, président assesseur,

- Mme Picquet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 janvier 2024.

La rapporteure

P. PICQUET

Le président

L. LAINÉLe greffier

C. WOLF

La République mande et ordonne au préfet de Maine-et-Loire en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22NT02838


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NT02838
Date de la décision : 05/01/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. LAINÉ
Rapporteur ?: Mme Pénélope PICQUET
Rapporteur public ?: Mme ROSEMBERG
Avocat(s) : CABINET COULOMBIE GRAS CRETIN BECQUEVORT ROSIER SOLAND

Origine de la décision
Date de l'import : 14/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-01-05;22nt02838 ?
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