Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 16 mars 2022 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans.
Par jugement n° 2204303 du 26 septembre 2022, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 11 octobre 2022, M. B..., représenté par Me Diarra, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2204303 du 26 septembre 2022 du tribunal administratif de Montreuil ;
2°) d'annuler l'arrêté du 16 mars 2022 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'arrêté attaqué méconnaît les dispositions de l'article L. 611-3 5° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de sa situation personnelle ;
- il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la décision refusant de lui accorder un délai de départ volontaire méconnaît les articles L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision d'interdiction de retour sur le territoire français n'est pas motivée en méconnaissance des dispositions des articles L. 612-6 et L. 613-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
La requête a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis qui n'a pas produit d'observations en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Collet a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant malien, né le 2 janvier 1982, est entré sur le territoire français en 2012 selon ses déclarations. Par arrêté du 16 mars 2022, le préfet de la Seine-Saint-Denis l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans. Par jugement n° 2204303 du 26 septembre 2022, dont M. B... relève appel, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : (...) / 5° L'étranger qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans (...) ".
3. Il ressort des pièces du dossier que M. B... est le père d'un enfant de nationalité française, A... C... né le 15 février 2017. Le requérant est séparé de la mère de son enfant et a été placé en garde à vue en septembre 2020 et en mai 2021 dans le cadre d'une procédure de flagrance à la suite de faits de violences conjugales. Il indique que " les faits commis par l'appelant ne sont pas niés mais ils ne sont pas d'une particulière gravité au sens des dispositions légales " et précise que depuis la séparation, cette dernière le harcèle et le provoque ce qui est établi par l'ordonnance de placement de l'enfant et par l'employeur du requérant. Le jeune A... C... a fait l'objet d'un placement provisoire à l'aide sociale à l'enfance à compter de février 2022 par ordonnance du juge des enfants du tribunal judiciaire de Bobigny, reconduit en mai puis en juillet 2022, dans un contexte de violences conjugales, de fragilité et d'agitation de sa mère et de violences sur son fils. Un droit de visite en présence de tiers a été accordé à M. B... une fois par mois, la mère de l'enfant bénéficiant pour sa part d'un droit de visite et d'hébergement une fois par mois. Pour établir qu'il participe effectivement à l'entretien et à l'éducation de son fils mineur, le requérant produit la preuve qu'il a effectué quelques transferts d'argent à la mère de son enfant, un en 2020, trois en 2021 et cinq en 2022 et quelques photos non datées le montrant avec un enfant présenté comme son fils. Toutefois, ces documents, qui ne sont corroborés par aucun autre élément, ne sont pas suffisants pour établir la participation effective de M. B... à l'éducation et à l'entretien de son fils alors qu'il a, par ailleurs, proposé à l'audience devant le juge aux affaires familiales que son fils soit placé chez son oncle et non pas de le prendre en charge lui-même. Dans ces conditions, M. B... n'est pas fondé à soutenir que le préfet de la Seine-Saint-Denis a méconnu les dispositions de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en l'obligeant à quitter le territoire français.
4. En deuxième lieu, si M. B... établit, par les pièces qu'il produit, résider en France depuis l'année 2014, et y travailler en qualité de commis de cuisine sous couvert d'un contrat à durée indéterminée signé avec la société SARL Felicie le 1er février 2018 en qualité d'employé polyvalent, il ressort des pièces du dossier qu'il n'est pas titulaire d'un titre de séjour l'autorisant à travailler et qu'il exerce cette activité au mépris de deux précédentes mesures d'éloignement prononcées en août 2016 et septembre 2020 . Par ailleurs, il résulte de ce qui a été dit au point 3 du présent arrêt qu'il n'établit pas sa participation effective à l'éducation et à l'entretien de son fils. Dans ces conditions, il ne résulte pas de ce qui précède que le préfet de la Seine-Saint-Denis en prenant la décision attaquée portant obligation de quitter le territoire français aurait entaché d'erreur manifeste son appréciation des conséquences de cette mesure sur la situation personnelle du requérant.
5. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ". Il résulte de ces dernières stipulations que l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
6. M. B..., âgé de 40 ans à la date de la décision attaquée, se prévaut de la présence en France de son enfant et de l'ancienneté de son séjour en France, établie à compter de l'année 2014. Toutefois, il résulte de ce qui a été dit au point 3 que le requérant ne justifie pas entretenir de liens particuliers avec son fils mineur. Par ailleurs, le requérant, qui est célibataire, ne justifie d'aucune autre attache personnelle en France. Ainsi, il ne justifie pas de liens anciens, stables et intenses en France alors qu'il a vécu jusqu'à l'âge de trente et un ans dans son pays d'origine. Le seul fait qu'il réside en France depuis 2014 en situation irrégulière, et que son enfant vit en France n'est pas suffisant pour considérer que l'obligation qui lui est faite de quitter le territoire porterait une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. M. B... n'est, par suite, pas fondé à soutenir que la décision attaquée méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, dès lors qu'il n'établit pas entretenir de liens intenses avec son fils et participer effectivement à l'éducation et à l'entretien de ce dernier, l'obligation de quitter le territoire français attaquée ne méconnaît pas davantage les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
7. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : 1° Le comportement de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public ;2° L'étranger s'est vu refuser la délivrance ou le renouvellement de son titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de son autorisation provisoire de séjour au motif que sa demande était manifestement infondée ou frauduleuse ; 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet ".
8. Dès lors qu'il ressort des pièces du dossier que M. B... s'est soustrait à deux précédentes mesures d'éloignement prises par le préfet de police le 17 août 2016 et par le préfet de la Seine-Saint-Denis le 5 septembre 2020, sa situation permettait, en application du 5° de l'article L. 621-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que le préfet de la Seine-Saint-Denis prenne une obligation de quitter le territoire français sans délai à son encontre quel que soit le motif pour lequel il a décidé de se soustraire à la dernière mesure de police précitée.
9. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ". Aux termes de l'article L. 612-9 de ce code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 ainsi que pour la prolongation de l'interdiction de retour prévue à l'article L. 612-11 ". Aux termes de l'article L. 613-2 du code : " Les décisions relatives au refus et à la fin du délai de départ volontaire prévues aux articles L. 612-2 et L. 612-5 et les décisions d'interdiction de retour et de prolongation d'interdiction de retour prévues aux articles L. 612-6, L. 612-7, L. 612-8 et L. 612-11 sont distinctes de la décision portant obligation de quitter le territoire français. Elles sont motivées. ".
10. Il ressort des termes mêmes des dispositions de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que l'autorité compétente doit, pour décider de prononcer à l'encontre de l'étranger soumis à l'obligation de quitter le territoire français une interdiction de retour et en fixer la durée, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères qu'elles énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux. La décision d'interdiction de retour doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, de sorte que son destinataire puisse à sa seule lecture en connaître les motifs. Si cette motivation doit attester de la prise en compte par l'autorité compétente, au vu de la situation de l'intéressé, de l'ensemble des critères prévus par la loi, aucune règle n'impose que le principe et la durée de l'interdiction de retour fassent l'objet de motivations distinctes, ni que soit indiquée l'importance accordée à chaque critère.
11. Il incombe ainsi à l'autorité compétente qui prend une décision d'interdiction de retour d'indiquer dans quel cas susceptible de justifier une telle mesure se trouve l'étranger. Elle doit par ailleurs faire état des éléments de la situation de l'intéressé au vu desquels elle a arrêté, dans son principe et dans sa durée, sa décision, eu égard notamment à la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, à la nature et à l'ancienneté de ses liens avec la France et, le cas échéant, aux précédentes mesures d'éloignement dont il a fait l'objet. Elle doit aussi, si elle estime que figure au nombre des motifs qui justifie sa décision une menace pour l'ordre public, indiquer les raisons pour lesquelles la présence de l'intéressé sur le territoire français doit, selon elle, être regardée comme une telle menace. En revanche, si, après prise en compte de ce critère, elle ne retient pas cette circonstance au nombre des motifs de sa décision, elle n'est pas tenue, à peine d'irrégularité, de le préciser expressément.
12. La décision prononçant à l'encontre de M. B... une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans, atteste de la prise en compte par le préfet de l'ensemble des critères énoncés par l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile à savoir le fait qu'il soutient résider en France depuis 2012 sans l'établir, qu'il ne justifie pas de l'ancienneté de liens personnels et familiaux en France, qu'il s'est soustrait à de précédentes mesures d'éloignement et que sa présence en France constitue une menace à l'ordre public compte tenu des faits de violence conjugale pour lesquels il a été interpellé et figure au fichier automatisé des empreintes digitales. Ainsi, cette décision comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui la fondent. Le moyen tiré de l'insuffisance de la motivation de cette décision doit, par suite, être écarté.
13. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'annulation et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis.
Délibéré après l'audience du 11 décembre 2023, à laquelle siégeaient :
- Mme Menasseyre, présidente,
- M. Ho Si Fat, président assesseur,
- Mme Collet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 29 décembre 2023.
La rapporteure,
A. COLLET
La présidente,
A. MENASSEYRE
La greffière,
N. COUTY
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22PA04416