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29/12/2023 | FRANCE | N°23PA02328

France | France, Cour administrative d'appel, 8ème chambre, 29 décembre 2023, 23PA02328


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 21 juin 2022 par lequel la préfète du Val-de-Marne a refusé de lui renouveler son titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné à l'issue de ce délai.



Par un jugement n° 2206950 du 27 avril 2023, le tribunal administratif de Melun a re

jeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête enregistrée le 25 mai 2...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 21 juin 2022 par lequel la préfète du Val-de-Marne a refusé de lui renouveler son titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné à l'issue de ce délai.

Par un jugement n° 2206950 du 27 avril 2023, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 25 mai 2023, M. B..., représenté par Me Saïdi, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 27 avril 2023 du tribunal administratif de Melun ;

2°) d'annuler l'arrêté du 21 juin 2022 de la préfète du Val-de-Marne ;

3°) d'enjoindre à la préfète du Val-de-Marne de lui délivrer un titre de séjour dans le délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation dans les mêmes conditions de délai et de lui délivrer, dans l'attente de la délivrance du titre de séjour sollicité ou du réexamen de sa demande, un récépissé de demande de titre de séjour l'autorisant à travailler.

Il soutient que :

S'agissant de la régularité du jugement :

- le jugement est insuffisamment motivé ;

S'agissant de la décision de refus de séjour :

- la décision contestée est entachée d'un vice de procédure dès lors que d'une part, l'existence ainsi que la transmission du rapport médical au collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et la date de celle-ci ne sont pas établies et d'autre part, il n'est pas établi que le médecin rapporteur n'a pas siégé au sein du collège de médecins ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de son état de santé dès lors que son traitement n'est pas disponible dans son pays d'origine et qu'une opération chirurgicale est prévue ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle est illégale en conséquence de l'illégalité de la décision de refus de séjour ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

La requête a été communiquée à la préfète du Val-de-Marne qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Par ordonnance du 6 novembre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 22 novembre 2023 à midi.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Larsonnier a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant tunisien né le 7 août 1986 et entré en France en janvier 2016 selon ses déclarations, a sollicité le 9 mai 2019 la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, devenu l'article L. 425-9 du même code. Deux cartes de séjour temporaires successives lui ont été délivrées, dont la dernière expirait le 1er février 2022. Par un arrêté du 21 juin 2022, la préfète du Val-de-Marne a refusé de lui renouveler son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné à l'issue de ce délai. Par un jugement du 27 avril 2023, dont M. B... relève appel, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...) ".

3. Il ressort des pièces du dossier que M. B... est suivi depuis 2018 à l'hôpital Bicêtre en raison d'une épilepsie partielle pharmacorésistance nécessitant la prise quotidienne d'un traitement médicamenteux composé d'un anticonvulsivant non barbiturique, le Tegretol et d'un antiépileptique, le Vimpat, et qu'il a bénéficié, en raison de son état de santé, de deux titres de séjour successifs, le dernier expirant le 1er février 2022. Pour refuser de renouveler le titre de séjour sollicité, la préfète du Val-de-Marne s'est fondée sur l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 4 avril 2022 qui précisait que si l'état de santé de M. B... nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, l'intéressé pouvait bénéficier effectivement d'un traitement approprié eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé en Tunisie. Cependant, il ressort des pièces du dossier, en particulier des attestations des 5, 6 et 8 juillet 2022 établies respectivement par deux pharmaciens et un psychiatre exerçant à Gafsa (Tunisie), postérieures à la décision en litige mais se référant à un état de fait antérieur, que le Lacosamide, substance active composant le Vimpat, n'est pas commercialisé en Tunisie et que l'indisponibilité de cet antiépileptique et de l'ensemble de ses génériques, est corroborée, ainsi que le fait valoir M. B..., par les données disponibles sur le site de la direction de la pharmacie et du médicament du ministère de la Santé publique tunisien. Dans ces conditions, et alors que la préfète du Val-de-Marne n'a produit aucune observation, M. B... est fondé à soutenir qu'il ne pourra pas bénéficier effectivement d'un traitement approprié à son état de santé en Tunisie. En outre, il ressort des certificats médicaux établis les 6 juillet et 13 octobre 2022 par le docteur C..., praticien hospitalier en neurochirurgie à l'hôpital Bicêtre, postérieurs à la décision contestée mais se référant à un état de fait antérieur, que malgré la bithérapie, l'épilepsie de M. B... n'est pas stabilisée et que l'intéressé présente au moins trois crises par jour. Par suite, la préfète du Val-de-Marne, ne pouvait, sans commettre une erreur dans l'appréciation de la situation de M. B..., refuser le renouvellement de son titre de séjour en raison de son état de santé. Il s'ensuit que la décision de la préfète du Val-de-Marne du 21 juin 2022 refusant à M. B... le renouvellement de son titre de séjour doit être annulée ainsi que, par voie de conséquence, les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi, lesquelles sont dépourvues de base légale.

4. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté de la préfète du Val-de-Marne du 21 juin 2022.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

5. Eu égard au motif d'annulation de l'arrêté contesté retenu ci-dessus et alors qu'il ne résulte pas de l'instruction que des éléments de fait ou de droit nouveaux justifieraient que l'autorité administrative oppose une nouvelle décision de refus, le présent arrêt implique nécessairement que cette autorité délivre à M. B... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ". Il y a lieu, par suite, d'enjoindre à la préfète du Val-de-Marne de délivrer ce titre dans un délai de deux mois à compter de la notification qui lui sera faite du présent arrêt.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2206950 du 27 avril 2023 du tribunal administratif de Melun et l'arrêté du 21 juin 2022 de la préfète du Val-de-Marne sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint à la préfète du Val-de-Marne de délivrer à M. B... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à la préfète du Val-de-Marne.

Délibéré après l'audience du 11 décembre 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Menasseyre, présidente de la formation de jugement,

- M. Ho Si Fat, président assesseur,

- Mme Larsonnier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 décembre 2023.

La rapporteure,

V. LARSONNIER La présidente,

A. MENASSEYRE

La greffière,

N. COUTY

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 23PA02328 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA02328
Date de la décision : 29/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme MENASSEYRE
Rapporteur ?: Mme Virginie LARSONNIER
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : SAIDI

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-29;23pa02328 ?
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