Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Par deux requêtes distinctes, M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Dijon, "à titre principal" de "dire et juger" qu'il n'est tenu d'aucune obligation de reverser à l'agence de services et de paiement (ASP) quelque somme que ce soit, d'autre part, à titre subsidiaire, d'annuler toute décision de reversement qui a été notifiée avec la lettre du 12 avril 2019, à titre plus subsidiaire, de "dire et juger" que la décision de reversement du 12 avril 2019 est dépourvue de tout caractère exécutoire.
Par un jugement n° 1901694 - 1902895 du 22 décembre 2020, le tribunal administratif de Dijon a rejeté ces demandes.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 24 février 2021, et des mémoires en réplique, enregistrés le 29 septembre 2022, qui n'ont pas été communiqués, M. C..., représenté par Me Dumaine-Martin, doit être regardé comme demandant à la cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Dijon du 22 décembre 2020 ;
2°) à titre principal, d'annuler la décision de reversement notifiée avec la lettre du 12 avril 2019 et de le décharger de la somme mise à sa charge par l'agence de service et de paiement (ASP) ;
3°) d'annuler la décision implicite de rejet née du silence gardé par l'administration sur le recours formé le 11 juin 2019 ;
4°) à titre subsidiaire, d'ordonner le sursis à statuer jusqu'à ce que le litige pendant devant le Conseil d'Etat soit tranché ;
5°) de mettre une somme de 12 000 euros à la charge de l'agence de services et de paiement (ASP) en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- sa demande n'était n'est pas tardive, contrairement à ce que soutenait l'ASP devant le tribunal ;
- il a été destinataire d'un pli contenant une seule lettre datée du 12 avril 2019, sans aucun titre de recette ; c'est donc à tort que le tribunal, qui a omis de répondre au moyen tiré de ce que l'ordre de recouvrer n'était pas joint à la lettre de notification, a écarté comme irrecevable sa demande tendant à ce qu'il soit dit et jugé qu'il n'est tenu à aucune obligation de reversement ;
- la créance n'est pas liquide, certaine et exigible, tant qu'il n'est pas tranché sur toutes les aides sollicitées par l'intéressé au titre de son exploitation agricole ; la demande de remboursement en litige est prématurée, eu égard à l'existence d'un pourvoi en cassation contre l'arrêt 19LY01445 ;
- la décision de versement, s'il devait être considéré qu'elle existe, n'est pas suffisamment motivée au regard de l'article 24 du décret du 7 novembre 2012 ;
- elle a été prise par une autorité incompétente.
Par un mémoire en défense, enregistré le 30 mars 2022, l'Agence de services et de paiement, représentée par Me Doukhan, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de M. C... la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés sont infondés.
Par une ordonnance du 6 septembre 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 29 septembre 2022.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le règlement (UE) n° 1308/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 portant organisation commune des marchés des produits agricoles et abrogeant les règlements (CEE) n° 922/72, (CEE) n° 234/79, (CE) n° 1037/2001 et (CE) n° 1234/2007 du Conseil ;
- le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code rural et de la pêche maritime ;
- le code de justice administrative.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère,
- et les conclusions de M. Samuel Deliancourt, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., exploitant un élevage de bovins et d'ovins, a sollicité auprès de la direction départementale des territoires le bénéfice d'aides directes de la politique agricole commune, dont des indemnités compensatrices de handicaps naturels et des aides aux ovins et aux bovins, et a perçu, à ce titre, une avance de trésorerie versée par l'Agence de services et de paiement (ASP), remboursable au fur et à mesure de la perception des aides communautaires. A l'issue d'opérations de contrôle sur place, il a reçu, le 17 janvier 2017, une lettre de fin d'instruction relative à la demande d'aides aux ovins pour 2015 l'informant que lors du contrôle, l'absence de registre d'identification des animaux avait été constatée et, qu'en conséquence, aucune aide ne lui serait octroyée au titre de l'année 2015 et qu'une pénalité d'un montant de 1 154,25 euros lui serait appliquée. Le 23 janvier 2017, l'ASP lui a notifié un ordre de recouvrement d'un montant de 8 021,35 euros. M. C... s'est également vu notifier une lettre de fin d'instruction en date du 24 janvier 2018 l'informant d'une réduction de 3 % du taux global des aides versées au titre de la conditionnalité pour 2015. Puis, une lettre de fin d'instruction relative aux demandes d'aide aux bovins pour la campagne 2015 lui a été notifiée le 16 mai 2018 et l'a informé d'une réduction des aides aux bovins pour l'année 2016 à concurrence d'un montant de 2 000,04 euros. Par un jugement n° 1701075 du 12 février 2019, le tribunal administratif de Dijon a annulé l'ordre de recouvrement du 23 janvier 2017, et a rejeté le surplus des conclusions de la demande de M. C.... Par un arrêt n° 19LY01445 du 22 juin 2021, la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté l'appel formé par M. C... contre ce jugement en tant qu'il avait rejeté le surplus de ses conclusions. Par une lettre du 12 avril 2019, l'ASP a procédé au réexamen de la situation financière de l'exploitation en émettant un second titre de recette daté du 9 avril 2019 d'un montant de 4 314,68 euros, montant correspondant à la somme initiale de 8 021,35 euros dont est déduite la somme globale de 3 706,67 euros perçue à titre de compensation sur les aides dues au titre de la campagne suivante relative à l'année 2016. M. C... relève appel du jugement n° 1901694-1902895 du 22 décembre 2020, par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté ses demandes dirigées contre l'ordre de reversement du 12 avril 2019. Il doit être regardé comme en sollicitant l'annulation, outre la demande de décharge de l'obligation de payer la somme ainsi mise à sa charge.
Sur la régularité du jugement :
2. En premier lieu, les conclusions de première instance de M. C... visant à voir constater qu'il n'était tenu d'aucune obligation de reversement ne tendaient ni à l'annulation d'une décision, ni à la décharge d'une somme, ni au versement d'une somme et étaient donc irrecevables, comme l'ont à bon droit relevé les premiers juges après en avoir informé les parties, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative.
3. En second lieu, si M. C... soutient que les premiers juges auraient omis de répondre au moyen tiré de ce que l'ordre de recouvrer n'était pas joint à la lettre de notification, le tribunal, qui a relevé au point 8 de son jugement que l'intéressé a eu connaissance de l'ensemble des bases de liquidation et éléments de calcul sur lesquels est fondée la créance en litige, et à supposer que l'envoi du 12 avril 2019 ne comprenait pas l'ordre de recouvrement du 9 avril 2019, n'était en tout état de cause pas tenu de se prononcer sur ce moyen inopérant, ainsi qu'il résulte du point 4 du présent arrêt.
Sur le bien-fondé du jugement :
4. En premier lieu, si M. C... persiste à soutenir en appel que l'ordre de recouvrer, produit devant le tribunal par le défendeur, ne lui a jamais été notifié, la lettre de notification du 12 avril 2019 n'étant accompagnée d'aucun titre de recette, ce moyen doit être écarté comme inopérant, dès lors que les conditions de notification d'une décision administrative sont sans incidence sur sa légalité. L'absence de notification du titre exécutoire, qui n'a d'incidence que sur les voies et délais de recours, reste sans influence sur l'existence et le bien-fondé de la créance litigieuse. Au demeurant, M. C... n'établit pas qu'il aurait engagé en temps utile, comme il lui appartenait de le faire, les diligences nécessaires pour obtenir la pièce visée par la lettre de notification.
5. En deuxième lieu, comme l'ont relevé les premiers juges, le président directeur général de l'ASP a donné délégation de signature au chef du " service ordonnancement ", par décision du 14 février 2019 régulièrement publiée au bulletin officiel du ministère de l'agriculture et de l'alimentation le 21 février 2019 à l'effet de liquider et ordonner les aides. Contrairement à ce qui est soutenu, une telle délégation donnait également compétence au signataire de l'ordre de reversement litigieux du 12 avril 2019 pour en obtenir le remboursement. Si M. C... se prévaut également de l'incompétence de l'" agent comptable par procuration ", signataire de la lettre de notification du 12 avril 2019, Mme A..., chef du service des " interventions recouvrement " tenait de la délégation de signature qui lui a été accordée par la décision de l'agent comptable n°2019/11/ASP/AC/limoges du 4 février 2019 le pouvoir de signer tous les actes relatifs au service dont elle est chargée, et en particulier une telle lettre de notification d'un ordre de recouvrer.
6. En troisième lieu, aux termes de l'alinéa 2 de l'article 24 du décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique : " Toute créance liquide faisant l'objet d'une déclaration ou d'un ordre de recouvrer indique les bases de liquidation ". Tout état exécutoire doit indiquer les bases de la liquidation de la créance pour le recouvrement de laquelle il est émis et les éléments de calcul sur lesquels il se fonde, soit dans le titre lui-même, soit par référence précise à un document joint à l'état exécutoire ou précédemment adressé au débiteur.
7. La lettre de notification du 12 avril 2019 mentionne que M. C... reste redevable de la somme de 8 021,35 euros au titre d'un indu versé au titre d'un avis à tiers détenteur relatif à la campagne d'aide de 2015, en dépit de l'annulation d'un précédent titre de recette par jugement du tribunal administratif de Dijon du 12 avril 2019. Le montant de 4 314,68 euros correspond à la somme initiale de 8 021,35 euros, déduction faite de somme globale de 3 706,67 euros compensée entre-temps sur les aides dues au titre de la campagne suivante relative à l'année 2016. Il résulte de l'instruction que la lettre de notification du 12 avril 2019 était accompagnée d'une note technique de liquidation, comportant l'ensemble des bases de liquidation et éléments de calcul sur lesquels est fondée la créance en litige. A supposer même que l'envoi du 12 avril 2019 ne comprenait pas l'ordre de recouvrement du 9 avril 2019, les bases de liquidation de la créance avaient été adressées préalablement au requérant. M. C... ne saurait sérieusement soutenir que le libellé des aides découplées (paiement de base et paiement vert), mentionnées comme devant se compenser avec la dette, serait insuffisamment explicite, s'agissant d'aides qu'il a lui-même sollicitées pour la campagne 2016. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision de reversement doit être écarté.
8. En quatrième lieu, il résulte de l'instruction que, dès lors que l'annulation d'un titre exécutoire n'implique pas nécessairement l'extinction de la créance litigieuse, le titre de recette du 9 avril 2019 a été émis en exécution du jugement n° 1701075 du tribunal administratif de Dijon en litige, qui avait enjoint, après l'annulation du premier ordre de recouvrer, à l'ASP, dans le délai de deux mois, de procéder au réexamen de la situation de M. C.... Si le requérant soutient que la créance ne serait pas liquide, certaine et exigible, tant qu'il n'est pas tranché sur toutes les aides sollicitées au titre de son exploitation agricole, la circonstance qu'un précédent litige était encore en cours ne faisait pas obstacle à l'émission du titre de recette du 12 février 2019. Au demeurant, par une décision n° 455918 du 3 juillet 2023, rendant sans objet les conclusions à fin de sursis à statuer de M. C..., le Conseil d'Etat statuant au contentieux a rejeté le pourvoi dirigé contre l'arrêt n° 19LY01445 de la cour du 22 juin 2021.
9. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il en soit fait application à l'encontre de l'ASP, qui n'est pas partie perdante. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions que l'ASP présente au titre des mêmes dispositions.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de l'Agence de services et de paiement présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C..., à l'Agence de services et de paiement et au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire.
Délibéré après l'audience du 12 décembre 2023 à laquelle siégeaient :
Mme Emilie Felmy, présidente-assesseure, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
M. Joël Arnould, premier conseiller,
Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 janvier 2024.
La rapporteure,
Bénédicte LordonnéLa présidente,
Emilie Felmy
La greffière,
Sandra Bertrand
La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
2
N° 21LY00612