Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler, d'une part, l'arrêté du 15 mars 2022 par lequel le préfet du Doubs lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retour sur le territoire pour une durée de trois ans, d'autre part, l'arrêté du 17 juillet 2022 prononçant son assignation à résidence.
Par un jugement n° 2201230, 2201240 du 25 juillet 2022, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Besançon a, d'une part, rejeté comme étant irrecevable la demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 15 mars 2022 et, d'autre part, rejeté la demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 17 juillet 2022.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 27 avril 2023, M. B..., représenté par Me Gharzouli, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler ces arrêtés ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros à son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
Sur la régularité du jugement :
- sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 15 mars 2022 était recevable, cet arrêté lui ayant été notifié le 14 juillet 2022, ainsi qu'en atteste sa signature sur la page portant la mention des voies et délais de recours ;
Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :
- la décision en litige méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît les dispositions des articles L. 611-3 et L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle et d'erreur de droit ;
Sur la légalité de la décision portant assignation à résidence :
- la décision en litige est entachée de défaut de motivation et de défaut d'examen de sa situation ;
- elle est dépourvue de base légale compte tenu de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est disproportionnée dans son principe et les obligations de contrôle qui lui sont imposées.
Par un mémoire en défense, enregistré le 21 juin 2023, le préfet du Doubs conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 17 mars 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Brodier a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant congolais né le 1er avril 1995, serait entré irrégulièrement en France le 25 octobre 2011 selon ses déclarations et a été confié à l'aide sociale à l'enfance. Le 18 septembre 2015, il s'est vu délivrer une carte de séjour en qualité de parent d'enfant français, valable jusqu'au 17 septembre 2016, qui n'a pas été renouvelée. Par un jugement du tribunal correctionnel de Besançon du 28 octobre 2016, confirmé par un arrêt de la cour d'appel de Besançon du 21 février 2017, il a été condamné à neuf mois d'emprisonnement et à une interdiction du territoire français pendant une durée de cinq ans, pour des faits d'aide à l'entrée, à la circulation ou au séjour irrégulier d'un étranger, de rébellion à l'égard de fonctionnaires de police, d'outrages à l'égard de ces mêmes policiers, de conduites d'un véhicule sans permis de conduire et sans assurance, de recels de vol, de faux et usage de faux, de faux administratifs, détention et usage de faux administratifs. Il a été de nouveau condamné, par un jugement du 22 novembre 2021, à quatre mois d'emprisonnement pour des faits, notamment, de conduite d'un véhicule sans permis, récidive et outrage à une personne dépositaire de l'autorité publique, récidive et fourniture d'identité imaginaire et menace de crime ou délit contre les personnes ou les biens à l'encontre d'un dépositaire de l'autorité publique. Alors qu'il avait été écroué en novembre 2021, il a été placé en garde à vue le 17 février 2022 pour avoir fait obstruction à l'exécution de sa mesure d'éloignement, de nouveau incarcéré puis placé en rétention administrative à sa levée d'écrou le 14 mars 2022. Il n'y restait pas, faute de place au centre de rétention. Par un arrêté du 15 mars 2022, le préfet du Doubs lui a fait obligation de quitter le territoire français, sans lui accorder de délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de trois ans. Par un arrêté du même jour, le préfet a prononcé son assignation à résidence. Interpelé et placé en garde-à-vue le 13 juillet 2022 pour des faits de conduite d'un véhicule à moteur sans permis, M. B... a été placé en rétention administrative par un arrêté du préfet du Doubs du 14 juillet 2022. La durée de la rétention n'ayant pas été prolongée par le juge des libertés et de la détention, le préfet a, par un arrêté du 17 juillet 2022, prononcé son assignation à résidence en exécution de l'arrêté du 15 mars 2022. M. B... relève appel du jugement du 25 juillet 2022 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des arrêtés du 15 mars et du 17 juillet 2022.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Il ressort des pièces produites par le préfet du Doubs que M. B... s'est vu notifier, le 15 mars 2022, à Pontarlier, à 16h05, un arrêté du même jour lui faisant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixant le pays de destination et lui faisant interdiction de retour sur le territoire pendant une durée de trois ans, qui comportait la mention des voies et délais de recours et dont l'intéressé a signé chacune des pages, ainsi qu'un arrêté également du 15 mars 2022 prononçant son assignation à résidence en vue de l'exécution du premier arrêté. Le délai de recours de 48 heures imparti expirait donc le 17 mars 2022 à 17h05, sans que la nouvelle notification de ce même arrêté, le 14 juillet 2022, de manière simultanée avec un arrêté de placement en rétention administrative fasse courir un nouveau délai de recours. Par suite, le premier juge n'a pas entaché le jugement attaqué d'irrégularité en accueillant la fin de non-recevoir opposée par le préfet du Doubs et tenant à la tardiveté de la demande formée devant le tribunal aux fins d'annulation de la mesure d'éloignement et des décisions subséquentes.
Sur la légalité de l'assignation à résidence du 17 juillet 2022 :
3. Aux termes de l'article L. 731-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut assigner à résidence l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, dans les cas suivants : 1° L'étranger fait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français, prise moins d'un an auparavant, pour laquelle le délai de départ volontaire est expiré ou n'a pas été accordé ; (...) ".
En ce qui concerne l'exception d'illégalité de la mesure d'éloignement :
4. En premier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
5. Il n'est pas contesté que M. B..., qui est entré en France à l'âge de 16 ans, résidait sur le territoire depuis plus de dix ans à la date de la décision en litige. S'il a bénéficié d'un titre de séjour entre septembre 2015 et septembre 2016 en raison de la naissance de son premier enfant le 8 septembre 2014, il n'en a pas obtenu le renouvellement. Il ne justifie ni de la réalité de sa vie maritale avec la mère de ses enfants, qu'il a épousée le 30 avril 2022 postérieurement à la décision en litige, ni de sa participation à l'éducation et à l'entretien de ses enfants en dehors de quelques mois entre septembre et novembre 2021. Par ailleurs, il ne fait état d'aucun début d'insertion professionnelle. Dans ces conditions, et alors que le comportement de M. B..., tel que décrit au point 1 du présent arrêt, doit être regardé comme constituant une menace à l'ordre public, l'obligation de quitter le territoire français n'emporte pas une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale au regard des buts en vue desquels elle a été prise. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
6. En deuxième lieu, M. B..., qui ne justifie pas de la continuité de sa résidence avec la mère de ses enfants, n'établit pas qu'il contribuait effectivement à l'entretien et à l'éducation de ses deux enfants mineurs à la date de la décision en litige. Par ailleurs, ainsi qu'il a été dit plus haut, son comportement caractérise une menace à l'ordre public. Par suite, le requérant n'est pas fondé, pour contester la mesure d'éloignement prise à son encontre, à soutenir qu'il remplissait les conditions pour se voir délivrer le titre de séjour prévu à l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il ne saurait pas plus sérieusement se prévaloir de la protection contre l'éloignement prévue au 5° de l'article L. 611-3 du même code.
7. En dernier lieu, pour les mêmes motifs qu'énoncés aux points 5 et 6 du présent arrêt, M. B... n'est pas fondé à soutenir que la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français serait entachée d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle, ni d'erreur de droit.
8. Il résulte de ce qui précède que le requérant n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français du 15 mars 2022 à l'encontre de la mesure l'assignant à résidence.
En ce qui concerne les autres moyens dirigés contre l'assignation à résidence :
9. En premier lieu, aux termes de l'article L. 732-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Les décisions d'assignation à résidence, y compris de renouvellement, sont motivées ".
10. Il ressort des termes de la décision en litige qu'elle vise l'article L. 731-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que l'obligation de quitter le territoire dont M. B... a fait l'objet le 15 mars 2022, précise qu'aucun délai de départ volontaire ne lui a été accordé, que l'exécution de la mesure d'éloignement demeure une perspective raisonnable et indique encore que l'intéressé a déclaré une adresse à Pontarlier. Elle comprend ainsi les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de l'arrêté en litige manque en fait et doit être écarté.
11. En deuxième lieu, il ressort des termes mêmes de la décision en litige que le préfet du Doubs a procédé à l'examen particulier de la situation de M. B... avant de l'assigner à résidence.
12. En troisième lieu, il n'est pas contesté que M. B... a été assigné à résidence à l'adresse de son domicile, chez son épouse et leurs deux enfants. S'il se prévaut de la grossesse de sa femme, il ne justifie pas que cette circonstance ferait obstacle à son assignation à résidence dans le département du Doubs. Enfin, la durée de quarante-cinq jours de son assignation à résidence coïncidant avec les vacances scolaires, le requérant ne saurait sérieusement soutenir que l'obligation de pointage entre 8h et 8h30 au commissariat de police de Pontarlier l'empêchait d'emmener ses enfants à l'école. Il n'est ainsi pas fondé à soutenir que la décision en litige porte une atteinte disproportionnée à ses droits au respect de sa vie privée et familiale. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
13. En dernier lieu, il n'est pas contesté que M. B... s'est soustrait à l'interdiction judiciaire du territoire français à laquelle il a été condamné par le tribunal correctionnel de Besançon en 2016. Il ressort par ailleurs des pièces produites par le préfet du Doubs qu'il a refusé, le 16 février 2022, le test PCR-Covid-19 nécessaire à l'exécution d'office de cette mesure d'éloignement. Dans ces conditions, le préfet du Doubs a pu, sans entacher sa décision d'erreur d'appréciation, assortir l'assignation à résidence d'une obligation de pointage à raison d'une fois par jour du lundi au vendredi. Compte tenu de ce qui a été dit au point précédent, et alors même que le requérant dispose d'attaches familiales sur le territoire français, M. B... n'est pas fondé à soutenir que la mesure d'assignation à résidence serait, tant dans son principe que dans ses modalités de contrôle, disproportionnée par rapport à sa situation personnelle.
14. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Besançon a rejeté ses demandes. Par suite, sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions, y compris celles tendant à l'application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à Me Gharzouli et au ministre de l'intérieur.
Une copie du présent arrêt sera adressée au préfet du Doubs.
Délibéré après l'audience du 21 décembre 2023, à laquelle siégeaient :
M. Martinez, président,
Mme Bourguet-Chassagnon, première conseillère,
Mme Brodier, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 décembre 2023.
La rapporteure,
Signé : H. Brodier Le président,
Signé : J. Martinez
La greffière,
Signé : C. Schramm
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
C. Schramm
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N° 23NC01321