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29/12/2023 | FRANCE | N°23PA02613

France | France, Cour administrative d'appel, 8ème chambre, 29 décembre 2023, 23PA02613


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. D... C... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 1er février 2023 par lequel le préfet de police de Paris a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.



Par un jugement n° 2303430 du 23 mai 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête enregistrée le 14 juin 2023, M. C..., représenté par Me Calvo Pardo, demande à la cour :



1°...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... C... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 1er février 2023 par lequel le préfet de police de Paris a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2303430 du 23 mai 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 14 juin 2023, M. C..., représenté par Me Calvo Pardo, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2303430 du 23 mai 2023 du tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 1er février 2023 par lequel le préfet de police de Paris a refusé de renouveler son titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours ;

3°) d'enjoindre, à titre principal, au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, ou à titre subsidiaire de réexaminer sa situation personnelle ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à lui verser sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision refusant le renouvellement de son titre de séjour méconnaît les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'il ne peut pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié à son état de santé dans son pays d'origine ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de sa situation personnelle.

- elle va à l'encontre des droits de son enfant.

Par un mémoire en défense enregistré le 24 juillet 2023, le préfet de police de Paris conclut au rejet de la requête de M. C....

Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Ho Si Fat a été entendu au cours de l'audience publique.

-.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., ressortissant ivoirien né le 1er janvier 1985, déclare être entré en France le 6 juin 2018. Il a obtenu, le 3 novembre 2020, une carte de séjour temporaire valable pour une durée de neuf mois en raison de son état de santé, renouvelée le 15 octobre 2021 pour une durée d'un an. Le 5 septembre 2022, il a sollicité auprès des services de la préfecture de police de Paris le renouvellement de son titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 1er février 2023, le préfet de police de Paris a refusé de renouveler son titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours. M. C... relève appel du jugement n° 2303430 du 23 mai 2023 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la décision portant refus de séjour :

2. Aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. (...). / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat (...) ".

3. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour à l'étranger. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'intéressé et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi.

4. Il ressort des pièces du dossier, et notamment du certificat médical du 5 septembre 2022 rédigé par un praticien hospitalier attaché du service d'immunologie de l'Hôtel-Dieu, du compte-rendu de consultation du 8 juillet 2022 établi par ce même praticien ainsi que des ordonnances médicales du 29 avril 2020 et 22 décembre 2022 versés à l'instance que, d'une part M. C... est suivi au sein de ce service pour une hépatite B chronique et que d'autre part, sa prise en charge médicale consiste en un suivi clinique régulier et en un traitement par la prise de " Baraclude ", médicament composé d'Entécavir. Pour refuser à M. C... le renouvellement de son titre de séjour, le préfet de police s'est notamment fondé sur l'avis du 10 janvier 2023 du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) qui précisait que si l'état de santé du requérant nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il pouvait bénéficier effectivement d'un traitement approprié en Côte d'Ivoire, son pays d'origine. Si le requérant soutient que le Baraclude n'est pas disponible en Côte d'Ivoire et produit notamment à l'appui de ses allégations, un certificat médical du 16 février 2023 établi par le praticien hospitalier qui le suit au sein du service d'immunologie de l'hôpital précité, ce certificat, qui révèle une situation de fait antérieure, est peu circonstancié et ne permet pas de remettre en cause l'avis du collège de médecins de l'OFII, alors qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment de la liste des médicaments essentiels en Côte d'Ivoire versée au dossier par le préfet de police, que le Ténofovir, traitement équivalent à l'Entécavir, principe actif du Baraclude, est disponible en Côte d'Ivoire, ainsi que le reconnaît d'ailleurs lui-même le requérant dans ses écritures. En outre, si M. C... fait valoir qu'il ne pourra bénéficier d'un traitement à base de Ténofovir dans son pays d'origine à raison de son coût élevé, de ses ressources limitées, de l'absence de système de protection sociale couvrant les patients atteints d'hépatite B ainsi qu'au regard des caractéristiques du système de santé ivoirien, il ne produit à l'appui de ses affirmations que des éléments généraux qui ne permettent pas d'établir qu'un tel traitement lui serait, personnellement, inaccessible, alors qu'il ressort par ailleurs des extraits d'une présentation réalisée en 2021 par le professeur A... B..., titulaire de la chaire d'hépato-gastroentérologie de l'université Joseph Ki-Zerbo et exerçant au centre hospitalier universitaire Yalgado Ouédraogo, portant sur l'élimination des hépatites et accès aux antiviraux en Afrique - hépatite B versée au dossier qu'il existe en Côte d'Ivoire un programme national de lutte contre l'hépatite B pour un coût mensuel, s'agissant du Ténofovir, de six euros par mois. Dans ces conditions, c'est sans méconnaître les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation que le préfet de police a refusé de renouveler le titre de séjour de M. C....

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

5. En premier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

6. Si le requérant, âgé de 38 ans à la date de la décision attaquée fait valoir qu'il réside habituellement en France depuis 2018, où il vit, ainsi qu'en atteste le contrat de séjour en centre d'hébergement versé au dossier, en centre d'hébergement d'urgence depuis le 25 août 2022 pour une durée indéterminée, aux côtés d'une compatriote à laquelle il se déclare marié depuis 2015, et de leur enfant né sur le territoire français le 6 juillet 2022, il ne justifie toutefois par la production d'aucune pièce, ni de l'existence d'un tel mariage ni de la situation administrative de cette compatriote. Au vu de ces éléments, M. C... ne peut être regardé comme justifiant d'une vie familiale stable et ancienne sur le territoire français, alors que rien ne fait obstacle à ce que la cellule familiale puisse se reconstituer en Côte d'Ivoire. Si le requérant se prévaut en outre de son insertion professionnelle en France et fait état d'une part de ce qu'il a suivi une formation du 18 mars au 22 juin 2021 dispensée par le cabinet GIDEF et destinée à parfaire son niveau linguistique par l'acquisition des compétences de base professionnelles, et d'autre part de ce qu'il a exercé les fonctions d'agent d'entretien au sein de la société " Bleu citron nettoyage " sous couvert d'un contrat à durée déterminée du 7 avril au 6 juillet 2021, de mécanicien pour le compte de la société " TMPL et services " entre le 19 juillet et le 26 novembre 2021 sous couvert d'un contrat de travail à durée déterminée renouvelé une fois et désormais au sein de la société " MLB Motors SASU " depuis le 15 mars 2022 en application d'un contrat de travail d'une durée de trois mois, renouvelé pour un an à compter du 15 juin 2022 ainsi que de nombreuses autres activités professionnelles réalisées au titre de missions intérimaires, ces expériences étant corroborées par la production de multiples fiches de paie correspondantes, ces éléments ne permettent toutefois pas d'établir une insertion professionnelle suffisamment stable et ancienne en France. Par suite, c'est sans méconnaître les stipulations précitées et sans erreur manifeste d'appréciation au regard de la situation personnelle du requérant que le préfet de police l'a obligé à quitter le territoire français.

7. En second lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

8. A supposer que M. C... puisse être regardé, en indiquant que la mesure d'éloignement prise par le préfet de police porte atteinte aux droits de son fils, comme ayant entendu se prévaloir des stipulations précitées, il n'établit pas que sa vie familiale ne pourrait se poursuivre dans son pays d'origine avec sa compatriote et son enfant. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et celles présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de police de Paris et à l'Office français de l'immigration et de l'intégration.

Délibéré après l'audience du 11 décembre 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Menasseyre, présidente de chambre,

- M. Ho Si Fat, président-assesseur,

- Mme Collet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 29 décembre 2023.

Le rapporteur,

F. HO SI FAT

La présidente,

A. MENASSEYRE

La greffière,

N. COUTY

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N°23PA02613 2

2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA02613
Date de la décision : 29/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme MENASSEYRE
Rapporteur ?: M. Frank HO SI FAT
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : CALVO PARDO

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-29;23pa02613 ?
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