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29/12/2023 | FRANCE | N°23PA00432

France | France, Cour administrative d'appel, 8ème chambre, 29 décembre 2023, 23PA00432


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 11 mai 2020 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de renouveler son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination d'une mesure d'éloignement.



Par un jugement n° 2103451 du 28 septembre 2022, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête enregistrée le 31 janvier 2023, M. A..., représenté par...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 11 mai 2020 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de renouveler son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination d'une mesure d'éloignement.

Par un jugement n° 2103451 du 28 septembre 2022, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 31 janvier 2023, M. A..., représenté par Me Neven, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2103451 du 28 septembre 2022 du tribunal administratif de Montreuil ;

2°) d'annuler l'arrêté du 11 mai 2020 du préfet de la Seine-Saint-Denis ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer une carte de séjour temporaire dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 50 euros par jour de retard ou, à défaut, de réexaminer sa situation et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour dans la même condition de délai ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à Me Neven au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve de la renonciation par son conseil à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

Il soutient que :

Sur la régularité du jugement attaqué :

- les premiers juges n'ont pas répondu au moyen tiré du défaut d'examen particulier de sa situation personnelle soulevé à l'encontre de la décision portant refus de séjour ;

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la décision portant refus de séjour :

- elle est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation personnelle ;

- elle est entachée d'une erreur de droit dès lors que le préfet s'est cru à tort en situation de compétence liée ;

- elle est entachée d'une erreur d'appréciation au regard du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant refus de séjour ;

- elle méconnaît les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

En ce qui concerne la décision portant octroi d'un délai de départ volontaire :

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

La requête a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis qui n'a pas produit de mémoire en défense.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris du 2 février 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n°2020-1717 du 28 décembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Collet,

- et les observations de Me Neven, avocat de M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant malien né le 31 décembre 1976, a sollicité le 31 janvier 2019 la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur. Il relève appel du jugement du 28 septembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 11 mai 2020 du préfet de la Seine-Saint-Denis portant refus de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination d'une mesure d'éloignement.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. ".

3. Par son avis émis le 21 octobre 2019, le collège de médecin de l'OFII a considéré que si l'état de santé du requérant nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine et y voyager sans risque.

4. Il ressort des pièces du dossier qu'à la date de l'arrêté contesté, M. A... était suivi par des spécialistes pour un risque de récidive de maladie cardiovasculaire depuis un accident ischémique constitué en décembre 2017 et souffrait de ses séquelles, en particulier d'une hémiplégie et d'une aphasie, ainsi que d'un syndrome de Gitelman. A ce titre, son traitement est constitué de Kargedic 75mg, de Diffu-K, d'Amiloride 5mg, d'un bilan sanguin toutes les deux semaines, de deux séances de kinésithérapie par semaine, d'une rééducation du langage par orthophonie et d'un suivi régulier de l'évolution de son syndrome de Gitelman afin d'ajuster le dosage de Diffu-K. Pour contester la disponibilité de l'ensemble de son traitement au Mali, M. A... produit notamment trois certificats médicaux établis par des médecins maliens et un directeur technique attestant, par des formulations précises et circonstanciées, que l'intéressé ne pouvait pas y bénéficier d'un accès effectif. En particulier, le certificat médical du 13 mars 2021 d'un médecin généraliste exerçant au centre de santé communautaire de Kersignane, commune de naissance de l'intéressé, atteste que le Kardegic et le Diffu-K n'étaient disponibles que dans les grandes villes du pays dotées d'hôpitaux mais dont les liaisons terrestres sont interrompues selon les saisons. Il précise également que le suivi médical des pathologies du requérant n'existe pas au Mali, les patients de ce type étant redirigés vers les pays du Maghreb pour être pris en charge. Enfin, il est également indiqué que des séances de kinésithérapie et d'orthophonie ainsi que le suivi du syndrome de Gitelman n'étaient pas possibles, faute de praticiens spécialisés et de structures de santé adaptées au centre de santé communautaire. Si ces mentions, corroborées par les autres certificats précités, proviennent de documents postérieurs à la date de l'arrêté contesté, elles révèlent par leur formulation une situation antérieure d'indisponibilité du traitement de M. A... dans son pays d'origine. Dans ces conditions, le préfet se bornant à se référer à l'avis du collège de médecins de l'OFII en première instance et n'ayant pas produit d'observations en appel permettant de contredire cette indisponibilité établie par les pièces du dossier, le requérant est fondé à soutenir que la décision portant refus de séjour est entachée d'une erreur d'appréciation au regard des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 précité. Il s'ensuit que la décision du 11 mai 2020 portant refus de séjour doit être annulée ainsi que, par voie de conséquence, les décisions portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination d'une mesure d'éloignement.

5. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction sous astreinte :

6. La présente décision implique nécessairement qu'un titre de séjour soit délivré à M. A.... Il y a lieu d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis ou à tout préfet territorialement compétent de lui délivrer un titre de séjour, sur le fondement de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais d'instance :

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Neven une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative sous réserve de sa renonciation au bénéfice de la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2103451 du 28 septembre 2022 du tribunal administratif de Montreuil et l'arrêté du 11 mai 2020 du préfet de la Seine-Saint-Denis sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis ou à tout préfet territorialement compétent de délivrer à M. A... un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera la somme de 1 500 euros à Me Neven sur le fondement des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative sous réserve de sa renonciation au bénéfice de la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et au préfet de la Seine-Saint-Denis.

Copie en sera adressée à l'Office français de l'immigration et de l'intégration et au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Paris.

Délibéré après l'audience du 11 décembre 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Menasseyre, présidente,

- M. Ho Si Fat, président assesseur,

- Mme Collet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 29 décembre 2023.

La rapporteure,

A. COLLET

La présidente,

A. MENASSEYRE

La greffière,

N. COUTY

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23PA00432


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA00432
Date de la décision : 29/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme MENASSEYRE
Rapporteur ?: Mme Aude COLLET
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : NEVEN

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-29;23pa00432 ?
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