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29/12/2023 | FRANCE | N°22NC02586

France | France, Cour administrative d'appel, 4ème chambre, 29 décembre 2023, 22NC02586


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 30 mai 2022 par lequel la préfète de l'Aube a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite à défaut d'exécution volontaire.



Par un jugement n° 2201444 du 20 septembre 2022, le tribunal administratif de Châlons-e

n-Champagne a rejeté sa demande.





Procédure devant la cour :



Par une requête enregistr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 30 mai 2022 par lequel la préfète de l'Aube a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite à défaut d'exécution volontaire.

Par un jugement n° 2201444 du 20 septembre 2022, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 20 octobre 2022, Mme B..., représentée par Me Mainnevret, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté de la préfète de l'Aube en date du 30 mai 2022 ;

3°) d'enjoindre à la préfète de l'Aube de lui délivrer un titre de séjour, ou subsidiairement de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros, à verser à son conseil, au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- le refus de titre de séjour méconnaît les dispositions de l'article 47 du code civil ainsi que celles des articles L. 423-22 et R. 431-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors que les documents qu'elle a produits aux services préfectoraux sont suffisants pour justifier de son identité, n'étant entachés que de simples erreurs matérielles, et qu'il n'a pas été procédé à leur vérification auprès des autorités ivoiriennes ;

- l'obligation de quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité du refus de titre de séjour ;

- la mesure d'éloignement méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense enregistré le 7 décembre 2022, la préfète de l'Aube conclut au rejet de la requête.

Elle soutient qu'aucun des moyens invoqués n'est fondé.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle, à hauteur de 55 %, par une décision du 27 janvier 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- l'accord de coopération en matière de justice du 24 avril 1961 entre la République de Côte d'Ivoire et la République française, publié par le décret n° 62-136 du 23 janvier 1962 ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Samson-Dye a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., ressortissante ivoirienne qui soutient être née le 20 décembre 2003, est entrée sur le territoire français en octobre 2018. Elle a été confiée à l'aide sociale à l'enfance le 22 octobre 2018. Elle a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 30 mai 2022, la préfète de l'Aube a refusé de faire droit à sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de 30 jours et a fixé le pays de destination. Mme B... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

2. En premier lieu, aux termes des dispositions de l'article L. 431-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Les conditions dans lesquelles les demandes de titres de séjour sont déposées auprès de l'autorité administrative compétente sont fixées par voie réglementaire. " Pour l'application de ces dispositions, l'article R. 431-10 du même code prévoit que : " L'étranger qui demande la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour présente à l'appui de sa demande : / 1° Les documents justifiants de son état civil ; / 2° Les documents justifiants de sa nationalité ; / 3° Les documents justifiants de l'état civil et de la nationalité de son conjoint, de ses enfants et de ses parents lorsqu'il sollicite la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour pour motif familial. / La délivrance du premier récépissé et l'intervention de la décision relative au titre de séjour sollicité sont subordonnées à la production de ces documents. (...) ".

3. Aux termes des dispositions de l'article L. 811-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. " L'article 47 du code civil dispose que : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. "

4. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que, en cas de doute sur l'authenticité ou l'exactitude d'un acte de l'état civil étranger et pour écarter la présomption d'authenticité dont bénéficie un tel acte, l'autorité administrative procède aux vérifications utiles ou y fait procéder auprès de l'autorité étrangère compétente. L'article 47 du code civil précité pose une présomption de validité des actes d'état civil établis par une autorité étrangère dans les formes usitées dans ce pays. Il incombe donc à l'administration de renverser cette présomption en apportant la preuve du caractère irrégulier, falsifié ou non conforme à la réalité des actes en question. En revanche, l'administration française n'est pas tenue de solliciter nécessairement et systématiquement les autorités d'un autre Etat afin d'établir qu'un acte d'état civil présenté comme émanant de cet Etat est dépourvu d'authenticité, en particulier lorsque l'acte est, compte tenu de sa forme et des informations dont dispose l'administration française sur la forme habituelle du document en question, manifestement falsifié. En cas de contestation de la valeur probante d'un acte d'état civil légalisé établi à l'étranger, il revient au juge administratif de former sa conviction en se fondant sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige qui lui est soumis.

5. Il ressort des pièces du dossier que, pour justifier de son identité et de son âge, Mme B... a produit aux services préfectoraux un duplicata de certificat de nationalité ivoirienne, un extrait du registre des actes de l'état civil n° 606 du 11 janvier 2021 et une copie intégrale du registre des actes de l'état civil n° 606 du 12 janvier 2021. La préfète de l'Aube, pour conclure au caractère inauthentique de ces documents, s'est appropriée les conclusions d'un rapport du 7 décembre 2021 par lequel la cellule fraude documentaire de la direction zonale de la police aux frontières Est estime que le duplicata de certificat de nationalité ivoirienne de l'intéressée comprend des mentions qui, en ce qui concerne la date de naissance de son père et le lieu de naissance de sa mère, sont contradictoires avec les informations renseignées dans la copie intégrale du registre des actes de l'état civil, que cette dernière copie comprend des irrégularités typographiques et, enfin, qu'un extrait du registre des actes de l'état civil, daté du 2 août 2021, et dont la requérante ne se prévaut pas devant la cour, révèle une trace de falsification au niveau de la date d'établissement de ce document.

6. Il ressort des pièces du dossier que la forme irrégulière du cachet humide et l'irrégularité de la police de caractère utilisés sur ce tampon, figurant sur la copie intégrale du registre des actes de l'état civil n° 606 du 12 janvier 2021, constituent une preuve du caractère frauduleux de cet acte. C'est donc à juste titre que la préfète de l'Aube a estimé que ce document ne permettait pas de justifier de l'identité de l'intéressée, sans qu'il puisse lui être reproché de ne pas avoir saisi les autorités ivoiriennes compte tenu de ce qui a été précisé au point 4. Si la requérante produit par ailleurs, au contentieux, un extrait du registre des actes d'état civil du 11 janvier 2021, ce document présente une inclinaison et des tampons illisibles s'agissant de la désignation de la sous-préfecture, qui remettent également en cause son authenticité.

7. Par ailleurs, s'agissant de la carte d'identité consulaire et du certificat de nationalité malienne, ces documents ne constituent pas des actes d'état civil et ne sont donc pas de nature à justifier de l'identité d'un étranger dès lors qu'ils ont été établis sur le fondement d'actes d'état civil non probants. Il n'est, à cet égard, pas démontré que ces documents, tout comme le passeport de l'intéressée, auraient été rédigés sur la foi d'actes d'état civil distincts de ceux précédemment mentionnés et exempts de vices mettant en cause leur authenticité.

8. Dans ces conditions, la requérante n'est pas fondée à soutenir que l'administration aurait méconnu les dispositions précédemment citées de l'article R. 431-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en estimant qu'elle ne justifiait pas de son identité et de son âge.

9. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 423-22 du même code : " Dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire ou s'il entre dans les prévisions de l'article L. 421-35, l'étranger qui a été confié au service de l'aide sociale à l'enfance ou à un tiers digne de confiance au plus tard le jour de ses seize ans se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Cette carte est délivrée sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de la formation qui lui a été prescrite, de la nature des liens de l'étranger avec sa famille restée dans son pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil ou du tiers digne de confiance sur son insertion dans la société française ".

10. Mme B... n'est pas fondée à soutenir que le refus de titre de séjour méconnaît ces dispositions, dès lors que leur bénéfice est conditionné, notamment, par l'âge du demandeur, et qu'elle n'a pas valablement justifié de son état civil, ainsi qu'il a été dit précédemment.

11. En troisième lieu, aucun des moyens invoqués à l'encontre du refus de titre de séjour n'étant fondé, le moyen tiré de l'exception d'illégalité de cette décision ne peut qu'être écarté.

12. En quatrième lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. I1 ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

13. Il est constant que Mme B..., qui est entrée en France à la date déclarée du 1er octobre 2018, est célibataire et sans enfant. Elle ne justifie pas avoir noué sur le territoire français des liens d'une intensité particulière. De plus, elle n'établit pas, ni même n'allègue, être dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine. Dans ces conditions, et en dépit du contrat d'apprentissage au titre duquel elle exerce les fonctions d'apprentie cuisinière et de l'attestation élogieuse rédigée par son employeur, la décision par laquelle la préfète de l'Aube l'a obligée à quitter le territoire français n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels cette mesure a été prise. Mme B... n'est donc pas fondée à soutenir que cette décision méconnaît les stipulations citées au point précédent.

14. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du 30 mai 2022 de la préfète de l'Aube, ni à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté sa demande. Sa requête ne peut, dès lors, qu'être rejetée, dans toutes ses conclusions.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B..., à Me Mainnevret et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée à la préfète de l'Aube.

Délibéré après l'audience du 19 décembre 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Ghisu-Deparis, présidente,

- Mme Samson-Dye, présidente assesseure,

- Mme Roussaux, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 décembre 2023

La rapporteure,

Signé : A. Samson-DyeLa présidente,

Signé : V. Ghisu-Deparis

La greffière,

Signé : M. C...

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

M. C...

2

N° 22NC02586


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NC02586
Date de la décision : 29/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme GHISU-DEPARIS
Rapporteur ?: Mme Aline SAMSON-DYE
Rapporteur public ?: M. MICHEL
Avocat(s) : MAINNEVRET - MALBLANC

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-29;22nc02586 ?
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