La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

05/01/2024 | FRANCE | N°22NT02837

France | France, Cour administrative d'appel, 4ème chambre, 05 janvier 2024, 22NT02837


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société d'exploitation des Garden Resorts (SEGR), a demandé au tribunal administratif de Nantes, à titre principal, de reconnaître le caractère irrégulier et infondé de la décision de résilier la convention d'occupation du château de la Perrière du 19 août 2008 et en conséquence de condamner la commune d'Avrillé à lui verser la somme de 30 035 318,86 euros en réparation de son préjudice, à titre subsidiaire, de reconnaître qu'elle est fondée à demander le verse

ment de la même somme sur le fondement des règles applicables, dans le silence du contrat, à l'i...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société d'exploitation des Garden Resorts (SEGR), a demandé au tribunal administratif de Nantes, à titre principal, de reconnaître le caractère irrégulier et infondé de la décision de résilier la convention d'occupation du château de la Perrière du 19 août 2008 et en conséquence de condamner la commune d'Avrillé à lui verser la somme de 30 035 318,86 euros en réparation de son préjudice, à titre subsidiaire, de reconnaître qu'elle est fondée à demander le versement de la même somme sur le fondement des règles applicables, dans le silence du contrat, à l'indemnisation du co-contractant en cas de résiliation du contrat pour un motif d'intérêt général en se fondant soit sur les fautes dolosives ou lourdes commises par la commune permettant d'écarter l'application de la clause de l'article 25.2 de la convention résiliée ou, alternativement, sur les termes mêmes de cet article, et en conséquence de condamner la commune à lui verser la somme de 30 035 318,86 euros en réparation de son préjudice, à titre infiniment subsidiaire, sur la base de l'interprétation de l'article 25.2 de la convention résiliée faite par la commune d'Avrillé, de condamner celle-ci à lui verser la somme de 6 124 577,41 euros en réparation de son préjudice et de condamner la commune d'Avrillé à lui payer des intérêts de retard au taux légal à compter du jour de réception de la réclamation préalable par la commune, le 16 décembre 2018, avec capitalisation des intérêts à compter du même jour.

Par un jugement n° 1904121 du 28 juin 2022, le tribunal administratif de Nantes a condamné la commune d'Avrillé à verser à la SEGR la somme de 44 211,96 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 15 décembre 2018, avec capitalisation de ceux-ci au 16 avril 2020 puis à chaque échéance annuelle à compter de la même date, et a rejeté le surplus de la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête sommaire et un mémoire ampliatif enregistrés les 29 août et 20 octobre 2022, et un mémoire enregistré le 12 avril 2023, la société d'exploitation des Garden Resorts (SEGR), représentée par Me Lamblin, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes du 28 juin 2022 en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande de première instance ;

2°) de condamner la commune d'Avrillé à lui verser à titre principal la somme de 2 210 354,10 euros ou à titre subsidiaire la somme de 1 833 995, 10 euros en réparation de son préjudice ;

3°) de mettre à la charge de la commune d'Avrillé la somme de 15 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier dès lors que le sens des conclusions du rapporteur public n'a pas été mis en ligne dans un délai raisonnable avant l'audience du 31 mai 2022 et celui-ci n'était pas suffisamment détaillé ;

- le jugement est irrégulier dès lors que les premiers juges n'ont pas répondu au moyen tiré de l'ambivalence de l'article 25.2 de la convention ;

- le jugement est irrégulier dès lors que les juges de première instance n'ont pas tenu compte de la note en délibéré déposée par la SEGR le 3 juin 2022 ;

- le jugement est irrégulier dès lors qu'il n'est pas suffisamment motivé, ne faisant pas mention de l'argument de la requérante consistant à écarter l'effet de la clause prévue à l'article 25.2 de la convention du fait d'un ensemble de fautes dolosives commises par la commune d'Avrillé préalablement à sa décision de résiliation et à l'occasion de celle-ci ;

- les premiers juges ont statué ultra petita en calculant, dans un sens défavorable à la SEGR, le manque à gagner de cette dernière sur une période plus longue que celle invoquée par les parties ;

- le jugement est entaché d'une contradiction interne entre ses motifs ;

- les premiers juges, en considérant le défaut de paiement des redevances comme un manquement contractuel et en faisant référence à l'article 25.2 de la convention, se sont placés sur le terrain de la résiliation pour faute, alors que la commune s'est exclusivement placée sur le terrain de la résiliation pour motif d'intérêt général et ils ont donc méconnu le principe du contradictoire ;

- la clause 25.2 de la convention ne peut trouver à s'appliquer en raison d'une faute lourde ou d'un dol de la commune d'Avrillé ;

- elle établit l'existence d'un manque-à-gagner indemnisable au titre de l'exploitation du château de La Perrière ;

- la perte de la valeur nette des immobilisations liées à l'hôtel doit être incluse dans le périmètre de l'indemnisation ;

- le préjudice du fait des " communications intempestives " de la commune d'Avrillé est établi ;

- les stipulations de la clause 25.2 de la convention étaient illégales et, par conséquent, devaient être écartées au profit de la règle générale selon laquelle le cocontractant peut prétendre à une indemnisation intégrale de son préjudice dans le silence du contrat ;

- un manquement aux obligations contractuelles est un cas de résiliation pour faute et non un motif d'intérêt général justifiant une résiliation en application de l'article 25.2 de la convention ;

- la non-construction de l'hôtel en 2017 ne constituait pas un motif d'intérêt général justifiant la résiliation ;

- son préjudice intégral se décompose comme suit :

- la valeur nette comptable des immobilisations constituées en application de la convention, soit 1 180 656,77 euros ;

- les manques à gagner et pertes directement liés à la résiliation de la convention à savoir des dépenses exceptionnelles de personnel de 20 940,99 euros, des prestations non réalisées suite à la communication de la ville de 313 086 euros, la résiliation des contrats des fournisseurs pour 37 227,15 euros, les honoraires de ses conseils pour 67 000 euros et 20 581,19 euros de stocks perdus, soit un total de 458 835,33 euros ;

- les manques à gagner pour la période restant à courir de la convention : 510 380 euros, seuls les exercices 2014, 2015 et 2016 devant être pris en compte.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 février 2023, et un mémoire enregistré le 22 septembre 2023 qui n'a pas été communiqué, la commune d'Avrillé, représentée par Me Pinot, conclut :

1°) au rejet de la requête ;

2°) à ce que soit mise à la charge de la société d'exploitation des Garden Resorts une somme de 20 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par la SEGR ne sont pas fondés.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code général de la propriété des personnes publiques ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Picquet,

- les conclusions de Mme Rosemberg, rapporteure publique,

- et les observations de Me Lamblin pour la société d'exploitation des Garden Resorts et de Me Pinot pour la commune d'Avrillé.

Considérant ce qui suit :

1. Par une convention d'occupation du domaine public conclue le 19 août 2008, la commune d'Avrillé a donné à la société d'exploitation des Garden Resorts (SEGR) l'autorisation d'exploiter le château de la Perrière en y exerçant, à titre principal, une activité de restauration et d'organisation de séminaires et d'évènements festifs. Par une délibération du 21 septembre 2017, le conseil municipal de la commune d'Avrillé a décidé de résilier cette convention pour un motif d'intérêt général. Cette décision a pris effet le 4 avril 2018, six mois après la notification de la décision de résiliation. Par un jugement du 6 octobre 2020, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande de la SEGR tendant à l'annulation de la décision de résiliation, à la reprise des relations contractuelles avec la commune d'Avrillé et à l'indemnisation de son préjudice subi entre la date d'effet de la résiliation et la date de reprise des relations contractuelles. Ce jugement a été confirmé par un arrêt, devenu définitif, de la cour administrative d'appel de Nantes du 3 décembre 2021. Par un jugement du 6 octobre 2020, le tribunal a également rejeté la demande de la SEGR tendant, notamment, à l'annulation de la délibération du conseil municipal de la commune d'Avrillé du 23 mars 2018 portant approbation de la promesse de vente du château de La Perrière, du golf et de la parcelle cadastrée section AN n° 91P au profit d'un autre opérateur. La SEGR a demandé au tribunal à être indemnisée de ses préjudices résultant de la résiliation en date du 21 septembre 2017 de la convention d'occupation du domaine public conclue le 19 août 2008. Par un jugement du 28 juin 2022, le tribunal a condamné la commune d'Avrillé à verser à la SEGR la somme de 44 211,96 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 15 décembre 2018, avec capitalisation de ceux-ci au 16 avril 2020 puis à chaque échéance annuelle à compter de la même date et a rejeté le surplus de la demande. La SEGR fait appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande de première instance.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 711-3 du code de justice administrative : " Si le jugement de l'affaire doit intervenir après le prononcé de conclusions du rapporteur public, les parties ou leurs mandataires sont mis en mesure de connaître, avant la tenue de l'audience, le sens de ces conclusions sur l'affaire qui les concerne ".

3. La communication aux parties du sens des conclusions, prévue par les dispositions citées au point 2, a pour objet de mettre les parties en mesure d'apprécier l'opportunité d'assister à l'audience publique, de préparer, le cas échéant, les observations orales qu'elles peuvent y présenter, après les conclusions du rapporteur public, à l'appui de leur argumentation écrite et d'envisager, si elles l'estiment utile, la production, après la séance publique, d'une note en délibéré. En conséquence, les parties ou leurs mandataires doivent être mis en mesure de connaître, dans un délai raisonnable avant l'audience, l'ensemble des éléments du dispositif de la décision que le rapporteur public compte proposer à la formation de jugement d'adopter, à l'exception de la réponse aux conclusions qui revêtent un caractère accessoire, notamment celles qui sont relatives à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Cette exigence s'impose à peine d'irrégularité de la décision rendue sur les conclusions du rapporteur public.

4. Par ailleurs, il appartient au rapporteur public de préciser, en fonction de l'appréciation qu'il porte sur les caractéristiques de chaque dossier, les raisons qui déterminent la solution qu'appelle, selon lui, le litige, et notamment d'indiquer, lorsqu'il propose le rejet de la requête, s'il se fonde sur un motif de recevabilité ou sur une raison de fond, et, de mentionner, lorsqu'il conclut à l'annulation d'une décision, les moyens qu'il propose d'accueillir. La communication de ces informations n'est toutefois pas prescrite à peine d'irrégularité de la décision.

5. Il est constant que le sens des conclusions du rapporteur public a été mis en ligne sur l'application " Sagace " le samedi 28 mai 2022 en vue de l'audience du mardi 31 mai 2022 à 9h00 à laquelle était appelée l'affaire. Dans ces conditions, les parties ou leurs mandataires ont été mis en mesure de connaître, dans un délai raisonnable avant l'audience, l'ensemble des éléments du dispositif de la décision que le rapporteur public comptait proposer à la formation de jugement d'adopter. En outre, ainsi qu'il résulte de ce qui a été dit au point 4, les dispositions du code de justice administrative n'imposent pas au rapporteur public, à peine d'irrégularité, de faire connaître les motifs de ses conclusions. Le sens des conclusions mis en ligne sur Sagace était le suivant : " condamnation de la commune d'Avrillé à verser à la SEGR la somme de 44 211,96 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 15 décembre 2018, avec capitalisation de ceux-ci au 16 avril 2020 puis à chaque échéance annuelle à compter de la même date ". Par suite, le moyen tiré de ce que le jugement serait entaché d'une irrégularité, faute pour le rapporteur public d'avoir précisé le fondement de cette condamnation, doit être écarté.

6. En deuxième lieu, il ressort du point 16 du jugement attaqué que les premiers juges ont répondu au moyen, soulevé par la SEGR, tiré de ce que la rédaction de l'article 25 de la convention d'occupation du domaine public conclue le 19 août 2008 entre la SEGR et la commune d'Avrillé était ambiguë. Par conséquent, le moyen tiré de l'irrégularité du jugement attaqué en raison d'un défaut de réponse à un moyen doit être écarté.

7. En troisième lieu, dans l'intérêt d'une bonne justice, le juge administratif a toujours la faculté de rouvrir l'instruction, qu'il dirige, lorsqu'il est saisi d'une production postérieure à la clôture de celle-ci. Il lui appartient, dans tous les cas, de prendre connaissance de cette production avant de rendre sa décision et de la viser. S'il décide d'en tenir compte, il rouvre l'instruction et soumet au débat contradictoire les éléments contenus dans cette production qu'il doit, en outre, analyser. Dans le cas particulier où cette production contient l'exposé d'une circonstance de fait ou d'un élément de droit dont la partie qui l'invoque n'était pas en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction et qui est susceptible d'exercer une influence sur le jugement de l'affaire, le juge doit alors en tenir compte, à peine d'irrégularité de sa décision.

8. Il ne résulte pas de l'instruction que la SEGR n'était pas en mesure de faire état, avant la clôture de l'instruction, des éléments contenus dans sa note en délibéré. Dès lors, le tribunal administratif de Nantes n'a pas entaché d'irrégularité le jugement attaqué, qui vise cette note en délibéré, en décidant de ne pas en tenir compte et de ne pas rouvrir l'instruction.

9. En quatrième lieu, le jugement attaqué répond avec la précision nécessaire, au point 14, alors que les premiers juges n'étaient pas tenus de répondre à l'ensemble des arguments de la SEGR, au moyen tiré de ce que la clause prévue à l'article 25.2 de la convention devrait être écartée du fait d'un ensemble de fautes dolosives commises par la commune d'Avrillé.

10. En cinquième lieu, la SEGR soutient que les premiers juges ont statué ultra petita en retenant l'exercice de 2017 dans le calcul du manque à gagner alors que ce n'était pas demandé par les parties. En tout état de cause, il ressort des écritures de première instance que la prise en compte de l'exercice 2017 était demandée par la commune d'Avrillé. Par conséquent, le moyen doit être écarté.

11. En sixième lieu, la contradiction de motifs alléguée par la requérante au regard des points 11 et 18 du jugement attaqué est susceptible d'affecter le bien-fondé du jugement et non sa régularité. Par suite, ce moyen ne peut qu'être écarté comme inopérant en tant qu'il concerne la régularité du jugement attaqué.

12. En septième et dernier lieu, contrairement à ce que soutient la SEGR, les premiers juges, au point 9 du jugement attaqué, ne se sont pas placés sur le terrain de la résiliation pour faute, mais uniquement sur le terrain de la résiliation pour motif d'intérêt général. Par suite, le moyen tiré de ce que les premiers juges auraient méconnu le principe du contradictoire en se plaçant d'office sur le terrain de la résiliation pour faute sans en avertir les parties doit être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne le principe de l'indemnisation :

13. Aux termes de l'article 25 " Résiliation par la collectivité " de la convention d'occupation du domaine public conclue le 19 août 2008 entre la commune d'Avrillé et la SEGR : " 25.1. La présente convention sera résiliée de plein droit par la Collectivité si elle le décide, et sans indemnité, en cas de : / - cessation de paiement ou liquidation de l'Occupant ; / - cessation par l'Occupant pour quelque motif que ce soit de l'exercice de l'activité prévue dans les lieux mis à disposition ; / - condamnation pénale de l'Occupant le mettant dans l'impossibilité de poursuivre son activité ; / - infraction à la règlementation applicable à un titre quelconque à l'activité exercée dans les lieux mis à disposition après mise en demeure restée sans effet pendant un délai d'un (1) mois ; / cession de la convention sans accord exprès de la Collectivité ; / - refus ou retrait des autorisations administratives et règlementaires nécessaires à l'exercice de ses activités ; / - inexécution ou manquement de l'Occupant à l'une quelconque de ses obligations prévues à la présente convention après réception par l'Occupant d'une lettre recommandée avec accusé de réception et restée sans effet pendant un délai d'un (1) mois. / 25.2 Pour tout motif d'intérêt général autre que ceux définis ci-dessus, la présente convention peut être résiliée par la Collectivité, moyennant une indemnité fixée en fonction du préjudice subi par l'Occupant et égale à la valeur comptable nette des mobiliers et matériels acquis en application de la présente convention majorée du manque à gagner estimé pour la période restant à courir de la convention. / (...). ".

14. La délibération du 21 septembre 2017 décidant la résiliation de la convention est fondée sur deux motifs d'intérêt général tirés, d'une part, du manquement de la SEGR à ses obligations financières contractuelles et, d'autre part, de la nécessité pour la commune de résilier cette convention afin de pouvoir ensuite céder notamment le château de la Perrière et son golf à une société tierce porteuse d'un projet global d'aménagement touristique du site.

15. En premier lieu, une faute assimilable à une fraude ou à un dol est caractérisée par la violation grave, par sa nature ou ses conséquences, de ses obligations contractuelles par une des parties au contrat, commise volontairement et sans qu'elle puisse en ignorer les conséquences.

16. Il ne résulte pas de l'instruction, au vu des articles de presse produits par la requérante, que le maire d'Avrillé ou la commune auraient entendu communiquer, dans une volonté de nuire, de fausses informations sur la situation de la société et auraient ainsi commis une faute, a fortiori une faute lourde. Il ne résulte pas davantage de l'instruction que la commune, au vu de l'historique des relations avec la SEGR, aurait commis une faute lourde en rejetant l'offre d'achat du château et du golf présentée par cette dernière. A fortiori, l'existence d'une faute dolosive n'est pas établie. Par conséquent, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que les stipulations de l'article 25.2 de la convention devaient être écartées en raison du comportement fautif de la commune. Pour les mêmes motifs, en l'absence de faute, la société requérante n'est pas fondée à demander l'indemnisation du préjudice subi du fait des " communications intempestives " de la commune d'Avrillé.

17. En deuxième lieu, il résulte des termes clairs de l'article 25.2 de la convention que l'indemnité est limitée à la valeur comptable nette des mobiliers et matériels acquis en application de la présente convention majorée du manque à gagner estimé pour la période restant à courir de la convention. Si en principe, en cas de résiliation pour motif d'intérêt général, le cocontractant a droit à une indemnisation de l'intégralité de son préjudice, ce n'est que sous réserve des stipulations du contrat. Par conséquent, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que les stipulations de l'article 25.2 de la convention devaient être écartées en raison de leur ambiguïté.

18. En troisième lieu, la requérante se prévaut de l'annulation des titres exécutoires émis par la commune pour les années 2014 à 2017, par un jugement du tribunal administratif de Nantes du 5 mars 2019, et de l'effet suspensif de l'exigibilité d'une dette attaché, par l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales, aux oppositions contre les titres de recette. Toutefois, il est constant que le tribunal administratif n'a annulé les titres exécutoires que pour un motif de forme et la société requérante n'établit pas, sur le fond, en se bornant à produire un ordre du jour publié sur le site internet de la commune, que les redevances avaient été payées ou n'étaient pas dues à la commune. D'ailleurs, il résulte de l'instruction que la commune a émis de nouveaux titres exécutoires pour les années 2014 à 2017, lesquels ont à nouveau fait l'objet de recours devant le tribunal administratif de Nantes qui les a rejetés en 2022, le recours contre ce jugement étant rejeté par un arrêt de la cour du même jour que le présent arrêt. Ainsi, la requérante n'est pas fondée à soutenir que la commune ne pouvait pas lui opposer, pour résilier la convention, un manquement à ses obligations contractuelles qui pouvait être regardé, aux termes de l'article 25.2, comme un motif d'intérêt général dès lors que le défaut de paiement de redevances empêche la commune de valoriser les dépendances en cause de son domaine public.

19. En quatrième et dernier lieu, la société requérante ne saurait utilement soutenir que l'absence de construction de l'hôtel en 2017 ne constituait pas un motif d'intérêt général justifiant la résiliation, alors que le motif invoqué par la commune d'Avrillé est, non pas directement cette absence de réalisation de l'hôtel, mais l'opportunité pour la commune de céder à un tiers le domaine constitué du château, de ses dépendances et du golf, dans le cadre d'un projet global de valorisation touristique du site, qui revêt un caractère d'intérêt général eu égard à son importance pour le développement économique local.

En ce qui concerne l'évaluation des préjudices :

20. En premier lieu, si la société requérante soutient que les premiers juges ont " dénaturé " les pièces du dossier, en retenant, s'agissant du manque à gagner du fait de la résiliation, des chiffres erronés concernant l'année 2016, le contrôle de la dénaturation des pièces du dossier ne relève pas du juge d'appel mais du juge de cassation.

21. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction qu'alors même que le résultat net sur l'année 2016 de la SEGR était de + 1 594 euros, son résultat moyen, entre 2009, date du début d'exploitation du château, et 2017 était négatif. Contrairement à ce que soutient la requérante, l'année 2017 peut être prise en compte, la résiliation n'ayant pris effet que le 4 avril 2018. Pour les motifs indiqués au point 16, il n'est pas établi que l'exercice 2016 devait être exclu de l'estimation du manque à gagner du fait des agissements allégués de la commune au cours de cette année qui auraient perturbé l'exploitation de l'activité. Rien ne justifie, par ailleurs, que seuls les trois derniers exercices soient pris en compte. Par conséquent, la société requérante n'établit pas l'existence d'un manque-à-gagner indemnisable au titre de l'exploitation du château de La Perrière pour la période restant à courir de la convention.

22. En troisième lieu, la société requérante demande à être indemnisée de la valeur nette comptable des immobilisations constituées pour les besoins de la réalisation d'un établissement d'hébergement qui aurait dû être édifié et exploité par ses soins sur une parcelle détachée du terrain de golf de La Perrière, à proximité immédiate du château, dès lors que la résiliation de la convention du 19 août 2008 a eu une conséquence directe sur la faisabilité de son projet de réalisation de l'hôtel. Toutefois, la convention conclue en 2008 n'avait pas directement pour objet la construction d'un hôtel mais l'occupation d'une dépendance du domaine public communal, alors même que l'entrée en jouissance et les modalités de calcul de la redevance d'occupation du domaine public prenaient en compte la réalisation de cet établissement d'hébergement. Par conséquent, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que la valeur nette comptable des immobilisations constituées pour les besoins de la réalisation d'un hôtel serait indemnisable en application des stipulations de l'article 25.2 précité. De plus, les dépenses éventuellement exposées par la société en vue d'essayer de réaliser le projet d'hébergement hôtelier initialement envisagé ne sauraient être regardées comme légitimement exposées pour les besoins réguliers de l'activité exercée dès lors que les modalités contractuelles de cette opération, en particulier son délai, n'ont pas été respectées par elle.

23. En quatrième et dernier lieu, la SEGR demande également à être indemnisée au titre de dépenses exceptionnelles de personnel, d'un manque à gagner, durant la période restant à courir de la convention, en raison de prestations non réalisées, de la communication préjudiciable alléguée de la commune d'Avrillé, des frais de résiliation de certains de ses contrats avec des fournisseurs, de frais d'études de marché et de faisabilité pour la réalisation du projet hôtelier, de la valorisation de la marque déposée " domaine de La Perrière " et de noms de domaine sur internet déposés, de la réalisation d'un site internet et d'une licence IV. Toutefois, ces différents chefs de préjudice ne relèvent pas de ceux pouvant donner lieu à indemnisation, qui sont limitativement énumérés à l'article 25.2, cité au point 13, de la convention d'occupation du domaine public.

24. Il résulte de tout ce qui précède que la société d'exploitation des Garden Resorts n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté le surplus de sa demande de première instance.

Sur les frais liés au litige :

25. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune d'Avrillé la somme que la société d'exploitation des Garden Resorts demande à ce titre. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de cette dernière la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés en appel par la commune d'Avrillé et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société d'exploitation des Garden Resorts est rejetée.

Article 2 : La société d'exploitation des Garden Resorts versera à la commune d'Avrillé la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société d'exploitation des Garden Resorts et à la commune d'Avrillé.

Délibéré après l'audience du 12 décembre 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- M. Derlange, président assesseur,

- Mme Picquet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 janvier 2024.

La rapporteure

P. PICQUET

Le président

L. LAINÉLe greffier

C. WOLF

La République mande et ordonne au préfet de Maine-et-Loire en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22NT02837


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NT02837
Date de la décision : 05/01/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. LAINÉ
Rapporteur ?: Mme Pénélope PICQUET
Rapporteur public ?: Mme ROSEMBERG
Avocat(s) : LAMBLIN

Origine de la décision
Date de l'import : 14/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-01-05;22nt02837 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award