Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... D... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 22 juillet 2019 par laquelle la ministre des armées a rejeté son recours formé devant la commission des recours des militaires dirigé contre la décision de la ministre des armées du 12 décembre 2018 portant inscription au tableau d'avancement pour l'année 2019 (armée d'active).
Par jugement n° 1915634/5-3 du 1er juin 2022, le tribunal administratif de Paris a annulé la décision de la ministre des armées du 22 juillet 2019 et la décision du 12 décembre 2018 portant inscription au tableau d'avancement pour l'année 2019 (armée d'active), a enjoint au ministre des armées de procéder au réexamen dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement de la demande de M. D... tendant à son inscription au tableau d'avancement pour l'année 2019 (armée d'active) dans les conditions qu'il a définies et a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 9 août 2022, le ministre des armées demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1915634 du 1er juin 2022 du tribunal administratif de Paris ;
2°) de rejeter les conclusions de première instance de M. D....
Il soutient que les décisions de la ministre des armées du 22 juillet 2019 et du 12 décembre 2018 portant inscription au tableau d'avancement pour l'année 2019 (armée d'active) ne sont pas entachées d'erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense et en appel incident enregistré le 20 octobre 2022, M. D... conclut :
1°) au rejet de la requête du ministre des armées ;
2°) à la confirmation du jugement n° 1915634/5-3 du 1er juin 2022 du tribunal administratif de Paris ;
3°) à ce qu'il soit enjoint au ministre des armées de l'inscrire au grade de médecin en chef au titre du tableau d'avancement pour l'année 2019 et de le rétablir dans l'ensemble de ses fonctions, droits, prérogatives et autres intérêts dont il aurait été privé par les effets de la décision annulée, et, notamment, de reconstituer sa carrière en lui attribuant l'ancienneté et l'indice de solde correspondant, outre les arriérés de solde qui pourraient en découler, sans délai et sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 8 000 euros en application de l'article L. 761 1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la requête d'appel du ministre des armées est tardive ;
- la décision du 12 décembre 2018 est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses aptitudes et compétences ;
- elle méconnaît le principe d'égalité entre militaires ;
- elle est constitutive d'une discrimination.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la défense ;
- le décret n° 2008-933 du 12 septembre 2008 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Collet,
- les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique,
- les observations de M. D....
Considérant ce qui suit :
1. M. C... D..., médecin des armées, a été nommé interne des hôpitaux des armées à compter du 1er janvier 2006 dans la spécialité anesthésie-réanimation, promu au grade de médecin à compter du 1er janvier 2012 puis au grade de médecin principal le 1er février 2015. Il a été affecté à l'hôpital d'instruction des armées de Percy le 1er septembre 2012. Par décision du 13 décembre 2018 publiée au journal officiel de la République française, la ministre des armées a inscrit au tableau d'avancement pour l'année 2019 pour l'armée d'active des médecins principaux au grade de médecin en chef, tableau sur lequel le nom de M. D... ne figure pas. Ce dernier a formé un recours administratif préalable obligatoire contre cette décision devant la commission des recours des militaires et un rejet lui a été opposé le 22 juillet 2019. Par jugement n° 1915634 du 1er juin 2022, dont le ministre des armées relève appel, le tribunal administratif de Paris a annulé la décision de la ministre des armées du 22 juillet 2019 et la décision du 12 décembre 2018 portant inscription au tableau d'avancement pour l'année 2019 (armée d'active), a enjoint au ministre des armées de procéder au réexamen dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement de la demande de M. D... tendant à son inscription au tableau d'avancement pour l'année 2019 (armée d'active) dans les conditions qu'il a définies et a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Sur la fin de non-recevoir opposée en défense :
2. Le délai prévu par l'article R. 811-2 du code de justice administrative, aux termes duquel : " Sauf disposition contraire, le délai d'appel est de deux mois. Il court contre toute partie à l'instance à compter du jour où la notification a été faite à cette partie dans les conditions prévues aux articles R. 751-3 à R. 751-4-1. (...) ", est un délai franc.
3. Il ressort des pièces du dossier que le jugement contesté a été notifié au ministre des armées, ainsi que cela est établi par l'accusé de réception joint au dossier de première instance, le 8 juin 2022 et il en a pris connaissance le jour-même. Par suite, sa requête d'appel, qui a été enregistrée au greffe de la cour le 9 août 2022 à 15 heures 37, soit avant l'expiration, le 9 août 2022 à 24 heures, du délai franc de deux mois dont il disposait, n'est, contrairement à ce que fait valoir M. D..., pas tardive.
Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal :
4. Aux termes de l'article L. 4135-1 du code de la défense : " Les militaires sont notés au moins une fois par an. / La notation est traduite par des notes et des appréciations qui sont obligatoirement communiquées chaque année aux militaires. / A l'occasion de la notation, le chef fait connaître à chacun de ses subordonnés directs son appréciation sur sa manière de servir. " Aux termes de l'article R. 4135-1 du même code : " La notation est une évaluation par l'autorité hiérarchique des qualités morales, intellectuelles et professionnelles du militaire, de son aptitude physique, de sa manière de servir pendant une période déterminée et de son aptitude à tenir dans l'immédiat et ultérieurement des emplois de niveau plus élevé. " Aux termes du second alinéa de l'article L. 4136-1 de ce code : " L'avancement de grade a lieu soit au choix, soit au choix et à l'ancienneté, soit à l'ancienneté. (...) les promotions ont lieu de façon continue de grade à grade et nul ne peut être promu à un grade s'il ne compte dans le grade inférieur un minimum de durée de service, fixé par voie réglementaire. ". Aux termes de l'article L. 4136-3 du même code : " Nul ne peut être promu au choix à un grade autre que ceux d'officiers généraux s'il n'est inscrit sur un tableau d'avancement établi, au moins une fois par an, par corps. / Une commission dont les membres, d'un grade supérieur à celui des intéressés, sont désignés par le ministre de la défense, présente à ce dernier tous les éléments d'appréciation nécessaires, notamment l'ordre de préférence et les notations données aux candidats par leurs supérieurs hiérarchiques. (...) ". Aux termes du I de l'article L. 4136-4 du même code : " Les statuts particuliers fixent : / 1° Les conditions requises pour être promu au grade supérieur ; / (...) / 3° Les conditions d'application de l'avancement au choix. ". Aux termes de l'article 33 du décret du 12 septembre 2008 portant statut particulier des praticiens des armées : " Pour être promu au grade ou à la classe supérieurs, les médecins, pharmaciens, vétérinaires et chirurgiens-dentistes des armées doivent compter un minimum de : / 1° Un an dans le dernier échelon des grades de médecin, pharmacien, vétérinaire ou chirurgien-dentiste ; / 2° Quatre ans et six mois dans les grades de médecin, pharmacien, vétérinaire ou chirurgien-dentiste principal (...). ". Aux termes de l'article 35 du même décret : " Les promotions aux grades de médecin, pharmacien, vétérinaire ou chirurgien-dentiste en chef ont lieu au choix, sans que le nombre annuel d'inscriptions au tableau d'avancement puisse être inférieur à 20 % de la totalité de l'effectif des praticiens réunissant les conditions pour être promu au grade supérieur. ". Aux termes de l'article 37 de ce décret : " La commission présente au ministre de la défense ses propositions d'inscription aux tableaux d'avancement. / Les tableaux d'avancement, établis par ordre de mérite, sont arrêtés par le ministre de la défense et publiés au Journal officiel de la République française ". Il résulte de ces dispositions que tant la promotion au grade de médecin chef que leur inscription préalable au tableau élaboré à cette fin ne constituent pas un droit et relèvent d'une appréciation des mérites et de la qualité des services des militaires remplissant les conditions exigées pour l'inscription à ce tableau.
5. Les médecins principaux qui remplissent les conditions statutaires pour être promus au grade supérieur de médecin en chef font l'objet d'un classement annuel sur la base des travaux d'évaluation conduits par les notateurs et les fusionneurs, d'une mention d'appui et d'un indice relatif interarmées (IRIS). Le classement est fondé sur la valeur comparée des médecins principaux en fonction de leurs aptitudes et de leur potentiel d'évolution vers des emplois et des responsabilités supérieures. La mention d'appui proposée par l'autorité locale indique la priorité particulière portée à l'inscription au tableau d'avancement du médecin principal noté et n'est pas communiquée aux médecins principaux. L'IRIS est une cotation chiffrée qui sert à calculer le potentiel d'un agent, sanctionnant la qualité des services rendus tout au long de l'année.
6. Le juge de l'excès de pouvoir, saisi d'un recours tendant à l'annulation d'un arrêté portant inscription au tableau d'avancement et nomination dans un grade supérieur, ne peut se borner, dans le cadre de son contrôle restreint, à apprécier la valeur professionnelle d'un candidat écarté et doit analyser les mérites comparés de cet agent et de ceux des autres agents candidats à ce même grade.
7. Il ressort des pièces du dossier et notamment des bulletins de notation des intéressés que bien que les notations de M. D... soient particulièrement élogieuses comme celles de M. B... et de Mme A..., qui ont été inscrits au tableau d'avancement, elles ne comportent pas d'appréciation favorable pour occuper des emplois supérieurs sans délai alors que les bulletins de notation 2017 et 2018 de M. B... et de 2018 de Mme A... mentionnent, au contraire, cette aptitude sans délai. Par ailleurs, s'agissant des états de classement préférentiel, M. B... a obtenu un IRIS évalué à 4 depuis 2014 et la mention " à inscrire en priorité " en 2018 et Mme A... un IRIS évalué à 4 de 2014 à 2016, puis de 5 en 2017 et en 2018 ainsi que la mention " à inscrire en priorité " alors que M. D... a obtenu un IRIS de 3 pour les années 2014 2015 puis de 4 en 2017 et 2018 et seulement la mention " mérite d'être inscrit ". Par suite, le ministre des armées est fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges, qui ne disposaient d'aucune pièce suite à la mesure d'instruction pourtant adressée au ministre des armées, ont annulé les décisions du 22 juillet 2019 rejetant le recours formé par M. D... devant la commission des recours des militaires et du 12 décembre 2018 portant inscription au tableau d'avancement pour l'année 2019 (armée d'active) pour erreur manifeste d'appréciation.
8. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. D... devant le tribunal administratif de Paris.
Sur les autres moyens invoqués par M. D... en première instance :
9. En premier lieu, il est constant que Mme A... remplissait les conditions statutaires pour être inscrite sur le tableau d'avancement contesté. Les circonstances qu'elle a été recrutée en tant que médecin sous contrat sans avoir passé de concours et suivi de formation militaire préalable, qu'elle a été inscrite au tableau d'avancement pour le grade de médecin principal de carrière en octobre 2014 alors qu'elle était encore médecin sous contrat ne permettent pas d'établir, contrairement à ce que soutient M. D..., que ce dernier aurait été victime d'une rupture du principe d'égalité entre militaires susceptible d'entacher la légalité du tableau d'avancement contesté établi au titre de l'année 2019 et le rejet du recours gracieux formé contre cette décision.
10. En second lieu, si M. D... soutient qu'il a fait l'objet d'une discrimination, il ressort des éléments des mérites comparés rappelés au point 7 du présent arrêt que ceux de M. B..., médecin généraliste et Mme A..., épidémiologiste, apparaissaient supérieurs aux siens au regard de la combinaison de la notation, de l'aptitude à occuper les emplois supérieurs sans délai, de la mention d'appui et de l'IRIS. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que des éléments autres que ceux qui devaient été pris en compte pour départager les médecins principaux qui remplissaient les conditions statutaires auraient conduit à ne pas inscrire l'intéressé sur le tableau d'avancement contesté. Aucune pièce ne vient étayer les allégations de M. D... selon lesquelles la prise en compte d'une condamnation pénale inexistante serait à l'origine de son absence d'inscription au tableau d'avancement ou d'une dévalorisation systématique des fonctions qu'il a exercées alors que depuis son affectation à l'hôpital d'instruction des armées de Percy le 1er septembre 2012, il a participé à cinq opérations extérieures. Pour les mêmes motifs, il ne ressort pas des pièces du dossier que les décisions attaquées sont entachées d'un détournement de pouvoir et de procédure.
11. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre des armées est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a annulé la décision de la ministre des armées du 22 juillet 2019 et la décision du 12 décembre 2018 portant inscription au tableau d'avancement pour l'année 2019 (armée d'active), a pris une mesure d'injonction à son encontre et a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Dès lors, il y a lieu d'annuler ce jugement et de rejeter la demande présentée par M. D... devant le tribunal administratif de Paris, de même que les conclusions qu'il a présentées en appel au titre de l'injonction et sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, l'Etat n'ayant pas dans la présente instance la qualité de partie perdante.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1915634 du 1er juin 2022 du tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. D... devant le tribunal administratif de Paris et ses conclusions d'appel présentées devant la cour sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... D... et au ministre des armées.
Délibéré après l'audience du 11 décembre 2023, à laquelle siégeaient :
- Mme Menasseyre, présidente,
- M. Ho Si Fat, président assesseur,
- Mme Collet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 29 décembre 2023.
La rapporteure,
A. COLLET
La présidente,
A. MENASSEYRE
La greffière,
N. COUTY
La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22PA03746