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29/12/2023 | FRANCE | N°23NC02341

France | France, Cour administrative d'appel, 4ème chambre, 29 décembre 2023, 23NC02341


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... C... D... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 7 septembre 2022 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée à l'issue de ce délai.



Par un jugement n° 2203106 du 23 mars 2023, le tribunal administratif de Nancy a rejet

é sa demande.





Procédure devant la cour :



Par une requête enregistrée le 18 juille...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... C... D... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 7 septembre 2022 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée à l'issue de ce délai.

Par un jugement n° 2203106 du 23 mars 2023, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 18 juillet 2023, Mme C... D..., représentée par Me Lemonnier, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nancy du 23 mars 2023 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 7 septembre 2022 du préfet de Meurthe-et-Moselle ;

3°) d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle de lui délivrer un titre de séjour, à défaut de réexaminer sa situation administrative, et de lui délivrer durant cette attente, une autorisation provisoire de séjour dans le délai respectif d'un mois et de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision contestée est insuffisamment motivée ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- elle méconnaît l'article L. 233-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît l'article L. 423-7 du même code car elle a eu un enfant le 23 avril 2023 avec son mari de nationalité portugaise ;

- elle méconnaît l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision fixant le pays de destination est insuffisamment motivée ;

- elle méconnaît les articles L. 721-3 et L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 août 2023, le préfet de Meurthe-et-Moselle conclut au rejet de la requête.

Il s'en remet à ses écritures de première instance et soutient que les moyens soulevés par Mme C... D... ne sont pas fondés.

Mme C... D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 15 juin 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Roussaux, première conseillère,

- et les observations de Me Noirot, substituant Me Lemonnier, représentant Mme C... D....

Considérant ce qui suit :

1. Mme C... D..., ressortissante angolaise, née le 26 mars 1986, est entrée en France le 30 octobre 2018, sous couvert d'un visa court séjour délivré par les autorités espagnoles. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), puis par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA). Le 30 novembre 2021, elle a sollicité une carte de séjour temporaire sur le fondement des dispositions des articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 7 septembre 2022, le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, en fixant son pays de destination. Mme C... D... relève appel du jugement du 23 mars 2023 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté préfectoral.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne le refus de titre de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire :

2. En premier lieu, la requérante reprend en appel le moyen invoqué en première instance et tiré de l'insuffisance de motivation de l'arrêté préfectoral du 7 septembre 2022. Il y a lieu de rejeter ce moyen par adoption des motifs retenus au point 2, à juste titre, par les premiers juges

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 233-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Les ressortissants de pays tiers, membres de famille d'un citoyen de l'Union européenne satisfaisant aux conditions énoncées aux 1° ou 2° de l'article L. 233-1, ont le droit de séjourner sur le territoire français pour une durée supérieure à trois mois. (...) ". Aux termes de l'article L. 233-1 du même code : " Les citoyens de l'Union européenne ont le droit de séjourner en France pour une durée supérieure à trois mois s'ils satisfont à l'une des conditions suivantes : 1° Ils exercent une activité professionnelle en France ; 2° Ils disposent pour eux et pour leurs membres de famille de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale, ainsi que d'une assurance maladie ; (...) ". Il résulte de ces dispositions que le ressortissant d'un Etat tiers, membre de la famille d'un citoyen de l'Union européenne, ne dispose d'un droit au séjour en France que si le citoyen de l'Union européenne remplit lui-même l'une des conditions définies aux 1° ou 2° de l'article L. 233-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

4. Lorsqu'il est saisi d'une demande de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'une des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet n'est pas tenu, en l'absence de dispositions expresses en ce sens, d'examiner d'office si l'intéressé peut prétendre à une autorisation de séjour sur le fondement d'une autre disposition de ce code, même s'il lui est toujours loisible de le faire à titre gracieux, notamment en vue de régulariser la situation de l'intéressé.

5. Il ressort des motifs de la décision contestée que la requérante a uniquement sollicité le 30 novembre 2021 un titre de séjour sur le fondement des articles L.423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et non sur celui de l'article L. 233-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le préfet n'a pas examiné d'office si elle pouvait prétendre à la délivrance d'un titre de séjour sur ce fondement et ne lui a donc opposé aucun refus sur celui-ci. Le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions est par suite inopérant.

6. En troisième lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. (...) ". Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ".

7. Mme C... D... se prévaut de sa présence sur le territoire français depuis près de quatre ans, de la scolarisation de ses trois enfants nés en 2004, 2011 et 2017 et de son mariage avec un ressortissant portugais avec lequel elle a eu un enfant né le 23 avril 2023. Toutefois, la naissance de cet enfant est postérieure à l'arrêté préfectoral du 7 septembre 2022 et est donc sans incidence sur la légalité de la décision litigieuse. Par ailleurs, alors que la requérante n'établit pas le droit au séjour d'une durée supérieure à trois mois de son époux, il n'est pas établi que la cellule familiale ne pourrait pas se reconstituer ailleurs que sur le territoire français, notamment au Portugal, pays de nationalité de son mari ou au Luxembourg, Etat dans lequel il a travaillé. Enfin, elle ne démontre pas, par la production d'une promesse d'embauche du 23 novembre 2021 en qualité de femme de ménage et de gardienne d'enfant, de cours de français et d'attestations peu circonstanciées, d'une insertion particulière au sein de la société française. Dans ces conditions, Mme C... D... n'est pas fondée à soutenir que la décision litigieuse a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par les stipulations précitées une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées doit être écarté.

8. En quatrième lieu, aux termes de l'article L.435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1.(...) ".

9. En présence d'une demande de régularisation présentée sur le fondement de ces dispositions par un étranger qui ne serait pas en situation de polygamie et dont la présence en France ne présenterait pas une menace pour l'ordre public, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, et à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ".

10. Dans les circonstances rappelées au point 7, qui ne révèlent pas des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels, le préfet de Meurthe-et-Moselle n'a pas davantage commis d'erreur manifeste d'appréciation en refusant de délivrer à la requérante un titre de séjour en application de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

11. En cinquième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

12. La décision attaquée, à la date de son édiction, n'a ni pour objet, ni pour effet de séparer les enfants de la requérante de leurs parents. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations susvisées doit être écarté.

13. En sixième lieu, aux termes de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France et qui établit contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil, depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. "

14. Il ne ressort pas des pièces du dossier que la requérante soit mère d'un enfant français. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est par suite et en tout état de cause inopérant.

En ce qui concerne le pays de destination :

15. En premier lieu, la requérante n'apporte aucun élément de fait ou de droit nouveau pour soutenir que le préfet de Meurthe-et-Moselle aurait insuffisamment motivé la décision fixant le pays de destination. Dans ces conditions, il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus, à juste titre, par le tribunal administratif au point 12 du jugement litigieux.

16. Enfin, aux termes du dernier alinéa de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ". Ce dernier texte énonce que : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants ".

17. Mme C... D... n'établit pas la réalité des risques personnels et actuels auxquels elle serait exposée en cas de retour en Angola, ni son impossibilité de solliciter les autorités de son pays pour faire face aux violences qu'elle aurait subi par son ancien conjoint. Dans ces conditions, alors que la demande d'asile de la requérante a été rejetée par l'OFPRA et la CNDA, le moyen tiré de la violation des textes précités ne peut être accueilli.

18. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter également ses conclusions aux fins d'injonction ainsi que celles présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme C... D... est rejetée.

Article 2 : Le présent jugement sera notifié à Mme A... C... D..., à Me Lemonnier et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de Meurthe-et-Moselle .

Délibéré après l'audience du 19 décembre 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Ghisu-Deparis, présidente,

- Mme Samson-Dye, présidente assesseure,

- Mme Roussaux, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 décembre 2023.

La rapporteure,

Signé : S. RoussauxLa présidente,

Signé : V. Ghisu-Deparis

La greffière,

Signé : M. B...

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

M. B...

2

N° 23NC02341


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NC02341
Date de la décision : 29/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme GHISU-DEPARIS
Rapporteur ?: Mme Sophie ROUSSAUX
Rapporteur public ?: M. MICHEL
Avocat(s) : HAVEN

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-29;23nc02341 ?
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