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29/12/2023 | FRANCE | N°22TL22128

France | France, Cour administrative d'appel, 3ème chambre, 29 décembre 2023, 22TL22128


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé l'annulation de l'arrêté du 10 août 2022 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement, a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans et l'a signalé aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen.



Par un jugement n° 2204219 du

27 septembre 2022, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montpellier a rej...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé l'annulation de l'arrêté du 10 août 2022 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement, a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans et l'a signalé aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen.

Par un jugement n° 2204219 du 27 septembre 2022, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 21 octobre 2022, M. A..., représenté par Me Ortigosa-Liaz, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 27 septembre 2022 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montpellier ;

2°) d'annuler l'arrêté du 10 août 2022 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement, a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans et l'a signalé aux fins de non admission dans le système d'information Schengen ;

3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de quinze jours à compter de la date de notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de travail dans un délai de huit jours, dans l'attente du réexamen de sa situation ;

4°) de mettre à la charge de l'État, au bénéfice de son conseil, une somme de 1800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, ou à défaut d'obtenir l'aide juridictionnelle, à son seul bénéfice.

Il soutient que :

- le jugement est entaché d'irrégularité faute pour les premiers juges d'avoir répondu à l'ensemble des moyens invoqués ; ainsi il n'a pas été répondu à son moyen tiré de l'absence de nouvelle saisine des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration compte tenu de nouvelles circonstances afférentes au diagnostic de sa pathologie et du suivi d'un nouveau traitement depuis le 1er décembre 2020 ; par ailleurs, le magistrat désigné a omis de statuer sur le moyen tiré de la délivrance de plein droit d'un certificat de résidence sur le fondement de l'article 6 alinéa 7 de l'accord franco-algérien ;

- en ce qui concerne le bien-fondé du jugement, la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'un défaut de motivation dès lors qu'elle ne prend pas en compte l'ensemble des éléments de fait concernant sa situation personnelle ; par ailleurs, le préfet n'a pas tenu compte de sa situation personnelle et familiale ;

- l'obligation de quitter le territoire français ne pouvait intervenir sans la saisine des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration compte tenu de l'évolution de sa pathologie ; il a droit à un titre de séjour sur le fondement du 5° de l'article 6° de l'accord franco-algérien ;

- la décision d'obligation de quitter le territoire français porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale au regard de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; elle est entachée d'une erreur d'appréciation au regard du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien ;

- il est porté atteinte à l'intérêt supérieur de ses enfants, au regard des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans est insuffisamment motivée ; elle est entachée d'illégalité par voie d'illégalité de l'obligation de quitter le territoire ; cette décision attaquée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par une décision du 8 mars 2023, le bureau d'aide juridictionnelle auprès du tribunal judiciaire de Toulouse a accordé le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale à M. A....

Par une ordonnance du 8 novembre 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 30 novembre 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Bentolila, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... A..., ressortissant algérien, né le 13 octobre 1983, qui soutient être en France depuis septembre 2018, mais qui n'en justifie pas, a été interpellé le 9 août 2022 alors qu'il circulait sans permis de conduire ni certificat d'assurance à Marseille. M. A... a fait l'objet d'un arrêté du 10 août 2022 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement, a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans, et l'a signalé aux fins de non admission dans le système d'information Schengen.

2. Par la présente requête, M. A... relève appel du jugement du 27 septembre 2022 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 10 août 2022.

Sur la régularité du jugement :

3. En premier lieu, contrairement à que soutient M. A..., le premier juge a répondu, au point 7 du jugement, au moyen invoqué à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire, sur le fondement de l'article R. 611-1 du même code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, tiré de l'absence de consultation des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration.

4. En second lieu le moyen tiré de l'absence de délivrance d'un certificat de résidence sur le fondement du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien était inopérant faute pour M. A... d'avoir présenté une demande de certificat de résidence. Dans ces conditions, l'absence de réponse du magistrat désigné à ce moyen n'entache pas le jugement d'irrégularité.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire :

S'agissant de la légalité externe :

5. En premier lieu, il ressort, ainsi que l'a relevé à bon droit le premier juge, des termes de l'arrêté attaqué, que le préfet des Bouches-du-Rhône a visé les articles des textes dont il a entendu faire application pour rejeter la demande de titre de séjour, à savoir en particulier l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Cet arrêté mentionne par ailleurs les conditions d'entrée en France de l'intéressé et notamment l'intervention le 26 juin 2020, d'une première mesure d'éloignement et la possibilité de poursuivre sa vie personnelle et familiale avec son épouse et ses trois enfants mineurs, dans le pays d'origine. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de l'obligation de quitter le territoire doit être écarté.

6. En second lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peut faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : (...) 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ". Aux termes de l'article R. 611-1 du même code : " Pour constater l'état de santé de l'étranger mentionné au 9° de l'article L.611-3, l'autorité administrative tient compte d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (...) ".

7. Il résulte de ces dispositions que, dès lors qu'elle dispose d'éléments d'information suffisamment précis permettant d'établir qu'un étranger, résidant habituellement en France, présente un état de santé susceptible de le faire entrer dans la catégorie qu'elles prévoient des étrangers qui ne peuvent faire l'objet d'une mesure d'éloignement, l'autorité préfectorale doit, lorsqu'elle envisage de prendre une telle mesure à son égard, recueillir préalablement l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration .

8. Toutefois, en l'espèce, il ressort des pièces du dossier que si M. A..., lors de son audition par les services de police le 10 août 2022 a indiqué qu'il était traité pour épilepsie au centre hospitalier de la Timone à Marseille, il n'a fait valoir ni une impossibilité d'être traité en Algérie pour cette affection, ni de contre-indications à voyager. Dans ces conditions, le moyen tiré du manquement à l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

S'agissant de la légalité interne :

9. En premier lieu, en vertu de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) / 5° au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ".

10. M. A... ne peut, en tout état de cause, utilement se prévaloir des stipulations précitées du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, faute d'avoir présenté de demande de certificat de résidence sur leur fondement. Par ailleurs, ainsi que l'a relevé le premier juge, compte tenu de ce que son épouse est également en situation irrégulière, la cellule familiale, composée du couple et de leurs deux enfants nés en France en 2018 et 2020 est à même de se reconstituer en Algérie. Le moyen tiré de l'atteinte disproportionnée qui serait portée à son droit au respect de sa vie privée et familiale au regard de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, doit donc être écarté.

11. En deuxième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. La décision attaquée n'implique pas par elle-même la séparation de la famille ni la rupture des liens entre l'appelant et ses enfants. Il existe de plus des possibilités de reconstitution de la cellule familiale en Algérie, pays dont l'appelant et son épouse ainsi que leurs enfants ont la nationalité. Par suite, et faute pour l'appelant de faire valoir à cet égard des obstacles particuliers, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, doit être écarté.

12. En troisième lieu, ainsi qu'il est indiqué au point 4 du présent arrêt, le moyen tiré de l'absence de délivrance d'un certificat de résidence en qualité d'étranger malade sur le fondement du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien est inopérant, faute pour M. A... d'avoir présenté une demande de certificat de résidence sur ce fondement.

En ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans :

13. En premier lieu, compte tenu du rejet par le présent arrêt des conclusions présentées par M. A... à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire français, ce dernier n'est pas fondé à soutenir que la décision lui interdisant de retourner sur le territoire français pendant une période de deux ans serait illégale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français.

14. En second lieu, compte tenu de ce qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que M. A... ne pourrait pas bénéficier d'un traitement médical en Algérie, le moyen tiré de ce que l'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation doit être écarté.

15. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte ainsi que celles tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.

Délibéré après l'audience du 19 décembre 2023, à laquelle siégeaient :

M. Rey-Bèthbéder, président,

M. Bentolila, président-assesseur,

Mme Beltrami, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 décembre 2023.

Le rapporteur,

P. Bentolila

Le président,

É. Rey-Bèthbéder

La greffière,

C. Lanoux

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 22TL22128

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22TL22128
Date de la décision : 29/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. REY-BÈTHBÉDER
Rapporteur ?: M. Pierre BENTOLILA
Rapporteur public ?: Mme PERRIN
Avocat(s) : ORTIGOSA-LIAZ

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-29;22tl22128 ?
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