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03/01/2024 | FRANCE | N°22LY02954

France | France, Cour administrative d'appel, 3ème chambre, 03 janvier 2024, 22LY02954


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 16 mai 2022 par lequel le préfet du Rhône a refusé de l'admettre au séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de quatre-vingt-dix jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée d'office.



Par un jugement n° 2204519 du 16 septembre 2022, le tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande.



Procédure devant la

cour



Par une requête, enregistrée le 7 octobre 2022, Mme A..., représentée par la SELARL BS2A Bescou et Sab...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 16 mai 2022 par lequel le préfet du Rhône a refusé de l'admettre au séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de quatre-vingt-dix jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée d'office.

Par un jugement n° 2204519 du 16 septembre 2022, le tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 7 octobre 2022, Mme A..., représentée par la SELARL BS2A Bescou et Sabatier Avocats Associés (Me Sabatier), demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 16 septembre 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Rhône du 16 mai 2022 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Rhône, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard, de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le préfet n'a pas procédé à un examen réel et sérieux de sa situation ;

- le refus de titre de séjour méconnaît les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'elle souffre d'une pathologie rétinienne grave, qu'elle fait l'objet d'un suivi médical sérieux et régulier en France et qu'elle ne pourra effectivement bénéficier d'un traitement approprié à son état de santé en cas de retour dans son pays d'origine ;

- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'obligation de quitter le territoire français est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;

- cette décision est entachée d'une erreur de droit au regard des dispositions du 9 de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle viole les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle, dès lors qu'elle aura pour effet de la priver de l'assistance de sa sœur et de rompre son traitement ;

- la décision fixant le délai de départ volontaire est illégale par voie de conséquence de l'illégalité des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français ;

- la décision fixant le pays de destination est illégale par voie de conséquence de l'illégalité des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

La requête a été communiquée au préfet du Rhône, qui n'a pas produit de mémoire.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., ressortissante marocaine née le 19 juillet 1972, relève appel du jugement n° 2204519 du 16 septembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Rhône du 16 mai 2022, portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de quatre-vingt-dix jours et fixant le pays à destination duquel elle pourra être éloignée d'office.

Sur la légalité de l'arrêté du préfet du Rhône du 16 mai 2022 :

En ce qui concerne le refus de titre de séjour :

2. En premier lieu, compte tenu de la situation de Mme A... au regard de son droit au séjour en France, et eu égard à la motivation de la décision contestée, il n'est pas établi que la décision portant refus de titre de séjour n'aurait pas été précédée d'un examen particulier de sa situation personnelle.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...) ".

4. Pour refuser de délivrer un titre de séjour à Mme A..., le préfet du Rhône s'est approprié le sens de l'avis rendu par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) estimant que l'état de santé de l'intéressée nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entrainer pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité, mais qu'eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont elle est originaire, elle pourra effectivement y bénéficier d'un traitement approprié.

5. Mme A... souffre de stries angioïdes compliquant un pseudoxanthome élastique, relevant d'une pathologie rétinienne grave pour laquelle elle est régulièrement suivie au sein du service d'ophtalmologie de l'hôpital de la Croix Rousse depuis son entrée en France le 23 juillet 2021 pour la réalisation d'injections intra-vitréennes. Il ressort des propres déclarations de la requérante qu'elle a pu bénéficier de plusieurs injections dans son pays d'origine avant de rejoindre le territoire français. Si elle soutient, en se prévalant des certificats médicaux établis par trois praticiens marocains, un professeur d'ophtalmologie, un médecin et un médecin conseil auprès du consulat général de France, qu'elle se trouve désormais " en dehors de toute ressource thérapeutique au Maroc ", ces certificats, eu égard aux termes de leur rédaction, ne suffisent pas à établir la réalité des affirmations de la requérante selon lesquelles elle ne pourra avoir accès effectivement au traitement approprié à son état de santé. Par suite, c'est par une exacte application des dispositions précitées de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le préfet du Rhône a rejeté la demande de titre de séjour de Mme A....

6. En troisième lieu, la décision attaquée ayant pour motif que le titre de séjour ne porte pas d'atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale de l'intéressée, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, aux termes desquelles " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. (...) " est opérant, contrairement à ce que les premiers juges ont retenu.

7. Il ressort toutefois des pièces du dossier qu'à la date de la décision attaquée, Mme A... séjournait en France depuis moins d'un an, après avoir vécu l'essentiel de sa vie dans son pays d'origine, où réside sa mère. Ainsi qu'il vient d'être dit, il ne ressort pas de ces mêmes pièces que l'intéressée ne pourra pas bénéficier dans son pays d'origine, où elle dispose de solides attaches familiales, de la prise en charge médicale rendue nécessaire par sa maladie. La requérante ne démontre pas en quoi la présence de sa sœur serait absolument indispensable compte tenu de son état de santé. Dans ces circonstances, et en dépit des efforts d'intégration dans la société française dont la requérante se prévaut, le moyen tiré de la violation des stipulations citées au point précédent doit être écarté.

8. En quatrième lieu, dès lors que le refus de séjour ne s'est pas prononcé sur l'application des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui ne constituent pas le fondement de la demande de titre de séjour de Mme A..., le moyen tiré de leur méconnaissance est inopérant, alors même qu'il ressort de la motivation de l'arrêté attaqué, que le préfet du Rhône a apprécié l'opportunité d'une mesure dérogatoire en faveur de l'intéressée.

9. En dernier lieu, eu égard aux développements qui précèdent, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet du Rhône aurait entaché sa décision de refus de titre de séjour d'une erreur manifeste d'appréciation.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

10. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire français.

11. En deuxième lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 4 à 9 du présent arrêt, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que la décision d'obligation de quitter le territoire français méconnaît les dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatives à la protection de certains étrangers contre cette mesure d'éloignement, les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, ni davantage qu'elle serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

En ce qui concerne la décision de délai de départ volontaire :

12. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que la décision fixant le délai de départ volontaire devrait être annulée en conséquence de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ne peut qu'être écarté.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

13. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de destination devrait être annulée en conséquence de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ne peut qu'être écarté.

14. En second lieu, il résulte de ce qui est dit au point 5 que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que son éloignement vers le Maroc constituerait, en raison de son état de santé, un traitement inhumain ou dégradant prohibé par les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

15. Il résulte de tout ce qui précède, que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

16. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celles tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée à la préfète du Rhône.

Délibéré après l'audience du 12 décembre 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Emilie Felmy, présidente-assesseure, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

M. Joël Arnould, premier conseiller,

Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 janvier 2024.

La rapporteure,

Bénédicte LordonnéLa présidente,

Emilie Felmy

La greffière,

Sandra Bertrand

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 22LY02954


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22LY02954
Date de la décision : 03/01/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme FELMY
Rapporteur ?: Mme Bénédicte LORDONNE
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : SELARL BS2A - BESCOU & SABATIER

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-01-03;22ly02954 ?
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