Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Par deux requêtes distinctes, M. B... D... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'une part, d'annuler la lettre du 18 mars 2019 intitulée " campagne 2016 - lettre de fin d'instruction " portant sur sa demande d'aides ovines, d'annuler la décision du 29 avril 2019 par laquelle le directeur départemental des territoires de Saône-et-Loire a rejeté son recours formé contre les lettres des 18 mars 2019 et 22 mars 2019, d'annuler le contrôle de son exploitation opéré par l'administration le 19 avril 2016, ainsi que " tout rapports de contrôle, ou autre fiche de contrôle ou comptes rendus et autres constats d'anomalies et fiches d'avertissement précoces faisant état des anomalies constatées et de leurs conséquences, et encore tous actes, documents, ou autres procès-verbaux établis ou toutes décisions prises à l'issue et en conséquence dudit contrôle, ainsi que toutes pénalités qui résulteraient dudit contrôle ", d'autre part, d'enjoindre à l'administration de lui accorder les aides ovines sollicitées dans un délai de huit jours à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard, enfin, de mettre à la charge de l'État la somme de 7 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens.
Par un jugement n° 1901424 - 1901529 du 22 décembre 2020, le tribunal administratif de Dijon a rejeté ces demandes.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 24 février 2021 et un mémoire, enregistré le 29 septembre 2022, qui n'a pas été communiqué, M. D..., représenté par Me Dumaine-Martin, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Dijon du 22 décembre 2020 ;
2°) d'annuler ou, à tous le moins, de constater l'illégalité du contrôle du 19 avril 2016 ;
3°) d'annuler par voie de conséquence la décision intitulée " campagne 2016 - lettre de fin d'instruction " du 18 mars 2019, la décision du 22 mars 2019 intitulée " lettre de fin d'instruction " au titre de la conditionnalité 2016 et la décision du 29 avril 2019, par laquelle le directeur départemental des territoires de Saône-et-Loire a rejeté son recours gracieux ;
4°) d'annuler plus généralement tous " rapports de contrôle, ou autre fiche de contrôle ou comptes rendus et autres constats d'anomalies et fiches d'avertissement précoces faisant état des anomalies constatées et de leurs conséquences, et encore tous actes, documents, ou autres procès-verbaux établis ou toutes décisions prises à l'issue et en conséquence dudit contrôle, ainsi que toutes pénalités qui résulteraient dudit contrôle " ;
5°) d'enjoindre à l'administration de lui accorder les aides ovines sollicitées dans un délai de huit jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard ;
6°) de mettre une somme de 12 000 euros à la charge de l'Etat en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les décisions du 18 mars 2019, du 22 mars 2019 et du 29 avril 2019 sont entachées d'incompétence ;
- ces décisions sont entachées d'un défaut de motivation, et ne procèdent pas d'un examen réel et complet de sa situation ;
- ces décisions sont entachées d'erreur de fait dès lors que l'administration n'est pas en mesure de réfuter les éléments figurant dans les demandes d'aide ovine qu'il avait formulées ;
- les décisions sont illégales par voie de conséquence des irrégularités dont est entaché le contrôle du 19 avril 2016 : il n'a pas été avisé du contrôle opéré dans son exploitation le 19 avril 2016 et n'a pas reçu les courriers des 12 et 15 avril 2016 qui n'ont pas été adressés à son domicile, mais sur le lieu d'exploitation ; à supposer que le contrôle du 19 avril 2016 a bien été réalisé, son ouvrier agricole ne disposait d'aucun mandat pour le représenter ; la fiche téléphonique n'est pas de nature à justifier de l'information préalable du contrôle ; il n'a pas été informé immédiatement des résultats du contrôle du 19 avril 2016 et des anomalies relevées, mais trois ans plus tard, en méconnaissance du devoir de loyauté pesant sur l'administration.
Par un mémoire en défense, enregistré le 8 août 2023, le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés sont infondés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le règlement d'exécution (UE) n° 809/2014 de la commission du 17 juillet 2014 ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le décret n° 2004-374 du 29 avril 2004 relatif aux pouvoirs des préfets, à l'organisation et à l'action des services de l'Etat dans les régions et départements ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code rural et de la pêche maritime ;
- le code de justice administrative.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère,
- et les conclusions de M. Samuel Deliancourt, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. D..., exploitant un élevage de bovins et d'ovins, a sollicité le bénéfice d'aides directes de la politique agricole commune, dont des indemnités compensatrices de handicaps naturels et des aides aux ovins et aux bovins, et a perçu, à ce titre, une avance de trésorerie versée par l'Agence de services et de paiement (ASP), remboursable au fur et à mesure de la perception des aides communautaires. Il a reçu, le 18 mars 2019, une lettre de fin d'instruction relative à la demande d'aides aux ovins, par laquelle le préfet lui a indiqué qu'il envisageait de ne lui verser aucune aide ovine, en raison d'anomalies constatées consécutivement à un contrôle réalisé le 19 avril 2016. Par une seconde lettre du 22 mars 2019 intitulée " conditionnalité 2016 - lettre de fin d'instruction ", le préfet indiquait au requérant qu'il envisageait de réduire de 15 % le taux de l'ensemble de ses aides, au titre du contrôle de conditionnalité. Par une décision du 29 avril 2019, le directeur départemental des territoires de Saône-et-Loire a confirmé ses décisions des 18 mars 2019 et 22 mars 2019 et a rejeté les recours gracieux de l'intéressé. M. D... relève appel du jugement n° 1901424 - 1901529 du 22 décembre 2020, par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté les conclusions de sa demande dirigée contre ces décisions.
Sur la recevabilité des conclusions d'appel à fin d'annulation du contrôle du 19 avril 2016 et des documents établis à son issue :
2. Le contrôle effectué le 19 avril 2016, ainsi que les rapports, fiches, comptes rendus et procès-verbaux des contrôles et autres documents établis à l'occasion de ce contrôle ou à l'issue de celui-ci ne constituent que des éléments de procédure préalables aux décisions dont M. D... a été ultérieurement informé. Ces documents ne sont pas susceptibles de recours comme l'a confirmé le Conseil d'Etat dans sa décision n° 455918 du 3 juillet 2023. Les conclusions que M. D... réitère à leur encontre, sans d'ailleurs critiquer le jugement, qui les a jugées comme irrecevables après en avoir informé les parties, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, ne peuvent qu'être rejetées.
Sur la régularité du jugement :
3. M. D... soutient que les premiers juges, pour écarter son moyen tiré de l'incompétence du signataire des décisions attaquées, se sont fondés sur des arrêtés de délégation de signature des 28 et 30 août 2017, qui n'ont pas été discutés au contradictoire des parties. Toutefois, comme le relève expressément le jugement, ces arrêtés étaient consultables sur le site internet de la préfecture et librement accessibles tant au juge qu'aux parties, et eu égard à leur caractère réglementaire, les premiers juges n'ont pas méconnu le principe du caractère contradictoire de la procédure en se fondant sur l'existence de ces arrêtés sans en ordonner préalablement la production au dossier.
4. A le supposer soulevé, le moyen selon lequel les premiers juges n'auraient pas répondu au moyen de M. D... mettant en cause le caractère suffisant de la motivation des décisions des 18 et 22 mars 2019 manque en fait, les premiers juges s'étant prononcés sur un tel moyen au point 7 du jugement attaqué.
Sur le bien-fondé du jugement :
5. En premier lieu, aux termes de l'article D. 615-3 du code rural et de la pêche maritime : " Le préfet est chargé, pour le compte de l'organisme payeur au sens de l'article 7 du règlement (UE) n° 1306/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013, de l'instruction des demandes d'aides et de l'application, lors du calcul du montant des aides à verser, des réductions et des sanctions administratives (...) en ce qui concerne le système intégré de gestion et de contrôle, les conditions relatives au refus ou au retrait des paiements et les sanctions administratives applicables aux paiements directs, au soutien au développement rural et à la conditionnalité ". Aux termes de l'article 43 du décret du 29 avril 2004 susvisé : " Le préfet de département peut donner délégation de signature, notamment en matière d'ordonnancement secondaire : (...) / 2° Pour les matières relevant de leurs attributions, aux chefs des services déconcentrés des administrations civiles de l'Etat dans le département (...) ". Aux termes du I de l'article 44 du même décret : " Les chefs des services déconcentrés des administrations civiles de l'Etat dans le département, ainsi que l'adjoint auprès du directeur départemental des finances publiques mentionné au 15° de l'article 43, peuvent donner délégation pour signer les actes relatifs aux affaires pour lesquelles ils ont eux-mêmes reçu délégation aux agents placés sous leur autorité. (....) ".
6. Les décisions en litige ont été signées par M. C..., chef du service économie agricole, pour le directeur départemental des territoires. Par un arrêté n° 71-2018-12-20-002 du 20 décembre 2018, le préfet de Saône et Loire a donné délégation au directeur départemental des territoires pour signer l'ensemble des actes relevant de ses attributions en matière agricole, au nombre desquels figurent les décisions fixant le montant des aides, des réductions et des sanctions administratives. Par un arrêté n° 71-2018-12-20-004 du même jour, le directeur départemental des territoires a subdélégué sa signature à M. C.... Si cet arrêté mentionne que les compétences ainsi subdéléguées sont celles résultant " des délégations accordées par l'arrêté préfectoral du 28 août 2017 susvisé ", il est constant qu'une telle mention résulte d'une erreur de plume, comme le soutient le ministre en défense, dans la mesure où l'arrêté n° 71-2018-12-20-004 vise bien l'arrêté préfectoral n° 71-2018-12-20-002 du 20 décembre 2018, à l'exclusion de tout arrêté du 28 août 2017. Le moyen tiré de l'incompétence doit, par suite, être écarté.
7. En deuxième lieu, M. D... reprend en appel ses moyens selon lesquels les décisions des 18 et 22 mars 2019 seraient entachées d'un défaut de motivation, et ne procèderaient pas d'un examen réel et complet de sa situation. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs circonstanciés retenus à bon droit par les premiers juges.
8. En troisième lieu, M. D... soutient que les décisions des 18 et 22 mars 2019 seraient illégales par voie de conséquence des irrégularités dont serait entaché le contrôle mené sur son exploitation le 19 avril 2016.
9. Ainsi que l'a jugé le Conseil d'Etat dans sa décision n° 455918 du 3 juillet 2023, qui a rejeté le pourvoi de M. D... dirigé contre l'arrêt n° 19LY01445 du 22 juin 2021, ayant déjà écarté son moyen tiré du déroulement irrégulier des contrôles, dès lors que le bénéficiaire d'une aide a clairement exprimé sa volonté de donner mandat à un tiers pour le représenter lors des opérations de contrôle sur place, cette volonté pouvant être exprimée oralement, d'une part la circonstance que le tiers ainsi désigné sans équivoque réside ou non dans l'exploitation agricole ou qu'il lui soit confié ou non une partie de la gestion de cette exploitation est sans incidence sur la validité du mandat qui lui a été confié, d'autre part, ce représentant doit être regardé comme ayant qualité pour agir pour le compte du bénéficiaire pendant tout le déroulement des opérations de contrôle sur place, ce qui inclut la possibilité pour ce représentant de signer le rapport établi à l'issue du contrôle, pour attester de sa présence et le cas échéant formuler des observations, et pour recevoir au nom du bénéficiaire, si elle est établie et remise sur place, la copie du rapport de contrôle qui doit être adressée au bénéficiaire de l'aide lorsque des cas de non-conformités sont constatés.
10. D'une part, M. D... a été informé du contrôle du 19 avril 2016 par courrier du 12 avril 2016 et par un appel téléphonique le 13 avril 2016 à 18 h 30. D'autre part, M. D... a indiqué lors de la conversation téléphonique le 13 avril 2016 à ses interlocuteurs qu'il n'était pas disponible et a clairement exprimé sa volonté de donner mandat à M. A..., ouvrier agricole de l'exploitation, pour le représenter lors desdits contrôles. Enfin, il résulte de ce qui a été dit au point précédent que l'administration n'était pas tenue d'adresser copie à M. D... des documents remis lors du contrôle à son représentant. Il en résulte que le moyen tiré du déroulement irrégulier du contrôle du 19 avril 2016 doit être écarté.
11. En quatrième lieu, M. D... soutient que les décisions des 18 et 22 mars 2019 seraient entachées d'une erreur de fait. A l'appui de ce moyen, il se borne à soutenir qu'il remplissait, au moment où les demandes d'aides ont été faites, toutes les conditions posées par la règlementation. A supposer que le requérant puisse être regardé comme contestant la réalité des manquements constatés lors des contrôles menés sur son exploitation au titre des aides ovines et bovines le 13 mai 2015 pour la campagne 2015, et le 19 avril 2016 pour la campagne 2016, et qui ont notamment conduit l'administration à la remise en cause de l'éligibilité à l'aide de M. D..., le requérant n'assortit pas son moyen des précisions suffisantes pour permettre à la cour d'en apprécier le bien-fondé.
12. En dernier lieu, M. D..., lequel doit être regardé comme ayant été régulièrement informé, par l'intermédiaire de son représentant, des anomalies relevées lors des contrôles, n'est par suite pas fondé à se prévaloir d'une méconnaissance du principe de loyauté en raison du seul délai de plusieurs mois qui s'est écoulé entre les contrôles et les dates auxquelles lui ont été adressées les lettres de fin d'instruction litigieuses.
13. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée à la demande de première instance, que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.
14. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celles tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... D..., à l'Agence de services et de paiement et au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire.
Copie en sera adressée au préfet de Saône-et-Loire.
Délibéré après l'audience du 12 décembre 2023 à laquelle siégeaient :
Mme Emilie Felmy, présidente-assesseure, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
M. Joël Arnould, premier conseiller,
Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 janvier 2024.
La rapporteure,
Bénédicte LordonnéLa présidente,
Emilie Felmy
La greffière,
Sandra Bertrand
La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire au en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
2
N° 21LY00613