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29/12/2023 | FRANCE | N°23PA00041

France | France, Cour administrative d'appel, 8ème chambre, 29 décembre 2023, 23PA00041


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 13 avril 2022 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné.



Par un jugement n° 2207949 du 1er décembre 2022, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une ordonnance n° 22VE02867 du 29 décembre 2022, la présidente de la ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 13 avril 2022 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné.

Par un jugement n° 2207949 du 1er décembre 2022, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une ordonnance n° 22VE02867 du 29 décembre 2022, la présidente de la 3ème chambre de la cour administrative d'appel de Versailles a transmis à la cour, en application de l'article R. 351-3 du code de justice administrative, la requête enregistrée le 27 décembre 2022 par laquelle M. C..., représenté par Me Montoya, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 1er décembre 2022 du tribunal administratif de Montreuil ;

2°) d'annuler l'arrêté du 13 avril 2022 du préfet de la Seine-Saint-Denis ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer une carte de séjour pluriannuelle portant la mention " vie privée et familiale " ou, à défaut, une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation.

Il soutient que :

En ce qui concerne la décision de refus de renouvellement du titre de séjour :

- la décision de refus de renouvellement du titre de séjour a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière dès lors que son épouse et lui-même n'ont pas été convoqués à un entretien préalable à l'édiction de la décision en méconnaissance de l'article L. 433-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et que le préfet aurait dû saisir la commission du titre de séjour ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 423-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il est marié avec une ressortissante française depuis le 19 mars 2016, qu'ils ont rencontré des difficultés de couple temporaires ne remettant pas en cause leur communauté de vie et qu'ils recherchent activement un logement pour poursuivre leur vie commune ;

- il remplit les conditions pour obtenir un titre de séjour portant la mention " salarié " dès lors qu'il a été recruté par un contrat à durée indéterminée en qualité de magasinier ;

- la décision contestée méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales eu égard notamment à l'intensité et à la stabilité de ses liens familiaux en France ;

- le préfet de la Seine-Saint-Denis a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation ;

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle est entachée d'illégalité par voie de conséquence de l'illégalité de la décision de refus de séjour ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le préfet de la Seine-Saint-Denis a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation dès lors qu'il vit en France depuis 2016, qu'il est inséré professionnellement et qu'il a déposé, au mois d'août 2021, un dossier de demande de naturalisation.

La requête a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Larsonnier a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., de nationalité sénégalaise, s'est marié en France le 19 mars 2016 avec une ressortissante française. Il est à nouveau entré en France le 21 décembre 2016 muni d'un passeport revêtu d'un visa de long séjour portant la mention " vie privée et familiale ". Le 17 décembre 2021, il a sollicité le renouvellement de sa carte de séjour pluriannuelle en qualité de conjoint de français. Par un arrêté du 13 avril 2022, le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné. Par un jugement du 1er décembre 2022, dont M. C... relève appel, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la décision de refus de renouvellement du titre de séjour :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 433-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A l'exception de la carte de séjour pluriannuelle portant la mention " salarié détaché ICT ", prévue à l'article L. 421-26, et de la carte de séjour pluriannuelle portant la mention " recherche d'emploi ou création d'entreprise ", prévue à l'article L. 422-10, qui ne sont pas renouvelables, le renouvellement de la carte de séjour temporaire ou pluriannuelle est subordonné à la preuve par le ressortissant étranger qu'il continue de remplir les conditions requises pour la délivrance de cette carte. / L'autorité administrative peut procéder aux vérifications utiles pour s'assurer du maintien du droit au séjour de l'intéressé et, à cette fin, convoquer celui-ci à un ou plusieurs entretiens. (...) ".

3. Il résulte des dispositions précitées de l'article L. 433-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que si le préfet dispose de la faculté de convoquer le ressortissant étranger à un entretien préalable à fin de procéder aux vérifications utiles pour s'assurer qu'il continue de remplir les conditions requises pour obtenir le renouvellement de sa carte de séjour temporaire ou pluriannuelle, il n'est pas tenu de le convoquer avant de prendre une décision refusant de renouveler ce titre de séjour. Par suite, M. C... n'est pas fondé à soutenir que la décision contestée aurait été prise à l'issue d'une procédure irrégulière au motif que son épouse et lui-même n'ont pas été convoqués par l'administration à un entretien préalable en vue d'exposer leur situation.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 423-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger marié avec un ressortissant français, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an lorsque les conditions suivantes sont réunies : 1° La communauté de vie n'a pas cessé depuis le mariage ; /2° Le conjoint a conservé la nationalité française ; (...) ".

5. Pour refuser de renouveler la carte de séjour pluriannuelle de M. C... en qualité de conjoint de française, le préfet de la Seine-Saint-Denis s'est fondé sur la circonstance que l'intéressé a joint à sa demande de renouvellement une attestation du 17 décembre 2021 mentionnant qu'il était en " instance de séparation " avec son épouse de nationalité française et que dans ces conditions, il ne pouvait plus se prévaloir des dispositions de l'article L. 423-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. M. C... reconnaît ne plus résider avec son épouse mais soutient que le couple, hébergé par la mère de son épouse, a rencontré des difficultés passagères ne remettant pas en cause leur communauté de vie et qu'avec son épouse, ils recherchent activement un logement pour poursuivre leur vie commune. Au soutien de ces affirmations, M. C... verse au dossier trois bulletins de salaires édités en 2017 et des avis d'imposition au titre des années 2017 à 2020 adressés à une adresse postale commune aux époux située à Grigny, une attestation du 10 mai 2022 rédigée par M. B... mentionnant qu'il héberge M. C... dans son logement situé à Bobigny, en Seine-Saint-Denis depuis le mois de février 2020 et un courrier du 12 mai 2022 rédigé par son épouse qui déclare résider chez sa mère à Grigny, dans l'Essonne, tout en corroborant les déclarations de M. C... en indiquant qu'ils sont toujours en couple et qu'ils effectuent des démarches dans le but d'obtenir un logement commun. Toutefois, alors que la communauté de vie présente une double dimension, à la fois matérielle et affective, et qu'il ressort de ces pièces que les époux vivent séparément depuis plus de deux ans à la date de la décision contestée, M. C... ne produit aucune pièce, ni aucun commencement de justification des recherches que le couple aurait entreprises pour tenter d'obtenir un logement commun ni, à l'exception de l'attestation peu circonstanciée rédigée par son épouse, aucun élément de nature à démontrer qu'en dépit du fait qu'ils ne vivent plus sous le même toit mais dans deux communes distantes d'une cinquantaine de kilomètres, les époux auraient conservé un lien affectif. Dans ces conditions, c'est à juste titre que les premiers juges ont estimé que M. C... n'établissait pas la persistance d'une réelle communauté de vie avec son épouse de nationalité française. Par suite, même si aucune procédure de divorce n'est engagée entre les époux, le préfet n'a pas, en refusant de renouveler le titre de séjour de l'intéressé, méconnu les dispositions de l'article L. 423-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

6. En troisième lieu, M. C... se borne à reproduire en appel les moyens, sans les assortir d'éléments nouveaux, qu'il avait développés dans sa demande de première instance, tirés de ce qu'il remplit les conditions pour obtenir un titre de séjour portant la mention " salarié " dès lors qu'il a été recruté par un contrat à durée indéterminée en qualité de magasinier et de ce que le préfet de la Seine-Saint-Denis aurait dû saisir la commission du titre de séjour préalablement à l'édiction de la décision contestée. Par suite, il y a lieu, par adoption des motifs retenus par les premiers juges d'une part, au point 8 et, d'autre part, aux points 11 et 12 du jugement, d'écarter ces moyens repris en appel par M. C....

7. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

8. Il ressort des pièces du dossier que M. C..., qui s'est marié en France le 19 mars 2016, est à nouveau entré régulièrement sur le territoire français le 21 décembre 2016 et que, muni de titres de séjour en sa qualité de conjoint de ressortissante française et de récépissés de demande de renouvellement de son titre de séjour, il réside régulièrement en France depuis cinq ans et demi à la date de la décision contestée. Il n'établit pas, ainsi qu'il a déjà été dit, la persistance d'une communauté de vie avec son épouse à la date de la décision contestée et le couple n'a pas d'enfant. M. C... ne se prévaut pas de la présence de membres de sa famille en France et il n'établit pas être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine. Il ressort des pièces du dossier, notamment des bulletins de salaire des mois d'octobre, novembre et décembre 2017 que M. C... a travaillé pendant cette période en tant que promoteur des ventes et qu'il a exercé les fonctions d'employé commercial de mars à juillet 2020. L'intéressé n'a ainsi exercé une activité professionnelle que pendant huit mois sur la période comprise entre janvier 2017 et août 2021. Il a été recruté par un contrat de travail à durée indéterminée conclu le 1er septembre 2021 pour un poste de magasinier. Il ne pouvait donc justifier d'un emploi stable que depuis sept mois à la date de la décision contestée. Dans ces conditions, et alors qu'il était en situation régulière sur le territoire français, M. C... ne justifie pas d'une forte intégration professionnelle en France. Au vu de l'ensemble de ces éléments, notamment de la durée de sa présence en France, le préfet de la Seine-Saint-Denis n'a pas, en refusant de lui délivrer un titre de séjour, porté au droit de M. C... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels la décision a été prise. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

9. En cinquième et dernier lieu, M. C... soutient que la décision en litige est entachée d'erreur manifeste d'appréciation dès lors notamment qu'elle aura des conséquences négatives sur sa demande de naturalisation. Toutefois, cette circonstance est sans incidence sur la légalité de la décision refusant de renouveler son titre de séjour en qualité de conjoint d'une ressortissante française. En outre, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 8, le préfet de la Seine-Saint-Denis n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation de M. C....

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

10. En premier lieu, les moyens dirigés contre la décision de refus de séjour ayant été écartés, l'exception d'illégalité de cette décision invoquée à l'appui des conclusions de M. C... dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire français ne peut qu'être écartée par voie de conséquence.

11. En second lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés aux points 8 et 9, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation de la situation de M. C..., qui reprennent les moyens développés par le requérant à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision de refus de séjour, doivent être écartés.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis.

Délibéré après l'audience du 11 décembre 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Menasseyre, présidente de chambre,

- M. Ho Si Fat, président assesseur,

- Mme Larsonnier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 décembre 2023.

La rapporteure,

V. LARSONNIER La présidente,

A. MENASSEYRE

La greffière,

N. COUTY

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 23PA00041 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA00041
Date de la décision : 29/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme MENASSEYRE
Rapporteur ?: Mme Virginie LARSONNIER
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : MONTOYA

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-29;23pa00041 ?
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