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03/01/2024 | FRANCE | N°23LY01794

France | France, Cour administrative d'appel, 3ème chambre, 03 janvier 2024, 23LY01794


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



Par trois requêtes, l'association Vent du Haut-Forez, la commune de Chalmazel-Jeansagnière, la commune de la Chamba, la commune de La Côte-en-Couzan et la commune de Saint-Didier-sur-Rochefort ont demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les trois décisions du 3 mai 2016 par lesquelles le préfet de la Loire a accordé trois permis de construire à la société par actions simplifiée (SAS) Monts du Forez Energie pour la construction d'un poste de livraison, d'un local technique

et d'un mât de mesure, au lieu-dit le Col de la Loge sur le territoire de la commune...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Par trois requêtes, l'association Vent du Haut-Forez, la commune de Chalmazel-Jeansagnière, la commune de la Chamba, la commune de La Côte-en-Couzan et la commune de Saint-Didier-sur-Rochefort ont demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les trois décisions du 3 mai 2016 par lesquelles le préfet de la Loire a accordé trois permis de construire à la société par actions simplifiée (SAS) Monts du Forez Energie pour la construction d'un poste de livraison, d'un local technique et d'un mât de mesure, au lieu-dit le Col de la Loge sur le territoire de la commune de La Chamba, pour la construction d'une éolienne, au lieu-dit Sagne Crose sur le territoire de la commune de La Côte-en-Couzan, et enfin pour la construction de quatre éoliennes, au lieu-dit le Grand Caire sur le territoire de la commune de Saint-Jean-la-Vêtre.

Par un jugement nos 1604978-1604980-1604981 du 21 mai 2019, le tribunal administratif de Lyon a rejeté ces demandes.

Par un arrêt n° 19LY02810 du 3 juin 2021, la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté l'appel formé par la commune de Chalmazel-Jeansagnière et autres contre ce jugement.

Par une décision n° 455072 du 24 mai 2023, le Conseil d'Etat statuant au contentieux, saisi d'un pourvoi présenté par l'Association Vent du Haut-Forez et autres, a annulé l'arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon du 3 juin 2021 et a renvoyé l'affaire devant la même cour.

Procédure devant la cour

Par deux mémoires complémentaires enregistrés le 23 juin et 31 octobre 2023, la commune de Chalmazel-Jeansagnière et autres persistent dans leurs précédentes écritures, aux fins d'annulation des trois permis de construire du 3 mai 2016, et demandent à la cour de mettre à la charge de l'Etat et de la SAS Monts du Forez Energie une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent en outre que :

- le préfet de la Loire s'est fondé sur le schéma régional éolien, annulé par un jugement n° 1302198 du 2 juillet 2015 du tribunal administratif de Lyon, devenu définitif ;

- l'étude d'impact est insuffisante : elle ne satisfait pas aux dispositions du 5° du II de l'article R. 122-5 du code de l'environnement ; le résumé non technique de l'étude d'impact ne fait pas état des Hautes Chaumes, alors qu'il s'agit d'un site emblématique de ce territoire ; ce vice a nui à l'information du public, indépendamment de ce que l'étude d'impact mentionnerait ce territoire ; aucune référence n'est faite à la chouette Chevêchette d'Europe, espèce protégée en vertu de la loi du 10 juillet 1976 relative à la protection de la nature et de la directive du 6 avril 1979 ; les photomontages tronqués ont nui à l'information du public et ont été de nature à exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative ; l'étude d'impact est entachée d'importantes insuffisances quant à la ressource en eau, dont la préservation des têtes de bassins versants constitue un axe prioritaire dans le schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux ;

- les permis de construire sont entachés d'illégalité en l'absence d'accord préalable du syndicat mixte du SCOT Loire Centre quant à la dérogation à l'interdiction de construire résultant des articles L. 142-4 3° et L. 111-4 3° du code de l'urbanisme ;

- les éoliennes projetées devaient faire l'objet d'une autorisation commune eu égard à l'impossibilité pour l'administration d'apprécier, de façon séparée, la conformité du projet au respect de la règle d'urbanisme, telle, notamment, que son insertion dans le paysage environnant ;

- les arrêtés en litige n'ont pas été précédés de l'autorisation de défrichement requise par l'article L. 341-7 du code forestier, celle-ci ayant été annulée par le tribunal administratif de Lyon ; cette autorisation de défrichement est intervenue à l'issue d'une procédure irrégulière, ce qui entache, par la voie de l'exception, d'illégalité les permis en litige ;

- le préfet a méconnu l'article R. 111-5 du code de l'urbanisme : la société pétitionnaire n'a pas justifié de l'existence d'un titre créant une servitude de passage donnant accès au chemin rural de la Pierre du Grand Caire ; il ne permet pas de desservir le projet et aucune prescription particulière n'a été prévue à cet égard ;

- le pétitionnaire a commis une fraude, en n'ayant pas fait mention de la création d'un nouveau chemin d'accès ;

- les arrêtés en litige portent atteinte au paysage avoisinant en violation de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme ;

- le projet autorisé par les arrêtés en litige porte atteinte à l'environnement, plus particulièrement aux chiroptères, à l'avifaune et à la qualité de l'eau, notamment en raison du bruit généré ;

- le projet méconnaît l'article L. 122-9 du code de l'urbanisme.

Par des mémoires en défense enregistrés les 20 août 2023 et 7 décembre 2023, ce dernier mémoire n'ayant pas été communiqué, la SAS Monts du Forez Energie, représentée par le cabinet Lacourte Raquin Tatar, agissant par Me Guinot et Me Gauthier, conclut :

1°) à titre principal, au rejet de la requête ;

2°) à titre subsidiaire, à ce que la cour sursoie à statuer sur la requête en vue de permettre la régularisation des illégalités entachant les décisions, en application de l'article L. 181-18 I 2° du code de l'environnement.

Elle expose que les moyens soulevés ne sont pas fondés et que le vice tiré de la méconnaissance de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme est régularisable.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère,

- les conclusions de M. Samuel Deliancourt, rapporteur public,

- et les observations de Me Juilles pour la commune de Chalmazel-Jeansagnière et autres ainsi que celles de Me Gauthier pour la société Monts du Forez Energie.

Et après avoir pris connaissance de la note en délibéré présentée pour la SAS Monts du Forez Energie, enregistrée le 13 décembre 2023.

Considérant ce qui suit :

1. La commune de Chalmazel-Jeansagnière et autres ont relevé appel du jugement n° 1604978-1604980-1604981 du 21 mai 2019 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des trois décisions du 3 mai 2016 par lesquelles le préfet de la Loire a accordé trois permis de construire à la SAS Monts du Forez Energie pour la construction d'un poste de livraison, d'un local technique et d'un mât de mesure, au lieu-dit le Col de la Loge sur le territoire de la commune de La Chamba, pour la construction d'une éolienne, au lieu-dit Sagne Crose sur le territoire de la commune de La Côte-en-Couzan, et enfin pour la construction de quatre éoliennes, au lieu-dit le Grand Caire sur le territoire de la commune de Saint-Jean-la-Vêtre. Par un arrêt du 3 juin 2021, contre lequel la commune de Chalmazel-Jeansagnière et autres se sont pourvus en cassation, la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté leurs conclusions d'appel. Par une décision n° 455072 du 24 mai 2023, le Conseil d'Etat a annulé cet arrêt et renvoyé l'affaire devant la cour.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales ".

3. Il résulte de ces dispositions que, si les constructions projetées portent atteinte aux paysages naturels avoisinants, l'autorité administrative compétente peut refuser de délivrer le permis de construire sollicité ou l'assortir de prescriptions spéciales. Pour rechercher l'existence d'une atteinte à un paysage naturel de nature à fonder le refus de permis de construire ou les prescriptions spéciales accompagnant la délivrance de ce permis, il lui appartient d'apprécier, dans un premier temps, la qualité du site naturel sur lequel la construction est projetée et d'évaluer, dans un second temps, l'impact que cette construction, compte tenu de sa nature et de ses effets, pourrait avoir sur le site. Les dispositions de cet article excluent qu'il soit procédé dans le second temps du raisonnement, pour apprécier la légalité des permis de construire délivrés, à une balance d'intérêts divers en présence, autres que ceux visés à l'article R. 111-27 cité ci-dessus.

4. Le projet de la SAS Monts du Forez Energie consiste à implanter cinq éoliennes, accompagnées d'un poste de livraison, d'un local technique et d'un mât de mesure, sur les territoires des communes de la Chamba, de La Côte-en-Couzan et de Saint-Jean-La-Vêtre, situées à l'ouest du département de la Loire, au sein du massif des monts du Forez, reconnu comme zone naturelle d'intérêt écologique, faunistique et floristique et à proximité du site d'intérêt communautaire des Hautes Chaumes du Forez, considéré comme une mosaïques de paysages naturels remarquables. Le projet s'inscrit ainsi dans un site présentant une réelle richesse écologique et qualité paysagère. Il a fait l'objet d'avis défavorables du commissaire enquêteur et des différentes autorités préalablement consultées, en particulier de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites, en raison de son impact sur le paysage. Eu égard à l'implantation des éoliennes projetées et à la dégradation de la qualité du paysage remarquable du site en résultant et en dépit des éléments mis en avant pour justifier l'atténuation de leur impact visuel, les requérantes sont fondées à soutenir que les permis de construire en litige sont entachés d'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions précitées de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme.

5. En second lieu, aux termes de l'article L. 122-9 du code de l'urbanisme : " Les documents et décisions relatifs à l'occupation des sols comportent les dispositions propres à préserver les espaces, paysages et milieux caractéristiques du patrimoine naturel et culturel montagnard ".

6. Il résulte de ce qui a été dit au point 4 que le lieu d'implantation des éoliennes en litige constitue un espace caractéristique du patrimoine naturel et culturel montagnard au sens des dispositions précitées et que, par suite, la commune de Chalmazel-Jeansagnière et autres sont fondées à soutenir qu'eu égard à l'implantation des éoliennes projetées et à la dégradation de la qualité du paysage remarquable du site en résultant, les permis de construire en litige méconnaissent ces mêmes dispositions.

Sur l'application de l'article L. 181-18 du code de l'environnement :

7. Aux termes du I de l'article L. 181-18 du code de l'environnement : " Le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre une autorisation environnementale, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés : / (...) / 2° Qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé par une autorisation modificative peut, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, surseoir à statuer jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation. Si une telle autorisation modificative est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations ".

8. Eu égard à l'implantation des éoliennes projetées et à la dégradation de la qualité du paysage remarquable du site en résultant, les illégalités relevées aux points 4 et 6 du présent arrêt sont de nature, contrairement à ce que soutient la SAS Monts du Forez Energie, à entraîner l'annulation totale des arrêtés du préfet de la Loire du 3 mai 2016 et ne sont pas régularisables, de sorte qu'il n'y a pas lieu de surseoir à statuer en application de l'article L. 181-18 du code de l'environnement.

9. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête ni d'examiner la régularité du jugement attaqué, que la commune de Chalmazel-Jeansagnière et autres sont fondées à soutenir que c'est à tort que, par ce jugement, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leurs demandes.

Sur les frais liés au litige :

10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge conjointe de l'Etat et de la société SAS Monts du Forez Energie la somme de 2 000 euros à verser à la commune de Chalmazel-Jeansagnière et autres, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lyon du 21 mai 2019 et les décisions du 3 mai 2016 par lesquelles le préfet de la Loire a accordé trois permis de construire à la SAS Monts du Forez Energie sont annulés.

Article 2 : L'Etat et la société SAS Monts du Forez Energie verseront solidairement une somme de 2 000 euros à la commune de Chalmazel-Jeansagnière et autres au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'association Vent du Haut-Forez, en sa qualité de représentant unique, à la société Monts du Forez Energie et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Copie en sera adressée au préfet de la Loire.

Délibéré après l'audience du 12 décembre 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Emilie Felmy, présidente-assesseure, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

M. Joël Arnould, premier conseiller,

Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 janvier 2024.

La rapporteure,

Bénédicte LordonnéLa présidente,

Emilie Felmy

La greffière,

Sandra Bertrand

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 23LY01794


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23LY01794
Date de la décision : 03/01/2024
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

68-03 Urbanisme et aménagement du territoire. - Permis de construire.


Composition du Tribunal
Président : Mme FELMY
Rapporteur ?: Mme Bénédicte LORDONNE
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : DMMJB AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-01-03;23ly01794 ?
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