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29/12/2023 | FRANCE | N°22TL22060

France | France, Cour administrative d'appel, 3ème chambre, 29 décembre 2023, 22TL22060


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. E... D... a demandé au tribunal administratif de Toulouse l'annulation de l'arrêté du 17 février 2021 par lequel le préfet de la Haute-Garonne lui a refusé la délivrance d'un certificat de résidence, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement.

Par un jugement n° 2104395 du 29 juin 2022, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

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Procédure devant la cour :



Par une requête du 3 octobre 2022, M. D..., représenté p...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... D... a demandé au tribunal administratif de Toulouse l'annulation de l'arrêté du 17 février 2021 par lequel le préfet de la Haute-Garonne lui a refusé la délivrance d'un certificat de résidence, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement.

Par un jugement n° 2104395 du 29 juin 2022, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête du 3 octobre 2022, M. D..., représenté par Me Benhamida, demande à la cour :

1°) de lui accorder le bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire ;

2°) d'annuler ce jugement du 29 juin 2022 du tribunal administratif de Toulouse ;

3°) d'annuler l'arrêté du 17 février 2021 par lequel le préfet de la Haute-Garonne lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer un certificat de résidence

portant la mention " vie privée et familiale ", ou " salarié " ou " " "étudiant " dans un délai de huit jours à compter de la date de notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et à défaut, de lui enjoindre de procéder au réexamen de sa situation;

4°) de mettre à la charge de l'État, au bénéfice de son conseil, une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- l'arrêté attaqué a été pris par une autorité incompétente ;

- la décision portant refus de certificat de résidence est entachée d'un défaut de motivation ;

- le préfet n'a pas procédé à un examen complet des mérites de sa demande d'admission exceptionnelle au séjour en qualité de salarié, en qualité d'étudiant, et au titre de la vie privée ;

- la décision qui lui refuse la délivrance d'un certificat de résidence en qualité de salarié est intervenue sur une procédure irrégulière dès lors que, contrairement à ce qu'impose l'article L. 114-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet ne lui a pas demandé que l'employeur complète le formulaire de demande d'autorisation de travail ;

- contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, le préfet a commis une erreur de droit et une erreur manifeste d'appréciation en se bornant à examiner sa demande de titre de certificat de résidence sur le fondement de l'article 7 (b) de l'accord franco-algérien, alors même qu'il avait sollicité son admission exceptionnelle au séjour en qualité de salarié ; l'absence de visa de long séjour ne pouvait justifier un refus de régularisation par le travail ;

-le refus de certificat de résidence porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale au regard de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'illégalité par voie d'exception de l'illégalité du refus de certificat de résidence ; cette décision est, de plus, entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- la décision fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement est insuffisamment motivée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 février 2023, le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Par une décision du 19 juillet 2023, le bureau d'aide juridictionnelle auprès du tribunal judiciaire de Toulouse a constaté la caducité de la demande d'aide juridictionnelle présentée par M. D....

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Bentolila a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. D..., ressortissant algérien, né le 18 mai 2000, est entré en France le 23 novembre 2016, sous couvert d'un visa de quatre-vingt-dix jours valable du 9 août 2016 au 8 août 2017. Le 8 avril 2020, l'intéressé a sollicité son admission exceptionnelle au séjour au titre de la vie privée et familiale et en qualité de salarié, respectivement sur le fondement du 5) de l'article 6 et du b) de l'article 7 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié et au titre des études sur le fondement du titre III du protocole annexé à cet accord. Par un arrêté du 17 février 2021, le préfet de la Haute-Garonne a pris à son encontre un arrêté de refus de séjour lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement.

2. M. D... relève appel du jugement du 29 juin 2022, par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 17 février 2021.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne l'arrêté pris dans son ensemble :

3. Par un arrêté du 15 décembre 2020, régulièrement publié le même jour au recueil n° 31-2020-290 des actes administratifs de la préfecture de la Haute-Garonne, le préfet de ce département a donné délégation à Mme C... B..., directrice des migrations et de l'intégration et, en l'absence ou en cas d'empêchement, à Madame F... A..., adjointe à la directrice des migrations et de l'intégration, à l'effet de signer les décisions de refus de séjour ainsi que les mesures d'éloignement. Il s'ensuit que le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté attaqué manque en fait et doit être écarté.

En ce qui concerne le refus de certificat de résidence :

S'agissant de la légalité externe :

4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / À cet effet, doivent être motivées les décisions qui : 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...) ". Et aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".

5. Il ressort, ainsi que l'ont relevé à bon droit les premiers juges, des termes de l'arrêté attaqué, que le préfet de la Haute-Garonne a visé les articles des textes dont il a entendu faire application pour rejeter la demande de certificat de résidence présentée par M. D.... Il mentionne par ailleurs les conditions d'entrée en France de l'intéressé le 23 novembre 2016, sous couvert d'un passeport revêtu d'un visa de 90 jours et la demande de délivrance d'un certificat de résidence algérien présentée le 8 avril 2020. Cet arrêté expose ensuite les raisons du refus de certificat de résidence qui lui sont opposées, tenant notamment à l'absence de visa de long séjour, à la situation irrégulière en France de sa mère et de son frère et à la présence en Algérie de son père. Il suit de là que le moyen tiré de l'insuffisance de la motivation de la décision refusant la délivrance d'un refus de résidence ne peut être qu'écarté.

6. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 114-5 du code des relations entre le public et l'administration : " Lorsqu'une demande adressée à l'administration est incomplète, celle-ci indique au demandeur les pièces et informations manquantes exigées par les textes législatifs et réglementaires en vigueur. Elle fixe un délai pour la réception de ces pièces et informations. / Le délai mentionné à l'article L. 114-3 au terme duquel, à défaut de décision expresse, la demande est réputée acceptée ne court qu'à compter de la réception des pièces et informations requises. / Le délai mentionné au même article au terme duquel, à défaut de décision expresse, la demande est réputée rejetée est suspendu pendant le délai imparti pour produire les pièces et informations requises. (...). " .

7. En opposant à M. D... la circonstance selon laquelle la demande de certificat de résidence n'avait pas été présentée par l'employeur, contrairement à ce qu'imposait l'article R. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors applicable, le préfet s'est prononcé sur une condition de fond, de sorte que l'appelant ne peut utilement se prévaloir d'un manquement par le préfet aux dispositions précitées de l'article L. 114-5 du code des relations entre le public et l'administration imposant à l'administration d'inviter le demandeur à compléter un dossier lacunaire au plan procédural.

S'agissant de la légalité interne :

8. En premier lieu, contrairement à ce que l'appelant soutient, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet n'aurait pas exercé son pouvoir de régularisation, s'étant notamment placé pour répondre à la demande de certificat de résidence présentée par M. D..., alors même que ce dernier n'avait pas de façon expresse invoqué ce fondement juridique dans sa demande, et que ces dispositions ne sont normalement pas applicables aux ressortissants algériens, sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet ayant également examiné le droit au séjour de l'intéressé sur le fondement du 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien, au titre de la vie privée et familiale, au titre de ses études, et au titre du travail sur le fondement du b de l'article 7 du même accord.

9. En deuxième lieu, la seule production par l'appelant d'une promesse d'embauche établie le 3 juillet 2020 pour un emploi d'électricien ne suffit pas à démontrer que le préfet aurait commis une erreur manifeste d'appréciation ou une erreur de fait dans l'usage de son pouvoir propre de régularisation au titre de l'activité salariée.

10. En troisième lieu, aux termes du deuxième alinéa de l'article 9 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié : " Pour être admis à entrer et à séjourner plus de trois mois sur le territoire français (...) les ressortissants algériens doivent présenter un passeport en cours de validité et un visa de long séjour délivré par les autorités françaises ". Le titre III du protocole annexé au premier avenant de ce même accord franco-algérien modifié prévoit que : " les ressortissants algériens qui (...) font des études en France et justifient de moyens d'existence suffisants (bourse ou autres ressources) reçoivent, sur présentation d'une attestation de préinscription ou d'inscription dans un établissement d'enseignement français, (...) un certificat de résidence valable un an, renouvelable et portant la mention étudiant ".

11. Il résulte des stipulations citées au point précédent que, contrairement à ce que M. D... soutient, le préfet de la Haute-Garonne était en droit d'opposer à sa demande de certificat de résidence en qualité d'étudiant l'absence de détention d'un visa de long séjour. Le moyen d'erreur de droit invoqué à cet égard par M. D... doit donc être écarté.

12. En quatrième lieu, et d'une part, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien: " Les dispositions du présent article ainsi que celles des deux articles suivants, fixent les conditions de délivrance et de renouvellement du certificat de résidence aux ressortissants algériens établis en France ainsi qu'à ceux qui s'y établissent, sous réserve que leur situation matrimoniale soit conforme à la législation française. / Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 5). Au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ".

13. D'autre part, en vertu de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

14. Il résulte des stipulations précitées, qu'au-delà de la question de l'ancienneté de la présence en France, leur application est subordonnée à l'existence et à l'intensité des liens familiaux et personnels en France. Si M. D... fait état de sa présence en France depuis le 23 novembre 2016, il se trouve en situation irrégulière depuis sa majorité, et s'il allègue de l'existence de liens personnels et familiaux en France, il n'en justifie pas, alors que, par ailleurs, sa mère et son frère se trouvent en situation irrégulière en France et que son père se trouve en Algérie. Dans ces conditions et en dépit de la circonstance alléguée par l'appelant selon laquelle il a obtenu en France le baccalauréat professionnel " Métiers de l'électricité ", il n'est pas fondé à soutenir que la décision portant refus de certificat de résidence serait entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard des stipulations précitées du 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien et porterait, au regard des stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire :

15. En premier lieu, le moyen invoqué à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire, par voie d'exception d'illégalité de la décision de refus de certificat de résidence doit être écarté, compte tenu du rejet des conclusions dirigées contre la décision de refus de certificat de résidence.

16. En second lieu, compte tenu de ce qui est indiqué au point 14, le moyen invoqué à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire, sur le fondement des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté et il doit en être de même du moyen tiré de l'erreur manifeste dont serait entachée cette décision quant à ses conséquences sur sa situation personnelle.

En ce qui concerne la décision portant fixation du pays de destination :

17. Cette décision vise le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Elle indique également que l'appelant n'établit pas être exposé à des peines ou traitement contraires à cette convention en cas de retour dans son pays d'origine. Cette décision est en conséquence suffisamment motivée.

18. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte ainsi que celles tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... D... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne

Délibéré après l'audience du 19 décembre 2023, à laquelle siégeaient :

M. Rey-Bèthbéder , président,

M. Bentolila, président-assesseur,

Mme Beltrami , première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 décembre 2023.

Le rapporteur,

P. Bentolila

Le président,

É. Rey-Bèthbéder

La greffière,

C. Lanoux

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 22TL22060

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22TL22060
Date de la décision : 29/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. REY-BÈTHBÉDER
Rapporteur ?: M. Pierre BENTOLILA
Rapporteur public ?: Mme PERRIN
Avocat(s) : BENHAMIDA

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-29;22tl22060 ?
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