La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

29/12/2023 | FRANCE | N°23PA00439

France | France, Cour administrative d'appel, 8ème chambre, 29 décembre 2023, 23PA00439


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 3 mai 2022 par lequel le préfet de police de Paris a refusé de renouveler son titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours.



Par jugement n° 2215583/3-3 du 2 novembre 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête et des pi

èces enregistrées les 1er février et 24 avril 2023, Mme A..., représentée par Me Blanc, demande à la cour :



1°) d'...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 3 mai 2022 par lequel le préfet de police de Paris a refusé de renouveler son titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours.

Par jugement n° 2215583/3-3 du 2 novembre 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des pièces enregistrées les 1er février et 24 avril 2023, Mme A..., représentée par Me Blanc, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2215583 du 2 novembre 2022 du tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler l'arrêté du 3 mai 2022 par lequel le préfet de police de Paris a refusé de renouveler son titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours ;

3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer une carte de séjour temporaire mention " vie privée et familiale " dans un délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, ou à titre subsidiaire, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler et ce, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, et de procéder au réexamen de sa situation ;

4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 à verser à son conseil sous réserve de sa renonciation à percevoir la part contributive de l'État au titre de l'aide juridictionnelle.

Elle soutient que :

- l'arrêté attaqué méconnaît les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que le suivi médical dont elle bénéficie en France ne lui sera pas accessible dans son pays d'origine ;

- l'arrêté attaqué méconnaît l'arrêté du 5 janvier 2017 fixant les orientations générales pour l'exercice par les médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, de leurs missions, prévues à l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que le lien avec son médecin doit impérativement être maintenu ;

- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de sa situation personnelle ;

- l'obligation de quitter le territoire français méconnaît les dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- le délai de départ volontaire de trente jours est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de sa situation personnelle et médicale.

Par un mémoire en défense, enregistré le 30 mai 2023, le préfet de police de Paris conclut au rejet de la requête de Mme A....

Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

L'Office français de l'immigration et de l'intégration a présenté des observations et des pièces enregistrées les 4 octobre et 6 novembre 2023.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris du 21 décembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n°2020-1717 du 28 décembre 2020 ;

- l'arrêté du 5 janvier 2017 fixant les orientations générales pour l'exercice par les médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, de leurs missions, prévues à l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Collet a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., ressortissante ivoirienne née le 1er août 1979, est entrée sur le territoire français le 18 août 2018. Elle a bénéficié d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade valable du 4 janvier 2021 au 3 juillet 2021, dont elle a sollicité le renouvellement sur le fondement de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par arrêté du 3 mai 2022, le préfet de police de Paris a refusé de renouveler son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination d'une mesure d'éloignement. Par jugement du 2 novembre 2022, dont Mme A... relève appel, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

2. En premier lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...) ". D'autre part, aux termes du point C de l'annexe II " outils d'aide à la décision et références documentaires sur les principales pathologies " de l'arrêté du 5 janvier 2017 fixant les orientations générales pour l'exercice par les médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, de leurs missions, prévues à l'article L. 313-11 (11°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Points particuliers concernant les pathologies les plus fréquemment concernées : a) Les troubles psychiques et les pathologies psychiatriques : (...) L'importance dans ce domaine de la continuité du lien thérapeutique (lien patient-médecin) et du besoin d'un environnement/entourage psycho social familial stable (eu égard notamment à la vulnérabilité particulière du patient) doit être soulignée ". Enfin, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. ".

3. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... souffre de troubles psychiatriques sous forme de schizophrénie. Il n'est pas contesté que son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Toutefois, le préfet de police a rejeté sa demande de renouvellement de titre de séjour en se fondant, notamment, sur l'avis émis par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) le 5 octobre 2021 selon lequel, d'une part, " eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé en Côte d'Ivoire ", Mme A... peut y bénéficier effectivement d'un traitement approprié et, d'autre part, son état de santé lui permet de voyager sans risque vers son pays d'origine. Pour contester cette décision, Mme A... se prévaut du certificat médical établi par son médecin généraliste le 30 janvier 2023 indiquant qu'elle la suit depuis le 10 janvier 2022, qu'elle présente une pathologie psychiatrique nécessitant un suivi régulier avec un psychiatre ainsi qu'un traitement mensuel d'injections d'Halcol Decanoas et que l'arrêt des soins pourrait entraîner une décompensation de sa maladie psychiatrique. Elle produit également des certificats médicaux établis le 23 août 2021 à l'appui de son dossier présenté devant l'OFII et le 22 juillet 2022, par un praticien hospitalier qui mentionnent pour le premier sa pathologie et son traitement et pour le second qu'elle est suivie au centre médico-psychologique étoile depuis juillet 2019, ainsi que des ordonnances de prescription de son traitement d'Haldol Decanoas en injection. Elle produit enfin des articles de presse assez anciens relatifs au système de soins en Côte d'Ivoire s'agissant des maladies mentales. Or, aucune de ces pièces ne permet d'établir que le suivi psychiatrique et médicamenteux par injection dont elle bénéficie en France ne lui sera pas accessible dans son pays d'origine compte tenu de l'insuffisance des structures existantes, de la méfiance culturelle envers les établissements psychiatriques, du tabou et de la stigmatisation entourant les problèmes psychiatriques, de l'omniprésence de la " médecine " traditionnelle et de ses moyens financiers insuffisants ni que le lien avec son médecin doit impérativement être maintenu. Par ailleurs, la seule production d'une attestation en ce sens de sa tante qui l'héberge en France et des déclarations qu'elle a faites à son médecin ne saurait suffire à établir que le lien entre la pathologie dont elle souffre et des événements traumatisants qu'elle dit avoir vécus en Côte d'Ivoire ne permet pas, dans son cas particulier, d'envisager un traitement effectivement approprié dans ce pays. Par suite, dans les circonstances de l'espèce, Mme A... n'est pas fondée à soutenir qu'en retenant qu'elle pourra bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine et que son état de santé lui permet de voyager sans risque, le préfet de police a inexactement apprécié sa situation au regard des dispositions citées au point précédent. Pour les mêmes motifs, l'obligation de quitter le territoire ne méconnaît pas les dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Ces moyens ne peuvent qu'être écartés.

4. En deuxième lieu, Mme A... soutient en outre qu'elle travaille ponctuellement en qualité d'agent d'entretien et bénéficie d'une promesse d'embauche en contrat à durée indéterminée. Toutefois, dans les circonstances de l'espèce, et même en prenant en compte cette insertion professionnelle récente, il ne résulte pas de ce qui précède que le préfet de police, en prenant la décision attaquée de refus de renouvellement de titre de séjour et une obligation de quitter le territoire français à son encontre, aurait entaché d'erreur manifeste son appréciation des conséquences de ces mesures sur la situation personnelle de la requérante.

5. En dernier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme A... aurait demandé que lui soit accordé un délai de départ supérieur au délai légal de trente jours. Par ailleurs, elle ne justifie d'aucune circonstance particulière de nature à rendre nécessaire la prolongation de ce délai au-delà de trente jours compte tenu de ce qui a été mentionné au point 3 du présent arrêt. Par suite, le préfet de police n'a pas, dans les circonstances de l'espèce, commis une erreur manifeste d'appréciation en n'accordant pas à Mme A... un délai de départ volontaire supérieur à trente jours au regard de sa situation personnelle et médicale.

6. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 3 mai 2022 du préfet de police de Paris. Ses conclusions à fin d'annulation ainsi que par voie de conséquence ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application de l'article L. 761 1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de police de Paris et à l'Office français de l'immigration et de l'intégration.

Délibéré après l'audience du 11 décembre 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Menasseyre, présidente,

- M. Ho Si Fat, président assesseur,

- Mme Collet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 29 décembre 2023.

La rapporteure,

A. COLLET

La présidente,

A. MENASSEYRE

La greffière,

N. COUTY

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23PA00439


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA00439
Date de la décision : 29/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme MENASSEYRE
Rapporteur ?: Mme Aude COLLET
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : BLANC

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-29;23pa00439 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award